Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] Cet appel a pour but de déterminer si dans certaines circonstances un appelant a le droit de recevoir des prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada après avoir commencé à toucher des prestations de pension du Régime de pensions du Canada.

[2] Le 21 septembre 2015, la division générale a rejeté de façon sommaire l'appel que l'appelante interjeté à l'encontre d'une demande de pension d'invalidité, pour deux motifs : (1) l'appelante ne pouvait recevoir en même temps des prestations de retraite du Régime de pensions du Canada et des prestations d'invalidité, du RPC; (2) selon les faits présentés, l'appelante ne pouvait remplacer sa pension de retraite par une pension d'invalidité. Le 22 décembre 2015, l'appelante a interjeté appel, auprès de la division d'appel, de la décision de la division générale. Le Tribunal de la sécurité sociale a écrit à l’appelante et lui a demandé de présenter des moyens d'appel. L'appelante a demandé à la division d'appel de tenir compte de circonstances personnelles exceptionnelles.

[3] Aucune permission d’en appeler n’est requise dans le cas des appels interjetés au titre du paragraphe 53(3) de la Loi sur le ministère de lEmploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), car un rejet sommaire de la part de la division générale peut faire l’objet d’un appel de plein droit. Comme j'ai établi qu’il n’est pas nécessaire d’entendre davantage les parties, une décision doit être rendue, conformément à l’alinéa 37a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale.

Contexte factuel

[4] Les faits essentiels aux fins de cet appel sont présentés ci-dessous.  L'appelante a commencé à recevoir des prestations de retraite en avril 2011. Le 13 juin 2013, plus de deux ans après avoir commencé à toucher une pension de retraite du Régime de pensions du Canada, l'appelante a présenté une demande de pension d'invalidité du Régime de pensions du Canada.

Décision de la division générale

[5] La division générale a rejeté de façon sommaire l'appel de l'appelante.  La division générale a fait remarquer que, selon l’alinéa 44(1)b) du Régime de pensions du Canada, une personne ne peut recevoir à la fois des prestations de retraite du Régime de pensions du Canada et des prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada. La division générale a fait remarquer que, selon le paragraphe 66.1(1.1) du Régime de pensions du Canada, une personne qui est réputée être devenue invalide avant le mois au cours duquel elle a commencé à toucher sa prestation de retraite peut demander la cessation de la prestation de pension et le remplacement de cette prestation par une prestation d'invalidité.

[6] La division générale a également souligné que, aux termes de l'alinéa 42(2)b) du Régime de pensions du Canada, une personne ne peut être réputée être devenue invalide en aucun cas une personne n’est réputée être devenue invalide à une date antérieure de plus de quinze mois à la date de réception d’une demande de pension d'invalidité du Régime de pensions du Canada.

[7] La division générale a estimé que selon ces dispositions, la Loi n’autorise pas le remplacement d’une pension de retraite par une pension d’invalidité lorsque la demande de pension d’invalidité est présentée 15 mois ou plus après le début du paiement de la pension de retraite. Comme l'appelante a présenté sa demande de pension d'invalidité le 13 juin 2013, la division générale a déterminé, en se fondant sur les faits qui lui ont été présentés, que l'appelante pouvait être considérée comme invalide, au plus tôt, en mars 2012. Cette date présumée du début de l'invalidité s’inscrit après la date du début du versement de la pension de retraite du RPC en avril 2011. La division générale a donc déterminé, étant donné les dispositions du Régime de pensions du Canada, que l'appelante ne pouvait demander de remplacer sa pension de retraite par une pension d'invalidité du Régime de pensions du Canada.

Questions en litige

[8] Cette appel soulève deux questions fondamentales :

  1. La division générale a-t-elle omis de tenir compte des fondements sur lesquels l'appelante aurait pu s'appuyer pour avoir droit à une pension d'invalidité ?
  2. Le rejet sommaire était-il approprié ?

Observations

[9] Dans son avis d'appel, l'appelante ne remet pas en cause la justesse du rejet sommaire de la part de la division générale et ne prétend pas que la division générale pourrait avoir violé un principe de justice naturel, qu'elle a commis une erreur de droit, ou qu'elle a fondé sa décision sur une conclusion de faits erronée tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. L'appelante reconnaît qu'elle n'a pas le droit de recevoir à la fois une pension d'invalidité et une pension de retraite, du Régime de pensions du Canada.

[10] Cependant, elle soutient qu'elle devrait pouvoir demander de remplacer sa pension de retraite par une pension d'invalidité parce qu'elle était distraite et préoccupée par d'autres questions qui l'ont empêchée de présenter sa demande en temps opportun. Elle fait valoir qu'elle s'est fait harceler par des créanciers, a fait l'objet d'un litige, a subi la perte de son entreprise et a lutté contre l'éviction de la part de son propriétaire. Elle soutient que son propriétaire a fait preuve de discrimination à son endroit au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP). Dans une situation financière difficile, elle a conclu un partenariat en 2012.Ce partenariat a échoué et s'est transformé en litige.

[11] L'appelante a joint la page de signature du questionnaire qui accompagnait sa demande de pension d’invalidité (AD1-10). Elle a signalé que l'anxiété, le stress et les voix qu'elle entendait en raison d'une schizophrénie (qui fut diagnostiquée à 12 ans environ) se sont accentués de façon significative. Elle a aussi mentionné que son médecin de famille lui recommandait maintenant des médicaments contre la dépression, le stress, l'anxiété et la schizophrénie. Dans une lettre du 3 septembre 2015, le médecin de famille de l'appelante a confirmé que le comportement et l'histoire de l'appelante sont typiques d'une personne souffrant d'un trouble schizoaffectif et de dépression ou schizophrénie.  Le médecin de famille était d’avis que l'appelante était invalide de façon chronique depuis au moins quatre ans et que le pronostic était sombre.

[12] L'intimé soutient que l’appel devrait être rejeté pour les raisons suivantes :

  1. l'appel ne soulève aucun moyen d'appel prévu au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS;
  2. bien que l'appelant affirme qu'il y a eu violation de la LCDP, la division d'appel n’a pas compétence aux termes de la LCDP;
  3. la division générale n’a pas commis d’erreur dans son application du droit aux faits;
  4. L’appel devant la division générale n’avait aucune chance raisonnable de succès puisque la demande de remplacement de sa pension de retraite pour une pension d'invalidité a été présentée plus de 15 mois après le début du paiement de la pension de retraite du Régime de pensions du Canada;
  5. la décision de la division générale est raisonnable et le Tribunal doit faire preuve de déférence à son égard.

[13] De plus, selon l'intimé, puisque la période minimale d'admissibilité de l'appelante s'est terminée en décembre 1997, l'appelante aurait dû démontrer son invalidité, aux termes du Régime de pensions du Canada, au plus tard le 31 décembre 1997. L'intimé est d'avis que l'appelante ne pouvait être considérée comme invalide à la fin de sa période minimale d'admissibilité puisqu'elle a continué à travailler pendant une bonne partie de l'année 2013, même après avoir commencé à toucher une pension de retraite.

Question 1 : La divison générale a-t-elle omis de tenir compte des fondements sur lesquels l'appelante aurait pu s'appuyer pour avoir droit à une pension d'invalidité ?

[14] L'appelante prétend que la division générale aurait dû tenir compte de sa situation personnelle pour expliquer sa demande tardive. Cette prétention suppose que la division générale pourrait tenir compte de plusieurs éléments pour déterminer si l'appelante peut remplacer une pension de retraite par une pension d'invalidité.

[15] Le Régime de pensions du Canada prévoit très peu de cas dans lesquels une pension de retraite peut être remplacée par une pension d'invalidité:

  1. aux termes de l'article 66.1 du Régime de pensions du Canada, qui exige qu'un appelant présente sa demande de cessation dans les 6 mois du début du paiement de la pension de retraite. Puisque l’appelante n’avait pas cherché à annuler sa pension de retraite du Régime de pensions du Canada dans les six mois suivant le début des paiements, elle ne pouvait  se prévaloir de cette disposition;
  2. l'article 66.1(1.1) du Régime de pensions du Canada, qui exige qu'un appelant soit présumé être devenu invalide au plus tard au cours du mois où il a commencé à toucher la prestation de retraite.  Le Régime de pensions du Canada définit la date la plus éloignée à laquelle un appelant peut être réputé être devenu invalide. Aux termes de l'alinéa 42(2)b) du Régime de pensions du Canada, en aucun cas une personne n’est réputée être devenue invalide à une date antérieure de plus de 15 mois à la date de réception de sa demande de pension d'invalidité du Régime de pensions du Canada. Comme l'a fait remarquer la division générale, puisque l'appelante a présenté sa demande de pension d'invalidité le 13 juin 2013, la date la plus éloignée à laquelle elle pourrait être considérée comme invalide était mars 2012, ce qui est bien après qu'elle ait commencé à toucher la pension de retraite, en avril 2011.

[16] La division générale a tenu compte de ces dispositions législatives et a conclu qu'elles ne s'appliquaient pas en l'espèce.

[17] Selon la décision de la division générale, il n’existe aucun autre moyen pour un appelant de remplacer sa pension de retraite du RPC par une pension d’invalidité du RPC. Un appelant pourrait se fonder sur les paragraphes 60(8) à 60(11) de la Loi.  Selon ces dispositions, si un demandeur n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande le jour où celle-ci a été faite, cette demande peut être réputée avoir été faite le mois qui précède celui au cours duquel la prestation aurait pu commencer à être payable ou, s’il est postérieur, le mois au cours duquel, selon le ministre, la dernière période pertinente d’incapacité du demandeur a commencé. Autrement dit, si l'appelante peut démontrer qu'elle était incapable, sa demande pourrait être réputée avoir été faite plus tôt qu'elle ne l'a été, aux termes du paragraphe 60(8) du Régime de pensions du Canada. La division générale n'a pas abordé la question de savoir si l'appelante aurait pu être incapable.

[18] Pour que l'appelante soit considérée comme incapable de façon continue, elle devra démontrer qu'elle était incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestations. Cette démonstration va bien au-delà de la preuve de son invalidité grave. S'il y avait eu la moindre allégation de l'appelante ainsi que des éléments de preuve à l’appui laissant entrevoir la possibilité qu'elle ait pu être incapable de façon continue, le fait que la division générale n’eut pas mené d’analyse ni tiré de conclusion concernant cette question aurait pu constituer une erreur de droit susceptible de contrôle.

[19] Alors que la preuve médicale démontre que l'appelante a présenté une invalidité chronique pendant plusieurs années, la preuve selon laquelle elle était incapable de façon continue de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestations est insuffisante. Je ne suis donc pas convaincue que la division générale que la division générale a commis une erreur en ne tenant pas compte des dispositions relatives à l’incapacité.

[20] L'appelante a soulevé plusieurs autres aspects, y compris le fait qu'elle était victime de harcèlement et de discrimination au sens de la LCDP. Cependant, le Régime de pensions du Canada ne prévoit aucune disposition en vertu de laquelle un prestataire peut demander le remplacement d'une pension de retraite par une pension d'invalidité, et comme le souligne l'intimé, la division d'appel n'a pas la compétence aux termes du paragraphe 62(1) de la LCDP. Ce paragraphe se lit comme suit :

62 (1) La présente partie et les parties I et II ne s’appliquent, ni directement ni indirectement, aux régimes ou caisses de retraite constitués par une loi fédérale antérieure au 1er mars 1978.

[21] Je ne suis pas convaincue que la division générale ait commis une erreur en ne tenant pas compte de ces aspects auxquels elle était confrontée, ou qu'il s'agisse de circonstances pertinentes au regard du Régime de pensions du Canada.

Question 2 : Le rejet sommaire était-il approprié ?

[22] L'appelante n'a pas contesté la pertinence du rejet sommaire de son appel devant la division générale. Un rejet sommaire est approprié lorsqu’il n’y a aucune question donnant matière à procès ou lorsqu’il n’y a aucun fondement à la demande ou, encore, comme le prévoit la Loi sur le MEDS, lorsqu'il n'y a « aucune chance raisonnable de succès ».En revanche, si l’appel repose sur une trame factuelle suffisamment étoffée, et que l’issue n'est pas « manifeste », il n’y a pas lieu de procéder à un rejet sommaire. Il ne conviendrait pas non plus de rejeter de façon sommaire un appel dont le fondement est « faible », lequel exige d’évaluer le fond de l’affaire, et d’examiner la preuve et lui attribuer une valeur.

[23] La division générale a conclu que le Régime de pensions du Canada prévoyait très peu de circonstances dans lesquelles un appelant peut remplacer sa pension de retraite du RPC par une pension d’invalidité du RPC. Elle a conclu que, compte tenu des faits en l’espèce, l’appelante n’était pas visée par l’exception à la règle générale selon laquelle un requérant qui touche une pension de retraite du Régime de pensions du Canada ne peut pas demander et recevoir une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. La division générale a également conclu qu’elle n’était pas habilitée à exercer un quelconque pouvoir discrétionnaire et d’invoquer un principe d’équité à l’égard des appels dont elle est saisie, et qu’elle se devait d’interpréter et d’appliquer les dispositions du Régime de pensions du Canada.La division générale a déterminé que ces dispositions étaient claires et que la preuve était sans équivoque. La division générale a déterminé, compte tenu du droit et des faits, que l’appel de l’appelante n’avait aucune chance de réussite.

[24] Puisqu’elle était convaincue que l’appel n’était pas fondé, la division générale a conclu à juste titre qu’il n’avait aucune chance raisonnable de succès et, pour cette raison, l’a dûment rejeté de façon sommaire.

Conclusion

[25] Compte tenu des considérations susmentionnées, l’appel est rejeté.

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