Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

[1] La division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) accorde la demande de permission d’en appeler.

Introduction

[2] La demanderesse a présenté une demande de prestations d'invalidité aux termes de l'alinéa 42(2)a) du Régime de pensions du Canada (RPC). Le défendeur a refusé la demande. Il a maintenu le refus après révision. La demanderesse a interjeté appel de cette décision découlant de la révision devant la division générale du Tribunal. Le 29 septembre 2015, la division générale a rendu une décision dans laquelle elle a conclu que la demanderesse était inadmissible à une pension d'invalidité aux termes du RPC. La demanderesse demande la permission d’appeler de la décision (demande).

Motifs de la demande

[3] Initialement, la demanderesse a soutenu que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance (AD1). Dans une seconde observation, elle a affirmé que la division générale n'avait pas observé un principe de justice naturelle. (AD1A)

Question en litige

[4] La division d’appel doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[5] Les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) régissent l’obtention de la demande de permission d'appeler. Aux termes du paragraphe 56(1) de la Loi sur le MEDS, la permission d’en appeler d’une décision de la division générale du Tribunal constitue une étape préliminaire d’un appel devant la division d’appel. Selon le paragraphe 56(1) : « Il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission ». Le paragraphe 58(3) prévoit que la division d’appel doit accorder ou refuser cette permission.

[6] Pour obtenir la permission d’en appeler, le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS exige d’un demandeur qu’il convainque la division d’appel que son appel aurait une chance raisonnable de succès; autrement, la division d’appel doit refuser la demande de permission d’en appeler. Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

[7] Un demandeur convainc la division d’appel que son appel a une chance raisonnable de succès en soulevant une cause défendable dans sa demande de permission d’en appelerNote de bas de page 1. Dans les arrêts Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, et Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63, il a été établi qu’une chance raisonnable de succès signifie qu’une cause est défendable.

[8] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] Dans l’affaire Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300, le membre a conclu que lors de l’évaluation d’une demande de permission d’en appeler, la division d’appel doit d’abord déterminer si les moyens d’appel du demandeur correspondent à l’un des moyens d’appel énoncés.

Question préliminaire

La demande est-elle en retard?

[10] La question est soulevée parce que, même si la division générale a rendu la décision le 29 septembre 2015, le Tribunal a reçu la demande le 18 janvier 2016. En appliquant les dispositions relatives à la date de communication présuméeNote de bas de page 2, la demanderesse a reçu la décision de la division générale le 8 janvier ou avant cette date. Par conséquent, la demande a été présentée dix jours en retardNote de bas de page 3.

[11] Dans la demande, la demanderesse a expliqué que son appel a été présenté en retard parce qu'elle est devenue très déprimée lorsqu'elle a reçu la décision de la division générale de rejeter l'appelNote de bas de page 4 (AD1-2). En réponse à la lettre du Tribunal datée du 21 janvier 2016, la demanderesse a demandé le dépôt d'un appel étant donné qu'elle souffre d'un trouble génétique causant une douleur chronique ainsi qu'une fatigue chronique. Elle a également énoncé sur plusieurs pages les raisons pour lesquelles elle croyait avoir une chance raisonnable de succès. La demanderesse a joint un certain nombre de rapports médicaux à sa réponse. Cependant, elle a n'a pas demandé une prorogation du délai pour interjeter appel.

[12] En ce qui concerne le dossier du Tribunal, les circonstances de l'affaire, l'application du critère en quatre parties énoncé dans l'arrêt Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 883) et l'injonction pour tenir compte de l'intérêt de la justice dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204, la division d'appel estime qu'il y a lieu de proroger le délai pour permettre le dépôt de la demande.

Intention d’interjeter appel

[13] La division d'appel estime que la demanderesse a démontré qu'elle avait l'intention persistante de poursuivre l'appel. Elle a présenté la demande originale relativement près de la date limite pour interjeter appel. Bien qu'elle soit moins que complète, il est possible d'en déduire l'intention de la demanderesse. La division d'appel est convaincue que, malgré les motifs qu'elle a mentionnés pour le dépôt tardif de l'appel, la demanderesse a respecté le premier facteur du critère de l'arrêt Gattellaro.

La demanderesse a-t-elle fourni une explication raisonnable pour le retard?

[14] L'explication de la demanderesse pour le dépôt tardif était qu'elle n'était pas capable d'agir parce qu'elle est devenue déprimée lorsqu'elle a reçu la décision de la division générale de rejeter l'appel. Le fait que la demanderesse est devenue déprimée est l'explication du retard. La demanderesse n'a fourni aucun document médical pour appuyer son allégation selon laquelle elle était déprimée. De plus, elle n'a fourni aucun document médical qui pourrait appuyer son allégation selon laquelle elle n'a pas pu présenter sa demande à temps parce qu'elle était déprimée. La division d’appel juge donc que la demanderesse n’a pas fourni d’explication raisonnable à son retard.

La demanderesse a-t-elle une cause défendable?

[15] La demanderesse a soutenu qu'elle a une cause défendable. Elle déclare souffrir d'un trouble génétique. Elle prétend également que la division générale a tiré plusieurs conclusions de fait erronées en ce qui concerne son état de santé. Elle souligne des exemples dans la décision où, selon elle, la division générale a mal interprété ou ignoré la preuve (AD1A-2 et AD1A-3). Selon la division d'appel, la demanderesse a soulevé une cause défendable dans le sens des arrêts Hogervorst et Fancy.

Quel est le préjudice à l’autre partie?

[16] La division d'appel est convaincue qu'aucun préjudice ne sera causé au défendeur si la propagation est accordée. Le retard est court, et aucune question n'a été soulevée relativement au fait que le défendeur ne serait pas capable de traiter et présenter la réponse ou assurer une défense si la permission d'en appeler était accordée.

La prorogation du délai est-elle dans l’intérêt de la justice?

[17] La division d'appel estime que le fait d'accorder une prorogation de délai sert l'intérêt de la justice. Le Tribunal a communiqué avec la demanderesse concernant les lacunes de la demande permission d'en appeler. Bien que la demande initiale ait été présentée en retard, le Tribunal n'a pas souligné ce point à la demanderesse et il ne lui a pas mentionné qu'elle devait présenter une demander de prorogation du délai pour déposer son appel. Dans ses lettres datées du 21 janvier 2016 et du 16 février 2016, le Tribunal a déclaré que, si la demande a été déposée après l'expiration du délai de 90 jours, un membre du Tribunal doit décider s'il accorde ou non une prorogation du délai pour interjeter appel. La demanderesse n'a pas été informée qu'elle devrait prendre des mesures concrètes à cet égard. On ne peut pas s'attendre qu'elle satisfasse à une demande qui n'a pas été formulée.

[18] De plus, le retard est minime. Elle ne crée aucun préjudice à l'encontre du défendeur. Ainsi, la division d’appel est convaincue qu’il y a lieu de proroger le délai pour permettre le dépôt de la demande.

[19] Le délai pour interjeter appel est prolongé.

Analyse

La division générale a-t-elle omis d'observer un principe de justice naturelle?

[20] Selon les principes de justice naturelle, les parties doivent pouvoir présenter leur cause dans leur ensemble, connaître la cause pour laquelle elles doivent présenter leur défense et voir leur cause entendue par un décideur impartial. Dans le contexte du droit administratif, la « justice naturelle » concerne particulièrement l'équité qui englobe tous les concepts susmentionnés et elle s'étend également jusqu'à l'équité procédurale.

[21] La demanderesse soutient que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle. Cependant, selon la division d'appel, ses observations n'invoquent pas un moyen d'appel sous cette rubrique. La demanderesse n'a pas démontré la façon dont la division générale l'a empêchée de faire valoir son cas ou de répondre à l'avis du ministre, ou la façon dont elle a autrement été traitée de manière inéquitable. Elle a présenté des observations qui font état d'éléments de preuve ignorés ou d'une décision fondée sur des conclusions de fait erronées. Cependant, ces observations ne prouvent pas que la division générale n'a pas observé un principe de justice naturelle. La permission d’en appeler ne peut donc pas être accordée sur ce fondement.

La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée?

[22] Au paragraphe 25 de la décision, la division générale a déclaré ce qui suit :

[Traduction]
[...] Le Tribunal souligne également que l'appelante a reçu l'avis d'une généticienne selon lequel l'appelante souffre bel et bien du syndrome d'hypermobilité. Cependant, l'appelante a déclaré que la Dre Gildchrist n'a pas subi un test génétique afin de déterminer si elle souffrait du syndrome ou si elle ne faisait que spéculer selon sur son problème en fonction de ses symptômes. Bien que le Tribunal croie le témoignage de l'appelante selon lequel elle avait reçu le diagnostic du syndrome, il ne trouve aucune preuve à cet égard dans les dossiers médicaux.

[23] La demanderesse a soutenu que la déclaration de la division générale contient plusieurs erreurs factuelles. Elle a répliqué à cette déclaration en affirmant que, le 8 août 2013, la Dre Dawna Gildchrist, généticienne, a posé un diagnostic de [Traduction] « syndrome d'hypermobilité familier ». La demanderesse a déclaré que la Dre Gildchrist a tiré sa conclusion en se fondant sur [traduction] « le pointage du test Beighton » qu'elle a passé. La demanderesse a également soutenu que le Dr Naidu a posé le même diagnostic dans une lettre datée du 20 août 2013 et que cette lettre avait été présentée devant la division générale, qui l'a ignorée.

[24] L'avis de la demanderesse est tellement corroboré que le dossier du Tribunal contient une lettre de la Dre Gildchrist dans laquelle elle pose le diagnostic. Cependant, la lettre ne précise si la Dre Gildchrist a effectué le test ou non ou si elle a simplement posé un diagnostic de syndrome d'hypermobilité en se fondant sur l'absence de certains symptômes. Le dossier du Tribunal ne contient aucun rapport médical du Dr Naidu.

[25] Étant donné que la division générale a accepté le témoignage de la demanderesse selon lequel elle avait reçu un diagnostic de syndrome d'hypermobilité familier et qu'il y avait une preuve médicale sous la forme de la lettre de la Dre Gildchrist, la division d'appel estime que la demanderesse a présenté une cause défendable à cet égard.

[26]  La demanderesse a également soutenu que la division générale a commis une erreur lorsqu'elle a conclu qu'il n'y avait aucune preuve médicale qui pouvait établir si elle avait suivi le traitement recommandé. Encore une fois, elle s’est concentrée sur la physiothérapie. Elle a soutenu qu'elle a présenté à l'audience un certain nombre de reçus de physiothérapeutes, y compris le Dr Dhiren Naidu et le Dr Tahisha Naidu. Ces reçus ne font pas partie du dossier du Tribunal. Même s'ils en faisaient partie, la physiothérapie n'était pas le seul traitement ayant été recommandé à la demanderesse. La Dre Gilchrist a suggéré ce qui suit :

[Traduction]
L’élément principal du traitement est d’éviter les blessures. Pour ce faire, Amanda a déjà limité son mode de vie. Des attelles souples pourraient aider les articulations douloureuses au cours d'activités quotidiennes. Le port d'un corset pourrait soulager les maux de dos. Un gramme de vitamine C par jour pourrait aider à renforcer le collagène, et la glucosamine pourrait aider à repousser l'arthrite précoce. Le second élément principal du traitement était le renforcement musculaire. Amanda pratique déjà la natation. J'ai recommandé qu'elle songe à l'entraînement au moyen de poids légers dans un milieu supervisé, comme le recours aux appareils du gymnase. Les haltères, à l’exception de très petites, doivent être évitées. Toutes les activités doivent être à faible impact et sans contact (GD5-51 et GD5-52).

[27] Dans ce contexte, la division d'appel estime qu'il est impossible d'affirmer que la division générale a commis une erreur. En plus de la physiothérapie, la Dre Gilchrist a formulé plusieurs recommandations de traitement pour la demanderesse. Un examen du dossier du Tribunal a démontré qu'il n'y avait aucune preuve selon laquelle la demanderesse avait suivi ces recommandations. Par conséquent, la division générale n'a pas commis une erreur à cet égard.

[28] Enfin, la demanderesse a soutenu que la division générale a commis une erreur lorsqu'elle a conclu que, selon la preuve médicale, la communauté médicale n'était pas certaine du problème de santé dont elle souffrait. La demanderesse a mis l'accent sur son diagnostic de syndrome d'hypermobilité familier, mais la preuve médicale comprise dans le dossier du Tribunal démontre qu'elle faisait l'objet d'un examen pour d'autres malaises. Par exemple, le Dr Katz, rhumatologue, a effectué des examens pour une [Traduction] « spondylarthropathie séronégative » même s'il reconnaissait que la demanderesse avait des problèmes relatifs à l'hypermobilité.Il a suggéré une imagerie par résonance magnétique (IRM) de la colonne vertébrale et de l'articulation sacro-iliaque.). En formulant des commentaires sur le résultat de l’IRM, le Dr Katz a souligné qu’elle avait été moins convaincante en ce qui concernant les changements inflammatoires, mais qu’il pourrait y avoir une certaine implication de l’articulation sacro-iliaque (GD5-64).

[29] En se fondant sur cette analyse, la division d'appel n'est pas convaincue que la division d'appel a commis une erreur si elle a conclu que la preuve médicale a démontré une certaine incertitude relativement aux problèmes médicaux de la demanderesse.

Conclusion

[30] En demandant la permission d'en appeler, la demanderesse a soutenu que la division générale n'a pas observé un principe de justice naturelle et qu'elle avait fondé sa décision sur plusieurs conclusions de fait erronées. Selon ce qui a été mentionné précédemment, la division d'appel est convaincue que la demanderesse a présenté une cause défendable en ce qui concerne le traitement de la division générale relativement à la façon dont le diagnostic de syndrome d'hypermobilité familier a été posé.

[31] Il suffit à la demanderesse de démontrer qu'un seul moyen d'appel a une chance raisonnable de succès : M.C.M. c. Ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences., 2013 TSSDA 2. Par conséquent, la demande est accordée.

[32] La décision d’accorder la permission d’en appeler ne présume aucunement de l’issue de l’appel relativement au bien-fondé de l’affaire.

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