Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

[1] Décision rendue sur la foi du dossier.

[2] La division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) rejette l’appel.

Introduction

[3] Le demandeur a sollicité et obtenu la permission d’en appeler de la décision de la division générale datée du 5 novembre 2015. La division générale a conclu que l'appelant n’était pas admissible à recevoir des prestations d’invalidité en vertu de l’alinéa 42(2)a) du Régime de pensions du Canada (RPC), (demande).

[4] La division d'appel a accordé la permission d'en appeler sur le fondement que l'appelant pourrait ne pas avoir pu entièrement présenter son cas devant la division générale.

Question en litige

[5] La seule question en litige devant la division d'appel est de déterminer si, lorsqu'elle a tenu l'audience, la division générale a manqué à un principe de justice naturelle.

Dispositions législatives applicables

[6] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) énonce les trois seuls moyens d’appel suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Observations

[7] Une fois que la permission d'en appeler est accordée, les parties disposent de 45 jours pour présenter des observations ou pour aviser la division d'appel qu'ils n'ont pas l'intention de présenter des observations (Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, DORS/2013-60, article 42). La division d’appel a reçu des observations des deux représentants, celui de l’appelant et celui de l’intimé.

[8] Dans ses observations, le représentant de l'intimé a indiqué que la division d'appel devrait accueillir l'appel et renvoyer l'affaire à la division générale pour une audience devant un autre membre. Le représentant de l'appelant n'a fourni aucune observation; il a plutôt déposé ce qu'il considère être le dossier médical complet de l'appelant.

Analyse

La division générale a-t-elle commis un manquement au principe de justice naturelle?

[9] Cet appel concerne le droit à une audience équitable.  Il met également en cause les règles du Code de déontologie du Barreau du Haut-Canada (BHC).

[10] Les cours fédérales ont toujours été cohérentes avec le fait que la négation du droit à audience équitable doit toujours rendre une décision invalide. Gale c. Canada (Solliciteur général), 2004 CAF 13. L'appelant a fait valoir qu'il s'est vu refuser le droit à une audience équitable en raison du comportement de la division générale le jour de l'audience. Son représentant affirme que la division générale a renvoyé le représentant qu'il avait à ce moment puisqu'il n'avait pas de permis de parajuriste, et qu'elle a ensuite procéder à la tenue l'audience. Le représentant de l'appelant indique que la division générale aurait dû ajourner l'audience pour permettre à l'appelant de se trouver un autre représentant.

[11]  En Ontario, c'est le BHC qui régit la pratique du droit. Elle délivre des permis aux parajuristes pour qu'ils puissent fournir certains services au public. Par la même occasion, les règles du Code de déontologie du BHC prévoient que les avocats doivent appuyer la prévention de l'exercice illégal du droit.

6.07 prévention de l'exercice illégal du droit

Prevention de l'exercice illégal du droit
6.07 (1) Un avocat doit appuyer la prévention de l'exercice illégal du droit et de la prestation non autorisée de services juridiques.

[12] Bien qu'il enjoigne les avocats à appuyer la prévention de l'exercice illégal du droit, le BHC n'a pas décrit de quelle façon cette mesure devrait être appliquée.  Le Tribunal laisse cette décision et procédure aux membres qui sont avocats, détenant un permis du BHC. Dans l'exercice de cette obligation additionnelle, ces membres pourraient se retrouver à devoir prendre cette décision à l'étape de l'audience. La question soulevée dans cette affaire est de déterminer si le membre aurait dû ajourner l'audience pour permettre à l'appelant de trouver un autre représentant.

[13] La division d’appel est d'avis que cette décision ne se fait pas automatiquement.  Elle dépend beaucoup de ce qui s'est déroulé à l'audience. À titre d'exemple, un appelant pourrait décider de procéder sans bénéficier d'un représentant juridique et pourrait expressément faire part de son intention de faire de la sorte. Dans un tel cas, aucun manquement à la justice naturelle n'aurait eu lieu. La décision de la division générale ne reflète pas la situation. Elle ne mentionne pas non plus le fait que la division générale aurait pris des mesures au sujet du représentant de l'appelant.

[14] La division d'appel a eu accès à l'enregistrement audio de l'audience. En écoutant l'enregistrement, le membre a déterminé que le fondement sur lequel la permission d'en appeler fut accordée ne fut pas appuyé par l'enregistrement. À la lumière du conflit apparent entre l'enregistrement audio et le fondement sur lequel la permission d'en appeler fut accordée, et aussi, à la lumière de l'avis de l'intimé, la division d'appel a rendu une décision définissant sa compréhension. La division d'appel a également demandé aux parties de déposer des observations au sujet de ses conclusions reliées au fait que l'enregistrement n'appuie pas le fondement en vertu duquel la permission d'en appeler fut accordée.

[15] Dans sa réponse, le représentant de l'intimé a déclaré qu'après avoir écouté l'enregistrement, l'intimé confirmait la conclusion du membre. Le représentant de l’Intimé a soumis :

[traduction]

« Je vous écris de la part de l'intimé en réponse à la décision du membre du Tribunal datée du 5 juillet 2016 et à votre demande en vue de soumettre des observations.

Pour faire suite au réexamen de l'enregistrement audio de l'audience tenue par la division générale le 3 novembre 2015 (GT-124556), l'intimé confirme la conclusion du membre. L'intimé est également d'avis que le fondement sur lequel la permission d'en appeler fut accordée n'est pas vraiment ce qui est ressorti lors de l'audience. En se fondant sur l'audience verbale, il semble que le membre de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale a permis à l'appelant d'être représenté par son représentant. En fait, il semble que d'après l'enregistrement audio, le représentant de l'appelant a réellement représenté l'appelant et qu'il a assisté à l'audience en entier.

Malheureusement, l'intimé n'était pas encore en possession de l'enregistrement audio de la division générale au moment de déposer ses observations. Les observations devaient être déposées à la DA-TSS avant  le 7 mars 2016. Aucune copie de l'audio ne fut fournie aux parties avant le 10 mars 2016, date où l'intimé avait déjà soumis ses observations. » (AD-4)

[16] Le représentant de l'intimé a conclu en demandant que l'appel soit rejeté.

[17] Le représentant de l'appelant a également répondu à la décision de la division d'appel. Il se dit en désaccord avec la conclusion du membre. Il a réitéré que le membre de la division générale a rejeté le représentant que l'appelant avait à ce moment avant le début de l'audience et avant que les instances soient enregistrées. Le texte complet de ses observations était comme suit :

[traduction]

« M. Tom Troy, ancien représentant de M. Fontaine s'est présenté au membre du Tribunal avant le début de l'audience par téléconférence, en présence de M. Fontaine, et on lui demanda immédiatement s'il avait un permis du Barreau du Haut-Canada. Il a répondu que non et fut immédiatement informé du fait qu'il ne pouvait pas représenter M. Fontaine.
Vous avez affirmé avoir écouté l'enregistrement de l'audience et le membre n'est pas d'avis que le fondement sur lequel la permission d'en appeler fut accordée n'est pas vraiment ce qui est ressorti à l'audience. Ceci est l'opinion du membre du Tribunal. La question est de déterminer si le membre a appliqué toute la diligence raisonnable au fait d'enregistrer sa conversation avec M. Tom Troy avant l'audience et qu'il a robablement
manqué à un principe de justice naturelle en renvoyant le représentant de M. Fontaine, et qu'il a probablement manqué à un principe de justice naturelle en renvoyant le représentant de M. Fontaine et en continuant de tenir l'audience sans permettre à M. Fontaine de trouver un autre représentant.

Veuillez vous référer à mes observations antérieures explicites et fondées sur la même demande de permission qui fut accordée.

M. Tom Troy confirmera son renvoi, par écrit, avant l'audience, si requis par le Tribunal. » (AD-5)

[18] Pour cet appel, il y a deux différentes versions de ce qui s'est produit lors de l'audience de la division générale.  L'appelant allègue que le membre a renvoyé son représentant de l'audience et l'a empêché de bénéficier d'un représentant. Son représentant actuel soutient que ceci constitue un manquement à la justice naturelle. En effet, si cette version est exacte, la division d'appel n'aurait aucune difficulté à juger que la division générale avait manqué à un principe de justice naturelle. Toutefois, il y a le déroulement de l'instance tel que contenu dans l'enregistrement audio de l'audience.

[19] La division d'appel a eu l'occasion d'écouter l'enregistrement de l'audience. Elle a observé que dès le début de l'audience, le membre de la division générale a confirmé l'identité des participants.  Le membre leur a demandé de se présenter, en commençant par l'appelant. Il a acquiescé au représentant de l'appelant M. Troy, qui s'est identifié comme le représentant du syndicat de l'appelant. M. Troy a indiqué qu'il aidait l'appelant avec sa demande de pension d'invalidité du RPC. Il a également déclaré que l'épouse de l'appelant était dans la salle. À 2.42, le membre a demandé à M. Troy s'il était un parajuriste détenant un permis. À 2:48 de l'enregistrement, M. Troy a répondu par la négative mais a dit qu'il avait beaucoup d'expérience avec ce type de travail.

[20] M. Troy a expliqué qu'il effectuait ce type de travail (représenter des membres du syndicat) depuis quarante-trois années : (3:23).  Il a continué en indiquant qu'il effectuait le même travail en tant que parajuriste et que puisqu'il était membre du syndicat, on lui a accordé le droit de le faire sans détenir un permis de parajuriste. À ce moment, le membre a remercié le représentant du syndicat et a par la suite procéder à des remarques préliminaires ainsi qu'à l'audience. (Merci M. Troy 4:22 et suivants). À 6:20, le membre a accepté M. Troy (ce qu'il n'aurait pas dû faire selon le représentant de l'appelant). À 7:38, le membre a demandé à M. Troy s'il avait une déclaration préliminaire. Il en avait une. Il a remercié le Tribunal de permettre à l'appelant de présenter son dossier.

[21] L'enregistrement de l'audience ne démontre pas que le membre a renvoyé de l'audience le représentant de l'appelant ou qu'il l'a empêché de poser des questions. Il était présent du début à la fin. Il a participé à l'instance. Toutefois, c'est le membre qui a posé la plupart des questions. M. Troy s'est objecté à 9:23. Il a clarifié les antécédents de travail et de chirurgie de l'appelant, sa demande au CSPAAT, sa formation ainsi que son embauche subséquente en tant que commis comptable. Il a demandé à l'appelant des questions au sujet de ses antécédents médicaux. (10:37) À 01:06:45, le membre a demandé au représentant s'il représentait l'appelant en ce qui a trait à sa nouvelle demande à la CSPAAT, pour sa perte de salaire.

[22]  À 01:17:17, le membre a déclaré avoir terminé de poser des questions.  Il a indiqué vouloir entendre l'épouse de l'appelant, qui était présente dans la salle tout au long de l'audience, et ensuite M. Troy, et qu'après il reviendrait à l'appelant pour voir s'il avait des commentaires. L’épouse de l’appelant a lu un énoncé préalablement préparé. Lorsqu'elle a fondu en larmes, M. Troy s'est objecté et a demandé la permission de lire l'énoncé (01:19:36). Le membre était d'accord et lui a dit de le faire. Lorsqu'il en a eu l'occasion (01:23:40), le représentant de l’appelant ne lui a posé aucune question. Il a présenté des observations en ce qui a trait à la sincérité de l'appelant et a déclaré avoir remarqué que l'appelant avait changé au cours des années.

[23] Il est clair qu'en se basant sur l'enregistrement audio, le membre de la division générale était bien préparé pour l'audience et qu'il « a pris les choses en mains ». Par contre, cela ne constitue pas en soi un manquement à un principe de justice naturelle : Restrepo Benitez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et la Commission de l’immigration et du statut de réfugié), 207 CAF 199 (demande de permission d'en appeler présentée à la Cour suprême du Canada du jugement de la Cour d'appel fédérale rejeté avec des frais).

[24] La division d'appel juge que le membre n'a jamais renvoyé le représentant de l'appelant, et ce, à aucun moment durant l'audience.  Tel qu'indiqué ci-dessus, il était présent durant toute la durée de l'audience, accompagné de l'appelant et son épouse. Il y a participé. La division d'appel conclut que lorsque le membre de la division générale a demandé au représentant s'il avait une déclaration préliminaire, ce fait est incohérent avec le fait de l'empêcher de participer à l'audience.  Il est de même pour l'occasion qu'il a donnée au représentant de poser des questions et de participer après qu'il eut terminé de poser ses questions. De plus, il semble qu'à aucun moment durant l'audience l'appelant n'a signalé son désir d'ajourner l'audience pour qu'il puisse trouver un nouveau représentant. Tout ce qui consiste, selon la division d'appel, en des incohérences avec le fondement sur lequel la permission d'en appeler fut accordée.

Conclusion

[25] Compte tenu de tous les motifs susmentionnés, l’appel est rejeté.

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