Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

[1] La division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) refuse la demande de permission d’en appeler.

Introduction

[2] Le 10 mai 2012, le demandeur a présenté une demande de pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC). Il s’agissait de sa seconde demande de pension d’invalidité. Il avait précédemment présenté une demande le 10 octobre 2007, et celle-ci avait été refusée au motif que le demandeur n’avait pas cotisé suffisamment au RPC à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), à savoir le 31 décembre 2008. Le 1er octobre 2009, un tribunal de révision a rendu sa décision de confirmer le refus (GT1‑136 à GT1-150).

[3] Le demandeur a demandé la permission d’en appeler de la décision du tribunal de révision. Cependant, la Commission d’appel des pensions a refusé sa demande au motif qu’il n’avait présenté aucune autre preuve médicale supplémentaire, mais qu’il avait simplement répété son avis selon lequel il n’est plus capable de travailler (GT1-132).

[4] Le défendeur a rejeté la seconde demande de mai 2012 parce qu’il a conclu que le demande n’avait pas cotisé davantage au RPC après décembre 2008. Par conséquent, sa situation demeure inchangée. Le défendeur a conclu que, étant donné qu’une décision du tribunal de révision est définitive en ce qui concerne la durée pendant laquelle un demandeur cotise suffisamment au RPC et que le demandeur s’est vu refuser la permission d’en appeler de la décision, la décision était définitive et obligatoire à son égard (GT1-69).

[5] Le demandeur a demandé à l’intimé de réviser sa décision (GT1-68). Lorsque le défendeur a confirmé le refus, le demandeur a interjeté appel au Tribunal. Le 13 octobre 2015, la division générale a rendu sa décision dans l’appel. La division générale a conclu que le principe de la chose jugée s’appliquait à l’espèce : le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité du RPC.

[6] Le demandeur demande la permission d’en appeler (demande) de la décision de la division générale.

Motifs de la demande

[7] La représentante du demandeur conteste l’application du principe de la chose jugée au cas du demandeur. En se fondant sur les principes établis dans l’arrêt Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., [2001] 2 460, au paragraphe 76, la représentante a demandé la permission d’en appeler de la question de savoir si le pouvoir discrétionnaire résiduel devrait être appliqué à la question de la chose jugée dans la décision de la division générale.

Question en litige

[8] La division d’appel doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[9] Les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) régissent l’obtention de la demande de permission d’appeler. Aux termes du paragraphe 56(1) de la Loi sur le MEDS, la permission d’en appeler d’une décision de la division générale du Tribunal constitue une étape préliminaire d’un appel devant la division d’appel. Selon le paragraphe 56(1) : « Il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission ». Le paragraphe 58(3) prévoit que la division d’appel doit accorder ou refuser cette permission.

[10] Pour obtenir la permission d’en appeler, le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS exige d’un demandeur qu’il convainque la division d’appel que son appel aurait une chance raisonnable de succès; autrement, la division d’appel doit refuser la demande de permission d’en appeler. Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

[11] Un demandeur convainc la division d’appel que son appel a une chance raisonnable de succès en soulevant une cause défendable dans sa demande de permission d’en appelerNote de bas de page 1. Dans les arrêts Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, et Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63, il a été établi qu’une chance raisonnable de succès signifie qu’une cause est défendable.

[12] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[13] Dans l’affaire Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300, le membre a conclu que lors de l’évaluation d’une demande de permission d’en appeler, la division d’appel doit d’abord déterminer si les moyens d’appel du demandeur correspondent à l’un des moyens d’appel énoncés.

Analyse

Les moyens d’appel du demandeur cadrent-ils avec les moyens d’appels prévus?

[14] La représentante du demandeur conteste l’application du principe de la chose jugée par la division générale dans le cadre de l’appel du demandeur ainsi que la conclusion selon laquelle la décision du tribunal de révision est définitive et obligatoire à l’égard du demandeur.Cela soulève des questions à savoir si la division générale a commis une erreur de droit.

La doctrine de la chose jugée s’applique-t-elle à l’appel ou est-ce la division générale qui a commis une erreur de droit?

[15] L’analyse de la division générale est courte. Néanmoins, elle fonde sa décision sur un fondement rationnel, à savoir que, étant donné que la PMA du demandeur est demeurée la même depuis que le tribunal de révision a rendu sa décision en octobre 2009 et que la décision était définitive et obligatoire à l’égard du demandeur, le principe de la chose jugée s’applique. Par conséquent, l’appel ne pouvait être accueilli.

[16] Dans l’arrêt Fidelitas Shipping Co. Ltd. c. V/O Exportchleb, [1965] 2 All E.R. 4, aux pages 8 et 9, lord Denning a offert cette définition directe de la doctrine de la chose jugée :

[L]orsqu’une partie intente une action contre une autre au regard d’un litige particulier et qu’on y rend jugement, il existe une règle juridique stricte selon laquelle cette partie ne peut intenter une autre action contre la même partie au regard du même litige. Transit in rem judicatam ... Mais dans le cadre d’un seul litige, il est possible de soulever plusieurs questions déterminantes du sort de toute la cause. Il convient alors d’appliquer la règle selon laquelle, d’ordinaire, les parties ne sont pas autorisées à débattre à nouveau une question litigieuse qu’elles ont déjà soulevée et débattue. Aucune d’entre elles ne peut soulever la même question litigieuse au cours de la même action ou d’une action subséquente, sauf en des circonstances spéciales […]

[17] Le juge Richie a cité le principe de lord Denning dans l’arrêt Town of Grandview c. Doering, [1976] 2 R.C.S. 621.En ce qui concerne le contexte, le juge Dickinson a établi les conditions suivantes en ce qui concerne la préclusion pour même question en litige : Fidelitas a été formulée par le juge Dickson dans l’arrêt Angle c. Ministre du Revenu National, [1975] 2 R.C.S. 248, en tant que condition préalable à la décision de savoir si une question est empêchée par préclusion : (préclusion pour même question en litige). Le juge Dickinson a établi les conditions préalables relatives à la préclusion pour même question de litige de la façon suivante :

  1. la même question a déjà été tranchée;
  2. la décision judiciaire invoquée comme créant la préclusion est définitive;
  3. les parties dans la décision judiciaire invoquée, ou leurs ayants droit, sont les mêmes que les parties engagées dans l’affaire où la préclusion est soulevée, ou leurs ayants droit.

[18] Cependant, comme la Cour suprême du Canada (CSC) l’a précisé plus tard dans l’arrêt Danlyuk, le fait de décider si le principe de la chose jugée s’applique ou non n’est pas simplement l’application mécanique des trois conditions préalables déterminées dans l’arrêt Town of Grandview. La CSC a déclaré que la considération primordiale est d’établir l’équilibre entre l’intérêt public qui consiste à assurer le caractère définitif des litiges et l’autre intérêt public qui est d’assurer que, dans une affaire donnée, justice soit rendue.

[19] La CSC a souligné un certain nombre de facteurs qui doivent être pris en considération lorsque le pouvoir discrétionnaire de ne pas appliquer la préclusion pour même question en litige est exercé. Les facteurs ne sont pas exhaustifs. Ceux-ci comprennent le libellé du texte de loi accordant le pouvoir de rendre l’ordonnance administrative, l’objet du texte de loi, l’existence d’un droit d’appel, l’expertise du décideur administratif, les circonstances ayant donné naissance à l’instance administrative initiale, et le risque d’injustice.

[20] Si on estime qu’il existe des circonstances spéciales par exemple, la préclusion pour même question en litige et, par conséquent, le principe de la chose jugée ne s’appliqueront pas même si l’affaire satisfait aux trois conditions préalables établies par le juge Dickinson. Les circonstances spéciales comprennent une fraude ou une inconduite dans l’instance précédente. Il existe également des circonstances spéciales lorsqu’il y a une nouvelle preuve décisive qui ne pouvait pas être communiquée avec diligence raisonnable à l’instance précédente.

[21] Dans l’arrêt Town of Grandview, le juge Richie a souligné le fardeau favorable qui incombe aux appelants d’appuyer leurs allégations selon lesquelles le principe de la chose jugée ne doit pas être appliquée à leur seconde poursuite en déclarant ce qui suit : « [...] avant que l’intimé ne puisse invoquer le fait nouveau comme fondement d’une deuxième action intentée contre l’appelante au regard du même comportement, il avait, à tout le moins, l’obligation d’alléguer qu’il lui avait été impossible tout en exerçant une diligence raisonnable, de constater ce fait à l’époque où la première action a été intentée. »

[22] En ce qui concerne la présente demande, la représentante du demandeur fait valoir que la division générale n’aurait pas dû appliquer le principe de la chose jugée pour mettre fin à l’appel du demandeur étant donné que cela ne lui rendait pas justice.

[23] La division générale a conclu que les faits suivants devaient être appliqués :

  1. La PMA du demandeur a pris fin en décembre 2008.
  2. La première demande de pension d’invalidité au titre du RPC a été présentée le 10 octobre 2007.
  3. Une décision du tribunal de révision a été rendue le 1er octobre 2009.
  4. La Commission d’appel des pensions a refusé d’accorder la permission d’en appeler de cette décision.
  5. La décision du tribunal de révision était définitive.
  6. Le demandeur a présenté une seconde demande de pension d’invalidité le 10 mai 2012. Le défendeur a refusé la demande parce que le demandeur n’a pas respecté le critère prévu à l’alinéa 44b), en ce sens qu’il n’avait pas suffisamment cotisé au RPC.

[24] Dans sa seconde demande, le demandeur a déclaré que sa dernière journée de travail a été le 20 mars 2006 (GT1-123). Il est évident que sa PMA est demeurée inchangée. La représentante du demandeur soutient que celui-ci n’a fait aucune autre cotisation au RPC après décembre 2008 parce que ses médecins lui ont dit qu’il ne pouvait pas travailler (AD1A-8). Cela l’a empêché de travailler. Elle a fait valoir que la division générale n’aurait pas dû limiter son analyse strictement au contexte juridique et qu’elle aurait plutôt dû tenir compte des circonstances particulières du demandeur et exercé son [Traduction] « pouvoir discrétionnaire résiduel » en faveur du demandeur. Elle a fait valoir que le fait que la division générale n’a pas tenu compte de ce qu’elle appelle [Traduction] « les facteurs discrétionnaires » constituait une erreur de droit.

[25] Pour les motifs suivants, la division d’appel n’est pas convaincue par les arguments de la représentante de l’appelant.

[26] Tout d’abord, le Tribunal est établi par la loi et possède les pouvoirs délimités et limités par la loi dominante, à savoir la Loi sur le MEDS. Dans l’arrêt Tracey, la Cour fédérale a difficilement décrit la portée du pouvoir accordé au Tribunal pour trancher les permissions d’en appeler. Bien que l’arrêt Tracey soit rendu dans le contexte d’une demande devant la division d’appel, ses principes relativement à la compétence s’appliquent indifféremment à la division générale. Rien dans la Loi sur le MED ne donne à la division générale la compétence d’appliquer un pouvoir discrétionnaire. Il est évident dans les dispositions de l’article 58 de la Loi sur le MEDS que les décisions de la division générale doivent confirmer les moyens d’appel prévus. Il n’est pas question d’un pouvoir discrétionnaire.

[27] Ensuite, dans ses observations présentées à la division générale, le demandeur s’est fondé en grande partie sur les observations présentées dans le cadre de sa demande de 2007.Celles-ci ont été prises en considération par le tribunal de révision, à savoir que les troubles physiques et mentaux le rendent incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Dans sa décision, le tribunal de révision a tenu compte des troubles psychiatriques et des douleurs du demandeur. Le fait que sa douleur puisse s’être aggravée depuis la fin de sa PMA n’autorise pas la division générale à conclure que le demandeur est invalide, car sa PMA demeure la même. Par conséquent, il n’existe aucune circonstance spéciale comme il est prévu dans le cas du demandeur dans l’arrêt Danyluk et il n’y a aucun fondement rationnellement justifiant l’exercice d’un « pouvoir discrétionnaire résiduel » par la division générale s’il en avait la compétence.

Caractère obligatoire des décisions du tribunal de révision

[28] L’ancien article 84 du RPC, qui était en vigueur au moment où le demandeur a présenté sa première demande de pension d’invalidité, prévoyait que les décisions d’un tribunal de révision ne sont pas obligatoires selon certaines exceptions. L’article prévoit ce qui suit :

  1. 84. Décision sur les questions de droit et de fait – (1) Un tribunal de révision et la Commission d’appel des pensions ont autorité pour décider des questions de droit ou de fait concernant :
    1. a) la question de savoir si une prestation est payable à une personne;
    2. b) le montant de cette prestation;
  2. La décision du tribunal de révision, sauf disposition contraire de la présente loi, ou celle de la Commission d’appel des pensions, sauf contrôle judiciaire dont elle peut faire l’objet aux termes de la Loi sur les Cours fédérales est définitive et obligatoire pour l’application de la présente loi.

[29] Étant donné que la Commission d’appel des pensions avait refusé d’accorder au demandeur la permission d’en appeler de la décision du tribunal de révision, cela signifie que l’instance a pris fin et que la décision du tribunal de révision est devenue inscrite, c’est-à-dire définitive et obligatoire à l’égard du demandeur. Comme le tribunal de révision a déclaré dans sa décision que le demandeur n’a pas satisfait au critère relatif à l’invalidité grave et prolongée en décembre 2008 ou avant cette période, le demandeur devrait établir une nouvelle PMA s’il souhaite qu’une demande subséquente de pension d’invalidité au titre du RPC soit accordée. Il n’a pas été en mesure de le faire devant la division générale.

[30] Dans les circonstances de l’affaire, la division d’appel estime que la division générale n’a pas commis une erreur en concluant que les trois critères relativement au principe de la chose jugée ont été respectés. Les parties étaient les mêmes, l’objet du litige était le même, et une décision définitive avait été rendue à l’égard de cet objet, à savoir que le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du RPC.

Conclusion

[31] La représentante du demandeur a soutenu que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a rejeté l’appel du demandeur parce qu’il a conclu que la doctrine de la chose jugée s’appliquait. Selon l’analyse qui précède, la division d’appel n’est pas convaincue que les observations révèlent des moyens qui ont une chance raisonnable de succès en appel.

[32] La demande est refusée.

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