Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

L’appel est rejeté.

Introduction

[1] Il s’agit d’un appel de la décision de la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale rendue le 26 octobre 2015 qui a rejeté la demande de pension d’invalidité de l’appelante au motif que cette dernière n’avait pas prouvé que son invalidité était grave au sens du Régime de pensions du Canada (RPC), au moment où sa période minimale d’admissibilité (PMA) a pris fin, c’est-à-dire, au 31 décembre 2008. La permission d’en appeler a été accordée le 29 avril 2016 au motif que la décision de la DG pourrait comporter une erreur.

Aperçu

[2] L’appelante était âgée de 41 ans lorsqu’elle a présenté une demande de prestations d’invalidité du RPC, en août 2008. Elle a indiqué qu’elle détient un diplôme d’études secondaires et qu’elle a suivi une formation d’assistante dentaire. Elle travaillait comme ouvrière à la chaîne dans une usine jusqu’en avril 2006, lorsqu’elle a été blessée lors d’un accident d’automobile.

[3] Dans le questionnaire accompagnant sa demande du RPC, l’appelante a indiqué que son trouble invalidant principal était ses douleurs au bas du dos, qui, elle affirme, l’empêche de rester longtemps debout, allongée ou penchée, de se tourner ou de soulever des objets. Elle a reçu des services de physiothérapie et prenait des analgésiques qui lui avaient été prescrits, mais cela n’a pas produit d’effets bénéfiques appréciables.

[4] Lors de l’audience tenue par vidéoconférence devant la DG le 22 octobre 2015, l’appelante a témoigné que ses douleurs au dos et son incapacité à subvenir aux besoins de sa famille l’ont mené vers un état dépressif. Elle prenait des antidépresseurs et a suivi des séances de counseling psychologique, mais elle n’a pas consulté de psychiatre. Elle n’a pas travaillé, elle ne s’est pas cherché de travail et elle n’a pas suivi de formation de recyclage ou de programme de recyclage professionnel depuis son accident d’automobile.

[5] Dans sa décision, la DG a conclu que l’invalidité de l’appelante ne respectait pas la norme applicable au chapitre de la gravité. Elle a souligné que plusieurs rapports d’enquête, y compris une imagerie de la colonne vertébrale de l’appelante, ont révélé une pathologie minimale. Elle n’a trouvé aucun élément de preuve médicale selon lequel l’appelante a été traitée pour des problèmes de santé mentale avant sa PMA. Elle a estimé que le traitement de l’appelante pour ses douleurs au dos était conservateur, et consistait en un traitement chiropratique, à de la physiothérapie, à des injections épidurales et à la prise de médicaments. Bien que la DG a accepté le fait que l’appelante souffrait de douleurs lombaires chroniques, elle n’était pas convaincue que cela l’empêchait d’occuper toute occupation véritablement rémunératrice.

[6] Le 19 janvier 2016, l’appelante a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel (DA) du Tribunal de la sécurité sociale dans laquelle elle a indiqué que de nombreuses erreurs avaient été commises par la DG. Le 29 avril 2016, la DA a accordé la permission d’en appeler aux motifs que la DG pourrait avoir fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées en :

  1. interprétant incorrectement les conclusions du Dr Waisman pour en déduire que l’appelante n’était pas atteinte d’une invalidité avant la fin de sa PMA ;
  2. faisant une déduction non fondée concernant la non-participation de la demanderesse à un programme de réentraînement au travail.

[7] J’ai décidé de procéder en me fondant sur le dossier documentaire pour les raisons suivantes :

  1. la complexité des questions en litige ;
  2. le fait que l’appelante ou les autres parties étaient représentées ;
  3. le besoin, en vertu du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[8] Les observations de l’appelante étaient énoncées dans sa demande de permission d’en appeler et dans son avis d’appel du 19 janvier 2016. L’intimé a présenté des observations à la DA le 13 juin 2016.

Droit applicable

[9] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) La DG n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence.
  2. b) la DG a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. c) la DG a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les conditions d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. (a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans ;
  2. (b) ne touche pas une pension de retraite du RPC ;
  3. (c) est invalide ;
  4. (d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[11] Le calcul de la PMA est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date ou avant la date marquant la fin de sa PMA.

[12] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une personne est considérée comme atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Questions en litige

[13] Les questions dont je suis saisie sont les suivantes :

  1. Quelle norme de contrôle doit-on appliquer lors de l’examen des décisions de la DG ?
  2. Est-ce que la DG s’est fondée sur une conclusion de fait erronée lorsqu’elle a affirmé que le Dr Waisman a conclu que l’appelante était [traduction] « considérablement incapable » d’exercer toute occupation, et non que son état [traduction] « l’empêchait » d’exercer toute occupation ?
  3. Est-ce que la DG a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée lorsqu’elle a fait une déduction non fondée concernant la non-participation de l’appelante à un programme de réentraînement au travail ?

Observations

(a) Quelle est la norme de contrôle appropriée ?

[14] L’appelante soutient que la norme de contrôle appropriée à cet appel devrait être celle de la décision correcte, car aucune déférence n’est due à la DG. La DA est une branche supérieure du même tribunal aucune compétence ou expérience particulières ne privilégie une décision de la DG. L’appelante note également que le membre qui s’est prononcé sur cette affaire à la DG est un membre régulier de la DA, bien qu’il convient que la formation peut différer d’une division à l’autre.

[15] Selon les moyens d’appel accordés, la question pertinente ne concerne pas l’appréciation de la preuve, mais concerne plutôt le fait que la DG a excédé sa compétence, soit en ne tenant pas compte d’éléments de preuve très pertinents, soit en faisant des déclarations de fait sans aucun élément de preuve à l’appui. Pour ce qui est de la compétence, la norme de contrôle est celle de la décision correcte.

[16] Les observations de l’intimé mentionnent en détail les normes de contrôle et leur applicabilité en l’espèce pour conclure qu’une norme de décision correcte devait être appliquée aux erreurs de droit, et la norme de la décision raisonnable doit être appliquée aux erreurs de fait et aux erreurs mixtes de fait et de droit.

[17] L’intimé a noté que la Cour d’appel fédérale n’a pas encore adopté une approche fixe pour la DA lorsque cette dernière doit examiner les appels de la DG. L’intimé a reconnu l’affaire récente de la Cour d’appel fédérale, Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Huruglica,Note de bas de page 1 qui, a-t-il dit, a confirmé que l’analyse de la DA devrait être influencée par les facteurs tels que le libellé de la loi habilitante, l’intention du corps législatif lorsque le tribunal a été créé et le fait que le corps législatif dispose de l’autorité nécessaire pour établir une norme de contrôle s’il le désire. L’intimé était d’avis que l’affaire Huruglica n’a pas changé significativement la norme qui doit être appliquée aux prétendues erreurs de fait ; le libellé de l’alinéa 58(1)c) de la LMEDS continue d’autoriser un large éventail d’issues possibles acceptables.

[18] L’intimé a fait valoir que la DA devrait s’abstenir de réviser les affaires pour lesquelles la DA avait un avantage important en tant que juge des faits. Le libellé des articles 58 et 59 de la LMEDS indique que le Parlement voulait que la DA fasse preuve de déférence à l’endroit des conclusions de fait et des conclusions mixtes de fait et de droit de la DG.

(b) Est-ce que la DG a mal interprété les conclusions du Dr Waisman ?

[19] L’appelante soutient que, bien qu’elle n’ait pas officiellement reçu un diagnostic de dépression majeure et de troubles de la douleur avant la fin de sa PMA, le Dr Waisman, psychiatre, a conclu que ces troubles sévères existaient avant le 31 décembre 2008. À la page 14 de son évaluation datée du 22 février 2014, le Dr Waisman a conclu que l’appelante souffrait toujours de douleurs sévères causant des spasmes, des déficits cognitifs, de la dépression, de la fatigue et des troubles du sommeil, lesquels sont apparus après l’accident d’automobile du 21 avril 2006. À la page 18, le Dr Waisman a diagnostiqué que l’appelante souffrait d’un [traduction] « trouble sévère de la régulation de l’affect et de la douleur chronique », qui, indique-t-il, sont apparus à la suite de l’accident.

[20] L’appelante reconnaît que la DG a correctement confirmé au paragraphe 49 de sa décision que le Dr Waisman avait conclu que l’appelante était considérablement incapable d’exercer une occupation qui lui conviendrait raisonnablement compte tenu de sa scolarité, de sa formation et de son expérience. Cependant, l’appelante soutient que la DG a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que l’opinion du Dr Waisman ne précisait pas qu’une telle incapacité existait avant la fin de la PMA de l’appelante. La DG a écrit ce qui suit [traduction] :

[...] l’évaluation du docteur Waisman voulait qu’elle fût considérablement incapable, plutôt qu’empêchée par son état, d’exercer toute fonction professionnelle, et son opinion n’indique pas qu’une telle incapacité existait avant la PMA de l’appelante.

[21] L’appelante soutient que la DG a mal interprété l’évaluation faite par le docteur Waisman pour en venir à conclure qu’une incapacité n’existait pas avant la fin de la PMA de la demanderesse.

[22] L’intimé soutient que la DG a évalué le rapport du Dr Waisman et conclu avec raison que sa maladie mentale, ainsi que ses autres limitations fonctionnelles ne la rendaient pas régulièrement incapable d’occuper une occupation véritablement rémunératrice avant ou à la fin de sa PMA.

[23] Les conclusions de la DG au sujet de la maladie mentale de l’appelante doivent être lues dans le contexte du critère juridique pour la gravité. Selon l’affaire Klabouch c. Canada,Note de bas de page 2 c’est la capacité à travailler et non le diagnostic ou la maladie qui détermine la gravité de l’invalidité en vertu du RPC. L’intimé soutient que la DG, au paragraphe 49 de sa décision, ne se référait pas au diagnostic de l’appelante au cours de la PMA, mais plutôt à son invalidité. Par conséquent, la DG a fait ce qu’elle était censée faire, ce qui était de déterminer si les troubles de l’appelante affectaient sa capacité à travailler. Elle a conclu de façon raisonnable que la preuve suggérait qu’aucune incapacité n’existait au cours de sa PMA.

[24] Comme l’a souligné la DG, aucun rapport médical datant d’avant la fin de la PMA n’indiquait des troubles liés à une maladie mentale. De plus, la DG a indiqué au paragraphe 55 que [traduction] « aucun élément de preuve n’indique que l’appelante était atteinte d’une maladie mentale grave avant la fin de sa PMA, et l’on n’y fait pas non plus mention dans le questionnaire ou dans l’avis d’appel ». L’intimé soutient que cette affirmation doit être lue dans le contexte du critère juridique pour la gravité. La DG tirait une conclusion à savoir si la maladie mentale était « grave » en vertu du RPC, plutôt que de tenter de déterminer s’il y avait des éléments de preuve d’un trouble lié à une maladie mentale au cours de la PMA. Aux paragraphes 35 et 36, il est indiqué que la DG était au courant des conclusions du Dr Waisman et d’autres spécialistes concernant le diagnostic de maladie mentale de l’appelante et de leurs opinions au sujet de la façon dont ses troubles affectaient sa capacité de travailler. Au paragraphe 36, il est également indiqué que la DG était au courant de la conclusion du Dr Waisman selon laquelle le trouble est apparu immédiatement après son accident de la route. Cependant, la DG a soulevé que les conclusions du Dr Waisman ne l’empêchent pas d’exercer tous les types d’emplois. Donc, on ne peut pas raisonnablement prétendre que la DG n’a pas tenu compte des conclusions du Dr Waisman concernant l’impact de la capacité de travailler de la demanderesse.

[25] La décision de la DG indique qu’elle était consciente de la preuve et de la question juridique en litige, et est parvenue à un résultat faisant largement partie des issues possibles raisonnables. L’élément de preuve qui existait concernant la maladie mentale était contradictoire et ne démontrait pas que l’appelante avait des troubles qui la privaient de sa capacité d’exercer une occupation véritablement rémunératrice. La DG a conclu que les troubles de l’appelante n’affectaient pas sa capacité de travailler, ce qui était une conclusion raisonnable fondée sur la preuve qui lui a été présentée.

(c) Est-ce que la DG a fait une déduction non fondée concernant la non-participation de l’appelante à un programme de réentraînement au travail ?

[26] L’appelante soutient que la décision de la division générale était fondée en partie sur le fait qu’elle n’avait pas participé au programme de réentraînement au travail et qu’elle a ainsi clairement dérogé aux recommandations formulées par plusieurs spécialistes. L’appelante soutient qu’il s’agit d’une conclusion de fait erronée puisque la DG n’a pas tenu compte des conditions et des critères rattachés à ces recommandations. Dans son rapport daté du 14 mai 2008, le Dr Jasey, un chirurgien orthopédiste, a conseillé à l’appelante de suivre un programme de réentraînement au travail, mais conditionnellement à un traitement préalable de physiothérapie d’au moins 10 semaines. Cependant, le 14 août 2008, le physiothérapeute de l’appelante a conclu que, malgré un traitement complet de physiothérapie, l’appelante n’était pas prête à participer à un programme de réentraînement au travail. Dans son rapport du 29 septembre 2008, le Dr Kleinman, physiatre, a également recommandé un réentraînement au travail, mais a toutefois souligné que le pronostic de l’appelante était pessimiste.

[27] La position de l’intimé est que la DG n’a pas commis d’erreur selon ce moyen d’appel. Sa conclusion selon laquelle l’appelante n’a pas participé à un programme de réentraînement au travail était raisonnable et bien appuyée par la preuve. Plusieurs médecins traitants ont recommandé à l’appelante de suivre un programme de réentraînement au travail. Plusieurs de ces recommandations venaient avec des critères et des conditions, tandis que d’autres, non. La DG a longuement examiné la preuve et a choisi de tenir compte de certains éléments de preuve plutôt que d’autres.

[28] Au cours de l’audience, la DG a questionné l’appelante au sujet de sa participation au programme de réentraînement au travail. La DG lui a demandé directement si elle avait participé à un tel programme, comme lui avaient suggéré plusieurs médecins, et elle a répondu « non ». La DG a sondé davantage et lui demandant pourquoi elle n’a pas participé à un tel programme, et elle a répondu que c’était en raison de la douleur atroce, des effets des médicaments et de la dépression.

[29] Au paragraphe 12, la DG a indiqué que [traduction] « l’appelante n’a pas travaillé, ne s’est pas cherché un emploi ou n’a participé à aucun programme de recyclage ou de perfectionnement des études, et son dernier emploi était en avril 2006. Elle n’a rien fait de cela à cause de douleurs lombaires constantes à la suite d’un accident en avril 2006 et à cause d’une dépression. » Cette affirmation indique que la DG a tenu compte du témoignage de l’appelante au sujet de la raison pour laquelle elle n’a pas participé à un programme de réentraînement.

[30] La DG s’est donné beaucoup de mal pour résumer les éléments de preuve qui lui ont été présentés concernant l’état de l’appelante. L’on ne peut pas raisonnablement prétendre que la DG n’était pas consciente des éléments de preuve ou des motifs pour lesquels l’appelante a soutenu qu’elle n’a pas pu participer à un programme de réentraînement au travail.

Analyse

(a) Norme de contrôle

[31] Jusqu’à tout récemment, il était convenu que les appels devant la DA étaient régis par les normes de preuve énoncées dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-BrunswickNote de bas de page 3 par la Cour suprême du Canada. Dans les affaires concernant de prétendues erreurs de droit ou la prétendue omission d’observer des principes de justice naturelle, il a été conclu que la norme applicable était celle de la décision correcte, qui correspond ainsi à un seuil de déférence inférieur à celui dont est tenu de répondre un tribunal administratif qui est souvent comparé à une cour de première instance. Dans les affaires comportant des allégations de conclusions de fait erronées, la norme applicable est celle de la décision raisonnable, signifiant une réticence de la Cour à intervenir dans les conclusions de l’entité dont le rôle consiste à évaluer la preuve des faits.

[32] L’affaire Huruglica a rejeté cette approche, soutenant que les tribunaux administratifs ne devraient pas utiliser les normes de contrôles qui ont été conçues pour être appliquées par les cours d’appel. Les tribunaux administratifs devraient plutôt se fier en premier lieu à leur loi constitutive pour déterminer leur rôle.

[33] Bien que l’affaire Huruglica traite d’une décision qui provenait de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, elle a des incidences sur d’autres tribunaux administratifs. Dans cette affaire, la Cour d’appel fédérale a indiqué qu’il était inapproprié d’importer les principes de contrôle judiciaire aux forums administratifs, comme il a été mentionné dans l’affaire Dunsmuir, car ces derniers peuvent avoir des priorités législatives autres que l’impératif constitutionnel voulant préserver la règle du droit. [traduction] « Il ne faut pas simplement tenir pour acquis que ce qui est réputé être la meilleure politique pour les cours d’appel s’applique également aux instances d’appel à caractère administratif ».

[34] Cette prémisse amène la Cour à déterminer le critère approprié qui découle complètement de la loi habilitante d’un tribunal administratif [traduction] :

… la détermination du rôle d’un organisme administratif d’appel spécialisé est purement et essentiellement une question d’interprétation des lois, parce que le législateur peut concevoir tout type de structure administrative à plusieurs niveaux pour répondre à n’importe quel contexte. L’interprétation de la loi appelle l’analyse des mots de la LIPR [Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés] qui doivent être lus au regard de leur contexte global… L’approche textuelle, contextuelle et téléologique requise par les principes d’interprétation législative modernes nous donne tous les outils nécessaires pour déterminer l’intention du législateur en ce qui a trait aux dispositions pertinentes de la LIPR et au rôle de la SAR [section d’appel des réfugiés].

[35] En la matière, cela implique que la norme de la décision raisonnable ou de la décision correcte ne s’applique pas à moins que ces mots ou leurs variantes figurent spécifiquement dans la législation fondatrice. Si cette approche est appliquée à la Loi sur le MEDS, on doit noter que les alinéas 58(1)a) et b) ne qualifie pas les erreurs de droit ou les manquements à la justice naturelle, ce qui suggère que la DA ne devrait pas faire preuve de déférence à l’égard des interprétations de la DG.

[36] Le mot « déraisonnable » est introuvable à l’alinéa 58(1)c), où il est question de conclusions de fait erronées. En revanche, le critère contient les mots « abusive ou arbitraire » ou « sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ». Comme il a été suggéré dans l’affaire Huruglica, il faut donner à ces mots leur propre interprétation, mais le libellé suggère que la DA devrait intervenir lorsque la DG fonde sa décision sur une erreur qui est vraiment énorme ou qui est en contradiction avec le dossier.

(b) Le rapport du Dr Waisman

[37] Après avoir examiné la façon dont la DG a traité le rapport Waisman, je dois conclure qu’elle n’a pas dénaturé l’évaluation du psychiatre consultant de la santé mentale de l’appelante avant la fin de la PMA qui se terminait le 31 décembre 2008. D’abord, il est important de contextualiser le rapport du Dr Waisman datant de février 2014. Il s’agissait d’une évaluation psychiatrique indépendante et unique de l’appelante qui a été menée plus de cinq après la fin de la PMA et près de huit ans après l’accident de la route qui a supposément causé son invalidité. Toutes les conclusions que le Dr Waisman a tirées au sujet des perturbations psychologiques de l’appelante auraient été fondées sur les mêmes éléments de preuve — ses dossiers médicaux et ses réponses subjectives aux questions d’entrevue — dont disposait la DG à l’audience. La différence, et ce point a été invoqué par l’intimé dans ses observations, était que le Dr Waisman, contrairement à la DG, n’avait pas l’expertise ou la compétence pour appliquer les normes particulières du RCP concernant l’invalidité au sens de l’alinéa 42(2)a).

[38] L’appelante s’oppose à la conclusion de la DG au paragraphe 49 de sa décision selon laquelle le Dr Waisman l’a effectivement évaluée comme étant [traduction] « considérablement incapable, plutôt qu’empêchée par son état, d’exercer toute fonction professionnelle », et que son opinion n’indiquait pas qu’une telle incapacité existait avant la PMA. Il est important de noter en l’espèce que la DG était pleinement consciente que le Dr Waisman s’était prononcé sur la santé mentale de l’appelante immédiatement après l’accident, et elle n’a pas contesté son droit de le faire dans un contexte médical. En effet, la DG a mentionné explicitement (au paragraphe 36) la conclusion du Dr Waisman selon laquelle la demanderesse souffrait d’une déficience grave causée par un trouble dépressif important et un trouble de la douleur apparus immédiatement après son accident de la route d’avril 2006, ce qui [traduction] « l’empêchait d’exercer la majorité des fonctions professionnelles utiles dans les domaines où elle est raisonnablement qualifiée sur les plans de l’éducation, de la formation et de l’expérience ».

[39] Cependant, bien que le Dr Waisman ait pu avoir utilisé des formulations telles que « incapacité » ou « incapacité importante » ou « altérations des fonctions mentales et psychologiques » ou « lui empêche effectivement de fonctionner efficacement dans ce domaine » pour décrire l’état de l’appelante après l’accident de la route, il n’a pas employé les termes « invalide » ou « invalidité ». Même s’il l’avait fait, il n’était pas en mesure de juger si l’invalidité était « grave et prolongée » selon la définition légale du RPC. Dans les circonstances, la DG avait le droit d’interpréter le rapport du Dr Waisman, d’en tenir compte conjointement avec les autres éléments de preuve concernant la condition psychologique de l’appelante avant la PMA et d’appliquer ses conclusions au critère du RPC en matière d’invalidité.

[40] L’appelante a également présenté un argument semblable lorsqu’elle a indiqué que le paragraphe 55 de la décision de la DG contenait une erreur. Le paragraphe indiquait ce qui suit [traduction] : « “aucune preuve ne montrait que l’appelante était atteinte d’une maladie mentale grave avant sa PMA… ». Encore une fois, je ne crois pas que la DG avait l’intention de nier le fait qu’il y avait une absence totale de preuve de problèmes psychologiques avant 2009, mais plutôt qu’il n’y avait aucune indication de problèmes psychologiques « graves » invalidants au titre de la définition légale. Comme mentionné, la DG était consciente des diagnostics rétrospectifs du Dr Waisman, et elle a noté le diagnostic de dépression situationnelle causée par la douleur chronique du Dr Sabga datant de mai 2009. Il est vrai que le Dr Waisman a diagnostiqué que l’appelante souffrait de [traduction] « troubles sévères de la régulation de l’affect » immédiatement après son accident de la route d’avril 2006, mais il employait de toute évidence le terme « grave » de façon stéréotypée ou dans le sens clinique ; il est fort peu probable qu’il avait le sens de ce mot en vertu du RPC en tête, mais même si tel était le cas, il ressort de la compétence de la DG d’appliquer l’alinéa 42(2)a) dans le but de déterminer si l’appelante était invalide.

[41] Finalement, après avoir évalué la preuve, la DG a conclu que l’état de l’appelante ne satisfaisait pas au critère. En l’absence d’une erreur de fait qui n’a pas été commise « de façon arbitraire ou abusive ou sans tenir compte des éléments », je ne modifierai pas la conclusion de la DG selon laquelle les perturbations psychologiques de l’appelante n’atteignaient pas le niveau de « gravité » avant la PMA.

(c) Non-participation à un programme de réentraînement au travail

[42] Il est évident que la DG a fondé sa décision, du moins en partie, sur le fait que l’appelante n’a jamais participé à un programme de réentraînement au travail, ce qui lui avait été recommandé par un grand nombre de ses évaluateurs et prestataires de soins. Voici ce qu’a écrit la DG au paragraphe 46 de sa décision [traduction] :

[Dr Kleinman] a recommandé, tout comme l’ont recommandé d’autres évaluateurs dans des rapports datant d’avant ou d’après la PMA de l’appelante, que cette dernière participe à un programme de réentraînement au travail. Le Tribunal a considéré de tels rapports comme preuve d’une capacité d’exercer du moins un type d’emploi sédentaire. La preuve de l’appelante indique essentiellement qu’elle n’a jamais participé à un programme de réentraînement au travail.

[43] L’appelante soutient que la DG n’a pas tenu compte des conditions préalables et des contraintes que le Dr Jasey ainsi que d’autres spécialistes avaient ajoutées à leurs recommandations, mais après avoir examiné leurs rapports, je ne suis pas de cet avis. Il est bien établi en droit qu’un juge des faits n’ait pas tenu de se référer à chacun des éléments de preuve qui lui sont présentés. Quoi qu’il en soit, la décision de la DG indique que celle-ci était consciente que les recommandations de participer à un programme de réentraînement au travail n’étaient pas absolues. Au paragraphe 14, par exemple, la DG a résumé le rapport du Dr Soriano datant du 14 septembre 2006, dans lequel il recommandait que l’appelante participe à un programme de réentraînement au travail de six à huit semaines, mais uniquement si l’image par tomodensitométrie s’avérait [traduction] « relativement normale ». Le Dr Soriano doutait que l’image ne révèle une pathologie grave, et du fait, la tomodensitométrie de suivi, comme l’a noté la DG, était relativement normale.

[44] L’appelante a noté que la recommandation du Dr Jasey datant de mai 2008 et selon laquelle elle devrait participer à un programme de réentraînement au travail venait également avec la condition qu’elle complète d’abord au moins 10 semaines de physiothérapie. L’appelante soutient que la DG a ignoré cette stipulation, tout comme elle a ignoré l’opinion de son physiothérapeute selon laquelle, malgré une physiothérapie exhaustive, elle n’était pas encore prête à participer à un programme de réentraînement au travail. Mon examen de ces documents m’a permis de conclure que le fait que la DG ait ignoré ou non la condition préalable à sa participation à un programme de réentraînement au travail du Dr Jasey, elle avait de bonnes raisons de considérer cela comme étant non substantiel. Dans sa lettre datant du 14 août 2008, le physiothérapeute, Anthony Mastrodicasa, a écrit que l’appelante avait fait du progrès et a recommandé qu’elle continue à faire de la physiothérapie avant d’essayer un programme de réentraînement au travail. La lettre suggère que bien que le physiothérapeute ne pensait pas qu’elle était prête à participer un du réentraînement au travail à ce moment précis, il s’attendait à ce qu’elle soit prête après un autre six semaines de ses services. Selon moi, la DG peut être pardonnée du fait qu’elle n’a pas pensé qu’il était important de mentionner dans sa décision la condition préalable à la participation à un réentraînement au travail du Dr Jasey. Il semblerait que l’appelante ait déposé des éléments de preuve qui indiquent qu’ultimement, elle ne s’est jamais sentie prête à participer à un réentraînement au travail, malgré de la physiothérapie supplémentaire, mais la DG était en droit de considérer cette affirmation comme allant à l’encontre des recommandations — qualifiées ou non — de ses évaluateurs et de faire une déduction au sujet de sa volonté d’atténuer ses blessures.

[45] Selon ce moyen d’appel, je ne suis pas d’avis que la DG a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée.

Conclusion

[46] Pour les motifs exposés précédemment, l’appel est rejeté.

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