Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est refusée.

Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision rendue par la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale le 4 avril 2016. La DG a tenu une audience par téléconférence et a déterminé que le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC). Elle a conclu que son invalidité n’était pas « grave » préalablement à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA) du 31 décembre 2010.

[2] Le 29 avril 2016, dans les délais prescrits, le demandeur a déposé une demande de permission d’en appeler auprès de la division d’appel (DA) fournissant des détails sur les moyens d’appel allégués.

[3] Pour accorder cette demande, je dois être convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Aperçu

[4] Le demandeur était âgé de 45 ans lorsqu’il a présenté une demande de prestations d’invalidité du RPC le 25 mai 2012. Dans sa demande, il a révélé qu’il avait obtenu l’équivalent d’une cinquième année en Inde, son pays d’origine. Il a immigré au Canada en 1988 et son dernier emploi était en tant qu’opérateur de machine dans une usine de transformation des aliments, emploi qu’il a exercé de juillet 1996 à juin 2007, moment auquel il a subi une blessure professionnelle au niveau du dos. Après deux ans, il a repris son travail modifié, ce qui incluait le contrôle visuel des colis. Il a continué à effectuer ces tâches jusqu’en mai 2010, moment auquel il a été mis à pied.

[5] À l’audience tenue devant la DG le 18 novembre 2015, le demandeur a témoigné au sujet de ses antécédents et de son expérience de travail. Il a également décrit ses douleurs au bas du dos et la façon dont celles-ci nuisaient à sa capacité de fonctionner à la maison et au travail. Il a indiqué que la CSPAAT l’a envoyé à l’école pendant un an et demi, où il assistait à des cours pendant quatre à six heures par jour, du lundi au vendredi. À cette époque, il a également suivi des cours d’anglais, langue seconde, bien qu’il ne connaisse pas encore l'alphabet anglais complet. Il a témoigné qu’il a cessé de fréquenter l’école en 2011 et a, depuis, commencé à souffrir de dépression. Il était sous médication et suivait d’autres traitements, mais cela n’a pas aidé à la situation.

[6] Dans sa décision, la DG a rejeté l’appel du demandeur et a conclu, selon la prépondérance des probabilités, qu’il avait conservé sa capacité de travailler et qu’il ne souffrait pas d’une invalidité grave à la fin de la PMA. La DG a conclu que, bien que les compétences linguistiques en anglais du demandeur étaient limitées, il était quand même en mesure d’effectuer des travaux légers, comme le suggère le fait qu’il était capable d’effectuer son travail modifié pour son ex-employeur. La DG a également conclu que le demandeur n’avait pas déployé suffisamment d’efforts pour se trouver un autre emploi adapté à ses restrictions.

Droit applicable

[7] Tel qu’il est énoncé aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[8] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

[9] Aux termes du paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la DG n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ;
  2. b) la DG a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. c) la DG a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] La demande doit soulever un motif défendable qui pourrait donner gain de cause à l’appel pour que celle-ci soit accordée : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. La Cour d’appel fédérale a conclu que la question à savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si le demandeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[11] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audition au fond de l’affaire. C’est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel il devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[12] Est-ce que l’appel a une chance raisonnable de succès ?

Observations

[13] Dans la demande de permission d’en appeler, le demandeur a indiqué les observations suivantes :

  1. Il ressort de la preuve médicale que sa condition générale est « grave », conformément à la définition d’invalidité du RPC. Il souffre de douleurs chroniques au bas du dos, d’un trouble dépressif majeur et de diabète de type 2, lesquels lui causent de la douleur constante et nuisent à sa capacité de fonctionner.
  2. Il possède un niveau d’éducation très limité, et il n’est pas capable de lire ou d’écrire en anglais ou en Punjabi, sa langue maternelle.
  3. Bien qu’il ait tenté de retourner au travail en effectuant des tâches modifiées en décembre 2009, son employeur ne s’est pas conformé aux restrictions prescrites, et sa douleur s’est intensifiée. Même si son employeur lui a offert de le garder après le mois de mai 2010, le demandeur n’aurait pas été en mesure de continuer à occuper son emploi.
  4. La DG a noté au paragraphe 13 de sa décision que le demandeur a repris son travail habituel deux semaines après qu’on lui a assigné des tâches modifiées en décembre 2009. Cette information est inexacte. En fait, il n’a jamais repris ses tâches habituelles et qu’il a continué à accomplir des tâches modifiées, bien qu’il estimait qu’elles dépassaient ses restrictions prescrites.
  5. La DG a également conclu par erreur que le demandeur n’avait pas tenté de suivre un programme de recyclage. En fait, il a bel et bien tenté d’accomplir des tâches modifiées chez son ex-employeur, et une fois que cette option n’était plus disponible, il a tenté de suivre un programme de recyclage offert par la CSPAAT, qui consistait à perfectionner ses compétences en anglais, bien qu’au bout du compte, il demeurait incapable de détenir tout type d’emploi en raison de son invalidité et de son manque de compétences linguistiques.
  6. La DG n’a pas respecté le principe selon lequel [traduction] « la prévisibilité est essentielle pour déterminer si une personne travaille régulièrement », tel qu’il a été énoncé dans MDRH c. BennettNote de bas de page 3. L’expression « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice » fait intervenir la capacité d’une personne de se rendre au lieu de travail chaque fois et aussi souvent qu’elle doit le faire. Il ne s’agit pas d’une exigence raisonnablement atteignable sur le marché du travail actuel que l’on ait besoin d’un employeur compréhensif qui offre un horaire de travail flexible ou dont les exigences en matière de productivité sont souples. Il s’ensuit que si c’est ce dont une personne a besoin pour retourner travailler, le demandeur était « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice ».

[14] Le demandeur a également présenté à la DA une décision du Tribunal d’appel de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail de l’Ontario (TASPAAT) datée du 9 février 2016, à l’appui des propositions énoncées ci-haut et afin de démontrer que la DG a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées. Il a fait valoir que le TASPAAT l’a déclaré inapte à quelque travail que ce soit compte tenu de ses restrictions permanentes organiques et psychologiques, ainsi que de son âge, de son manque de compétences transférables, d’un faible niveau d’éducation et de grandes difficultés linguistiques.

Analyse

[15] Puisque les observations du demandeur ne précisent pas toujours quels moyens d’appel sont invoqués en vertu du paragraphe 58(1) de la LMEDS, j’examinerai ses allégations portées contre la DG sous chacun des titres suivante :

Condition grave, faible niveau de scolarité et incapacité à lire ou à écrire en anglais

[16] Le demandeur soutient que la DG a rejeté son appel malgré la preuve médicale qui indiquait que sa condition générale était « grave » en vertu des exigences du RPC, et sans tenir compte de son faible niveau de scolarité et de son incapacité à lire ou à écrire en anglais.

[17] Outre ces allégations très larges, le demandeur n’a pas indiqué de quelle façon la division générale avait manqué d’observer un principe de justice naturelle, commis une erreur de droit ou tiré une conclusion de fait erronée lorsqu’elle a rendu sa décision. À la suite de mon examen de la décision, il en ressort que la DG a analysé de manière très détaillée les troubles médicaux prétendus par le demandeur — principalement, des douleurs chroniques au bas du dos et de la dépression majeure — à savoir si ceux-ci affectaient sa capacité de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. Ce faisant, elle a prise en considération, comme il convient, les antécédents du demandeur, y compris sa cinquième année et son manque d’aisance en anglais, mais a conclu que ceux-ci n’étaient pas des obstacles majeurs à sa capacité d’effectuer des tâches peu contraignantes à partir du 31 décembre 2010, date de fin de sa PMA.

[18] Bien que les demandeurs ne soient pas tenus de prouver les moyens d’appel à l’étape de la demande de permission d’en appeler, ils doivent décrire, à l’appui de leurs observations, certains fondements rationnels qui cadrent les moyens d’appel énoncés. La DA ne devrait pas avoir à spéculer sur ce que ces fondements pourraient être. Il ne suffit pas au demandeur de dire qu’il n’est pas d’accord avec la décision rendue par la DG, pas plus qu’il n’est suffisant, pour lui, d’exprimer sa conviction persistante que ses problèmes de santé le rendent invalide au sens du RPC.

[19] En l’absence d’erreurs spécifiques prétendues, je dois conclure que les prétendus moyens d’appel du demandeur sont si vastes qu’ils correspondent à une demande de trancher de nouveau l’ensemble de la demande. S’il demande que je révise et évalue à nouveau la preuve pour substituer ma décision à celle de la DG en sa faveur, je suis dans l’impossibilité de le faire. Je n’ai compétence que pour déterminer si l’un de ses motifs d’appel se rattache aux moyens d’appel admissibles du paragraphe 58(1) et si l’un d’eux confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[20] Je ne vois aucune chance raisonnable de succès selon ces moyens.

Tâches modifiées

[21] Le demandeur soutient que la DG a commis une erreur lorsqu’elle a conclu au paragraphe 13 de sa décision qu’il a repris son travail habituel deux semaines après qu’on lui a assigné des tâches modifiées en décembre 2009. En fait, il soutient qu’il n’a jamais repris ses tâches habituelles et qu’il a continué à accomplir des tâches modifiées, bien qu’il estimait qu’elles dépassaient ses restrictions prescrites. Le demandeur a également suggéré que la DG n’a pas tenu compte des éléments de preuve selon lesquels il n’aurait pas été en mesure de continuer à effectuer ses tâches modifiées, même si son employeur ne l’avait pas mis à pied en mai 2010.

[22] Après avoir révisé la décision de la DG en fonction des éléments de preuve à l’appui et pertinents, je ne suis pas convaincu que le demandeur a présenté une cause défendable fondée sur ce moyen d’appel. Aux paragraphes 12 à 14 de sa décision, la DG a résumé le témoignage du demandeur au sujet de son retour au travail de la façon suivante [traduction] :

[12] L’appelant a repris son travail modifié en décembre 2009, et il effectuait des tâches modifiées et moins contraignantes, dont le contrôle visuel des colis.

[13] L’appelant a témoigné que dans le cadre de ses fonctions modifiées, il travaillait de quatre à six heures. Il a témoigné qu’après deux semaines, il a repris ses heures normales. L’appelant a déclaré qu’il a continué de cette façon jusqu’en mai 2010, moment auquel son employeur lui a dit qu’il ne pouvait plus lui offrir un emploi aux fonctions modifiées et qu’il était mis à pied.

[14] L’appelant a témoigné que lorsqu’il était affecté à des fonctions modifiées, il prenait au moins trois pauses au cours de la journée, dont deux pauses de 20 minutes, et une de 30 minutes. Il a déclaré qu’on lui permettait parfois de prendre des pauses de 15 à 20 minutes pour aller aux toilettes, et que s’il ne se sentait vraiment pas bien, il pouvait quitter plus tôt ou prendre des pauses supplémentaires. L’appelant a témoigné que si son employeur avait été en mesure de continuer à l’accommoder, il aurait continué à travailler.

[23] Une inspection minutieuse du texte de la décision indique que la DG n’a jamais dit, comme il a été prétendu, que le demandeur avait repris ses tâches habituelles. Elle a seulement indiqué qu’il a repris ses heures normales, au cours desquelles il a continué à exercer ses fonctions modifiées. De plus, la DG a énoncé la partie du témoignage du demandeur au cours duquel celui-ci a indiqué qu’il aurait continué à exercer ses fonctions modifiées, telles qu’elles lui étaient prescrites, si celles-ci avaient continué à être disponibles après le mois de mai 2010.

[24] En somme, le demandeur n’a pas identifié d’éléments de preuve qui iraient à l’encontre des conclusions de la DG à ces sujets.

Tentatives de recyclage

[25] Le demandeur soutient que la DG a commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’il n’avait pas tenté de se recycler, alors qu’en fait, il s’était inscrit à un programme offert pas la CSPAAT, qui consistait à perfectionner ses compétences en anglais.

[26] Je ne constate pas de cause défendable fondée sur ce moyen. Le demandeur n’a pas soulevé de passage spécifique dans la décision de la DG dans lequel celle-ci niait ses efforts pour se recycler. En fait, la DG en fait mention explicitement au paragraphe 15 [traduction] :

L’appelant a témoigné que la CSPAAT l’a envoyé à l’école pendant un an et demi, où il assistait à des cours pendant quatre à six heures par jour, du lundi au vendredi. Il a déclaré que celle-ci offrait aux étudiants une flexibilité et des mesures d’adaptation à leurs invalidités. L’appelant a déclaré que malgré le fait qu’il a suivi des cours d’anglais, langue seconde à cette époque, il ne connait toujours pas l’alphabet anglais complet.

[27] Au paragraphe 42, la DG a conclu que malgré le fait que le demandeur ait suivi un programme de restauration en milieu de travail, aucun élément de preuve ne permettait de confirmer qu’il a tenté d’obtenir ou de conserver un emploi convenable. N’ayant pas commis d’erreur de fait importante, la DG avait la compétence, en tant que juge des faits, de réviser la preuve disponible et lui accorder le poids approprié pour déterminer que le demandeur avait la capacité d’effectuer certains types de travail.

Indifférence à l’égard du critère de régularité

[28] Le demandeur soutient que la DG a ignoré le critère de « régularité » faisant partie de la définition d’invalidité du RPC lorsqu’elle a conclu qu’il pouvait travailler en raison de sa capacité d’effectuer des tâches « modifiées » entre décembre 2009 et mai 2010.

[29] Bien qu’il est vrai que la DG a énoncé correctement le critère du RPC en matière d’invalidité au paragraphe 5 de sa décision, la question est de déterminer si, au fond, elle a appliqué le critère approprié et a fourni des efforts sincères pour analyser la capacité du demandeur de « régulièrement » détenir un emploi. Après avoir révisé la décision, je ne vois aucune cause défendable fondée sur le fait que la DG aurait manqué à cette obligation.

[30] Aux paragraphes 41 à 43, la DG a déduit des activités subséquentes aux blessures du demandeur que celui-ci était encore capable d’effectuer des tâches peu contraignantes sur une base régulière. Plus particulièrement, elle a noté qu’il a repris son travail modifié en décembre 2009 et qu’il a terminé son programme de recyclage offert par la CSPAAT en août 2011. Elle s’est également fondée sur la mention par le Dr Hussain du fait que le demandeur a travaillé comme monteur électricien à partir d’août 2012.

[31] Je ne soulève aucune erreur de droit ou de fait qui pourrait justifier que je modifie les conclusions de la DG en l’espèce.

Décision du TASPAAT

[32] Une demande d’audience devant la DA ne représente normalement pas une occasion pour soumettre de nouveaux éléments de preuve. La décision du TASPAAT datée du 9 février 2016 n’a manifestement pas été présentée à la DG au moment de l’audience, et il semble que le demandeur l’ait présentée dans l’espoir de revisiter les conclusions de fait qui ont déjà été tirées. Quoi qu’il en soit, peu importe ses conclusions, le TASPAAT applique un ensemble différent de critères légaux qui n’ont pas d’importance pour déterminer une invalidité en vertu du RPC.

Conclusion

[33] Le demandeur n’a pas soulevé de moyen d’appel qui, conformément au paragraphe 58(1), aurait une chance raisonnable de succès en appel. La demande est donc rejetée.

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