Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

W. G. (appelant)

Frank Van Dyke (représentant de l’appelant)

C. G. (témoin)

Introduction

[1] La demande de prestations d’invalidité présentée par l’appelant au titre du Régime de pensions du Canada a été estampillée par l’intimé le 7 novembre 2013. L’intimé a rejeté cette demande initialement et après révision. L’appelant a interjeté appel auprès du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) de la décision découlant de la révision.

[2] Le présent appel a été instruit en personne pour les motifs suivants :

  1. Ce mode d’audience est celui qui permet le mieux à plusieurs personnes de participer;
  2. Il manque des renseignements au dossier ou il est nécessaire d’obtenir des clarifications.

Droit applicable

[3] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne reçoit pas une pension de retraite du RPC;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[4] Le calcul de la PMA est important, car une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au moment où sa PMA a pris fin ou avant cette date.

[5]  Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[6] Le litige ne concerne pas la PMA, car les parties conviennent que cette période prend fin le 31 décembre 2016, ce qu’a également conclu le Tribunal. Puisque la date de fin de la PMA se situe dans l’avenir, le Tribunal doit déterminer s’il est plus probable qu’improbable que l’appelant souffrait d’une invalidité grave et prolongée à la date de l’audience ou avant cette date.

Preuve

[7] L’appelant a 48 ans et vit à X, en Ontario, avec son épouse et ses deux fils (âgés de 5 et de 15 ans). Il a terminé ses études de 12e année et a commencé à travailler comme installateur de toits et de revêtements industriels immédiatement après avoir terminé ses études secondaires. Il a continué à faire ce travail pendant 25 ans, jusqu’à ce qu’il arrête complètement de travailler le 21 juin 2013. Il n’a pas fait d’études postsecondaires, et sa seule autre expérience de travail était qu’il a travaillé occasionnellement pour son père lorsqu’il était adolescent. Dans le cadre de cet emploi, il devait également faire l’installation de revêtement, quoique dans un contexte résidentiel. Il n’a jamais fait autre chose que du travail physique.

[8] Dans les documents joints à sa demande de prestations d’invalidité du RPC, l’appelant a indiqué qu’il n’était pas capable de travailler en raison d’une discopathie dégénérative. Il a écrit qu’il souffrait de douleurs chroniques sévères au niveau du dos et qu’il prenait des doses élevées d’hydromorphine et d’autres médicaments. Il a indiqué qu’il n’était plus capable de travailler à partir du 14 octobre 2013.

Historique

[9] L’appelant a décrit un long historique de douleurs au dos, et l’état de son dos s’est détérioré au fil des années. Le Dr Ingo (médecin de famille) a fourni des certificats d’invalidité pour trois périodes distinctes en 2005 et en 2006. Une IRM réalisée en 2008 a révélé que l’appelant souffrait d’une discopathie dégénérative légère au niveau du rachis lombaire, de déchirures annulaires aux disques L4-L5 et L5-S1 et d’un tout petit renflement discal en L4-L5 sans sténose du canal rachidien. L’appelant a eu une consultation initiale avec le Dr David Smith (clinique orthopédique antidouleur de Kingston) le 5 juin 2010. Le problème a été décrit comme étant de la douleur au bas du dos qui irradiait parfois le long du côté droit en descendant jusqu’au genou.

[10] Le Dr Smith a indiqué que la douleur a commencé en 2006 lorsque l’appelant a entendu un « pop » au moment où il était en position accroupie avec du poids sur ses épaules. Il avait pris une année de congé et avait eu un traitement conservateur sous forme de médicaments. La douleur avait gagné en intensité; l’appelant avait déjà consulté un physiothérapeute et chiropraticien, mais il a indiqué que ces deux traitements avaient aggravé ses symptômes. Au moment où il a vu le Dr Smith pour la première fois en 2010, l’appelant a indiqué qu’il était actuellement sans emploi, qu’il n’avait que trois heures de sommeil interrompu par nuit, qu’il pensait parfois à se faire du mal dans le but de mettre fin à sa douleur et qu’il avait de la fièvre, des frissons et des sueurs nocturnes. Des problèmes de constipation et des difficultés à uriner ont également été signalés. Il a également été noté qu’une discopathie dégénérative, des déchirures annulaires et un bombement discal avaient été constatés dans le passé. Le Dr Smith a indiqué qu’il commencerait un traitement d’injections épidurales. De l’Elavil et de l’Arthrotec ont également été prescrits pour réduire l’inflammation.

[11] Le dossier du Tribunal révèle que l’appelant a consulté le Dr Smith périodiquement au cours de l’année 2012 et a continué à le faire pendant une bonne partie de l’année 2014. L’appelant a reçu des prestations régulières d’assurance-emploi (AE), puis des prestations de maladie d’AE du 8 janvier 2012 au 13 octobre 2012. Le 27 mars 2013, le Dr Smith a noté que l’appelant ne travaillait toujours pas et souffrait encore énormément. Une nouvelle série d’injections épidurales a été planifiée. Le dernier jour de travail de l’appelant pour « Local 269 Kingston » était le 21 juin 2013. L’appelant a travaillé pour quelques entreprises par l’intermédiaire de ce syndicat. Il a reçu des prestations régulières d’AE du 23 juin 2013 au 13 octobre 2013. Cela semble avoir été traité pendant une période au cours de laquelle il était en congé de maladie par l’intermédiaire du syndicat.

[12] Au cours de l’audience, l’appelant a indiqué qu’il a également reçu des prestations d’invalidité à court terme par l’intermédiaire du syndicat, et ce, pendant quelques années, même si la protection offerte par le syndicat ne comprenait pas de prestations d’invalidité à long terme. Comme il a été mentionné précédemment, l’appelant a indiqué qu’il était incapable de travailler à partir du 14 octobre 2013. Il s’agit là de la journée après la date d’expiration de ses prestations d’AE. Au cours de l’audience, il a indiqué que c’était à ce moment-là que la douleur était trop intense. Cependant, il avait constamment mal au dos, même lorsqu’il travaillait. Son épouse a dit qu’il a éprouvé de la douleur en travaillant pendant plusieurs années, mais que cela continuait à s’aggraver et qu’il allait se coucher immédiatement en rentrant du travail afin d’essayer d’être rétabli le lendemain. Elle a dit qu’il s’en sortait uniquement à cause des doses élevées de médicaments. Cependant, il a fini par ne plus être en mesure de sortir du lit.

[13] Le Dr Smith a préparé un rapport médical à l’appui de la demande de prestations d’invalidité du RPC de l’appelant le 11 octobre 2013. Il a présenté des diagnostics de douleur chronique au bas du dos, de discopathie dégénérative (août 2007), de déchirures en L4-L5 (août 2007) et en L5-S1 et de dépression chronique. Le Dr Smith a fourni un pronostic « sombre », a noté des limitations, par exemple qu’il ne pouvait pas marcher, se tenir debout ou rester assis pendant plus de 20 minutes, et il a dit que l’appelant n’était pas capable de lever des charges du plancher jusqu’à sa taille.

[14] L’appelant a rempli son questionnaire relatif aux prestations d’invalidité du RPC le 6 novembre 2013. En plus des déficiences énumérées précédemment, il a inclus des limitations telles que s’assoir (20 minutes), se tenir debout (moins de 20 minutes), marcher (15 minutes), soulever ou transporter des charges (20 livres de l’auto jusqu’à la maison), des problèmes de concentration, de mémoire, de respiration et pour atteindre des objets. Même s’il prend des somnifères, il a de la difficulté à fermer l’œil. Il a également des problèmes intestinaux et des troubles de la vessie, y compris des saignements attribuables à tous ses médicaments. Il ne pouvait pas conduire pendant plus de 30 minutes et avait des sueurs en raison des douleurs qu’il éprouvait lorsqu’il essayait de se faire à manger. Il ne pouvait pas magasiner.

[15] Le 19 octobre 2013, le Dr Smith a écrit que l’appelant n’était pas capable d’exercer son emploi actuel puisqu’il souffrait de douleurs chroniques graves et constantes au bas du dos. Le Dr Smith a indiqué que ce serait ainsi pendant une période indéterminée.

[16] Le 12 janvier 2014, le Dr Smith a signalé que l’appelant souffrait de douleurs chroniques et constantes au bas du dos, variant en intensité de [traduction] « modérément grave » à « grave », avec de la douleur irradiant jusque dans ses jambes et des engourdissements aux jambes. Il a décrit de sérieuses limitations liées à la plupart des activités et a fourni un pronostic « sombre », et s’attendait à ce que l’invalidité soit grave, permanente et susceptible de se détériorer davantage. Les antécédents d’embolie pulmonaire de l’appelant nécessitaient qu’il prenne du Coumadin, mais cela faisait en sorte qu’il ne pouvait pas avoir recours à des procédures d’intervention pour traiter la douleur (malgré son historique selon lequel il répondait bien aux neurotoniques du nerf médian lombaire). Il a écrit que l’appelant ne pouvait tolérer que 30 minutes de travail à condition qu’il n’ait pas à soulever d’objets et à se pencher.

[17] L’appelant a fourni une lettre le 17 mars 2014 dans laquelle il a fait état de limitations qui ont des répercussions importantes sur sa vie quotidienne. Il a dit qu’il a continué à travailler le plus longtemps possible en se fortifiant à l’aide d’antidouleurs tels que de l’Oxycotin, mais il a noté que cela était dangereux pour sa santé et son poids a grimpé de 190 à 300 livres. Il avait encore des problèmes, de l’anxiété, une transpiration excessive, des troubles gastriques, des vomissements, de violents maux de tête, de la dépression, un dysfonctionnement urinaire et des problèmes pour aller à la selle, des effets secondaires sur la santé sexuelle, des problèmes constants de caillots sanguins dans les poumons (doit utiliser des anticoagulants) et de la douleur constante. Il était limité à 20 minutes d’activités (peu importe le type d’activité), et il devait rester allongé la majorité du temps.

[18] Le Dr Smith a fourni un autre rapport médical le 3 mai 2014 qui révélait des diagnostics de discopathie dégénérative chronique, de déchirures annulaires en L4-L5 et en L5-S1, d’arthropathie des facettes lombaires, de la douleur somatique au niveau des deux jambes et de la douleur chronique et sévère au bas du dos. Des restrictions importantes ont été notées : il a décrit les traitements d’injections épidurales lombaires (équivoque), de radiofréquence à impulsions (équivoque) et d’ablation par radiofréquence en continu (efficace, mais de durée inadéquate). Il a émis l’opinion que l’invalidité serait d’une durée indéterminée et a ajouté que l’appelant était incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice ou toute autre occupation (y compris un emploi sédentaire). D’ici le 10 juillet 2014, le Dr Smith a prescrit du Cymbalta à l’appelant pour sa dépression; on lui a également fourni des injections de testostérone.

[19] Le 2 septembre 2014, le Dr Smith a fourni une longue lettre dans laquelle il décrivait l’état de santé de l’appelant. Il a décrit de la douleur grave et constante au bas du dos qui était présente tous les jours, ainsi que de la douleur intense et quotidienne irradiant dans les jambes et de l’engourdissement intense et quotidien dans ses jambes. Il a dit que diverses procédures pour traiter la douleur n’ont pas entraîné de soulagement à long terme de manière fiable. L’appelant faisait actuellement un sevrage d’une dose élevée de stupéfiants et était traité pour supprimer la testostérone induite par les opioïdes. Le Dr Smith n’envisageait pas d’autres enquêtes, tests diagnostiques, consultations de spécialiste, chirurgies, physiothérapie ou soins chiropratiques. Il a dit qu’aucun facteur social, personnel ou professionnel ne contribuait aux conditions de l’appelant et qu’aucun de ces facteurs ne constituait un obstacle à son rétablissement. L’obstacle principal à son rétablissement était que l’appelant souffrait d’une maladie chronique grave.

[20] Au cours de l’audience, l’appelant a indiqué qu’il ne voyait plus le Dr Smith. L’algologue a référé à nouveau l’appelant au Dr Ingo au début de l’année 2016 puisque le seul traitement en cours était la prise de médicaments. L’appelant s’attendait à ce que le pronostic du Dr Smith pour l’année 2016 soit le même que celui qu’il avait émis en 2014. L’appelant a confirmé que les doses de ses médicaments étaient plus faibles qu’en 2014 en raison d’effets secondaires indésirables dont il souffrait, tels que la réduction à zéro de son taux de testostérone. Il a également indiqué que son caillot au poumon a récemment fait en sorte qu’il se retrouve en salle d’urgence. L’appelant consulte actuellement le Dr Ingo pour son hydromorphine (analgésiques) et son Elavil (somnifères). Il a dit que ses médicaments ne le soulagent pas de sa douleur, mais ne font que l’engourdir un peu. L’hydromorphine cause également des hémorroïdes et des saignements. Il ne prend plus de Dilaudid à cause des problèmes liés à son taux de testostérone. À l’exception du Dr Smith, l’appelant n’a pas consulté d’autres spécialistes récemment.

[21] L’appelant dort peut-être un total de quatre heures par nuit en raison de la douleur constante. D’habitude, il ne s’endort que vers 1 h ou 2 h. Il estime que faire quoi que ce soit aggrave sa douleur. Il a également mal aux jambes au moins quelques fois par semaine. Ses maux et ses douleurs provoquent des maux de tête, pour lesquels il prend un certain nombre de médicaments en vente libre. Il peut seulement marcher un peu, mais s’assoir cause également une douleur cuisante au dos et cela provoque des sueurs (il a noté que cela s’est produit au cours de l’audience). Cela fait en sorte qu’il doit se lever, mais il peut rester en position debout uniquement de 10 à 15 minutes avant qu’il ne ressente de la douleur. S’il reste debout plus longtemps que cela, il se retrouvera au lit pendant une semaine. Il a décrit la douleur comme étant comme un couteau planté dans sa colonne vertébrale. S’il fait quoi que ce soit, c’est comme si le couteau se tordait dans sa colonne. Son épouse a dit que s’il tentait de faire quoi que ce soit, il finissait au lit en position fœtale.

[22] L’appelant et son épouse dorment maintenant dans des chambres séparées, car elle est la seule à gagner un revenu et à fournir des soins, et elle a besoin d’un sommeil non perturbé. Il s’agit d’un changement frustrant pour lui, car auparavant, c’était lui qui gagnait le revenu principal pour sa famille, et son épouse ne travaillait qu’à temps partiel. Il gagnait entre 50 000 $ et 60 000 $ par année; elle gagne actuellement un peu moins de 40 000 $ par année en travaillant à temps plein comme aide-comptable pour l’Armée du Salut. Il se décrit maintenant comme étant un ermite qui quitte rarement sa maison : certaines semaines, il ne quitte pas du tout la maison.

[23] Lors d’une journée typique, l’appelant peut être réveillé aussi tôt qu’à 5 h en raison de ses troubles de sommeil. Autrement, son épouse le réveille lorsqu’elle part travailler. Elle lui apporte son déjeuner, puis il reste au lit presque toute la journée. Son épouse a estimé qu’il restait au lit pendant environ 90 % de sa journée en raison de sa douleur chronique. Sa chambre est maintenant rendue le salon; il y a deux télévisions à cet endroit, afin qu’il puisse passer du temps avec ses enfants. Lui et son épouse ont tous deux témoigné qu’il ne fait pas vraiment de travaux d’entretien de la maison à cause de la douleur que cela provoque. Il ne veut pas parler aux autres et a indiqué qu’il ne se [traduction] « sens pas comme un homme ».

[24] L’appelant a indiqué que sa vie de famille a été affectée de façon significative. Il n’a pas participé à une récente fin de semaine de camping avec sa famille. Son épouse s’occupe de toutes les activités scolaires. Lui et son épouse ont tous deux décrit leur famille comme étant un monoménage avec trois enfants : essentiellement, l’appelant est l’un des enfants parce qu’il dépend d’elle. Elle a dit qu’il ne pouvait même pas faire le tour du centre commercial local avant de devoir retourner chez lui et aller au lit. Il s’inquiétait également de la pérennité de ses 16 années de mariage et se demandait combien de temps son épouse allait supporter cela. Ils ont tous deux indiqué qu’ils n’ont essentiellement pas de relations intimes. Son épouse a indiqué qu’ils s’aimaient encore, mais qu’il ne s’agissait plus d’un mariage normal.

[25] Avant d’être invalide en raison de ses maux de dos, l’appelant jouait au hockey et il était également un entraîneur. Il aimait faire de la moto hors route, de la motoneige, de la course de Nascar et du quadricycle. À l’heure actuelle, sa seule activité consiste à écouter la télévision.

[26] L’appelant a indiqué qu’il a essayé tous les traitements recommandés. Son syndicat a payé pour de la physiothérapie lorsqu’il travaillait encore, mais il a constaté que cela ne faisait que l’irriter davantage. Similairement, il a constaté que les traitements chiropratiques (également payés par le syndicat) n’ont fait qu’aggraver les choses. Il a consulté la Kingston Orthopaedic Pain Institute (KOPI) [traduction libre : Institut orthopédique antidouleur de Kingston] pendant plusieurs années, mais des injections de stéroïdes au bas du dos n’ont pas aidé et une ablation par radiofréquence à impulsion (au cours de laquelle une aiguille est utilisée pour [traduction] « brûler » les nerfs autour de sa colonne) n’a pas non plus aidé et c’était très douloureux. Il a consulté le Dr Yach (orthopédie) il y a deux ans, mais le Dr Yach a dit qu’il n’existait aucune intervention chirurgicale qui soulagerait la douleur : cela causerait davantage de douleurs. Il a également acheté une planche [traduction] « d’étirement/de traction » au coût de 2 500 $, mais a constaté que cela n’aidait pas du tout.

[27] L’appelant ne s’est jamais fait référer à un spécialiste de la santé mentale. Il a récemment été inscrit sur une liste d’attente pour un groupe d’aide, mais il ne s’est pas encore fait appeler pour y participer. Bien qu’il ait reçu quelques essais de Cymbalta, ce médicament lui causait d’autres effets secondaires (y compris, des malaises gastro-intestinaux et des symptômes s’apparentant à la grippe) en plus de douleurs. Même à l’heure actuelle, il a besoin de prendre des médicaments supplémentaires afin d’alléger ses souffrances, en raison des effets secondaires des analgésiques. L’appelant devient encore très déprimé et dit que, si ce n’était de ses fils, il se serait enlevé la vie. Cependant, il dit qu’il ne ferait pas cela, car il a vu ce qui est arrivé à ses enfants après le décès de sa première épouse en 1999.

[28] Il n’a pas effectué de travail rémunéré ou de bénévole depuis 2013, et il n’a pas non plus postulé pour des emplois. Bien que cela le frustre énormément, il ne voit pas comment il pourrait exercer un autre emploi : il se sent comme s’il était essentiellement une personne infirme, et ses douleurs sont imprévisibles et dominantes. Son fils aîné et son épouse s’occupent des travaux à l’extérieur de la maison et de l’épicerie. Il ne peut conduire que pendant de très courtes périodes, car juste le fait d’être dans la voiture lui cause de la douleur. Il surveille son fils cadet à la maison, mais son fil retournera à l’école en septembre.

Observations

[29] L’appelant a fait valoir qu’il est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Il souffre de problèmes médicaux qui ont été objectivement vérifiés et qui entraînent de la douleur chronique grave et constante ainsi que des limitations importantes relatives aux activités courantes telles que marcher, s’assoir et rester debout;
  2. Sa situation est aggravée par d’autres conditions telles que la dépression, des problèmes de sommeil et une embolie au poumon qui a une incidence sur le type de médicament qu’il peut prendre;
  3. Il a déployé des efforts importants pour aller mieux (et a également continué à travailler pendant plusieurs années malgré sa douleur croissante), mais il n’est pas employable pour un emploi soumis à la concurrence, ne peut même pas s’occuper de lui-même à la maison et est essentiellement infirme.

[30] L’intimé a fait valoir que l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Objectivement, ses cotes d’interférence fonctionnelle n’ont pas diminué après que sa dose de stupéfiants ait été diminuée;
  2. Bien qu’il puisse avoir des limitations, la preuve ne démontre pas l’existence d’aucune pathologie ou d’une déficience grave qui l’empêcherait d’exercer un emploi convenable;
  3. Compte tenu de son âge, de son niveau de scolarité et de ses compétences transférables, la recherche d’un emploi convenable et un recyclage professionnel restent des options raisonnables.

Analyse

[31] L’appelant doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée à la date de l’audience ou avant cette date.

Caractère grave

[32] Tel qu’indiqué précédemment, une personne est réputée être atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Le critère de gravité doit être évalué dans un contexte réaliste (Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248). Cela signifie que pour déterminer si l’invalidité d’une personne est grave, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que l’âge, le niveau de scolarité, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie.

[33] Le Tribunal a conclu que la preuve documentaire et la preuve orale présentées au cours de l’audience par l’appelant ainsi que son épouse étaient uniformes et crédibles. Le Tribunal reconnait que l’appelant a été un ouvrier manuel travaillant qui s’identifiait complètement à son rôle de [traduction] « pourvoyeur » et qu’il a également continué d’exercer un travail manuel pendant une grande période de temps après qu’il ait commencé à ressentir des effets notables sur sa santé. Le Tribunal accepte qu’il ait été en mesure de travailler aussi longtemps qu’il l’a fait uniquement en raison d’un recours intensif à des analgésiques. Malheureusement, cela a probablement exacerbé son état de santé de telle sorte que ses activités sont maintenant sérieusement limitées.

[34] Le Tribunal accepte que les plaintes actuelles de l’appelant reflètent fidèlement ses conditions actuelles. Le Tribunal conclut également que les autres problèmes de santé de l’appelant, y compris son embolie au poumon, ont créé une situation où très peu peut être fait pour l’appelant, mis à part tenter de limiter ses douleurs extrêmes. Il semble avoir exploré toutes les possibilités de traitement, et il est difficile de penser à un type d’activité que l’appelant pourrait faire sur une base régulière. Les antécédents de l’appelant, conformément à l’affaire Villani, le limitent essentiellement à des occupations non spécialisées ou à son précédent emploi qui implique un élément important d’efforts physiques. Cependant, même s’il avait d’autres expériences de travail ou aptitudes, il est quand même très peu probable qu’il puisse être capable de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice. Même la possibilité d’un travail sédentaire a été écartée par le Dr Smith en 2014. Par conséquent, le Tribunal conclut que l’appelant souffre actuellement d’une invalidité grave, conformément aux lois sur le RPC.

[35] Compte tenu de cette conclusion, le Tribunal doit également déterminer si cette invalidité était continue à une date antérieure. Même si l’appelant souffre de douleurs intenses depuis plusieurs années, le Tribunal note qu’il a reçu des prestations régulières d’AE jusqu’au 13 octobre 2013. De telles prestations exigent généralement qu’un prestataire déclare qu’il est prêt, disposé et apte à travailler. De plus, l’appelant a lui-même indiqué qu’il n’était pas capable de travailler en raison de sa condition médicale à partir du 14 octobre 2013. En conséquence, le Tribunal conclut que l’appelant ne souffrait pas d’une invalidité grave avant le 14 octobre 2013.

[36] La lettre du Dr Smith datant du 19 octobre 2013 indiquait que l’appelant n’était pas capable d’exercer son emploi actuel, et cela, pour une période indéterminée, car il souffrait de douleurs chroniques graves et constantes au bas du dos. Bien que cela puisse faire référence au caractère prolongé de l’invalidité, cela empêche également de conclure au caractère grave à cette époque, car cela ne démontre pas, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant était régulièrement incapable de détenir tout type d’occupation véritablement rémunératrice (plutôt qu’uniquement son emploi). Cela suggère plutôt qu’une autre occupation aurait été possible pour l’appelant à cette époque.

[37] Néanmoins, la déclaration du Dr Smith le 12 janvier 2014 annonce un pronostic qui semble se dégrader et qui empêcherait non seulement l’appelant d’exercer son emploi régulier, mais également d’occuper tout type d’occupation véritablement rémunératrice. Le pronostic du Dr Smith était sombre, et il s’attendait à ce que l’invalidité soit grave et permanente. Le commentaire n’était pas uniquement limité à l’emploi régulier de l’appelant. Particulièrement si l’on tient compte des limitations de l’appelant dans le contexte de ses antécédents de travail et de son niveau de scolarité, le Tribunal conclut que les limitations identifiées dans sa déclaration l’empêchaient probablement, de façon permanente, d’exercer tout type d’occupation véritablement rémunératrice. Par conséquent, le Tribunal conclut que l’appelant souffrait d’une invalidité grave en date du 12 janvier 2014.

[38] Le Tribunal conclut également que l’appelant a continué de souffrir d’une invalidité grave du 12 janvier 2014 jusqu’à l’heure actuelle. Les rapports médicaux ultérieurs sont unanimes quant à une invalidité grave et prolongée. Bien que les diverses notes cliniques rédigées par le Dr Smith en 2014 n’ont pas été décrites explicitement précédemment, elles ne révèlent pas une tendance à la hausse des cotes de douleur, malgré des traitements par injections. Également, le Dr Smith traite spécifiquement de l’incapacité de l’appelant à détenir tout emploi rémunérateur, y compris un travail sédentaire, dans son rapport datant du 3 mai 2014. Finalement, la lettre du Dr Smith datant du 2 septembre 2014 confirme le caractère permanent de l’invalidité de l’appelant et affirme qu’aucun facteur externe ne contribue à la condition de l’appelant.

[39] Compte tenu des tendances documentées au cours de l’année 2014 ainsi que du témoignage oral lors de l’audience, le Tribunal conclut que le manque de documents médicaux objectifs après le 2 septembre 2014 n’entraîne pas nécessairement le rejet de l’appel de l’appelant. L’appelant a décrit qu’il consultait sur une base régulière le Dr Smith jusqu’en 2016, il a décrit une consultation avec un chirurgien orthopédiste en 2014 ainsi qu’un traitement en cours (principalement sous forme de médicaments) par l’intermédiaire du Dr Ingo. Le Tribunal accepte les témoignages fournis à l’audience en ce qui concerne ces traitements et conclut qu’ils sont conformes, à la fois, à l’historique de l’appelant et à une invalidité grave et prolongée. De même, le Tribunal conclut que l’arrêt du traitement par le Dr Smith en 2016 reflète une réaction réaliste en raison du manque de progrès au cours des 6 années d’intervention par un spécialiste.

[40] En raison de l’analyse précédente, le Tribunal conclut que l’appelant avait prouvé qu’il était atteint d’une invalidité grave qui a commencé le 12 janvier 2014 et qui a persistée jusqu’à la date de l’audience.

Caractère prolongé

[41] Comme indiqué précédemment, une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

[42] L’appelant a décrit des conditions qui se sont détériorées au cours d’une longue période de temps. Il a dû s’absenter du travail dès 2005 en raison de ses maux de dos, et il a complètement arrêté de travailler en 2013, malgré un fort désir de continuer à travailler. La détérioration continue ainsi que le pronostic sombre ont été consignés dans le rapport du Dr Smith datant du 12 janvier 2014. À cette date, le Dr Smith a également prévu que la condition de l’appelant serait permanente et grave.

[43] Le 3 mai 2014, le Dr Smith a écrit que la douleur chronique de l’appelant serait grave et prolongée, et ce, pendant une période indéterminée. L’existence d’une maladie chronique grave a encore une fois été affirmée par le Dr Smith le 2 septembre 2014. La preuve à l’audience suggère également qu’il y avait peu d’espoir d’amélioration dans le futur. En fait, la condition de l’appelant pourrait s’aggraver. À la lumière de la preuve portée à sa connaissance, notamment des rapports du Dr Smith datant de 2012 qui ont été décrits précédemment, le Tribunal conclut que l’invalidité grave de l’appelant devrait vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie. Par conséquent, le Tribunal conclut que l’invalidité de l’appelant est prolongée.

Conclusion

[44] Le Tribunal conclut que l’appelant souffrait d’une invalidité grave et prolongée en janvier 2014, lorsque le Dr Smith a présenté une Déclaration initiale du médecin qui étayait l’existence d’une invalidité grave et prolongée selon la prépondérance des probabilités. En vertu de l’article 69 du RPC, les versements commencent à compter du quatrième mois qui suit la date du début de l’invalidité. Les paiements commencent donc en mai 2014.

[45] L’appel est accueilli.

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