Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

  • Représentante de l’appelant : Bozena Kordasiewicz (avocate)
  • Représentantes de l’intimé : Sylvie Doire (avocate) et Sophie Johnson (avocate stagiaire)

Aperçu

[1] Il s’agit d’un appel de la décision rendue par la division générale le 25 juin 2015. La division générale a déterminé que l’appelant n’était pas admissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC), puisqu’elle a conclu que l’appelant n’était pas atteint d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa période minimale d’admissibilité, soit le 31 décembre 2013 ou avant cette date.

[2] L’appelant a déposé une demande de permission d’en appeler à la division d’appel le 20 août 2015. La division d’appel a accordé la permission d’en appeler le 8 septembre 2015 pour quatre motifs selon lesquels la division générale : (1) pourrait avoir omis de tenir compte du caractère raisonnable de l’inobservation par l’appelant des recommandations en matière de traitement; (2) pourrait ne pas avoir examiné l’ensemble de la preuve portée à sa connaissance; (3) pourrait ne pas avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve; (4) pourrait avoir tiré des conclusions de fait erronées sans aucun fondement probatoire.

[3] Dans ses observations pour la demande de permission d’en appeler, l’appelant a soutenu que l’appel ne devrait pas être de l’ordre du contrôle judiciaire et que la division d’appel doit rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Dans la décision relative à la permission d’en appeler, la division d’appel a invité les deux parties à présenter des observations sur cette question.

Questions en litige

[4] Les questions que je dois trancher sont les suivantes :

  1. Quelle est la nature de l’appel des décisions rendues par la division générale devant la division d’appel?
  2. La division générale a-t-elle fait l’une des choses suivantes :
    1. omis de tenir compte du caractère raisonnable de l’inobservation par l’appelant des recommandations en matière de traitement;
    2. n’a pas tenu compte de l’ensemble de la preuve portée à sa connaissance;
    3. a omis de tenir compte de la preuve dans son « ensemble »;
    4. a tiré des conclusions de fait erronées sans aucun fondement probatoire?
  3. Si je détermine si la division générale a commis une erreur comme il a été mentionné précédemment, quelle est la décision appropriée en ce qui a trait à l’appel?

Historique de l'instance

[5] L’appelant a présenté une demande de pension d’invalidité au titre du RPC le 8 juin 2012. L’intimé a rejeté cette demande initialement et après révision. L’appelant a interjeté appel de la décision découlant de la révision, et l’appel a été instruit pas la division générale.

[6] La division générale a instruit l’appel par vidéoconférence. La division générale a conclu que l’appelant souffre de douleurs lombaires, d’un syndrome de douleur chronique et de problèmes psychologiques. Elle a également conclu que plusieurs professionnels de la santé avaient formulé des recommandations en matière de traitement, mais que l’appelant n’a suivi aucune de celles-ci. Au paragraphe 53 de sa décision, la division générale a écrit ce qui suit :

[Traduction]

[53] Il est raisonnable d’assumer que, si l’appelant optimisait son traitement, ses douleurs seraient réduites et sa mobilité s’améliorerait. De plus, ses problèmes psychologiques seraient réduits une fois ses douleurs soulagées, et, à la suite du traitement psychologique recommandé pour lequel le pronostic était bon (voir paragraphe 45 ci-dessus), il aurait été capable de réintégrer le marché du travail même s’il est plus probable que le contraire qu’il n’occuperait pas ses anciennes fonctions de manœuvre de machinerie dans le secteur de la construction.

[7] La division générale a également conclu qu’il existe une preuve selon laquelle l’appelant avait une certaine capacité de détenir une occupation rémunératrice, mais que, à l’exception de la période de légères tâches de bureau, il n’a fait aucun autre effort pour trouver un emploi convenable. Étant donné que la division générale a établi que l’invalidité de l’appelant n’était pas grave, elle n’a pas eu à déterminer si elle était prolongée. La division générale a rejeté l’appel.

[8] L’appelant a demandé la permission d’en appeler pour divers motifs. La permission d’en appeler a été accordée pour les motifs mentionnés précédemment.

Première question en litige : Portée de l'appel

[9] Les parties conviennent que la nature de l’appel devant la division d’appel ne leur permet pas de discuter à nouveau de la même question. Ils conviennent que la division d’appel ne devrait pas mener un contrôle judiciaire ou une analyse de la norme de contrôle. Cela était clair dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Jean, 2015 CAF 242, au paragraphe 19, arrêt rendu par la Cour d’appel fédérale. Cependant, les parties diffèrent en ce qui concerne la façon dont la division d’appel doit instruire les appels.

[10] L’appelant soutient que la division d’appel doit respecter les dispositions législatives particulières pour déterminer la portée et les limitations qui devaient régir l’appel du tribunal administratif initial et celui de deuxième niveau, car cela serait conforme à l’arrêt Huruglica c. Canada (Citoyenneté et Immigration), [2014] ACF no 845 et des sources similaires d’autres autorités.

[11] L’appelant soutient que, dans le cadre de cette approche, des attentes légitimes sont soulevées après que la permission d’en appeler a été accordée selon lesquelles la division d’appel examinera l’ensemble de la preuve portée à la connaissance de la division générale et, au besoin, remplacer la décision de la division générale par la sienne. C’est pour cette raison que le paragraphe 59(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS) offre une marge de manœuvre considérable à la division d’appel. Autrement dit, la division d’appel entreprend un processus à deux étapes. La première est de déterminer si la division générale a commis une erreur au titre du paragraphe 58(1). S’il est conclu que des erreurs ont été commises, la deuxième étape consiste à déterminer la réparation appropriée au titre du paragraphe 59(1). Cette approche est grandement comparable au processus d’une nouvelle audience devant l’ancienne Commission d’appel des pensions. La représentante de l’appelant soutient que, si la deuxième étape est déclenchée, la mesure appropriée en l’espèce est de soumettre la question à la division générale pour décision entièrement nouvelle sur le fond. Elle explique que cette mesure serait appropriée parce que le dossier de preuve est incomplet (c.-à-d. que l’enregistrement de la preuve à l’audience devant la division générale est inaudible).

[12] L’approche de l’intimé tient compte des éléments suivants : l’expertise et les rôles respectifs de chaque division, l’intention du législateur et le degré de déférence à accorder à la division générale. L’intimé est d’avis qu’aucune déférence ne s’imposait si la division générale commet une erreur prévue au paragraphe 58(1) de la LMEDS. Aucune déférence ne s’imposait pour des conclusions de fait erronées tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Autrement, en ce qui concerne les questions de fait et les questions mixtes de droit et de faits (comme l’évaluation de la crédibilité), l’intimé fait valoir que la division d’appel doit faire preuve de déférence à l’égard de la division générale et qu’elle ne doit pas rendre une nouvelle décision relativement à des questions pour lesquelles la division générale jouit d’un avantage importante à titre de juge des faits.

[13] En ce qui concerne l’établissement de l’intention du législateur, l’intimé soutient que les termes de la LMEDS doivent être lus « en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur ». L’intimé souligne les similarités entre les moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS et les moyens énoncés dans l’ancien paragraphe 115(2) de la Loi sur l’assurance-emploi. Sur ce seul fondement, l’intimé soutient que le législateur devait avoir eu l’intention que l’appel devant la division d’appel soit un contrôle circonscrit et que le rôle de la division d’appel doit être semblable au rôle des juges-arbitres de l’assurance-emploi. L’intimé s’appuie sur l’arrêt Canada (Procureur général) c. Merrigan, 2004 CAF 253, au paragraphe 9, où la Cour d’appel fédérale a déterminé que la compétence du juge-arbitre est pour l’essentiel identique à celle qui est conférée à la Cour d’appel fédérale par l’article 28 de la Loi sur les Cours fédérales et que la procédure n’est donc pas un appel au sens habituel de ce mot, mais un contrôle circonscrit. De plus, avant cette décision dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. McCarthy, [1994] ACF no 1158, au paragraphe 18, la Cour fédérale avait déjà conclu que les appels devant les juges-arbitres n’étaient pas des appels au sens habituel du mot, mais une instance de l’ordre du contrôle judiciaire.

[14] En respectant les principes établis par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Huruglica, la division d’appel doit examiner sa loi habilitante et déterminer l’intention législative. Comme l’a déclaré la Cour dans l’arrêt Jean, le mandat de la division d’appel lui est conféré par les articles 55 à 69 de la LMEDS, lesquels lui permettent d’instruire les appels conformément au paragraphe 58(1) de cette loi. Cette disposition énonce les moyens d’appel, et le paragraphe 59(1) énonce les pouvoirs de la division d’appel. Les seuls moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) sont les suivants  :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[15] Par conséquent, je dois me restreindre à déterminer si la division générale a commis une erreur prétendue au titre du paragraphe 58(1) de la LMEDS et, le cas échéant, je dois ensuite déterminer la réparation appropriée au titre du paragraphe 59(1) de la LMEDS. Cependant, cela n’entraîne pas nécessairement la réévaluation de la preuve. Chaque question doit être évaluée individuellement en fonction des faits pour déterminer la mesure appropriée.

Seconde question en litige : Moyens d'appel

(a) Non-respect des recommandations de traitement

[16] L’appelant prétend que, à l’exception des moments où il s’est heurté à des difficultés financières ou d’une autre justification, il a respecté entièrement les recommandations de traitement. Il affirme que la division générale a également fait abstraction du fait que sa médecin de famille, à titre de principale fournisseuse de soins, est qualifiée et qu’elle a offert pendant des années du counselling en matière de santé mentale à l’appelant pour traiter l’anxiété et la dépression. Il soutient que, à cet égard, la division générale n’a pas tenu compte du caractère raisonnable du non-respect des recommandations de traitement psychologique. La division d’appel a accordé la permission d’en appeler pour ce motif.

[17] Au paragraphe 45 de sa décision, la division générale a conclu que l’appelant n’avait pas suivi les traitements psychologiques recommandés pour optimiser sa récupération, ce qui lui a causé des problèmes psychologiques permanents qui l’ont empêché de retourner travailler. Dans les paragraphes 12, 16 et 29, la division générale a reconnu que l’appelant s’est heurté à des difficultés financières et qu’il n’a pas eu les moyens de suivre un traitement psychologique privé. La division générale a confirmé cet obstacle lorsqu’elle a déclaré dans son analyse que l’appelant [traduction] « n’a pas suivi cette recommandation en raison du coût ». Cependant, elle n’a pas mentionné que la médecin de famille de l’appelant a offert du counselling pour l’anxiété et la dépression.

[18] L’intimé soutient qu’aucune preuve portée à la connaissance de la division générale ne démontre que la médecin de famille avait offert le counselling à l’appelant. En effet, la division générale a souligné au paragraphe 29 que le médecin de famille avait recommandé que l’appelant continue, entre autres, la psychothérapie (malgré les contraintes relatives au coût). Si l’appelant recevait des services de counselling de son médecin de famille, pourquoi aurait-il été nécessaire pour elle de recommander la psychothérapie?

[19] Je conviens qu’il n’y a aucun fondement en matière de preuve documentaire pour laisser entendre que la médecin de famille a fourni du counselling psychologique à l’appelant; cette conclusion est appuyée par le fait que la médecin de famille a recommandé à son patient de continuer la psychothérapie. De façon subsidiaire, si elle avait fourni du counselling, celui-ci était clairement inadéquat, ce qui a ainsi mené à une recommandation de psychothérapie.

[20] L’intimé soutient qu’il est possible de conclure que la division générale doit avoir examiné la question du caractère raisonnable du non-respect des recommandations de traitement par l’appelant. Par exemple, l’intimé souligne le paragraphe 49, qui fait état de ce qui suit : [Traduction] « Il n’y a aucune explication satisfaisante concernant la raison pour laquelle l’appelant n’a pas effectué un suivi en ce qui concerne l’anesthésie épidurale étant donné que cela était encore recommandé par la Dre Drew en janvier 2014 parce que son poids s’était stabilisé. »

[21] Bien que la division générale ait cherché à obtenir une justification satisfaisante de la part de l’appelant concernant la raison pour laquelle il n’a pas été de l’avant avec l’anesthésie épidurale, il ne semble pas que la division générale a tenu compte de la question de savoir si le non-respect des recommandations de l’appelante relativement au counselling psychologique était raisonnable. Il ne suffit pas que la division générale fasse mention aux difficultés financières de l’appelante, car cela ne démontre pas si elle a effectivement examiné la question de savoir si ce facteur expliquait raisonnablement le non-respect par l’appelant.

[22] Cependant, l’appelant avait reçu d’autres recommandations de traitement également, comme l’anesthésie épidurale et un programme de réadaptation multidisciplinaire. La division générale a souligné que le chirurgien orthopédiste a recommandé une évaluation menée par une clinique de traitement de la douleur parce que l’appelant pourrait bénéficier d’une approche multidisciplinaire qui comprenait un counselling psychologique, un counselling concernant les médicaments, une sensibilisation et une réadaptation active. Le chirurgien orthopédiste était d’avis que cela aurait des répercussions considérables sur la réussite de la stratégie de retour au travail et de la réadaptation de l’appelant. Le représentant de l’appelant a confirmé que celui-ci n’a ni pris part à une approche multidisciplinaire ni cherché à obtenir l’anesthésie épidurale.

[23] L’appelant déclare qu’il n’avait pas été de l’avant avec une approche multidisciplinaire parce qu’il se fiait à la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT) pour prendre ces dispositions, malgré le fait que la CSPAAT n’offrait pas une protection complète pour les médicaments. Il ne semble pas que cette preuve justifiant la raison pour laquelle l’appelant n’a pas poursuivi le programme de réadaptation multidisciplinaire a été portée à la connaissance de la division générale. Par conséquent, je ne suis pas disposée à l’examiner. Comme la Cour fédérale l’a déclaré dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. O’Keefe, 2016 CF 503, au paragraphe 28, un appel devant la division d’appel ne permet pas la présentant de nouveaux éléments de preuve. Si l’appelant présente des observations selon lesquelles la division générale n’a pas tenu compte du caractère raisonnable du non-respect, il doit à tout le moins démontrer qu’une preuve a été portée à la connaissance de la division générale pour expliquer le non-respect. Sans cela, je ne peux tirer aucune conclusion sur la question de savoir si la division générale n’a pas tenu compte du caractère raisonnable du non-respect par l’appelant de la recommandation de prendre part à un programme de réadaptation multidisciplinaire.

[24] L’un des physiatres a recommandé l’anesthésie tronculaire à la racine du nerf sacro-iliaque gauche pour mieux contrer la douleur. Un chirurgien orthopédiste a également recommandé l’anesthésie épidurale. L’appelant prétend qu’il n’a pas été de l’avant avec l’anesthésie épidurale parce qu’il a compris qu’il ne tirerait aucun bénéfice de cette modalité de traitement en raison de sa taille et de son poids. Cependant, cette explication ne correspond pas à la preuve énoncée au paragraphe 32 de la décision de la division générale. Selon celui-ci, le poids de l’appelant ne serait plus un problème pour l’anesthésie, et l’appelant a été avisé de prévoir une consultation avec la clinique de traitement de la douleur s’il souhaitait aller de l’avant. Le représentant de l’appelant a laissé entendre qu’il doit y avoir eu une barrière linguistique et une incompréhension de la part de l’appelant pour que celui-ci croie qu’il ne pourrait pas tirer profit de ce traitement. Cependant, cette observation a été soulevée au cours de l’audience relative à l’appel et elle n’est pas appuyée par un élément de preuve. J’estime que la division générale a raisonnablement conclu qu’il n’y avait aucune explication satisfaisante pour justifier la raison pour laquelle l’appelant n’a pas effectué un suivi et subi une anesthésie.

[25] La question de savoir si la division générale a tenu compte du caractère raisonnable du non-respect par l’appelant des recommandations selon lesquelles il devrait continuer la psychothérapie ou le counselling psychologique n’est pas claire. J’estime que la division générale a bel et bien tenu compte du caractère raisonnable du non-respect de l’anesthésie épidurale par l’appelant. Dans l’arrêt Lalonde c. Canada (Développement des ressources humaines), 2002 CAF 211, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’un demandeur doit se soumettre à toutes les recommandations de traitement raisonnable. En l’espèce, l’appelant n’a pas fait cela et il n’a pas fourni une justification satisfaisante relativement à son non-respect de certaines recommandations.

(b) Examen de l’ensemble de la preuve

[26] L’appelant soutient que la division générale n’a pas examiné plusieurs rapports médicaux. Pour accorder la permission d’en appeler, la division d’appel a déclaré ce qui suit :

Il n’est pas nécessaire de mentionner dans une décision chacun des éléments de preuve présentés lors de l’audience, étant donné que le membre est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve (Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82. Cette présomption peut cependant être réfutée. Cependant, cette présomption peut être réfutée. Étant donné que la décision ne fait pas état de nombre des rapports produits par les différents médecins, cette présomption peut être réfutée en l’espèce.

[27] L’appelant a désigné plusieurs rapports médicaux qui, selon lui, n’ont pas été pris en considération par la division générale. Il fait valoir que chacun de ces rapports est essentiel pour prouver une invalidité grave, alors que l’intimé prétend que, en tant que juge des faits, la division générale devrait se voir accorder la déférence en ce qui concerne la façon d’utiliser la preuve portée à sa connaissance. À cet égard, l’intimé se fonde sur l’arrêt Housen c. Nikolaisen, (2002) CSC 33, au paragraphe 22, dans lequel la Cour suprême a souligné que les juges de fait (comme la division générale en l’espèce) sont « dans une position avantageuse pour apprécier et soupeser de vastes quantités d’éléments de preuve ».

[28] Je conviens que la division générale doit se voir accorder un certain degré de déférence. Dans le même ordre d’idées, je souligne que la Cour d’appel fédérale a également statué qu’il n’est pas nécessaire, pour le décideur, de rédiger des motifs exhaustifs traitant de tous les éléments de preuve et de tous les faits portés à sa connaissance. Dans l’arrêt Canada c. South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165, au paragraphe 50, le juge Stratas a souligné ce qui suit :

[…] les juges de première instance n’essaient pas de rédiger une encyclopédie où les plus petits détails factuels seraient consignés, et ils ne le peuvent d’ailleurs pas. Ils examinent minutieusement des masses de renseignements et en font la synthèse, en séparant le bon grain de l’ivraie, et en ne formulant finalement que les conclusions de fait les plus importantes et leurs justifications.

[29] Bien que les affaires dont est saisie la Cour d’appel fédérale soient nettement plus complexes et même si le dossier documentaire était beaucoup plus exhaustif dans l’affaire South Yukon, les mêmes principes s’appliquent dans l’affaire dont je suis saisie.

[30] L’intimé soutient que la division d’appel doit considérer la possibilité de mettre de côté la présomption établie dans l’arrêt Simpson seulement lorsque la valeur probante de la preuve qui n’est pas expressément discutée est telle que la preuve aurait dû faire l’objet d’une discussion. Cela serait conforme à la décision de la Cour fédérale dans l’arrêt Singer c. Canada (Procureur général), 2010 CF 607, au paragraphe 20. L’intimé a répondu à cela que ce n’était rien de nouveau ou d’essentiel et qu’il s’agissait simplement du fait que la division générale a fait preuve de préférence à l’égard de certains rapports médicaux par rapport à d’autres. L’intimé prétend que, essentiellement, l’appelant demande d’apprécier et de soupeser la preuve à nouveau en sa faveur, ce qui va au-delà du ressort de la division d’appel.

[31] Cela nécessite un examen des rapports médicaux dont la division générale a fait abstraction selon l’appelant ainsi qu’une comparaison du contenu de ces rapports à l’analyse de la division générale en gardant à l’esprit que la date de fin de la période minimale d’admissibilité applicable est le 31 décembre 2013. Il n’est pas nécessaire de mentionner un rapport précis et d'en discuter parce que celui-ci fait référence à un symptôme particulier s’il est évident dans l’analyse que les symptômes et les limitations ou les répercussions de ces symptômes ont été pris en considération.

[32] Deux commentaires généraux ressortent. Le premier est la question de savoir si la division générale aurait dû apprécier ou soupeser l’avis d’un professionnel de la santé sur l’étendue de l’invalidité d’un appelant, et le second est la question de savoir si la division générale doit accorder le même poids aux rapports médicaux datés lorsqu’il existe des rapports qui ont été produits plus près de la date de fin de la période minimale d’admissibilité d’un appelant.

[33] Un physiatre a jugé que l’appelant souffrait d’une [Traduction] « invalidité partielle permanente », alors que le médecin de famille était d’avis que l’appelant [Traduction] « n’est pas apte à occuper tout type d’emploi étant donné que son problème est suffisamment grave et prolongé pour lui pour être considéré comme une invalidité ». La question de savoir si l’appelant donne à penser que la division aurait dû examiner et accepter ces deux déclarations particulières comme preuve d’invalidité n’est pas claire.

[34] Si les professionnels de la santé devaient formuler des avis sur la gravité de l’invalidité d’un demandeur, cela aurait représenté une usurpation de rôle du juge des faits. La question de savoir si un demandeur peut être réputé invalide aux fins du RPC est réservée à la division générale. Il incombe à la division générale de déterminer si un demandeur respecte les exigences prévues par le RPC. Cela comprend la prise en considération d’un certain nombre d’exigences, y compris la preuve médicale, les caractéristiques personnelles d’un demandeur, et les aspects où il peut y avoir une capacité résiduelle, les efforts déployés par un demandeur pour obtenir et conserver une occupation véritablement rémunératrice, entre autres. Les deux déclarations avaient une valeur probante faible pour ce motif, et la division générale n’était pas obligée d’en tenir compte.

[35] De plus, la plupart des rapports médicaux ont été produits un ou deux ans avant la date de fin de la période minimale d’admissibilité. Par conséquent, ils ont une valeur probante réduite relativement à la question de gravité par rapport aux rapports ou aux avis qui ont été produits de façon concomitante par rapport à la date de fin de la période minimale d’admissibilité. Les deux seuls rapports qui ont été produits dans l’année précédant la date de fin de la période minimale d’admissibilité sont l’évaluation des capacités fonctionnelles datée du 27 novembre 2013 et l’évaluation complète de la CSPAAT datée du 27 janvier 2014.

[36] Je me penche maintenant sur un examen des rapports ou des éléments de preuve précis qui n’ont pas été pris en considération par la division générale selon l’appelant. La représentante de l’appelant a eu l’obligeance de désigner les passages dans chaque rapport qui sont considérés comme essentiels par l’appelant (AD1-8 à AD1-11). La division générale a fait mention à certains des rapports en particulier dans les sections concernant la preuve et l’analyse. L’appelant fait valoir que les rapports médicaux suivants méritaient d’être pris en compte et analysés par la division générale :

  1. évaluation psychologique datée du 15 juin 2011 (GT1-62 à GT1-65);
  2. rapport du physiatre daté du 17 juin 2011 (GT1-42 à GT1-44/GT1-57 à GT1-59);
  3. rapport du spécialiste de la douleur daté du 21 décembre 2011 (GT1-66 et GT1-67);
  4. rapport sur l’état de santé daté du 17 avril 2012 (GT3-104 à GT3-115);
  5. rapport médical du RPC daté d’avril 2012 (GT1-38 à GT1-41);
  6. lettre de la médecin de famille datée du 8 juin 2012 (GT3-69);
  7. évaluation des capacités fonctionnelles (ECF) datée du 27 novembre 2013 (GT3-132 à GT3-146);
  8. rapport de l’évaluation complète de la CSPAAT datée du 27 janvier 2014 produit par le Dr B. Drew, chirurgien orthopédiste, et R. Masek, physiothérapeute (GT6-17 à GT6-23).

[37] L’appelant se fonde sur l’ECF et le rapport de l’évaluation complète de la CSPAAT, mais la division générale a renvoyé à l’ECF aux paragraphes 33, 50 et 51, et au rapport de la CSPAAT aux paragraphes 36, 45, 49 et 51. Bien que la division générale n’ait pas effectué une longue analyse de ces deux rapports ni renvoyé à des résultats précis des évaluations, la division générale a bel et bien fait allusion aux conclusions et aux constatations globales des rapports.

[38] Par exemple, selon le rapport de la CSPAAT, l’appelant souffre du syndrome de douleurs chroniques en raison d’une entorse lombaire et de légers changements dégénératifs du rachis lombaire, y compris une déchirure annulaire au niveau L4-L5, il ne s’est pas rétabli et un rétablissement complet n’est pas prévu. Le chirurgien orthopédiste a également recommandé un traitement. La division générale a souligné dans l’analyse que l’appelant souffre d’un syndrome de douleurs chroniques et qu’on lui a recommandé un traitement. Par conséquent, il est impossible d’affirmer que la division générale n’a pas tenu compte du rapport de la CSPAAT, particulièrement si les recommandations de traitement ont été abordées.

[39] L’appelant se fonde sur certains des rapports étant donné qu’ils documentent certains de ses symptômes, comme ses problèmes au dos et ses problèmes psychologiques (à savoir la dépression et l’anxiété) et qu’ils contiennent l’antécédent des diagnostics. Ces documents comprennent l’évaluation psychologique, les rapports du physiatre et les rapports médicaux du RPC. Cependant, le contenu de certains de ces rapports est similaire aux autres rapports; ils documentent les symptômes de l’appelant, les répercussions de ceux-ci et les options en matière de traitement. Par conséquent, il est possible de présumer que la division générale a tenu compte de ces rapports et qu’il n’était pas nécessaire pour la division générale de les mentionner particulièrement ou de les analyser.

[40] L’appelant se fonde également sur le rapport du RPC parce que la médecin de famille a déclaré que le pronostic est réservé. Cependant, le pronostic n’est pas pertinent en l’espèce parce que la division générale a conclu que l’appelant ne souffrait pas d’une invalidité grave.

[41] L’appelant se fonde sur le rapport du spécialiste de la douleur daté du 21 décembre 2011. La division générale a renvoyé au paragraphe 44 de ce rapport. Celui-ci indique entre autres ce qui suit :

[Traduction]

La douleur bilatérale au cou est accentuée par les mouvements du cou et s’étend jusqu’aux bras droit et gauche. La douleur bilatérale aux épaules est accentuée par les activités où il faut lever les bras au-dessus de la tête.

[…]

Impression et diagnostic différentiel : blessure liée au travail, dépression, syndrome discal cervical, arthrose du rachis cervical, douleur myofaciale aux épaules, syndrome discal lombaire, douleur au nerf sciatique gauche, arthrose du rachis lombaire et spasme secondaire de la musculature paravertébrale du rachis lombaire.

[42] L’appelant se fonde grandement sur ce rapport parce qu’il fait état de ses douleurs au cou et aux épaules et parce qu’il comprend que le spécialiste de la douleur n’a pas recommandé les injections de stéroïdes épidurales. Le physiatre a en fait offert l’anesthésie épidurale et l’injection de stéroïdes épiduraux et l’anesthésie tronculaire comme une option, mais il a donné les avertissements coutumiers à l’appelant à propos des risques.

[43] Je souligne qu’il y a d’autres renvois aux douleurs bilatérales au cou et aux épaules dans le dossier d’audience soumis à la division générale. L’appelant a également mentionné des douleurs au cou et aux bras dans le questionnaire accompagnant sa demande de pension d’invalidité. Cependant, la division générale n’a pas mentionné précisément une douleur au cou ou aux épaules dans sa décision. Si la division générale avait décrit la douleur comme étant [Traduction] « généralisée » ou des mots dans ce sens, ou si les douleurs au cou et aux épaules ont été ressenties une fois seulement (en décembre 2011 ou vers ce moment), l’omission n’aurait pas nécessité un examen approfondi. Les plaintes de douleurs au cou et aux épaules ont cependant continué jusqu’en 2014 et elles faisaient partie des principales plaintes de l’appelant lorsqu’il a rempli le rapport d’évaluation approfondie. Les douleurs au cou et aux épaules semblaient parfois irradier du bas du dos, mais il n’est pas manifeste que la description de la division générale concernant la douleur chronique comprenait plus que la douleur lombaire seulement. La valeur probante des antécédents dont le spécialiste de la douleur s’est servi dans son rapport devient apparente lorsqu’il est tenu compte du fait que les douleurs au cou et aux épaules sont également liées à certaines activités, comme les activités où il faut lever les bras au-dessus de la tête.

[44] L’appelant se fonde sur le rapport sur l’état de santé et sur la lettre de la médecin de famille datée du 8 juin 2012, car les deux documents font état de plusieurs plaintes, y compris des troubles du sommeil. Dans sa lettre de juin 2012, la médecin de famille déclare que la douleur lombaire grave, la dépression, la perte de poids et le trouble du sommeil de l’appelant l’a rendu inemployable, et ce même s’il suivait [Traduction] « toutes les modalités de traitement ». La division générale a mentionné les troubles du sommeil dans la section relative à la preuve, mais elle n’a pas fait mention du trouble du sommeil ou de ses répercussions sur l’appelant. Étant donné que le trouble du sommeil a été considéré comme l’une des principales plaintes de l’appelant, les rapports ou la preuve l’étayant avaient une valeur probante suffisante qui aurait valu la peine d’en tenir compte.

[45] Les observations présentées par l’appelant à la division générale mettaient principalement l’accent sur son dos, sa dépression et son anxiété, et non ses douleurs bilatérales au cou et aux épaules ou son trouble du sommeil. Il est facile de constater la raison pour laquelle la division générale aurait mis l’accent sur les principales plaintes de l’appelant, mais, s’il y a d’autres plaintes fournies qui sont également considérées comme principales, la division générale aurait également dû en tenir compte.

(c) Effet cumulatif des invalidités

[46] Pour accorder la permission d’en appeler, la division d’appel a souligné que la division générale a mentionné et a examiné chacune des invalidités de l’appelant, mais que, toutefois, la question de savoir si elles avaient été examinées dans son ensemble comme l’exige la loi.

[47] L’intimé soutient que la division générale a examiné pleinement l’ensemble des différentes invalidités de l’appelant, contrairement à la situation de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Bungay c. Canada (Procureur général), 201 CAF 47, au paragraphe 11, dans laquelle la Commission d’appel des pensions avait seulement limité son examen de l’arthrose de l’appelant malgré le fait que Mme Bungay souffrait d’un éventail élargi de problèmes de santé, y compris l’hyperparathyroïdie, l’adénomatose pluri-endocrinienne, la polydipsie et la dépression.

[48] Par contre, la représentante de l’appelant soutient que, en accordant la permission d’en appeler, la division d’appel signifiait probablement que la division générale n’avait pas tenu compte de l’effet cumulatif que les invalidités de l’appelant pourraient avoir eu sur sa capacité de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice.

[49] La représentante de l’appelant soutient que la division générale n’a pas tenu compte de l’ensemble des problèmes médicaux de façon cumulative dans l’affaire de l’appelant. Elle soutient que, dans l’affaire Taylor c. MDRH (4 juillet 1997), CP 4436, la Commission d’appel des pensions a établi que les troubles physiques et psychologiques d’un demandeur doivent être examinés dans leur ensemble lorsqu’il existe plusieurs problèmes médicaux. La représentante de l’appelant soutient que la division générale n’a pas évalué le cas de l’appelant dans son ensemble parce qu’elle n’a pas tenu compte du fait qu’il souffrait de plusieurs problèmes de santé à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité.

[50] Les représentantes de l’intimé soutiennent que la division générale a examiné les différents problèmes médicaux de l’appelant de façon cumulative. Elle soutient qu’il y a un lien entre la dépression de l’appelant et ses problèmes de douleurs dorsales, et que la division générale était consciente de ce fait. Par exemple, les représentantes de l’intimé soutiennent que, au paragraphe 36 de sa décision, la division générale a déclaré que le Dr Drew parlait d’une approche multidisciplinaire pour l’appelant et que, en plus de participer à un programme de réadaptation active, il devait également prendre part à des séances de counselling psychologique. De plus, au paragraphe 27, la division générale a souligné que le psychologique avait lié directement la dépression de l’appelante à sa douleur chronique. Le psychologue a conclu que les limitations physiques actuelles et le chômage de l’appelant contribueraient de manière défavorable à son trouble psychologique. Il a recommandé une intervention psychologique ainsi que des traitements physiques, comme la massothérapie et la physiothérapie.

[51] Ces facteurs ont abouti au paragraphe 53 de la décision, où la division générale a discuté des recommandations de traitement pour l’appelant. La division générale a déclaré qu’il était normal d’assumer que, si l’appelant devait optimiser son traitement, sa douleur serait réduite et sa mobilité s’améliorerait, et que ses problèmes psychosociaux seraient réduits une fois la douleur apaisée. Les représentantes de l’intimé laissent entendre que ce paragraphe montre que la division générale avait dû être attentive à l’interaction ou au lien entre les deux troubles de l’appelant.

[52] La division générale a reconnu que l’appelant avait reçu le diagnostic d’un syndrome de douleur chronique et qu’une approche multidisciplinaire avait été recommandée. La division générale a également souligné que l’évaluation de santé de novembre 2013 a laissé entendre que l’appelant avait des blessures psychosociales liées à sa blessure et que la perception de ses capacités était inférieure au niveau d’exigences physiques démontrées. Comme l’intimé le souligne, le paragraphe 53 de la décision de la division générale fait état que la division générale a examiné les troubles physiques ainsi que les troubles psychosociaux de l’appelant. Cependant, étant donné mes conclusions précédentes selon laquelle la division générale n’a pas tenu compte des problèmes au cou et des troubles du sommeil de l’appelant, même si l’appelant a inscrit ceux-ci dans ses plaintes principales, il est impossible de déclarer que la division générale a examiné l’effet cumulatif des invalidités de l’appelant.

(d) Fondement probatoire pour les conclusions de fait tirées au paragraphe 53

[53] La division d’appel a accordé la permission d’en appeler pour un quatrième motif selon lequel la division générale n’a pas énoncé un fondement probatoire pour étayer sa conclusion au paragraphe 53 selon laquelle il était raisonnable d’assumer que, si l’appelant avait optimisé son traitement, sa douleur aurait diminué, sa mobilité se serait améliorée et sa santé mentale se serait améliorée, de sorte qu’il aurait pu réintégrer la population active d’une manière ou d’une autre.

[54] L’intimé soutient que, pour accorder la permission d’en appeler, la division d’appel est allée à la chasse aux moyens d’appel. L’intimé fait valoir que, compte tenu des faits en l’espèce, il était inapproprié pour la division d’appel de soulever un moyen d’appel pour une question de conclusion de fait erronée lorsque l’appelant n’avait pas soulevé cette question. Les représentantes de l’intimé citent l’arrêt Canada (Procureur général) c. Hines, 2016 CF 112. Bien que l’arrêt Hines a été rendu après que la permission d’en appeler avait déjà été accordée dans cette affaire, l’intimé maintient que l’erreur ne peut toutefois pas être compensée.

[55] Dans l’arrêt Hines, la division d’appel a accordé la permission d’en appeler au motif que la division générale a mal interprété la loi lorsqu’elle a conclu que l’âge d’un demandeur au moment de la demande de pension d’invalidité aux termes du RPC fait toujours office d’empêchement absolu à l’admissibilité à cette pension sans souligner ou examiner la question de savoir s’il pouvait exister des exceptions, comme l’invalidité, à la règle générale. Dans la décision relative à la permission d’en appeler, la division d’appel a souligné qu’il est possible qu’il n’y ait pas suffisamment de preuve, voire aucune preuve d’invalidité, mais elle a conclu qu’il était inapproprié à l’étape de la permission d’en appeler d’apprécier la preuve et de tirer des conclusions fondées sur cette preuve. La Cour fédérale a conclu qu’il s’agissait d’une erreur et qu’il n’y avait pas suffisamment de preuve pour établir une absence de capacité à la période visée. La Cour a statué que, s’il n’existe aucune preuve, un tribunal n’est pas tenu d’examiner toutes les exceptions ou mesures réparatoires possibles.

[56] La formulation utilisée par la Cour fédérale offre une certaine orientation. Plus particulièrement, elle a employé les mots [Traduction] « n’est pas tenu » au lieu de « ne doit pas ». La formulation est permissive, et non obligatoire. De plus, elle laisse entendre que la division d’appel pourrait accorder une permission d’en appeler pour des motifs qui pourraient ne pas avoir été soulevés ou avancés par un demandeur. Cela dit, je n’ai aucune compétence pour examiner la question de savoir si la division d’appelant a outrepassé sa compétence en concluant qu’il y avait des moyens d’appels qui n’avaient pas été soulevés par l’appelant. Si l’intimé avait l’intention d’interjeter appel de la question concernant la portée de la compétence de la division d’appel, le recours approprié aurait été la demande d’un contrôle judiciaire.

[57] Si on ne tient pas compte des questions relatives à la compétence, la représentante de l’appelant soutient que ce quatrième motif a en fait été avancé dans les observations pour la permission d’en appeler, aux paragraphes 35 à 37, sous la rubrique intitulée [Traduction] « Le Tribunal n’a pas tenu compte de l’arrêt Inclima c. Procureur général, 2003 CAF 117 ». Les observations sur l’arrêt Inclima portent sur la question de savoir s’il existe une preuve de capacité de travail et, le cas échéant, la question de savoir si l’appelant avait également prouvé que les efforts déployés pour obtenir et conserver un emploi avaient été infructueux en raison de ses problèmes de santé. Je ne vois aucun lien entre les observations de l’appelant sur l’arrêt Inclima et le quatrième moyen grâce auquel la permission d’en appeler a été accordée. En effet, la division d’appel semble avoir abordé les observations de l’appelant concernant l’arrêt Inclima au paragraphe 7d) de la décision relative à la permission d’en appeler. Bien que la division d’appel n’ait pas précisément mentionné l’arrêt Inclima ni renvoyé à celui-ci, le paragraphe 7d) de la décision relative à la permission d’en appeler intègre la formulation du paragraphe 37 des observations de l’appelant.

[58] L’intimé soutient que, nonobstant la question de savoir si l’appelant a soulevé ce moyen, il y avait en fait un fondement probatoire pour que la division générale conclue qu’il était raisonnable d’assumer que, si l’appelant avait optimisé son traitement, sa douleur aurait diminué, sa mobilité aurait augmenté et sa santé mentale se serait améliorée, de sorte qu’il aurait pu réintégrer la population active avec une certaine capacité.

[59] Dans le même paragraphe où elle a tiré ses conclusions, la division générale a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[53] Il est raisonnable d’assumer que, si l’appelant optimisait son traitement, ses douleurs seraient réduites et sa mobilité s’améliorerait. De plus, ses problèmes psychologiques seraient réduits une fois ses douleurs soulagées, et, à la suite du traitement psychologique recommandé pour lequel le pronostic était bon (voir paragraphe 45 ci-dessus), il aurait été capable de réintégrer le marché du travail même s’il est plus probable que le contraire qu’il n’occuperait pas ses anciennes fonctions de manœuvre de machinerie dans le secteur de la construction.

[60] Le membre de la division générale a précisément renvoyé les parties à la preuve sur laquelle il s’est fondé pour tirer ses conclusions, à savoir le paragraphe 45, où le membre de la division générale a déclaré que le psychologue a recommandé une formation sur le comportement cognitif pour le trouble psychologique de l’appelant et où il était également d’avis que les perspectives étaient bonnes. Les représentantes de l’intimé ont également souligné d’autres éléments de preuve médicale à l’appui sur lesquels la division générale aurait pu fonder ses décisions. En raison de cela, je ne suis pas persuadée que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire au paragraphe 53 ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Conclusion

[61] L’appel est accueilli et le dossier est retourné à la division générale pour une nouvelle audience.

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