Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est refusée.

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision rendue par la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale le 4 février 2016. La DG avait tenu une audience en personne et a conclu que la demanderesse n'était pas admissible à une pension d'invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC). Elle a conclu que son invalidité n'était pas « grave » préalablement à la période minimale d'admissibilité (PMA) ayant pris fin le 31 décembre 2016.

[2] Le 4 mai 2016 la demanderesse a présenté à la division d'appel (DA) dans les délais prescrits une demande de permission d'en appeler précisant les moyens d'appel prétendus. Pour accueillir cette demande, je dois être convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Aperçu

[3] La demanderesse était âgée de 28 ans lorsqu'elle a présenté une demande de prestations d'invalidité en vertu du RPC le 12 juillet 2013. Dans sa demande, elle a déclaré avoir l'équivalent d'une onzième année de scolarité en Inde, son pays d'origine. Elle a immigré au Canada en 2004 et elle a obtenu un emploi en tant que couturière en usine et d'autres emplois par la suite. En 2010, elle a été embauchée comme opératrice de machine pour un fabricant de pièces automobiles. Après trois mois de travail, elle a subi une blessure au pouce droit qui a laissé une blessure, des limitations et des symptômes de fatigue et de dépression. Elle n’a pas travaillé depuis.

[4] Durant l’audience devant la DG tenue le 21 janvier 2016, la demanderesse a témoigné concernant ses antécédents et son expérience de travail. Elle possède des compétences linguistiques limitées en anglais et elle a eu recours aux services d'un interprète professionnel. Elle a décrit sa blessure en milieu de travail et la manière dont elle a causé une douleur chronique et une dépression. Elle a reçu un traitement de physiothérapie et de counseling psychologique ayant eu un effet limité. Elle a présenté une demande auprès de la Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail (CSPAAT), qui l'a inscrite à un programme de réentraînement au travail.

[5] Dans sa décision, la DG a rejeté l'appel de la demanderesse en concluant que, selon la prépondérance des probabilités, elle a conservé la capacité de travailler et elle ne souffrait pas d'une invalidité grave à la date de fin de la PMA. La DG a souligné qu'elle n'avait pas besoin de services continus de counseling psychologique et qu'elle ne prenait que peu de médicaments. Elle avait reçu un diagnostic de trouble de stress post-traumatique, mais son psychiatre a dit qu’elle était en rémission. La DG a également conclu que la demanderesse n'a pas donné suite à la référence de la CSPAAT vers un programme de gestion de la douleur et qu'elle n'avait pas déployé suffisamment d'efforts pour trouver un autre emploi adapté à ses limitations. La DG a conclu que, bien que les compétences linguistiques de la demanderesse en anglais étaient faibles, elle avait été capable de trouver des emplois dans le passé.

Droit applicable

[6] Tel qu’il est prévu aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), « [I]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[7] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

[8] Conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) la DG n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. (b) la DG a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (c) la DG a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’un motif d’appel susceptible de donner gain de cause à l’appel soit présenté : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. Selon la Cour d’appel fédérale, la question de savoir si une affaire est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[10] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audition au fond de l'affaire. C'est un premier obstacle que la demanderesse doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel elle devra faire face à l'audition de l'appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, la demanderesse n’a pas à prouver le bien-fondé de la cause.

Question en litige

[11] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[12] Dans sa demande de permission d’en appeler, la demanderesse a présenté les observations suivantes :

  1. La demanderesse a arrêté de travail en raison de sa blessure à la main droite, qui lui a causé une douleur chronique, une dépression et de l'anxiété. Ses symptômes comprennent l'insomnie, des oublis et l'incapacité de se concentrer, et elle n'est pas capable de conduire, d'utiliser le transport en commun ou d'effectuer des tâches ménagères. Malgré la consultation de spécialistes et la consommation continue de médicaments, son état de santé ne s'est pas amélioré de façon importante.
  2. La DG a commis une erreur en ne tenant pas compte de l'ensemble de la preuve et des éléments portés à sa connaissance en concluant que la demanderesse n'était pas admissible à une pension d'invalidité. Elle souffre d'une invalidité grave et prolongée au sens de l'alinéa 42(2)a) du RPC.
  3. La DG n'a pas observé un principe de justice naturelle en ne donnant pas à la demanderesse une audience impartiale et en ne tenant pas compte des nombreux rapports médicaux selon lesquelles elle n'était pas capable de travailler en raison de son état de santé.
  4. Dans sa décision, la DG a mentionné que les consultations de la demanderesse avec le Dr Sharma n'étaient pas des [Traduction] "traitements psychologiques approfondis". De plus, la DG n'a pas accordé suffisamment de poids aux évaluations faites au Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH) parce que la demanderesse n'était pas constamment traitée par l'évaluateur. Cependant, le Dr Sharma et l'évaluation du CAMH démontrent que la demanderesse souffre de graves problèmes psychologiques. Elle a suivi le traitement recommandé par son médecin de famille et son psychiatre. Elle prend part à des séances de psychothérapie avec son psychiatre. Une conclusion de fait erronée a été tirée concernant la nature non grave de son invalidité.
  5. Selon l'arrêt Villani c. CanadaNote de bas de page 3, la DG doit tenir compte de facteurs tels que l'âge, le niveau d'instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l'expérience de vie. La demanderesse était âgée de 30 ans au moment de l'audience et elle possède seulement une onzième année d'instruction acquise en Inde. Son niveau d'anglais est faible et elle n'a jamais suivi de cours d'anglais langue seconde. Elle a seulement occupé des emplois manuels, où elle était entourée de collègues parlant sa langue maternelle. Dans un contexte réaliste, ses chances de retourner dans une occupation adaptée sont très diminuées.

Analyse

(a) Défaut de reconnaître la gravité de l'état de santé de la demanderesse

[13] Une grande partie des observations de la demanderesse constituent une récapitulation de la preuve et de l'argument qui a déjà été présenté à la DG. Elle prétend que la DG a rejeté l'appel malgré la preuve médicale selon laquelle son état général était "grave" selon les critères du RPC.

[14] Mises à part ces allégations générales, la demanderesse n'a pas déterminé la façon dont la DG n'a pas observé un principe de justice naturelle, commis une erreur de droit ou tiré une conclusion de fait erronée en rendant cette décision. Selon mon examen de la décision, la DG a analysé de façon très détaillée les troubles médicaux prétendus de la demanderesse, principalement la dépression et l'anxiété secondaire aux douleurs continues et aux limitations à la main droite, ainsi que la question de savoir si ces troubles ont miné sa capacité de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice au cours de la PMA. Elle a ainsi tenu compte du contexte de la demanderesse, y compris son niveau de scolarité limité et son manque d'aptitudes en anglais, mais elle a constaté qu'il ne s'agissait pas d'obstacles importants à son aptitude de conserver ou d'accomplir un autre emploi.

[15] Bien que les demandeurs ne soient pas tenus de prouver les moyens d'appel à l'étape de la permission d'en appeler, ils doivent décrire, à l'appui de leurs observations, certains fondements rationnels qui cadrent avec les moyens d'appel énumérés. La DA ne devrait pas avoir à spéculer sur ce que les fondements de la demande pourraient être. Il ne suffit pas qu'un demandeur fasse part de son désaccord avec la décision de la DG ou d'exprimer sa certitude continue que ses problèmes de santé le rendent invalide au sens du RPC.

[16] En l'absence d'une allégation précise d'erreur, je dois conclure que les moyens d'appel prétendus de la demanderesse sont si généraux qu'ils correspondent à une demande de trancher de nouveau l'ensemble de la demande. Si elle demande que je réexamine et réévalue la preuve pour remplacer la décision de la DG par une décision favorable à la demanderesse, je ne suis pas en mesure de faire cela. En tant que membre de la DA, je n’ai compétence que pour déterminer si l’un de ses motifs d’appel se rattache aux moyens d’appel admissibles du paragraphe 58(1) et si l’un d’eux confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[17] Je ne vois aucune chance raisonnable de succès pour ces moyens d'appel.

(b) Défaut de tenir compte de l'ensemble de la preuve

[18] La demanderesse prétend que la DG a commis une erreur en ne tenant pas compte de l'ensemble des déficiences qui l'ont rendue invalide. La demanderesse n'a pas précisé les déficiences qui auraient été ignorées par la DG, mais il est de jurisprudence constante qu’un tribunal administratif chargé de tirer des conclusions de fait est présumé avoir tenu compte de tous les éléments de preuve dont il est saisi et n’est pas tenu de mentionner chacune des observations déposées par les partiesNote de bas de page 4. Ceci étant dit, j’ai examiné la décision de la DG et je n’ai rien trouvé qui indique qu’elle ait ignoré l’une ou l’autre des plaintes formulées par la demanderesse ou qu’elle n’en ait pas adéquatement tenu compte.

[19] La décision de la DG contient un résumé exhaustif de la preuve médicale, y compris beaucoup de rapports qui documentent les enquêtes et le traitement pour les différents problèmes médicaux de la demanderesse. La décision se termine avec une analyse dans laquelle la DG discute sérieusement la preuve écrite et orale avant de conclure que les affections de la demanderesse et leurs symptômes, considérés individuellement ou dans leur ensemble, ne l’empêchent pas d’occuper tout type d’emploi.

[20] Je ne constate pas de cause défendable fondée sur ce moyen.

(c) Défaut de tenir une audience impartiale

[21] Autre qu'exprimer son désaccord avec le rejet de sa demande, la demanderesse n'a pas précisé la façon dont la DG n'a pas observé un principe de justice naturelle ou autrement agi de manière inéquitable dans la tenue de l'audience.

[22] Il faut faire preuve de rigueur pour conclure à la partialité et la charge d’établir la partialité incombe à la partie qui en prétend l’existence. La Cour suprême du CanadaNote de bas de page 5 a conclu que le critère d'impartialité est le suivant : « [À] quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique? " Une réelle probabilité de partialité doit être démontrée; un simple soupçon n'est pas suffisant. Ce ne sont pas toutes les dispositions favorables ou défavorables qui justifieront qu’on parle d'impartialité. La partialité dénote un état d’esprit prédisposé de quelque manière à un certain résultat ou fermé sur certaines questions.

[23] Je ne spéculerai pas afin de savoir le motif  sur lequel la demanderesse prétend qu'il existe une impartialité, mais, si elle laisse entendre que la DG a rejeté la preuve sans motif ou qu'elle a indûment substitué ses propres opinions médicales à celle des praticiens, je ne vois aucun motif à ces égards. Après examen de la décision de la DG, je ne suis pas convaincu qu'une personne bien renseignée et raisonnable en arriverait à la conclusion que la DG était impartiale en étudiant la question de façon réaliste et pratique.

(d) Défaut d'accorder un poids approprié à certains rapports

[24]  La demanderesse prétend que la DG a commis une erreur en n'accordant pas le poids adéquat aux rapports du Dr Sharma parce que ses consultations avec celui-ci n'étaient pas des "traitements psychologiques approfondies". La demanderesse fait évidemment référence au paragraphe 76 de la décision, où la DG a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

Selon son témoignage, les consultations étaient d'une durée de 15 minutes, ce qui ne démontrerait pas un traitement psychologique approfondi. Le Dr Sharma est psychiatre. Étant donné la courte durée des consultations, il est raisonnable d'assumer que le médecin se chargeait principalement de l'aspect pharmacologique du traitement de l'appelante.

[25] La demanderesse n'a pas déterminé une erreur factuelle dans cette déclaration et elle ne conteste pas la compréhension de la DG, découlant du témoignage de la demanderesse, selon laquelle les séances avec le Dr Sharma étaient brèves. De plus, la demanderesse n'est pas parvenue à justifier la raison pour laquelle la conclusion tirée à partir de ce fait par la DG était incorrecte et déraisonnable une fois établie.

[26] La demanderesse prétend également que la DG a commis une erreur en n'accordant pas suffisamment de poids à ses évaluations du CAMH parce qu'elle n'a pas été traitée dans cet établissement. Voici ce que la DG a déclaré au paragraphe 79 :

[Traduction]

Les deux évaluations du CAMH ont duré une heure chacune, et l'évaluation était constituée de témoignages formulés par l'appelante sur son état psychologique. Le Tribunal n'accorde pas beaucoup de poids aux évaluations du CAMH étant donné qu'elles n'offraient pas un traitement continu à la demanderesse, mais plutôt une évaluation annuelle.

[27] Encore une fois, la demanderesse n'a pas précisé une erreur factuelle dans la déclaration ci-dessus et elle n'a pas expliqué la façon dont les conclusions comprises étaient incorrectes ou déraisonnables. La DG, qui se fondait sur la preuve factuelle, a choisi d'accorder un poids réduit à deux rapports pour un motif défendable qu'elle a énoncé dans sa décision : les évaluateurs qui rencontrent leurs sujets à une ou deux reprises sont susceptibles d'être peu familiers avec leur état de santé que les fournisseurs de traitement qui les voient régulièrement.

[28] La demanderesse ne m'a pas convaincu que la DG a commis une erreur relativement au poids accordé aux rapports susmentionnés. Même si la demanderesse peut ne pas être d'accord avec les conclusions de la division générale, un tribunal de révision peut examiner minutieusement tous les faits pertinents, évaluer la qualité des éléments de preuve, déterminer quels éléments il peut accepter ou rejeter, le cas échéant, et décider de leur importance.

[29] Les tribunaux se sont déjà penchés sur la question dans d’autres affaires où l’on alléguait que les tribunaux administratifs n’avaient pas examiné l’ensemble de la preuve. Dans l'arrêt SimpsonNote de bas de page 6, l’avocate de l’appelante faisait mention de plusieurs rapports médicaux que la Commission d’appel des pensions (le prédécesseur de la DA) avait, à son avis, ignorés, mal compris ou mal interprétés ou auxquels elle avait accordé trop de poids. En rejetant la demande de contrôle judiciaire, la Cour d’appel a statué ce qui suit :

[...] le poids accordé à la preuve, qu’elle soit orale ou écrite, relève du juge des faits. Ainsi, une cour qui entend un appel ou une demande de contrôle judiciaire ne peut pas en règle générale substituer son appréciation de la valeur probante de la preuve à celle du tribunal qui a tiré la conclusion de fait contestée.

[30] Je ne constate pas de cause défendable fondée sur ce moyen.

(e) Défaut d’appliquer les principes de l’arrêt Villani

[31] Dans sa décision, la DG a résumé le contexte et les caractéristiques personnelles de la demanderesse aux paragraphes 8 à 10 et elle a mentionné le bon critère au paragraphe 83. Dans les paragraphes suivants, la DG a conclu que, bien que son niveau de scolarité et ses compétences linguistiques en anglais soient limités, elle était encore assez jeune pour se recycler.

[32] Dans l'arrêt Villani, la Cour d'appel fédérale s'est exprimée en ces mots :

[...] tant et aussi longtemps que le décideur applique le critère juridique adéquat pour la gravité de l’invalidité – c’est-à-dire qu’il applique le sens ordinaire de chaque mot de la définition légale de la gravité donnée au sous-alinéa 42(2)a)(i), il sera en mesure de juger d’après les faits si, en pratique, un requérant est incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. L’évaluation de la situation du requérant est une question de jugement sur laquelle la Cour hésite à intervenir.

[33] Je ne pourrais pas renverser l'évaluation effectuée par la DG, car elle a appliqué le critère juridique adéquat et pris en compte les perspectives d'emploi réalistes de la demanderesse non seulement dans le contexte de ses invalidités, mais également dans le contexte de son profil personnel. Étant donné que la demanderesse n’a pas démontré la façon dont la DG a mal appliqué l’arrêt Villani, je ne constate pas de cause défendable fondée sur ce moyen.

Conclusion

[34] La demanderesse n'a pas déterminé les moyens d'appel prévus au paragraphe 58(1) qui auraient une chance raisonnable de succès en appel. Par conséquent, la demande est refusée.

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