Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est refusée.

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision rendue par la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale le 9 février 2016. La DG avait tenu une audience par vidéoconférence et avait conclu que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC). Elle avait conclu que son invalidité n’était pas « grave » préalablement à sa date de période minimale d’admissibilité (PMA) du 31 décembre 2014.

[2] Le 9 mai 2016, la demanderesse a présenté à la division d'appel (DA), dans les délais prescrits, une demande de permission d'en appeler comportant le détail des moyens d’appel allégués. Pour accueillir cette demande, je dois être convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Aperçu

[3] La demanderesse avait 39 ans lorsqu'elle a présenté sa demande de prestations d'invalidité du RPC, en juin 2012. Elle a déclaré, dans sa demande, qu'elle détenait un baccalauréat et une maîtrise en informatique et qu'elle avait suivi un cours avancé de programmation en SAS. Elle a occupé un poste de spécialiste de système d'intelligence d'affaires à la Banque de Montréal, emploi qu'elle a quitté en mai 2012 après avoir reçu un diagnostic de lupus.

[4] Le 5 janvier 2016, à l'audience devant la division générale, la demanderesse a déclaré qu'elle avait ressenti de nombreux symptômes débilitants en raison de son état de santé, y compris de la fatigue, des maux de tête, de la diarrhée, des difficultés à se concentrer, et des douleurs abdominales, à la poitrine et aux articulations. Bien que son état s'était, selon elle, amélioré depuis qu'elle avait cessé de travailler, ses symptômes continuaient de ressurgir de façon imprévisible.

[5] Dans sa décision, la DG a rejeté l’appel de la demanderesse et a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que la demanderesse avait conservé la capacité de travailler ne souffrait pas d'une invalidité grave. Bien que la division générale ait reconnu que la demanderesse était atteinte du lupus, elle a conclu que son état de santé était stable et qu'elle réagissait bien aux médicaments, ce qui lui permettait de ménager ses forces au courant de la journée. La demanderesse n'avait pas tenté de trouver un emploi qui correspondrait davantage à son état de santé, même si elle était relativement jeune et très instruite.

Droit applicable

[6] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, (Loi sur le MESD), « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la DA sans permission », et la DA « accorde ou refuse cette permission ».

[7] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « la division d'appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. »

[8] Conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’un motif d’appel susceptible de donner gain de cause à l’appel soit présenté : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. Selon la Cour d’appel fédérale, la question de savoir si une affaire est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[10] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audition au fond de l'affaire. C'est un premier obstacle que la demanderesse doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel il devra faire face à l'audition de l'appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, la demanderesse n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[11] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[12] Dans sa demande de permission d’en appeler, la demanderesse a présenté les allégations suivantes :

  1. La division générale n'a pas pris en compte, dans sa décision, l'état de santé sérieux et des malaises chroniques de la demanderesse, et des tentatives infructueuses de trouver un emploi dans lequel on pourrait tenir compte de ses symptômes de lupus. Non seulement souffre-t-elle de douleurs et d’inconfort, mais aussi, elle doit composer avec la fatigue et la diarrhée, et avec les problèmes de concentration. Il n'était pas raisonnable de la part de la division générale, de s'attendre à ce que les symptômes ne se déclarent pas de nouveau si la demanderesse travaillait de la maison. De plus, la division générale n'a pas mentionné quel autre emploi elle serait en mesure d'occuper.
  2. Dans les motifs de sa décision, la division générale a commis une erreur et a fait preuve de partialité en laissant entendre qu'un médicament prescrit par le médecin de la demanderesse était moins fort que le CellCept. Bien qu'Imuran soit plus sûr que CellCept, il ne devrait pas être considéré comme moins fort ou moins efficace. La demanderesse prend Imuran au cas où elle voudrait un autre enfant, un choix qui lui revient.La division générale a insinué, à tort, que la demanderesse devrait prendre CellCept, le médicament le plus « robuste », puisqu'elle allait se soumettre à un prélèvement d'ovules.
  3. La division générale a injustement fermé les yeux sur les antécédents médicaux et les limitations de la demanderesse. Son lupus est grave et prolongé, et la demanderesse a suivi tous les avis médicaux. Son état s'est amélioré, mais la division générale n'a pas tenu compte de son témoignage au sujet d'autres problèmes de santé dont une insuffisance rénale, une insuffisance hépatique, une microangiopathie thrombotique et une embolie pulmonaire.
  4. La division générale a commis une erreur, aux pages 4 et 8 de sa décision, en faisant référence au Dr Louise Perlin comme étant « il » et en déclarant, à la page 9, que la demanderesse envisagerait d'ajouter le CellCept. Selon la demanderesse, de telles erreurs démontrent que la division générale n'a pas pris son dossier au sérieux.

[13] La demanderesse a aussi ajouté à ses observations les résultats d'analyses en laboratoire du 28 avril 2016.

Analyse

(a) L'état de santé préoccupant et les malaises chroniques négligés

[14] La demanderesse laisse supposer que la division générale a rejeté son appel en dépit d'une preuve médicale démontrant que son état était « grave et prolongé » selon les critères relatifs à l'invalidité au sens du Régime de pensions du Canada. La demanderesse indique également que la division générale a été déraisonnable dans son argumentation en s'attendant à ce qu'il n'y ait aucune recrudescence de la maladie si elle travaillait de la maison, et en ne précisant pas quel autre emploi elle serait capable d'occuper.

[15] Au-delà de ces allégations vagues, la demanderesse n'a pas mentionné comment, en rendant sa décision, la division générale n'a pas respecté un principe de justice naturelle, a commis une erreur de droit ou a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée. Après un examen de la décision, je constate que la division générale a analysé en détail les prétendus problèmes de santé de la demanderesse - principalement ses symptômes reliés au lupus - et comment ils ont influencé sa capacité à détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice après sa période minimale d'admissibilité se terminant le 31 décembre 2014. De cette façon, la division générale a pris en compte les antécédents de la demanderesse et ses tentatives - ou absences de tentative - de trouver un autre emploi dans lequel on tiendrait compte de ses différents troubles. Je ne vois rien dans la décision de la division générale qui laisse croire que la division générale s'attendait à ce que la demanderesse travaille de la maison, ou qui permet de croire que la division générale prétendait que ça empêcherait la recrudescence de la maladie. En outre, en concluant que la demanderesse était capable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice, la division générale n'avait pas à préciser la nature de cette occupation.

[16] Bien que les demandeurs ne soient pas tenus de prouver en quoi les moyens d’appel qu’ils invoquent sont justifiés à l'étape de la permission, ils doivent énoncer certains fondements rationnels qui cadrent avec les moyens d’appel énumérés. La division d’appel ne devrait pas avoir à spéculer sur ce que ces fondements pourraient être. Il ne suffit pas à un demandeur de simplement déclarer qu'il est en désaccord avec la décision de la division générale, pas plus qu’il n’est suffisant, pour lui, d’exprimer sa conviction persistante que ses problèmes de santé le rendent invalide au sens du Régime de pensions du Canada.

[17] En l'absence d'une allégation particulière d'erreur, j'estime que le moyen d'appel invoqué est si vaste qu'il revient à demander de trancher à nouveau l'ensemble de la demande. Si la demanderesse me demande de réexaminer et de réévaluer la preuve en sa faveur et de substituer ma décision à celle de la division générale, je ne suis pas en mesure de le faire. J'ai seulement le pouvoir de déterminer si l’un de ses motifs d’appel se rattache à l’un des moyens d’appel énoncés au paragraphe 58(1) et si l'un d'entre eux a une chance raisonnable de succès.

(b) La mauvaise description de médicaments

[18] La demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur en laissant supposer qu'Imuran était moins fort que CellCept. Bien qu'elle ne l'ait pas dit explicitement, elle a laissé entendre que la division générale avait conclu qu'en ne choisissant pas de prendre CellCept, le médicament apparemment le plus « robuste », elle n'avait pas essayé toutes les options de traitement.

[19] Il est vrai qu'en transmettant le témoignage de la demanderesse, la division générale a qualifié, au paragraphe 20, le CellCept de « plus puissant », mais il ne me semble pas qu'il s'agisse d'une erreur ou d'une mauvaise description. La demanderesse a elle-même déclaré, dans sa demande, que le Dr Perlin avait qualifié le CellCept de « médicament plus efficace » et avait indiqué dans deux de ses rapports qu'on devrait essayer « un traitement plus puissant contre le lupus » une fois que la demanderesse aura terminé les cycles de fécondation. Je remarque, par-dessus tout, que la division générale, dans son analyse, a fait une brève allusion au fait que la demanderesse prenait des immunosuppresseurs. Rien n'indique qu'on ait tiré des conclusions défavorables du fait qu'elle n'a jamais pris de CellCept.

[20] Enfin, même la division générale a réellement commis une erreur de fait, cette erreur est sans importance puisque la division générale semble ne pas s'être appuyée sur elle pour rendre sa décision. Je ne constate pas de cause défendable fondée sur ce moyen d’appel.

(c) Le témoignage sur d’autres problèmes de santé négligé

[21] La demanderesse soutient que la division générale n'a pas tenu compte de son témoignage au sujet de son insuffisance rénale, son insuffisance hépatique, sa microangiopathie thrombotique et son embolie pulmonaire. En fait, aux paragraphes 13 et 14 de sa décision, la division générale a bel et bien fait référence à ces maladies, qui semblaient être reliées à la grossesse de la demanderesse. Bien que la division générale n'ait pas fait référence spécifiquement à ces maladies dans son analyse, il est notoire en droit administratif qu'un décideur n’est pas obligé de faire référence à chacun des éléments de preuve qui lui sont présentés et qu'il a le pouvoir d'accorder à la preuve portée à sa connaissance le poids qu’il estime approprié.

[22] À mon avis, ce motif n'offre aucune chance raisonnable de succès en appel.

(d) Les autres erreurs présumées

[23] L'erreur de la division générale à propos du genre du Dr Perlin est sans importance et sans conséquence sur la décision.

[24] Il semble que la demanderesse nie avoir déjà « envisagé d'ajouter CellCept » comme il est mentionné à la page 9, mais la référence provient du résumé de la division générale à propos du rapport du 11 février 2013 du Dr Perlin. Ayant lu le rapport original dans le dossier d'audience, je ne vois pas en quoi la division générale a commis une erreur en reproduisant le contenu des paroles du Dr Perlin.

[25] Je ne constate aucune cause défendable pour l'un ou l'autre de ces moyens.

(e) La partialité

[26] La demanderesse a formulé de vagues allégations de partialité à l'égard de la division générale, mais à part exprimer son désaccord quant au rejet de son appel, elle n'a pas dit en quoi la division générale n'a pas respecté un principe de justice naturelle, ou a autrement agi injustement dans le déroulement de l'instance.

[27] On doit faire preuve de rigueur pour conclure à la partialité et la charge de démontrer la partialité incombe à la partie qui en allègue l’existence. La Cour suprême du CanadaNote de bas de page 3 a déclaré que le critère à appliquer pour déterminer la présence de partialité consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question … de façon réaliste et pratique? ». De simples soupçons ne suffisent pas. On doit démontrer une réelle probabilité. Ce ne sont pas toutes les dispositions favorables ou défavorables qui justifieront qu’on parle de partialité. La partialité dénote un état d’esprit prédisposé de quelque manière à un certain résultat ou fermé sur certaines questions.

[28] Je n'émettrai pas de supposition quant aux motifs sur lesquels s'appuie la demanderesse pour alléguer la partialité, mais si elle estime que la division générale a rejeté, sans raison, des éléments de preuve ou qu'elle a substitué sa propre opinion à celle de professionnels de la santé, je ne vois aucun fondement à de telles déclarations. Après avoir analysé la décision de la division générale, je ne suis pas convaincu qu'une personne raisonnable et bien renseignée qui étudierait la question de façon réaliste et pratique conclurait que la division générale a fait preuve de partialité.

(f) Les renseignements supplémentaires

[29] Finalement, je remarque que la demanderesse a présenté des renseignements médicaux supplémentaires préparés après l'audience devant la division générale. Normalement, un appel devant la division d'appel ne représente pas une occasion de soumettre de nouveaux éléments de preuve, étant donné les contraintes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, qui ne donne pas à la division d'appel l'autorité de rendre une décision basée sur le fond de l’affaire.

[30] Une fois qu’une audience devant la division générale a pris fin, il y a très peu de raisons qui justifieraient de soulever d’autres points ou des points nouveaux. Un demandeur pourrait envisager de présenter à la division générale une demande d'annulation ou de modification de sa décision. Cependant, il faudrait que ce demandeur se conforme aux exigences des articles 66 de la Loi sur le MEDS et aux articles 45 et 46 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale. Non seulement y a-t-il des délais et exigences strictes à respecter pour obtenir gain de cause dans une demande d’annulation ou de modification, mais aussi faut-il que le demandeur démontre que les éventuels faits nouveaux sont essentiels et qu’ils n’auraient pu être connus au moment de l’audience malgré l’exercice d’une diligence raisonnable.

Conclusion

[31] La demanderesse n'a soulevé aucun moyen d'appel aux termes du paragraphe 58(1) présentant une chance raisonnable de succès en appel. La demande est donc rejetée.

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