Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

[1] La division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) refuse la demande de permission d’en appeler.

Introduction

[2] Le 24 septembre 2013, l'intimé a rendu une décision, découlant de la révision, relativement à la demande de pension d'invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) présentée par le demandeur. La décision découlant de la révision a maintenu la décision antérieure de l'intimé qui refusait au demandeur une pension d'invalidité. Le demandeur a interjeté appel de la décision découlant de la révision devant la division générale du Tribunal, qui a rendu sa décision le 22 octobre 2015. En s'appuyant sur le fait que l'invalidité du demandeur ne satisfaisait pas aux critères énoncés dans le RPC, la division générale a conclu que le demandeur n'était pas admissible à la pension d'invalidité du Régime de pensions du Canada.

[3] Le demandeur demande la permission d’en appeler (demande) de la décision de la division générale. Le Tribunal a reçu la demande initiale le 8 janvier  2016. À la suite d'une correspondance avec le Tribunal, la représentante du demandeur a rempli une demande complète le 8 février 2016. Puisque cette date correspond aux directives du Tribunal quant au dépôt de la demande, la division d'appel estime que cette demande a été déposée à temps.

Motifs de la demande

[4] La représentante du demandeur a fait valoir au nom de ce dernier que la division générale avait commis plusieurs erreurs en rendant sa décision. La division d'appel déduit des observations de la représentante que cette dernière laisse entendre que la division générale a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte des effets cumulatifs des affections du demandeur.

[5] La division d'appel déduit également que la représentante du demandeur a laissé entendre que la division générale a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées qu'elle a tirées au sujet de la preuve relative à l'habileté du demandeur à chercher un traitement et le poursuivre, et à continuer de travailler.

Question en litige

[6] La division d’appel doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[7] Les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) régissent la demande de permission d'appeler. Selon le paragraphe 56(1) de la Loi sur le MEDS, la permission d’en appeler d’une décision de la division générale du Tribunal constitue une étape préliminaire d’un appel devant la division d’appel. Selon le paragraphe 56(1) : « Il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission ». Le paragraphe 58(3) prévoit que la « division d’appel accorde ou refuse cette permission ».

[8] Pour obtenir la permission d’en appeler aux termes du paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS le demandeur doit convaincre la division d’appel que son appel aurait une chance raisonnable de succès, sans quoi la division d’appel devra refuser la demande de permission d’en appeler. Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. »  Dans Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41 et dans et dans Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63, la Cour d’appel fédérale a statué qu’une chance raisonnable de succès correspond à une cause défendable.

[9] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] Dans l’affaire Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300, le membre a conclu que lors de l’évaluation d’une demande de permission d’en appeler, la division d’appel doit d’abord déterminer si les motifs d’appel du demandeur correspondent à l’un des moyens d’appel énoncés.

Analyse

La division générale a-t-elle ignoré les effets cumulatifs des problèmes de santé dont souffrait le demandeur ?

[11] La représentante du demandeur a fait valoir que la division générale n'avait pas tenu compte [traduction] « de l'effet de l'ensemble des invalidités du demandeur pour déterminer leur effet cumulatif » et rendre sa décision sur la question de savoir si l'invalidité du demandeur répondait à la définition d’invalidité grave et prolongée du RPC. Elle a fait valoir que le médecin de famille et le spécialiste du demandeur avaient appuyé ses tentatives d'obtenir des prestations d'invalidité. La représentante a également affirmé que la division générale aurait dû en arriver à une décision similaire à celle de la Commission d'appel des pensions (CAP), dans Bulger c. MDRH (18 mai 2000) CP 09164 (CAP) puisque le demandeur, tout comme madame Bulger, souffre de fibromyalgie.

[12] La représentante du demandeur pointe l'affirmation suivante, dans l'affaire Bulger, pour appuyer sa position :

« Même si la Commission est d'accord avec l'allégation du Ministre selon laquelle l'appelante n'a pas toujours suivi les divers programmes de traitement recommandés, elle juge néanmoins que cette décision n'a pas toujours été déraisonnable, compte tenu de sa situation. On ne peut pas s'attendre à ce que les personnes qui souffrent de fibromyalgie et de douleurs diffuses constantes, qui manquent de sommeil et d'énergie et qui se sentent désespérées et déprimées suivent des programmes de traitement avec le même enthousiasme et la même régularité que les personnes qui se remettent d'une fracture ou d'une blessure infligée dans un accident. Il faut également tenir compte du fait que, bien souvent, on n’a pas accès à autant d’installations de soins de santé secondaires financées par le gouvernement comme on le voudrait, ni d’ailleurs à la pharmacothérapie ».

[13] La représentante du demandeur soutient que les affirmations mentionnées ci-dessus valent également pour le demandeur, et que la division générale a commis une erreur de droit en ne les appliquant pas en l'espèce.

[14] Le premier objet de litige réside dans le fait que les décisions de la Commission d'appel des pensions ne lient pas le Tribunal.  Elles n’ont qu'une valeur persuasive. Ainsi, la division générale n’était pas tenue de suivre la décision de la CAP, et, ne l'ayant pas suivie, elle ne doit pas être considérée comme ayant erré. Dans le cas du demandeur, la division générale a distingué l'arrêt Bulger parce que, dans ce cas, l'appelante  avait tenté de suivre les traitements recommandés et avait une bonne raison de ne pas les avoir suivis.  De plus, la division générale a conclu que la preuve médicale concernant la gravité de la fibromyalgie du demandeur était mitigée. Néanmoins, elle était convaincue que le demandeur souffrait « de problèmes médicaux graves au moment de sa PMA ». En fait, la division générale a conclu que les problèmes sévères d'apnée du sommeil du demandeur, son trouble dépressif majeur et sa fibromyalgie, constituaient ensemble un état grave. Cependant, après avoir soupesé comme il se doit les éléments de preuve, la division générale n'a pas conclu que le degré de sévérité de l'invalidité a atteint un niveau suffisant pour satisfaire la définition prévue au RPC.

[15] Selon la preuve, le médecin de famille du demandeur a énuméré la fibromyalgie chronique et l'apnée du sommeil comme étant les principaux diagnostics au moment de rédiger son rapport médical du RPC (GD4-35). Il a aussi signalé la dépression chronique comme étant une des affections du demandeur (GD4-38). La division générale était consciente de ces diagnostics et des traitements recommandés dans de telles conditions. Elle était également consciente du témoignage du demandeur au sujet de son état de santé et des effets de celui-ci sur sa vie (paragraphes 11 à 29).

[16] Comme il a été mentionné précédemment, la division générale a tenu compte de l'effet cumulatif des problèmes de santé du demandeur. Malgré ses conclusions selon lesquelles l'état de santé du demandeur était grave à la fin de la période minimale d'admissibilité, la division générale a conclu que le demandeur n'avait pas suivi les traitements recommandés. Plus précisément, elle a conclu que le demandeur a obtenu de l'aide pour ses troubles psychologiques puisque ceux-ci étaient des sources de complication relatives à la fibromyalgie et à l'apnée du sommeil. On ne peut donc pas dire que la division générale a commis une erreur à cet égard.

[17] De l'avis de la division d'appel, la  représentante du demandeur est en profond désaccord avec les conclusions de la division générale. Ce faisant, il s'agit, pour la division d'appel, d'une invitation à apprécier la preuve de nouveau. Selon la Cour d’appel fédérale dans Tracey, dans le cas d'une demande de permission d'en appeler, le rôle de la division d’appel n'est pas d’évaluer de nouveau la preuve. La permission d’en appeler n'est pas accordée en ce qui a trait à cette observation.

La division générale a-t-elle mal interprété la preuve ?

[18] La représentante du demandeur a fait valoir que la division générale avait mal interprété la preuve au sujet concernant sa capacité de chercher d'autres traitements et de les poursuivre. La division générale a entrepris un examen approfondi de la preuve médicale. Elle a conclu que cinq professionnels de la santé avaient suggéré au demandeur de demander de l'aide pour ses problèmes psychologiques puisque ceux-ci compliquaient le traitement de la fibromyalgie et de l'apnée du sommeil. La division générale a également conclu que le demandeur ne s'était pas conformé aux recommandations du physiatre, du psychiatre, de son médecin de famille, ou du spécialiste des troubles du sommeil.  Elle a aussi conclu que le demandeur ne s'était pas présenté aux rendez-vous prévus avec les spécialistes en santé mentale (paragraphes 20/35). De plus, il n'a pas participé au programme d'exercice recommandé, au motif que les exercices n'allaient pas l'aider à guérir (paragraphe 39).

[19] La représentante du demandeur a tenté d'avancer des explications au sujet du comportement du demandeur. Parmi ces explications se trouve l'observation de la représentante selon laquelle le demandeur se représentait seul à l'audience, et, en dépit de l'aide d'un interprète en panjabi, il se peut qu'il n'ait pas été en mesure d'expliquer son raisonnement en détail.

[20] Avec égard, la division d'appel est d'avis que ces explications ne sont ni plus ni moins que des spéculations de la part de la représentante du demandeur. Aucun problème n'a été soulevé au sujet de la nature de l'audience devant la division générale. Par conséquent, la division d'appel conclut que le demandeur a eu de nombreuses occasions de présenter ses arguments.  La division générale ne saurait être blâmée si la représentante du demandeur estime par la suite que le demandeur aurait pu présenter ses arguments autrement. Ainsi,  l’argument selon lequel la division générale a mal interprété la preuve concernant la capacité du demandeur de chercher et de maintenir un traitement ne donne pas lieu à un moyen d'appel qui aurait une chance raisonnable de succès.

[21] La représentante du demandeur a aussi soutenu, en s'appuyant sur l'arrêt Lalonde c. Canada (MDRH), 2002 CAF 211, que  la division générale avait mal interprété la preuve concernant les tentatives du demandeur pour trouver et conserver un autre emploi. Dans Lalonde, la Cour d’appel fédérale a conclu que la CAP n'avait pas déterminé si l'invalidité physique du demandeur était grave et prolongée, comme elle était tenue de le faire. En renvoyant l'affaire à la Commission d'appel des pensions, la CAF a mis l'accent sur le fait qu’il incombait à madame Lalonde de « faire la preuve devant la Commission de son incapacité physique face aux exigences du paragraphe 42(2) de la Loi et des efforts qu'elle a déployés pour se trouver un emploi dans les circonstances (Adele Lutzer c. Ministre du Développement des ressources humaines, 2002 CAF 190, paragraphes 7 et s.). »

[22] Tandis que Lalonde peut témoigner de l'exigence de l'évaluation de l'état du demandeur afin de pouvoir déterminer si l'invalidité est « grave et prolongée », la division d'appel n'est pas convaincue que la division générale a omis de procéder à cette évaluation. En réalité, la division générale a fondé sa décision sur l’omission de la part du demandeur de suivre le traitement recommandé. La division d’appel n’est pas convaincue qu'il s'agit d'une erreur. La division générale peut arriver à une décision de différentes façons, y compris, par exemple, en se fondant sur le fait qu'un appelant a conservé une capacité de travailler. Par conséquent, la division d’appel n’est pas non plus convaincue que cette observation révèle un moyen d’appel qui présente une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[23] La représentante du demandeur est d'avis que la division générale a commis une erreur de droit et qu'elle a mal compris les éléments de preuve du demandeur. Selon l’analyse qui précède, la division d’appel n’est pas convaincue que les observations révèlent des moyens qui ont une chance raisonnable de succès en appel.

[24] La demande est rejetée.

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