Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est refusée.

Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’interjeter appel de la décision rendue par la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) le 28 janvier 2016. La DG avait tenu une audience par vidéoconférence et déterminé que le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (Loi), ayant conclu que son invalidité n’était pas « grave » avant que prenne fin sa période minimale d’admissibilité le 31 décembre 2014.

[2] Le 2 mai 2016, le demandeur a présenté à la division d’appel (DA), dans les délais prescrits, une demande de permission d’en appeler précisant les motifs d’appel allégués. Pour accueillir cette demande, je dois être convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Aperçu

[3] Le demandeur avait 51 ans au moment où il a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, le 26 août 2013. Dans sa demande, il a révélé détenir un diplôme d’études secondaires, à la suite duquel il a obtenu un certificat après des études d’un an en entretien des bâtiments. Il a occupé des emplois de découpeur de viande, de camionneur et de préposé à l’entretien de bâtiments. En avril 2011, il s’est cassé la jambe gauche et a subi des blessures au cou et au dos dans un accident de motocyclette. Il ne travaille plus depuis l’accident.

[4] Durant l’audience devant la DG, le 21 décembre 2015, le demandeur a témoigné qu’il ne peut pas travailler parce qu’il ressent une douleur constante à la jambe gauche, lui rendant difficile de marcher et de monter des escaliers. Il ressent une douleur aiguë à partir des épaules jusqu’au cou, et il n’est pas capable de tourner la tête. Sa douleur se manifeste de façon irrégulière et imprévisible. Il est déprimé et vit des difficultés cognitives.

[5] Dans sa décision, la DG a rejeté l’appel du demandeur après avoir conclu, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur avait conservé la capacité de travailler et ne souffrait pas d'une invalidité grave. Quoique la DG a reconnu que le demandeur avoir été impliqué dans un accident grave et qu’il ne pourrait probablement plus occuper un emploi exigeant sur le plan physique, elle a conclu qu’il avait préservé une capacité résiduelle lui permettant de perfectionner ses compétences professionnelles et d’obtenir un autre type d’emploi.

Droit applicable

[6] Comme le prévoient les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la DA sans permission et la DA accorde ou refuse cette permission.

[7] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que DA rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[8] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la DG n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) la DG a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) la DG a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel soit présenté : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. La Cour d’appel fédérale a conclu qu’une cause défendable en droit revient à déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[10] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une instruction de l’affaire sur le fond. C'est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel il devra faire face lors de l’instruction de l'appel sur le fond. Au stade de la permission d’en appeler, le demandeur n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[11] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[12] Dans sa demande de permission d’en appeler, le demandeur a présenté les observations suivantes :

  1. Au paragraphe 45 de sa décision, en concluant que la simple participation à des évaluations des capacités fonctionnelles parrainées par l’assureur ne constituait pas un véritable effort pour obtenir un autre emploi, la DG a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Le demandeur fait valoir qu’il a, en fait, également pris part à une évaluation situationnelle auprès du Ross Rehabilitation afin d’évaluer ses perspectives d’emploi dans un environnement sécuritaire.
  2. Au paragraphe 48, la DG a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée en interprétant mal les opinions du Dr Paul Grosso (4 juillet 2012), du Dr Scott Garner (7 novembre 2012), de Maria Ross et de Katrina Kotsopoulos (20 janvier 2013) et du Dr Rick Ogilvie (19 mars 2013).
  3. La DG a commis une erreur de droit quand elle a conclu que le demandeur n’était pas atteint d’une invalidité grave étant donné qu’il n’avait pas essayé physiquement de retourner au travail ou aux études. Ce faisant, la DG a ignoré la jurisprudence qui soustrait un requérant d’une telle obligation si, comme dans le cas du demandeur, il n’a pas la capacité résiduelle pour travailler ou se recycler, que ce soit en raison de son état de santé, de son âge, de sa scolarité ou de son expérience de travail.
  4. Au paragraphe 47, la DG a commis une erreur de droit lorsqu’elle n’a pas considéré la douleur chronique comme une invalidité au sens de la Loi. Ce faisant, elle a ignoré la décision rendue dans Nouvelle-Écosse (Workers' Compensation Board) c. MartinNote de bas de page 3 par la Cour suprême du Canada, qui avait statué que la douleur chronique est une invalidité donnant ouverture à indemnisation, même s’il n’existe aucune preuve objective à l’appui. En rejetant l’allégation de douleur chronique du demandeur, la DG a également violé ses droits aux termes du paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés.

Analyse

a) Évaluation situationnelle du Ross Rehabilitation

[13] Le demandeur conteste les conclusions de la DG concernant ses efforts pour retourner au travail, plus particulièrement le paragraphe 45 de sa décision, qui se lit comme suit :

[Traduction]
Dans son témoignage oral, l’appelant a reconnu n’avoir fourni aucun effort pour perfectionner ses compétences professionnelles ou obtenir un autre emploi. Le Tribunal estime que la simple participation à des évaluations des capacités fonctionnelles dans le cadre d’un procès pour accident de la route ne revient pas à des efforts pour obtenir un autre emploi. Mme B. B. a indiqué que la compagnie d’assurances a payé pour l’évaluation de janvier 2013, mais qu’elle a refusé de payer les suivis professionnels. S’il se peut que cela ait été le cas, l’appelant est cependant responsable d’essayer de recourir aux programmes disponibles, gouvernementaux et autres, pour perfectionner ses compétences et trouver un emploi. Il n’a déployé aucun effort à cet égard.

[14] Le demandeur soutient qu’il n’avait pas seulement participé à une évaluation des capacités fonctionnelles dans le cadre de son procès pour accident de la route, mais qu’il avait aussi participé à une évaluation situationnelle de deux jours dans le but d’évaluer ses perspectives d’emploi dans un environnement sécuritaire. Le demandeur allègue que le rapport du 28 mai 2015 découlant de cette évaluation avait été admis en preuve par la DG, mais qu’elle n’en avait pas tenu compte dans sa décision.

[15] Je ne constate pas de cause défendable fondée sur ce moyen. Contrairement à ce que suggère le demandeur, l’évaluation situationnelle de mai 2015 n’a pas été ignorée par la DG; celle-ci a résumé les conclusions de cette évaluation au paragraphe 35 de sa décision et les a discutées au paragraphe 49, notant d’ailleurs que ces conclusions paraissaient être en contradiction avec l’évaluation des capacités fonctionnelles, même si les rapports avaient été rédigés en partie par la même personne. Le demandeur fait valoir que la DG a affirmé à tort que sa participation à l’évaluation situationnelle de mai 2015 ne constituait pas vraiment un effort pour obtenir un autre emploi, mais je ne vois pas en quoi cette conclusion de la DG était déraisonnable. La DG avait déjà conclu que l’évaluation fonctionnelle de janvier ne permettait pas au demandeur de s’acquitter de son obligation d’atténuer ses détériorations conformément à Inclima c. CanadaNote de bas de page 4, et il difficile de s’imaginer comment sa participation à une semblable évaluation, à la demande de son représentant, puisse être raisonnablement considérée comme un [traduction] « effort pour perfectionner ses compétences professionnelles » ou [traduction] « pour obtenir un autre emploi ».

b) Déclarations d’experts hors contexte

[16] Le demandeur conteste l’importance qu’a accordée la DG à quatre rapports pour déterminer qu’il avait la capacité d’occuper un autre emploi. Il suggère que la DG a, au paragraphe 48 de sa décision, présenté des citations hors contexte et déformé les sens que les auteurs avaient souhaité transmettre. Je vais aborder ces allégations distinctement :

(i) Dr Grosso

[17] La DG a écrit ce qui suit :

[Traduction]
Le rapport du 4 juillet 2012 du Dr Grosso indique qu’il avait « souligné à l’appelant qu’il ne subira aucun tort ni blessure en faisant autant d’activité physique que possible, et que plus il suivra un programme d’activité physique, moins il sera susceptible de présenter des symptômes à court terme. »

[18] Le demandeur a noté que recommander à une personne de demeurer active dans la mesure de ses capacités ne revient pas à déclarer cette personne capable de régulièrement détenir une occupation. Il a critiqué la DG pour ne pas avoir mentionné que le Dr Grosso avait aussi conclu qu’il souffrait de limitations et d’incapacités des suites de ses blessures. De plus, le Dr Grosso a ensuite conclu que le demandeur était limité dans l’intensité de ses activités et qu’il ne pouvait pas occuper un travail physique. Il a indiqué clairement que le demandeur devrait se recycler pour occuper un emploi davantage sédentaire, mais qu’il n’était pas qualifié pour donner son opinion sur la capacité du demandeur à le faire.

[19] J’estime que cet argument n’a aucune chance raisonnable de succès. Le demandeur est offensé par les mots du Dr Grosso utilisés par la DG, mais il n’a pas montré comment cet extrait en question a été mal cité ou comment son sens a été déformé. Le demandeur a plutôt fait valoir que la DG avait ignoré d’autres affirmations du Dr Grosso, où celui-ci voit d’un moins bon œil son état de santé. D’une part, j’estime que les autres remarques présentées par le demandeur ne soutiennent pas nécessairement sa prétention; quelles que soient les qualifications du Dr Grosso pour se prononcer sur la capacité du demandeur à se recycler, il demeure que celui-ci ne lui a pas interdit d’exercer tout type d’emploi. D’autre part, il est de jurisprudence constante en droit administratif qu’un décideur n’est pas tenu d’aborder tous les éléments de preuve portés à sa connaissance et tous leurs détails, et qu’il compétence pour accorder à ces éléments le poids qu’il juge approprié. En l’espèce, j’estime que la DG avait compétence pour mettre l’accent sur certains passages des rapports médicaux qui ont éclairés son analyse de la gravité de l’état de santé du demandeur.

(ii) Dr Garner

[20] La DG a écrit ce qui suit :

[Traduction]
Le rapport du 7 novembre 2012 du Dr Garner indique que quoiqu’il soit improbable que l’appelant puisse reprendre son ancien emploi de gardien, « il profiterait fort probablement d’une réadaptation professionnelle afin de trouver d’autres carrières qui soient davantage sédentaires tout en lui permettant de changer de position. »

[21] Le demandeur note que le Dr Garner n’a pas conclu qu’il était capable d’occuper un autre emploi. En fait, le Dr Garner a conclu qu’il présentait [traduction] « un risque élevé de ne pas être capable de réintégrer le marché concurrentiel de l’emploi, quoiqu’il profiterait fort probablement d’une réadaptation professionnelle afin de trouver d’autres carrières qui soient davantage sédentaires tout en lui permettant de changer de position. »

[22] Une fois de plus, j’estime que l’argument du demandeur est peu convaincant. Il ne prétend pas que la DG a mal cité le Dr Garner, mais simplement qu’elle n’a pas tenu compte de certaines de ses autres remarques. Il va sans dire qu’on ne peut s’attendre à ce qu’un décideur incorpore chaque subtilité et chaque nuance de la preuve dans ses motifs de décision écrits. J’aimerais aussi souligner que les informations contextuelles sur lesquelles le demandeur a mis l’accent ne sont pas en contradiction avec le passage isolé cité par la DG. Même si le Dr Garner a exprimé des réserves quant à la capacité du demandeur à réintégrer le marché concurrentiel de l’emploi, il n’a pas exclu la possibilité qu’il se recycle.

(iii) Ross et Kotsopoulos

[23] La DG a écrit ce qui suit :

[Traduction]
Dans leur rapport du 20 janvier 2013 sur l’évaluation des capacités fonctionnelles du demandeur, Maria Ross, ergothérapeute, et Katrina Kotsopoulos, évaluatrice de la capacité de travail, ont conclu « que les capacités de l’appelant correspondent présentement à celles du travail sédentaire; que l’appelant ne répondait plus aux exigences physiques de l’emploi de gardien qu’il occupait avant son accident; et qu’une évaluation professionnelle est recommandée afin de déterminer si un autre emploi est accessible.

[24] Le demandeur a souligné que le rapport conclut que ses capacités étaient d’un niveau sédentaire. Si le rapport conclut aussi qu’une évaluation professionnelle est recommandée pour déterminer s’il est possible pour le demandeur d’occuper un autre emploi, il n’a pas conclu qu’il a la capacité de décrocher ou de conserver un emploi sédentaire.

[25] Encore une fois, le demandeur n’a pas montré en quoi la DG a commis une erreur ou mal interprété les conclusions de Ross et Kotsopoulos en citant cet extrait de leur rapport. Le fait que ces deux évaluatrices professionnelles aient cru qu’une évaluation plus approfondie soit nécessaire laisse à croire qu’elles n’avaient pas exclu la possibilité que le demandeur soit capable de retourner travailler.

(iv) Dr Ogilvie

[26] La DG a écrit ce qui suit :

[Traduction]
Le 19 mars 2013, le Dr Ogilvie a indiqué croire que le demandeur « pourrait être capable de reprendre un emploi aux tâches peu exigeantes. »

[27] Le demandeur maintient que cette affirmation n’indique pas s’il a la capacité d’occuper un autre travail. La DG a [traduction] « uniquement [cité] une partie trompeuse » du commentaire du Dr Ogilvie, portant sur la capacité du demandeur à reprendre son travail de gardien à temps partiel. Le Dr Ogilvie a indiqué qu’il était [traduction] « difficile de dire » si le demandeur pourrait réintégrer son poste, mais il ne s’est pas prononcé sur sa capacité à véritablement s’impliquer dans un travail, quel qu’il soit, de façon régulière et fiable à l’avenir.

[28] Selon moi, la citation choisie par la DG n’est pas [traduction] « trompeuse » mais résume plutôt bien l’essence du rapport du Dr Ogilvie. Comme cela était le cas pour toutes les [traduction] « erreurs factuelles » précédentes alléguées par le demandeur, une citation que l’on présente hors contexte ne s’en trouve pas nécessairement faussée, ni son sens, altéré. Il semble que la DG a mis l’accent sur ces quatre extraits de façon à montrer qu’aucun des prestataires de soins du demandeur ne lui avait proscrit d’occuper un autre emploi sous une forme ou une autre. Ce faisant, le DG avait compétence pour apprécier la preuve, dans des limites raisonnables, établir les faits et tirer des conclusions d’après ceux-ci.

b) Recours à Inclima alors que le demandeur n’était pas apte à travailler ou à se recycler

[29] La DG a cité InclimaNote de bas de page 5 lorsqu’elle a conclu que le demandeur n’avait pas suffisamment atténué ses détériorations :

[Traduction]
L’appelant doit non seulement démontrer qu'il a un sérieux problème de santé, mais où il y a des preuves de capacité de travail, il doit également démontrer que ses efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé… En revanche, s’il n’y a pas de capacité de travail, il n’est pas tenu de démontrer qu’il a déployé des efforts en vue d’obtenir un emploi.

[30] Le demandeur suggère que la DG a commis une erreur de droit en exigeant qu’il démontre avoir physiquement essayé de reprendre un emploi ou des études. Dans MRHDC c. ABRNote de bas de page 6, un requérant avait été considéré comme invalide après avoir fait la preuve qu’il avait consulté deux centres de réadaptation, qui n’avaient pas été en mesure de cerner un emploi qu’il soit apte à occuper. Dans Appleton c. MDRHNote de bas de page 7, un requérant avait été considéré comme invalide étant donné qu’il ne possédait pas de compétences monnayables qui soient transférables et qu’il était peu probable qu’il puisse se recycler vu son âge, sa scolarité et ses épisodes de douleur. Dans Bennett c. MSNBSNote de bas de page 8, il avait été déterminé que le requérant n’était pas un bon candidat au recyclage pour des postes sédentaires puisqu’il souffrait d’un trouble d’apprentissage.

[31] Le demandeur cite également Leduc c. MSNBSNote de bas de page 9 pour faire valoir qu’il ne suffit pas d’examiner une demande d’invalidité sous un angle théorique et abstrait; un décideur doit aussi se demander comment le requérant, compte tenu de ses autres incapacités, pourrait trouver et conserver un emploi dans un contexte « réaliste », peuplé de vrais employeurs qui doivent composer avec la réalité d’une entreprise commerciale. En l’espèce, le demandeur soutient qu’il a participé à deux évaluations professionnelles, qui ont conclu qu’il n’avait pas de capacité résiduelle pour travailler ou se recycler. De plus, la preuve médicale indiquait qu’il n’était pas apte à effectuer des emplois exigeants, vu les blessures survenues des suites de son accident, ni à se recycler pour des emplois plus sédentaires. Le demandeur soutient que son manque de qualification pour le travail de bureau, jumelé à ses problèmes de mémoire, de concentration et d’humeur, l’empêcherait de se recycler de quelque façon que ce soit et qu’il ne serait pas employable dans un marché concurrentiel du travail.

[32] D’après mon examen de la décision de la DG et des documents sur lesquels elle s’est fondée, j’estime que cet argument n’a aucune chance raisonnable de succès en appel. La DG a déterminé que l’appelant n’avait déployé aucun effort pour perfectionner ses compétences professionnelles ou pour trouver un autre emploi et, comme j’en ai discuté précédemment, je ne vois aucune raison d’infirmer cette conclusion. En citant Inclima, la DG a tiré une conclusion défavorable du fait que l’appelant n’avait aucunement tenté de demeurer au sein de la population active en dépit de sa capacité de travail résiduelle. L’observation du demandeur entend essentiellement qu’il ne possède aucune capacité résiduelle; cependant, la DG n’est pas du même avis et je n’ai trouvé aucune erreur, qu’elle soit de fait ou de droit, qui justifie que j’infirme cette conclusion.

[33] Je remarque que les décisions citées par le demandeur ont toutes été rendues par la Commission d’appel des pensions (CAP), organe maintenant aboli ayant précédé la DA, et que celles-ci ont donc uniquement une force persuasive dans la présente instance. Tous ces appels, contrairement à l’affaire qui nous occupe, avaient été instruits de novo alors que la CAP avait examiné les demandes d’invalidité sur le fond, tirant des conclusions de fait en évaluant directement les témoignages et la preuve médicale. Toutes ces décisions ont été fondées sur les circonstances uniques propres à chacun des requérants concernés et, à l’exception d’une seule, elles ne découlent d’aucun principe de droit suprême. Même Leduc, qui met en garde contre une conclusion de capacité qui ne tienne pas compte de la réalité du marché concurrentiel du travail, n’est en fait qu’une réaffirmation de l’approche « réaliste » présentée dans Villani.

[34] En l’espèce, la décision de la DG comportait des résumés détaillés du témoignage du demandeur et de la preuve médicale disponible, notamment de nombreuses évaluations médico-légales ainsi que de rapports documentant des enquêtes sur les blessures de l’appelant et les traitements pour celles-ci. La DG a également noté les antécédents et les caractéristiques personnelles du demandeur (aux paragraphes 11,13 et 16) et a fait référence, au paragraphe 41, au critère énoncé dans Villani, reconnaissant que le demandeur avait seulement occupé des emplois manuels au cours de sa carrière, même si son éducation était [traduction] « bonne » et [traduction] « variée ». Au bout du compte, après avoir mené une analyse approfondie de la preuve, la DG a expressément conclu que le demandeur avait une capacité résiduelle qui justifie qu’elle invoque le critère énoncé dans Inclima. La DG a également conclu qu’aucun des facteurs établis dans Villani n’empêchait le demandeur [traduction] « de chercher et de conserver une occupation rémunératrice qui soit convenable et moins exigeante sur le plan physique ».

[35] À défaut d’une erreur de droit, l’observation du demandeur revient essentiellement à me demander d’apprécier de nouveau la preuve déjà soumise à la DG. Il ne conviendrait pas que j’infirme une décision dans laquelle la DG a invoqué les bons critères juridiques et tenu compte des circonstances personnelles du demandeur.

c) Nouvelle-Écosse c. Martin

[36] Il n’existe aucune définition de la douleur chronique qui fasse autorité. Cependant, on la considère généralement comme une douleur qui n’est pas appuyée par des signes objectifs et qui, compte tenu de la blessure sous-jacente, est disproportionnée ou persiste au-delà du temps de guérison habituel. Comme l’a souligné le demandeur, la Cour suprême du Canada a reconnu que la douleur chronique est une affection pouvant véritablement être incapacitante, et un rejet péremptoire de la preuve présentée par un requérant sur cette affection constitue potentiellement une violation de l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. Ainsi, le demandeur fait valoir que la DG a commis une erreur de droit lorsqu’elle a affirmé ce qui suit au paragraphe 46 de sa décision :

[Traduction]
La douleur chronique ne suffit cependant pas à établir une invalidité grave. Comme l’indique l’affaire Densmore, citée précédemment, la douleur doit être telle qu’elle empêche celui qui en souffre de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice. Les limitations que l’appelant a décrites ne l’empêchent pas d’explorer d’autres emplois qui soient moins exigeants d’un point de vue physique.

[37] Le demandeur allègue que, dans les faits, cette affirmation rejette la thèse voulant que la douleur chronique peut constituer une incapacité qui empêche la personne affectée de travailler régulièrement. En toute déférence, le propos du demandeur semble être à côté de la plaque; la DG essayait de dire qu’un requérant ayant reçu un diagnostic de douleur chronique doit tout de même fournir la preuve qu’il souffre de limitations fonctionnelles l’empêchant de travailler en raison de cette affection.Note de bas de page 10 Cette approche est tout à fait cohérente avec la cause Martin, qui reconnaît que l’un des principaux problèmes des administrateurs de régimes d’indemnisation survient lorsque la douleur chronique franchit le seuil de l’incapacité permanente.

[38] Le demandeur soutient aussi que la DG a, en rejetant sa douleur chronique, agi de façon contraire à l’opinion fournie par le Ross Rehabilitation, selon laquelle il n’était pas capable d’occuper un emploi moins exigeant sur le plan physique. Cependant, la DG était manifestement au courant de la douleur dont se plaignait le demandeur, elle qui a documenté son compte rendu de l’étendue et de l’intensité de sa douleur telle qu’elle a été présentée dans son témoignage et les rapports médicaux. Je remarque que la DG a accordé moins de poids au rapport de mai 2015 de Ross-Blair puisque celui-ci semblait contredire un rapport rédigé en partie par un même auteur deux ans plus tôt. À défaut d’une erreur, rien ne justifie que je conteste cette conclusion puisque la DG avait droit, comme juge des faits, d’apprécier les éléments de preuve, de leur assigner un poids et de tirer des conclusions raisonnables, le cas échéant.

[39] Je suis d’avis que ce motif n’a aucune chance raisonnable de succès en appel.

d) Renseignements supplémentaires

[40] Enfin, je note que le demandeur a présenté des renseignements médicaux supplémentaires qui n’étaient pas disponibles avant que l’audience soit tenue de la DG.

  • Un rapport orthopédique du Dr Paul Grosso daté du 11 septembre 2013;
  • Un rapport sur une évaluation et un plan de traitement psychologiques de Lori Guzzo, daté du 6 août 2013;
  • Un rapport sur l’évolution du traitement psychologique de Lori Guzzo, daté du 21 mai 2014.

[41] D’ordinaire, lorsqu’elle est saisie d’un appel, la DA ne peut examiner de nouveaux éléments de preuve compte tenu des restrictions imposées par le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, qui ne donne pas compétence à la DA pour rendre une décision sur le fond du litige.

[42] Une fois qu’une audience devant la DG a été tenue, très peu de raisons peuvent justifier de faire valoir des renseignements nouveaux ou supplémentaires. Un demandeur pourrait envisager de présenter à la DG une demande d'annulation ou de modification de sa décision. Cependant, il faudrait que ce demandeur se conforme aux exigences de l’article 66 de la Loi sur le MEDS et des articles 45 et 46 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale. Non seulement le demandeur doit-il respecter des échéances et des exigences strictes pour obtenir gain de cause dans le cadre d’une demande d’annulation ou de modification, mais aussi doit-il démontrer que chacun des faits nouveaux est essentiel et qu’il n’aurait pu être connu au moment de l’audience malgré l’exercice d’une diligence raisonnable.

Conclusion

[43] Le demandeur n'a soulevé aucun moyen d'appel prescrit au paragraphe 58(1) qui aurait une chance raisonnable de succès en appel. La demande est donc rejetée.

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