Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

[1] La division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) accorde la demande de permission d’en appeler.

Contexte

[2] Le 30 mai 2013, le demandeur a été victime d’un accident de travail et a subi une fracture à la mâchoire inférieure, à l’humérus droit et à deux côtes, ainsi que des lacérations au visage. Au moment de l’accident, il s’affairait à tirer de la ferraille. Il avait déjà fait des rénovations domiciliaires, notamment des réparations de toit, de bardage, de portes et de fenêtres (GD3-80). Il a présenté une demande d’invalidité au titre du sous-alinéa 42(2)a)(i) du Régime de pensions du Canada (Loi).

[3] Dans sa demande, le demandeur a indiqué que ses blessures l’empêchaient de travailler. Il a également indiqué qu’il souffrait [traduction] « d’une douleur au bas du dos depuis plusieurs années en raison de travail pénible et répétitif ». (GD3-80)

[4] Dans le rapport médical du Régime de pensions du Canada (RPC) qu’il a rédigé, le médecin du demandeur a noté que ce dernier :

  1. A souffert d’un accident de travail lors de l’éclatement d’une jante de pneu. A subi une fracture ouverte à l’humérus droit et à la mandibule. Grande lacération au visage. A nécessité une intervention chirurgicale au London Health Sciences Centre. Bénéficie actuellement de soins à domicile. Suivis prévus avec le chirurgien. Voir notes ci-jointes.
  2. Souffre d’une douleur au bas du dos depuis plusieurs années en raison de travail pénible et répétitif. (GD3-56)

[5] Le demandeur a présenté une demande de pension d’invalidité le 25 juin 2013. Le défendeur a rejeté sa demande. Il a maintenu sa décision de rejeter la demande après révision, notant qu’il était prévu que le demandeur se remette de ses blessures au moment où il a présenté sa demande. Le défendeur a également souligné qu’aucun rapport médical ne précisait l’état de santé du demandeur quelque huit mois après l’accident. (GD3-40)

[6] Le demandeur a porté en appel la décision de révision devant la division générale du Tribunal qui, dans une décision datée du 16 novembre 2015, a elle aussi rejeté son appel. Le demandeur souhaite maintenant obtenir la permission d’interjeter appel de la décision de la division générale.

Motifs de la demande

[7] La représentante du demandeur a, en son nom, demandé la permission d’en appeler au motif que la division générale. Autrement dit, la division générale a enfreint les alinéas 58(1)b) et c) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS). La représentante soutient donc que la division générale a commis une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier, et qu’elle a également fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Droit applicable

Que doit établir le demandeur dans sa demande de permission d’en appeler?

[8] Conformément au paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS, la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Il est de jurisprudence constante que la demande de permission d’en appeler n’est qu’une première barre à franchir pour le demandeur, et que celle-ci est inférieure à la barre à franchir au stade de l’instruction de l’appel sur le fond.

[9] Une chance raisonnable de succès équivaudrait à une cause défendableNote de bas de page 1; Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41; Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63. De plus, pour accorder la permission d’en appeler, la division d’appel doit être convaincue que le demandeur a présenté des motifs d’appel se rattachant aux moyens d’appel énoncés au paragraphe 58(1).

[10] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[11] La division d’appel doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Analyse

[12] La représentante du demandeur a soutenu que la division générale a commis de nombreuses erreurs de droit et de fait. Elle conteste la conclusion de la division générale que [traduction] « rien n’indique que le demandeur est incapable de faire un travail moins pénible ». La représentante du demandeur soutient qu’il s’agit là d’une erreur de droit puisque la division générale n’a pas tenu compte de l’âge du demandeur, de sa scolarité, et de son expérience professionnelle et personnelle comme l’exige l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général) 2001 CAF 248.

[13] Au paragraphe 37 de sa décision, la division générale a d’abord noté que le critère relatif à la gravité doit être évalué dans un contexte réaliste. Le membre a cité Villani avant d’indiquer ce qui suit :

[Traduction]

Même si l’appelant est limité au niveau du bras et de l’épaule du côté droit, du cou et du bas du dos, rien n’indique qu’il est incapable de faire un travail moins pénible. Il est reconnu que l’appelant a seulement occupé des emplois manuels exigeants avant son accident, mais il devrait être capable de faire du travail moins exigeant sur le plan physique à l’avenir.

[14] La division d’appel est d’avis que la division générale n’a pas établi un lien entre sa conclusion et Villani et qu’elle n’a pas montré comment elle était arrivée à la conclusion que le demandeur devrait être capable de faire du travail moins exigeant sur le plan physique à l’avenir. La division d’appel juge que ce manquement révèle une erreur de droit potentielle de la part de la division générale.

[15] La représentante du demandeur a également fait valoir que la division générale a erré en déduisant à tort, d’après la tentative du demandeur d’obtenir son diplôme de formation générale (GED), qu’il demeurait apte à travailler ou qu’il était en mesure d’occuper un emploi moins pénible.

[16] La division d’appel est d’avis qu’il ne s’agissait pas de la teneur du propos de la division générale. Voici ce qu’elle a écrit au paragraphe 37 de sa décision [traduction] : « Même si le chiropraticien a indiqué qu’il ne devrait pas essayer de travailler comme cariste, la preuve montre que l’appelant a suivi des cours pour perfectionner sa formation scolaire. Une fois son programme terminé, il devrait posséder des compétences lui permettant de chercher et de conserver un emploi de quelque sorte. »

[17] La division d’appel croit que la division générale, en s’exprimant de la sorte, postule simplement que le demandeur devrait posséder des compétences lui permettant de chercher et de conserver un emploi de quelque sorte après avoir terminé et obtenu son GED. Selon la division d’appel, l’opinion de la division générale n’était pas irréaliste compte tenu du fait que le demandeur n’a terminé qu’une 10e année et qu’il terminerait des études équivalentes à une 11e ou à une 12e année en réussissant son test du GED. La division d’appel estime donc que cette observation ne donne pas lieu à un motif d’appel qui aurait une chance raisonnable de succès.

[18] La représentante du demandeur a également soutenu que la division générale a commis une erreur de droit du fait qu’elle n’a pas tenu compte de l’ensemble des problèmes de santé du demandeur. Elle a soutenu que la division générale s’est seulement attardée au dos du demandeur alors que d’autres problèmes de santé auraient aussi dû être pris en considération.

[19] La division d’appel est d’avis que cette observation n’est pas suffisamment étayée compte tenu du fait que la division générale a, dans sa décision, abordé les problèmes de mémoire, la hernie discale, les blessures causées par l’accident, de même que la dépression du demandeur (paragraphes 38-41). La division d’appel juge qu’aucun motif conférant à l’appel une chance raisonnable de succès n’a été soulevé.

[20] La façon dont la division générale a interprété la « gravité » est une autre erreur potentielle qui a été soulevée. La représentante du demandeur a soutenu que la division générale a erré puisque, même si elle a fait référence à Klabouch c. Canada (Ministre du Développement social), 2008 CAF 33, elle n’a pas tenu compte des facteurs énoncés dans Villani pour rendre sa décision. Elle a fait valoir que la division générale n’a pas tenu compte du fait que le demandeur était un [traduction] « homme de 55 ans qui avait fait carrière dans des emplois manuels exigeants et qui possédait une 10e année. »

[21] La division générale a indiqué ce qui suit au paragraphe 44 de sa décision :

[Traduction]
[44] Le Tribunal tient compte de la décision suivante de la Cour d’appel fédérale : C’est la capacité du demandeur à travailler et non le diagnostic de sa maladie qui détermine la gravité de l’invalidité en vertu du RPC (Klabouch c. Canada (Ministre du Développement social), 2008 CAF 33).

[22] Voici ce que la division générale a ensuite affirmé :

[Traduction]
[45] Le Tribunal a conclu que l’appelant n’est pas atteint d’une affection ou d’une détérioration grave qui l’empêcherait, au moment de l’audience, de chercher et de conserver un emploi rémunérateur convenable.

[23] Il n’est pas clair, pour la division d’appel, comment la division générale a appliqué Klabouch ou comment elle est arrivée à sa conclusion que le demandeur n’était pas atteint d’une affection ou d’une détérioration grave qui l’empêcherait, au moment de l’audience, de chercher et de conserver un emploi rémunérateur convenable. Ceci soulève possiblement une erreur de droit et un motif d’appel qui pourrait avoir une chance raisonnable de succès.

[24] La représentante du demandeur a présenté l’extrait qui suit comme l’une des occasions où la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée. Elle a soutenu que la division générale a commis une erreur de fait lorsqu’elle a affirmé, au paragraphe 37 de sa décision, que le demandeur n’avait pas essayé d’obtenir un autre emploi. Voici l’argument de la représentante :

[Traduction]
L’appelant a, à tout le moins, fait preuve de détermination dans ses efforts pour se perfectionner dans l’optique de certains emplois mais, malheureusement, compte tenu de ses incapacités physiques, notamment au cou, au dos et au bras droit, ainsi que de sa scolarité limitée et des contraintes découlant de ses antécédents professionnels, il demeure incapable d’obtenir un emploi dans un contexte réaliste. AD1A-5)

[25] Rien n’indique, dans le dossier du Tribunal, que le demandeur ait déployé des efforts pour obtenir un autre emploi. Il ne semble pas non plus qu’il ait témoigné de tentatives d’obtenir un emploi. De plus, quoique les observations de sa représentante offrent une explication à son incapacité à obtenir et à conserver un emploi véritablement rémunérateur, elles n’indiquent pas précisément les tentatives effectuées à cet effet, fût-ce le cas. La division d’appel juge donc que la division générale n’a commis aucune erreur en concluant que le demandeur n’avait pas essayé d’obtenir un autre emploi.

[26] La représentante du demandeur a également soutenu que la division générale a commis une erreur de fait en déduisant que son problème au dos n’était pas sérieux étant donné qu’il ne prenait pas de médicaments pour soulager sa douleur au dos et qu’il avait été capable de travailler pendant de nombreuses années en dépit de ce problème.

[27] La division d’appel n’est pas convaincue que cette conclusion est erronée puisqu’elle est fondée sur le pronostic du médecin de famille du demandeur, voulant qu’il continuerait à avoir des problèmes de dos, de même que sur l’observation incontestée de la division générale, selon laquelle le demandeur contrôlait ses maux de dos simplement en prenant des médicaments en vente libre.

[28] La représentante du demandeur a également soutenu que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a fait référence au fait que le demandeur ne s’était pas soumis à une évaluation des capacités fonctionnelles et qu’il ne prenait pas de médicaments pour traiter sa dépression. Elle a allégué que la division générale n’aurait pas dû s’attendre à ce qu’il produise une preuve à cet égard étant donné qu’il n’avait pas les moyens de payer ces démarches.

[29] Cette observation laisse perplexe la division d’appel. La division d’appel ne voit pas quelle erreur émerge des affirmations de la division générale. Quoique l’absence de moyens chez le demandeur puisse avoir une certaine incidence sur sa capacité à payer une évaluation des capacités fonctionnelles ou des médicaments contre sa dépression, la division d’appel n’est pas convaincue que la division générale ait commis une erreur. La division d’appel est d’avis que la division d’appel souhaitait signifier que le demandeur n’avait entrepris aucune des démarches qu’entreprennent généralement les personnes se trouvant dans sa situation, ce qui, aux yeux de la division générale, sème le doute quant à la gravité des affections du demandeur. Étant donné que les requérants d’une pension d’invalidité du RPC sont tenus de présenter une preuve médicale à l’appui de leur demande (Villani), la division d’appel n’est pas convaincue que la division générale ait commis une erreur.

Conclusion

[30] La représentante du demandeur a soutenu que la division générale a commis plusieurs erreurs de fait et de droit dans sa décision du 16 novembre 2015. La division d’appel est convaincue qu’un motif d’appel présentant une chance raisonnable de succès a été soulevé en ce qui concerne la conclusion de la division générale selon laquelle le demandeur devrait être capable de faire du travail moins exigeant sur le plan physique à l’avenir. La division d’appel conclut également que des motifs conférant à l’appel une chance raisonnable de succès ont été soulevés en ce qui a trait à l’application de Klabouch faite par la division générale ainsi qu’à sa conclusion que le demandeur n’était pas atteint d’une affection ou d’une détérioration grave qui l’empêcherait, au moment de l’audience, de chercher et de conserver un emploi rémunérateur convenable.

[31] La demande de permission d’appeler est accueillie.

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