Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est refusée.

Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision rendue par la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale le 14 mars 2016. La division générale avait tenu une audience par téléconférence et avait conclu que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada (RPC). Elle avait conclu que son invalidité n’était pas « grave » préalablement à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA).

[2] Le 6 mai 2016, le demandeur a présenté à la division d'appel (DA), dans les délais prescrits, une demande de permission d'en appeler comportant le détail des moyens d’appel allégués. Pour accueillir cette demande, je dois être convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Aperçu

[3] Le demandeur a présenté une première demande de prestations d’invalidité du RPC en janvier 2010. À ce moment, l'intimé a déterminé que la période d'admissibilité du demandeur se terminait le 31 décembre 2012 et que ce dernier n'était pas atteint d'une invalidité grave au sens du RPC à la date de l'audience ou avant cette date. L'appel du demandeur auprès du tribunal de révision du RPC (TR) a été rejeté le 15 juillet 2010, et sa demande de permission d'en appeler auprès de la Commission d'appel des pensions (CAP) a été refusée le 27 décembre 2010.

[4] La deuxième demande du demandeur pour des prestations d'invalidité du RPC a été présentée le 3 décembre 2012. Encore une fois, l'intimé était d'avis que la date marquant la fin de la période minimale d'admissibilité du demandeur était le 31 décembre 2012 et a de nouveau rejeté sa demande. L'intimé a appliqué le principe de la chose jugée pour exiger du demandeur qu'il démontre qu'il est devenu invalide pendant la période de deux ans qui s'est déroulée entre le 27 décembre 2010, au moment où la décision de la CAP a été rendue, et le 31 décembre 2012, date marquant la fin de la période minimale d'admissibilité.

[5] Au moment de l'audience devant la division générale, le 22 octobre 2015, le demandeur a affirmé qu'il travaillait pour un fabricant de pièces d'automobile de janvier 1993 à avril 2009. Il a cessé de travailler à cet endroit à la fermeture de l'usine, bien qu’il ressentait déjà des douleurs arthritiques et éprouvait des difficultés à respirer. En décembre 2009, il a travaillé brièvement au LCBO, mais ses symptômes l'ont empêché de continuer.

[6] Dans sa décision, la DG a rejeté l’appel du demandeur et a conclu, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'avait pas démontré que l'invalidité grave et prolongée s'était manifestée entre le 15 juillet 2010, date de l'audience devant le tribunal de révision, et le 31 décembre 2012, date marquant la fin de la période minimale d'admissibilité.

Droit applicable

[7] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MESD), « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d'appel sans permission », et la division d'appel « accorde ou refuse cette permission ».

[8] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que la division d'appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[9] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) La division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence.
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’un motif d’appel susceptible de donner gain de cause à l’appel soit présenté : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. Par ailleurs, la Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si le défendeur a une cause défendable en droit revient à se demander si le défendeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[11] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond de l'affaire. C'est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais cet obstacle est inférieur à celui auquel il devra faire face à l'audition de l'appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas à prouver sa thèse.

[12] Le paragraphe 84(1) du RPC, aujourd'hui abrogé, prévoyait que "la décision du tribunal de révision... est définitive et obligatoire pour l'application de la présente Loi" à moins que la permission d'en appeler soit accordée par la Commission d'appel des pensions. L'article 68 de la Loi sur le MEDS, qui est entré en vigueur le 1er avril 2013, contient un libellé semblable et régit les décisions du Tribunal de la sécurité sociale. Cette réaffirmation de la doctrine de la chose jugée limite à la fois le tribunal de révision ou son successeur, la division générale, dans le réexamen des conclusions de fait qu’ils ont tirées antérieurement.

Question en litige

[13] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[14] Dans une lettre jointe à sa demande de permission d’en appeler, le demandeur a présenté les allégations suivantes :

  1. Il a l'impression d'avoir été trompé par toutes les parties concernées. On l'a informé qu'il pouvait seulement utiliser les renseignements existant entre certaines dates, mais après avoir lu la décision, il s'est rendu compte que le membre de la division générale s'était fondé sur des renseignements obtenus « bien avant ».
  2. Il allègue que le membre de la division générale lui a aussi posé des questions sur son niveau de vie actuel, même si on lui a dit de ne pas utiliser de renseignements reçus après décembre 2014.
  3. Le membre de la division générale s'est appuyé sur des renseignements datés avant décembre 2012, et des renseignements émanant du Dr Melva Bellefountaine.

Analyse

Période d’admissibilité

[15] Je suis convaincu que la doctrine de la chose jugée s'applique en l'espèce. À cet égard, la division générale ne pouvait formuler une conclusion relative à l'invalidité en se fondant sur les éléments de preuve qui étaient disponibles, ou qui auraient pu raisonnablement être disponibles, au moment de l'audience devant le tribunal de révision. Concrètement, cela signifie que la division générale ne pouvait se fonder sur les documents produits par le demandeur puisque ceux-ci étaient antérieurs au 15 juillet 2010. Puisque la période minimale d'admissibilité du demandeur prenait fin le 31 décembre 2012, le demandeur devait démontrer que son invalidité était devenue « grave et prolongée », au sens du critère prévu au Régime de pensions du Canada, pendant une fenêtre relativement brève de deux ans et demi.

[16] Le demandeur, qui était représenté par avocat au moment de l'audience devant la division générale, savait, ou aurait dû savoir, selon les observations de l'intimé et la correspondance antérieure, que la chose jugée serait invoquée dans cette affaire. Dans une lettre du 25 septembre 2013, l'intimé a informé le demandeur de son point de vue concernant la compétence de la division générale. Selon l'intimé, la division générale n'était pas compétente pour évaluer la preuve préalable à la décision du 27 décembre 2010 de la Commission d'appel des pensions. Dans ses observations présentées la division générale le 31 mars 2014 et le 7 juillet 2015, l'intimé a adopté essentiellement la même position, bien qu'il ait retardé (à juste titre, à mon avis) le début de la période de révision du 27 décembre 2010 au 15 juillet 2010 - date à laquelle a été instruit le premier appel devant le tribunal de révision. Le demandeur et son représentant de l'époque avaient remarqué qu'ils pourraient être déchus de leur droit à un réexamen des conclusions de fait tirées par le tribunal de révision le 15 juillet 2010, et qu'ils auraient dû être prêts à adapter leurs observations en conséquence.

[17] Après avoir examiné la décision de la division générale, à la différence du demandeur, je ne vois aucun indice selon lequel la division générale se serait appuyée sur des éléments de preuve médicale antérieurs au 15 juillet 2010. Dans sa demande de permission d'en appeler, le demandeur a mal cité la date pertinente de fin de la période minimale d'admissibilité et a fait part de sa perplexité à l'égard des questions posées par le membre de la division générale au sujet de sa situation actuelle alors qu'il devait prouver qu'il était invalide avant le 31 décembre 2012. Puisque le critère pour déterminer l'invalidité au sens du RPC est le caractère « sévère et prolongé », la division générale était en droit de tenir compte de l'état du demandeur à la suite de sa période minimale d'admissibilité. Cet état aurait pu être pertinent à la gravité de la détérioration de sa condition au cours de sa période d'admissibilité ou à la persistance du trouble par la suite.

[18] Le demandeur dit avoir été induit en erreur au sujet des dates entre lesquelles il devait établir le début de son invalidité. Cependant, il ne précise pas qui lui aurait donné la mauvaise information ni ce qu'aurait entraîné cette mauvaise information. Il ne fait pas non plus référence à une erreur particulière de la part de la division générale qui tomberait dans une des trois catégories figurant au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. Si le demandeur allègue un manquement à l'équité procédurale ou aux principes de justice naturelle, je considère que l'appel n'a aucune chance raisonnable de succès sur ces motifs.

Renseignements supplémentaires

[19] Finalement, je remarque que le demandeur a présenté des renseignements médicaux supplémentaires préparés après l'audience devant la division générale. Normalement, un appel devant la division d'appel ne représente pas une occasion de soumettre de nouveaux éléments de preuve, étant donné les contraintes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS qui ne donnent pas à la division d'appel l'autorité de rendre une décision fondée sur le fond de l’affaire.

[20] Une fois qu’une audience devant la division générale a pris fin, très peu de raisons justifieraient de soulever d’autres points ou des points nouveaux. Un demandeur pourrait envisager de présenter à la division générale une demande d’annulation ou de modification d’une de ses décisions. Cela dit, il faudrait que ce demandeur se conforme aux exigences de l’article 66 de la Loi sur le MEDS et des articles 45 et 46 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement). Non seulement y a-t-il des délais et exigences strictes à respecter pour obtenir gain de cause dans une demande d’annulation ou de modification, mais aussi faut-il que le demandeur démontre que les éventuels faits nouveaux sont essentiels et qu’ils n’auraient pu être connus au moment de l’audience malgré l’exercice d’une diligence raisonnable.

Conclusion

[21] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

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