Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La demande de prorogation du délai est refusée.

Introduction

[1] Dans une décision datée du 30 octobre 2015, la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale du Canada a conclu qu’une pension du Régime de pensions du Canada (RPC) n’était pas payable à la demanderesse parce qu’elle ne souffrait pas d’une invalidité grave et prolongée à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA) qu’elle a déterminée être le 31 décembre 2013.

[2] Le 1er février 2016, la demanderesse a déposé une demande incomplète de permission d’en appeler devant la division d’appel (DA) du Tribunal de la sécurité sociale. À la suite de trois demandes de renseignements supplémentaires de la part de la DA, la demanderesse a complété sa demande de permission d’en appeler le 19 mai 2016, soit après le délai prescrit à l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et le Développement social (LMEDS).

Question en litige

[3] Il me faut déterminer s’il y a lieu d’accorder une prorogation de délai pour la présentation de la demande de permission.

Droit applicable

LMEDS

[4] Aux termes de l’alinéa 57(1)b) de la LMEDS, une demande de permission d’en appeler doit être présentée dans les 90 jours suivant la date à laquelle le demandeur reçoit communication de la décision.

[5] La DA doit examiner et soupeser les critères énoncés dans la jurisprudence. Dans l’affaire Canada (MDRH) c. GattellaroNote de bas de page 1, la cour fédérale a indiqué que les critères étaient les suivants :

  1. (a) le demandeur doit faire preuve d’une intention constante de poursuivre l’appel ;
  2. (b) le retard a été raisonnablement expliqué ;
  3. (c) la cause est défendable ;
  4. (d) la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie.

[6] Le poids à accorder à chacun des critères énumérés dans la décision Gattellaro peut varier et, dans certains cas, différents critères peuvent s’avérer pertinents. La considération primordiale est l’intérêt de la justice — Canada (Procureur général) c. LarkmanNote de bas de page 2.

[7] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la LMEDS, il ne peut être interjeté d’appel devant la DA sans permission et la DA accorde ou refuse cette permission. Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la DA rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[8] Aux termes du paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la DG n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ;
  2. b) la DG a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. c) la DG a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audition au fond de l’affaire. C’est un premier obstacle que la demanderesse doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel elle devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, la demanderesse n’a pas à prouver ses arguments.

[10] Par ailleurs, la Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si une partie a une cause défendable en droit revient à se demander si elle a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique – Canada (MDRH) c. Hogervorst Note de bas de page 3 ; Fancy c. Canada (Procureur général)Note de bas de page 4.

RPC

[11] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les conditions d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. (a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans ;
  2. (b) ne touche pas une pension de retraite du RPC ;
  3. (c) est invalide ;
  4. (d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la PMA.

[12] Le calcul de la PMA est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date ou avant la date marquant la fin de sa PMA.

[13] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une personne est considérée comme atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Observations de la demanderesse

[14] La demande de permission d’en appeler de la demanderesse a effectivement été complétée le 19 mai 2016, soit 199 jours après que la décision de la DG lui a été envoyé par la poste et bien après l’expiration du délai de 90 jours pour la présentation de la demande. Dans des lettres datées du 1er février et du 4 mars 2016, la demanderesse a soutenu qu’en lui refusant des prestations d’invalidité du RPC, la DG a commis des erreurs de fait et de droit et n’a pas observé un principe de justice naturelle. Plus précisément, la demanderesse a fait valoir ce qui suit :

  • La DG a présenté les faits de manière inexacte et ne s’est pas informée pleinement des rapports médicaux au dossier, et n’a pas tenu compte de déclarations de ses médecins selon lesquelles elle était invalide.
  • La DG n’a pas accordé le poids approprié à la preuve d’experts selon laquelle elle n’était pas capable de travailler en raison de contraintes physiques découlant de ses divers troubles médicaux, y compris le lupus.
  • La DG n’a pas suffisamment tenu compte des décisions Villani c. Canada (Procureur général)Note de bas de page 5 et Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social c. DensmoreNote de bas de page 6.
  • La DG n’a pas suffisamment tenu compte des rapports du Dr Gomori (16 juin 2014), du Dr Warthington (23 mars 2015), du Dr Hitchon (27 août 2015) et du Dr Durcan (13 octobre 2015).

[15] La demanderesse a également présenté à nouveau les rapports du Dr Durcan et du Dr Hitchon énumérés plus haut, ainsi qu’une lettre datée du 28 février 2016 provenant du Dr Kenny Maslow.

Analyse

[16] J’estime que la demande de permission d’en appeler a été présentée après le délai prescrit de 90 jours. Pour déterminer s’il convenait d’accorder un délai supplémentaire pour interjeter appel, j’ai examiné et soupesé les quatre facteurs énoncés dansl’affaire Gattellaro.

Intention constante de poursuivre l’appel

[17] Après que la demanderesse ait présenté une demande incomplète le 1er février 2016, on a communiqué avec elle à trois reprises ‒ le 4 février 2016, le 7 mars 2016 et le 25 avril 2016 ‒ afin qu’elle fournisse les renseignements qui auraient complété sa demande de permission d’en appeler. La demande a finalement été considérée comme complète le 19 mai 2016.

[18] Bien que, au bout du compte, cela a pris plus de trois mois à la demanderesse pour compléter sa demande, le fait qu’elle a constamment répondu aux demandes de renseignements supplémentaires (bien qu’elle ait répondu de façon imparfaite) me convainc qu’elle avait une intention continue d’interjeter appel de la décision de la DG pendant cette période.

Explication raisonnable du retard

[19] La demanderesse n’a pas donné de raison pour laquelle elle n’a pas présenté de demande complète à temps, bien qu’il semble qu’elle n’a jamais utilisé le formulaire autorisé et recommandé pour présenter une demande de permission d’en appeler. Ce formulaire exige que les demandeurs qui ont raté le délai de 90 jours pour présenter leur demande expliquent la raison pour laquelle ils sont en retard.

[20] Cependant, je note également que le registre des appels de la DA indique que la demanderesse trouvait que le processus d’appel était compliqué et stressant. Un grand nombre des prestataires non représentés trouvent que les étapes requises pour présenter une demande de permission d’en appeler sont accablantes, et il semblerait que cela a contribué au retard de la demanderesse à présenter sa demande complète.

Cause défendable

[21] La demanderesse soutient que la DG a présenté les faits de manière inexacte et n’a pas accordé le poids approprié à la preuve d’experts selon laquelle elle était incapable de travailler. J’estime que ce moyen d’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. D’après mon examen de la décision, la DG a analysé en détail les nombreux problèmes de santé et les symptômes associés prétendus par la demanderesse et a tenté de déterminer si ceux-ci affectaient sa capacité à régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice au cours de sa PMA. Au bout du compte, j’ai conclu que, bien qu’elle soit bel et bien atteinte de troubles de la santé, ceux-ci ne sont pas suffisamment graves pour nuire à sa capacité de se recycler ou d’exercer un autre emploi.

[22] Au-delà de ces allégations non fondées de fausses déclarations et de malveillance, la demanderesse n’a pas précisé comment, en rendant sa décision, la DG n’a pas respecté un principe de justice naturelle, a commis une erreur de droit ou a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée. Bien que les demandeurs ne soient pas tenus de prouver les moyens d’appel à l’étape de la demande de permission d’en appeler, ils doivent décrire, à l’appui de leurs observations, certains fondements rationnels qui cadrent les moyens d’appel énoncés. La DA ne devrait pas avoir à spéculer sur ce que ces fondements pourraient être. Il ne suffit pas qu’un demandeur fasse part de son désaccord avec la décision de la DG ou d’exprimer sa certitude continue que ses problèmes de santé le rendent invalide au sens du RPC.

[23] La demanderesse a soutenu que la DG n’a pas tenu compte de l’affaire Villani, un arrêt de la Cour suprême du Canada qui nécessite l’analyse des sept critères afin de tenir compte des circonstances particulières d’un prestataire, y compris son âge, son niveau d’éducation, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de vie. Cependant, la décision indique que la DG a pris note des antécédents de la demanderesse au paragraphe 8 et a résumé la norme juridique appropriée au paragraphe 26. J’estime qu’il n’y a pas de cause défendable permettant de renverser l’évaluation effectuée par la DG, car elle a appliqué le critère juridique adéquat et pris en compte la situation personnelle de la demanderesse.

[24] La demanderesse soutient également que la DG n’a pas suffisamment tenu compte de la décision Densmore, une affaire de la Commission d’appel des pensions (qui n’existe plus aujourd’hui) et qui est souvent citée en tant que validité juridique en ce qui a trait à la douleur chronique. Cependant, la demanderesse n’a pas précisé comment la DG a mal interprété ou mal appliqué les principes énoncés dans la décision Densmore, laquelle a été citée dans la décision afin d’insister sur le fait que la douleur chronique doit être accompagnée de limitations fonctionnelles.

[25] La demanderesse soutient que la DG a ignoré quatre rapports médicaux à l’appui de sa demande d’invalidité ou qu’elle n’a pas accordé suffisamment de poids à ces rapports. Je note que trois des documents énumérés ont été présentés à l’audience devant la DG et elle a explicitement fait référence à deux d’entre eux dans sa décision. Pour ce qui est du quatrième, je n’ai pas trouvé le rapport du « Dr Warthington » daté du 23 mars 2015 dans le dossier d’audience, bien qu’il y avait deux rapports provenant du Dr Warrington, et que l’on a fait référence à l’un d’entre eux dans la décision. Peu importe, puisqu’un tribunal administratif est réputé avoir pris en considération tous les éléments de preuve dont il était saisi, et que la DG a agi selon sa compétence en soupesant la preuve, en déterminant les faits, s’il en était, qu’elle choisissait de considérer avant d’en venir à une décision basée sur son interprétation et sur son analyse des documents devant elle. Dans l’affaire Simpson c. CanadaNote de bas de page 7, la Cour d’appel fédérale a conclu que [traduction] :

le poids accordé à la preuve, qu’elle soit orale ou écrite, relève du juge des faits. Ainsi, une cour qui entend un appel ou une demande de contrôle judiciaire ne peut pas en règle générale substituer son appréciation de la valeur probante de la preuve à celle du tribunal qui a tiré la conclusion de fait contestée.

[26] En l’absence d’erreurs spécifiques prétendues, je dois conclure que les prétendus moyens d’appel du demandeur sont si vastes qu’ils correspondent à une demande de trancher de nouveau l’ensemble de la demande. Si elle demande que je révise et évalue à nouveau la preuve pour substituer ma décision à celle de la DG, et cela, en sa faveur, je suis dans l’impossibilité de le faire. En tant que membre de la DA, je n’ai compétence que pour déterminer si l’un de ses motifs d’appel se rattache aux moyens d’appel admissibles du paragraphe 58(1) et si l’un d’eux confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[27] Je ne constate aucune cause défendable pour les moyens à l’appui.

Préjudice à l’autre partie

[28] Il est peu probable que la prorogation du délai pour interjeter appel cause préjudice aux intérêts du défendeur étant donné la période de temps relativement courte qui s’est écoulée depuis l’expiration du délai prévu par la loi. Je ne crois pas que la capacité du défendeur à se défendre, vu ses ressources, soit indûment amoindrie si la prorogation de délai était accordée.

Renseignements supplémentaires

[29] Finalement, je note que la demanderesse a présenté des renseignements médicaux supplémentaires qui ont été préparés après que la DG ait rendu sa décision. Normalement, un appel devant la DA ne représente pas une occasion de soumettre de nouveaux éléments de preuve, étant donné les contraintes du paragraphe 58(1) de la LMEDS, qui ne donne pas à la DA l’autorité de tenir une nouvelle audience ou de rendre une décision basée sur le fond de l’affaire.

Conclusion

[30] Après avoir soupesé les facteurs susmentionnés, j’ai déterminé que la présente affaire n’est pas un cas où il convient d’accorder une prorogation du délai de 90 jours pour faire appel. Il y avait des éléments de preuve selon lesquels la demanderesse avait une intention persistante de poursuivre son appel, et j’ai trouvé une explication raisonnable pour justifier son retard à présenter sa demande. Il est également vrai que les intérêts du défendeur ne subiraient pas de préjudice si un délai supplémentaire était accordé. Si trois des quatre facteurs énoncés dans l’affaire Gattellaro étaient favorables à la demanderesse, je suis d’avis qu’ils ne suffisent point étant donné l’absence d’une cause défendable : je n’ai trouvé aucun motif, découlant soit d’une erreur de droit ou d’une erreur de fait, qui confère à l’appel de la demanderesse une chance raisonnable de succès.

[31] D’après les facteurs énoncés dans l’affaire Gattellaro et dans l’intérêt de la justice, je refuserais d’accorder une prorogation du délai pour interjeter appel aux termes du paragraphe 57(2) de la LMEDS.

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