Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La demande de permission d’en appeler est accordée.

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision rendue par la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale le 9 février 2016. La DG avait tenu une audience par vidéoconférence et avait conclu que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC), car elle avait conclu que son invalidité n’était pas « grave » préalablement à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA).

[2] Le 11 mai 2016, la demanderesse a présenté à la division d’appel (DA), dans les délais prescrits, une demande de permission d’en appeler comportant les détails des moyens d’appel allégués. Pour accueillir cette demande, je dois être convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[3] Tel qu’il est énoncé aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[4] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

[5] Aux termes du paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la DG n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ;
  2. b) la DG a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. c) la DG a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] Il reste que la demande doit soulever un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. La Cour d’appel fédérale a conclu que la question à savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si le défendeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[7] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audition au fond de l’affaire. C’est un premier obstacle que la demanderesse doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel elle devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, la demanderesse n’a pas à prouver ses arguments.

Question en litige

[8] Est-ce que l’appel a une chance raisonnable de succès ?

Observations

[9] Dans sa demande de permission d’en appeler, la demanderesse a indiqué les observations suivantes :

  1. La DG a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée lorsqu’elle a indiqué au paragraphe 43 que le témoignage oral de la demanderesse était incompatible avec la preuve au dossier d’audience ;
  2. La DG a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée lorsqu’elle a conclu qu’il n’y avait pas d’élément de preuve objective de douleurs spécifiques au dos ;
  3. La DG a commis une erreur de droit lorsqu’elle s’est appuyée sur l’affaire Inclima c. Canada (Procureur général)Note de bas de page 3, puisqu’il n’y avait pas de preuve contraire indiquant que la demanderesse avait la capacité de travailler.

Analyse

(a) Fausses déclarations au sujet du témoignage de la demanderesse

[10] Au paragraphe 43 de sa décision, la DG a indiqué ce qui suit [traduction] :

Le Tribunal conclut que le témoignage oral de l’appelante n’était pas conforme à la preuve au dossier d’audience. L’appelante a témoigné que son époux était le propriétaire du dépaneur [sic] et qu’elle travaillait la [sic] à temps partiel. Elle a indiqué qu’elle a arrêté de travailler au dépanneur en septembre 2011. Dans le questionnaire d’invalidité du RPC de l’appelante que l’intimé a estampillé le 21 octobre 2013, elle a indiqué qu’elle a été la propriétaire et a exploité un dépanneur du 28 novembre 2003 au 3 janvier 2013. Elle a fermé les portes de l’entreprise, car elle n’avait pas assez d’argent pour exploiter son magasin. L’appelante a indiqué qu’avec l’aide de sa famille, elle a travaillé comme caissière dans son dépanneur. Elle éprouvait souvent de la douleur, et devait s’assoir et appliquer de la glace aux endroits où elle éprouvait de la douleur. Son époux était toujours avec elle lorsqu’elle travaillait. Dans le questionnaire d’invalidité du RPC, elle a également indiqué qu’elle n’était plus capable de travailler en raison de problème de santé à partir du 10 septembre 2011.

[11] La demanderesse soutient que la DG a commis une erreur lorsqu’elle a relevé des incohérences entre son témoignage et la preuve documentaire. Elle soutient que son erreur sur cette question de fait a contribué à la conclusion de la DG selon laquelle sa preuve n’était pas crédible. Elle a témoigné devant la DG qu’elle n’était pas la propriétaire du dépanneur, mais qu’elle y a travaillé jusqu’en septembre 2011. Cela, a-t-elle dit, était conforme à ce qu’elle a écrit dans son questionnaire, dans lequel il était également indiqué que son époux était un employé de cette entreprise et qu’il a continué à travailler là jusqu’à sa fermeture en janvier 2013. La demanderesse a également présenté des statuts constitutifs et son état de rémunération et de cotisation du RPC à l’appui de sa position.

[12] J’estime que la demanderesse n’a pas de chance raisonnable de succès selon ce moyen d’appel. Après avoir révisé la décision et le dossier d’audience, j’estime que la DG avait un fondement raisonnable pour relever des incohérences entre ce que la demanderesse a écrit et ce qu’elle a dit. Dans son questionnaire de prestations d’invalidité (GD5-50), elle s’est décrite comme étant une « travailleuse autonome » jusqu’au 3 janvier 2013. Il s’agit là d’une déclaration qui est contradictoire à ce qu’elle a elle-même affirmé avoir dit à la DG. Bien qu’un appel devant la DA n’est normalement pas l’occasion de présenter de nouveaux éléments de preuve, je note au passage que les statuts constitutifs qui étaient joints à la demande de permission d’en appeler indiquent que la demanderesse était bel et bien la propriétaire de l’entreprise, contrairement à ce qu’elle a dit dans son témoignage.

[13] Bien qu’elle l’ait fait maladroitement, la DG a également semblé avoir souligné le fait qu’il y avait une incohérence entre deux des réponses de la demanderesse dans son questionnaire relatif aux prestations d’invalidité. Comme il a été mentionné, elle s’est décrite comme étant une « travailleuse autonome » jusqu’au 3 janvier 2013 (boîte 7), mais elle a également dit qu’elle n’était plus capable de travailler en raison de son problème de santé à partir du 10 septembre 2011 (boîte 16). Le compte rendu de la DG concernant le témoignage de la demanderesse suggère qu’elle a apporté des précisions sur ce point, insistant sur le fait qu’elle a arrêté de travailler à la date la plus antérieure.

[14] Toujours est-il qu’il semblerait que la DG n’était pas dans l’erreur lorsqu’elle a noté des incohérences dans la preuve, car elle était en droit de le faire en tant que juge des faits. C’est pourquoi, peu importe si la DG s’est appuyée sur ces incohérences pour tirer une conclusion de fait relative à la crédibilité, j’estime qu’il n’y a pas de cause défendable fondée sur ce moyen d’appel.

(b) Éléments de preuve de maux de dos objectifs

[15] La demanderesse soutient que la DG a conclu à tort que la demanderesse n’a pas présenté d’éléments de preuve de maux de dos spécifiques, alors que la décision fait elle-même référence à plusieurs rapports d’imagerie qui indiquent des changements dégénératifs importants à sa colonne vertébrale.

[16] Sur ce motif, je considère que l’appel a au moins une chance raisonnable de succès. Dans sa décision, la DG a commencé son analyse en citant un nombre de décisions qui ont présumément guidé son raisonnement. Parmi ceux-ci se trouvait l’affaire Pereira c. MDRHNote de bas de page 4, dans laquelle, selon la DG, la position suivante a été défendue : des douleurs non spécifiques au bas du dos sont un problème lié à une intolérance à une activité et devraient être considérées comme temporaires dès que le niveau d’activité est augmenté, et cela, avec des soins au dos et des traitements appropriés.

[17] Au paragraphe 39 de sa décision, la DG a indiqué ce qui suit [traduction] :

De la douleur au bas du dos est un symptôme et non un diagnostic. En l’absence de preuve médicale objective ou d’explication psychologique, les principes suivants s’appliquent :

  1. (1) Des douleurs non spécifiques au bas du dos devraient être redéfinies comme étant un problème d’intolérance à une activité et non un problème médical ;
  2. (2) Des douleurs non spécifiques au bas du dos devraient être considérées comme temporaires et non pas comme une invalidité permanente ;
  3. (3) Des plaintes liées à la douleur ne sont pas adéquates pour définir un problème médical ;
  4. (4) Des facteurs psychologiques jugés comme essentiels à la tolérance d’un travailleur pour une activité (incapacité à travailler) peuvent être diagnostiqués comme étant une invalidité psychologique et non pas une invalidité liée à la douleur : D.M.c. MDRH (19 février 1997), CP 3858 (CAP).

[18] L’emplacement de ces citations indique que la DG a conclu que la demanderesse souffrait de [traduction] « douleurs non spécifiques au bas du dos », même si elle ne l’a pas indiqué formellement. « Non spécifique » est un terme qui sert habituellement à décrire une douleur qui n’est pas liée à une cause identifiable et qui ne peut pas être attribuable à une pathologie sous-jacente et grave. La demanderesse a nié avoir souffert de douleurs « non spécifiques » au bas du dos et a invoqué quatre rapports qui, selon elle, suggéraient des modifications dégénératives importantes :

  • Une radiographie du rachis lombaire et de la colonne thoracique datant de juin 2013 et montrant un pincement discal grave au niveau des vertèbres T11-12 ;
  • Un scan de l’ensemble du corps datant de septembre 2013 et révélant une activité anormale dans la colonne thoracique et le rachis lombaire au niveau des vertèbres T11-12 et L1-2 ;
  • Une référence à une radiographie datant de septembre 2013 et montrant une fracture par tassement avec spondylose en T11-L2 ;
  • Une IRM datant d’avril 2014 et indiquant une fracture par tassement au côté droit central en T12 avec stérose farominale lombaire grave du côté droit affectant la sortie de la racine nerveuse droite en T11.

[19] Bien que la DG ait résumé ces rapports d’imagerie aux paragraphes 22, 24, 25 et 28 de la décision, elle n’en a fait aucune mention dans son analyse, sauf pour appuyer l’avis du Dr Su exprimé dans son rapport daté du 28 septembre 2015 selon lequel les symptômes de la demanderesse étaient [traduction] « des facteurs non médicaux ». Après avoir révisé la décision en fonction des éléments de preuve pertinents au dossier, j’estime qu’il existe une cause défendable d’après le motif que la DG aurait fondé sa décision sur la conclusion erronée selon laquelle il n’y avait aucune preuve que la demanderesse souffrait de maux de dos spécifiques.

(c) Affaire Inclima

[20] La demanderesse soutient que la DG a commis une erreur lorsqu’elle s’est appuyée sur l’affaire Inclima, et elle nie le fait qu’il y avait des éléments de preuve qu’elle avait une capacité de travail résiduelle. J’estime qu’il existe une cause défendable selon ce moyen d’appel même si la DG a cité le critère approprié, et lorsqu’il y a une preuve de la capacité de travailler, le demandeur doit démontrer que les efforts qu’il a déployés pour se trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé. Cependant, puisque la demanderesse a soulevé la question à savoir si la DG a raisonnablement caractérisé les éléments de preuve à l’appui de ses douleurs au dos, une autre question ouverte est maintenant à savoir si la demanderesse a la capacité résiduelle qui est une condition préalable pour invoquer l’affaire Inclima.

Conclusion

[21] J’accorde la permission d’en appeler sur le fondement que la DG pourrait avoir commis une erreur lorsqu’elle a (i) conclu que la demanderesse n’a pas fourni d’élément de preuve de douleurs spécifiques au dos et lorsqu’elle a (ii) invoqué l’affaire Inclima alors qu’il n’y avait aucun élément de preuve de capacité résiduelle.

[22] J’invite les parties à déposer leurs observations sur la pertinence de tenir une nouvelle audience et, si une audience s’avère nécessaire, sur le type d’audience qui convient.

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