Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] Cette affaire a été renvoyée par la Cour fédérale du Canada. Le juge Camp a accordé la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse et a ordonné que la demande de permission d’interjeter appel soit instruite par un comité différent du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal).

[2] La division générale a rendu sa décision le 4 juillet 2014. Elle avait déterminé que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada, parce qu’elle a conclu que l’invalidité de cette dernière n’était pas « grave » à la date à laquelle sa période minimale d’admissibilité a pris fin le 31 décembre 2013 ou avant cette date. La demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler le 16 février 2015, faisant valoir plusieurs moyens d’appel. Elle reconnaît que la demande a été présentée en retard.

Questions en litige

[3] Les deux questions dont je suis saisie sont les suivantes :

  1. Devrais-je exercer mon pouvoir discrétionnaire pour accorder un délai supplémentaire pour la présentation de la demande de permission d’en appeler ?
  2. Est-ce que l’appel a une chance raisonnable de succès ?

Contexte factuel

[4] Les faits pertinents aux fins de la présente demande sont les suivants :

  • La division générale a rendu sa décision le 4 juillet 2014. Le Tribunal a envoyé une copie de la décision de la division générale aux parties dans une lettre par la poste en date du 9 juillet 2014. La cour fédérale a indiqué qu’une copie de la lettre portait le timbre de quittance du représentant de la demanderesse, indiquant qu’elle a été reçue le 27 octobre 2014. On ne m’a pas fourni de copie de la lettre qui porte le timbre de quittance.
  • Le représentant de la demanderesse a écrit au Tribunal le 3 octobre 2014, signalant que sept mois s’étaient écoulés depuis l’audience devant la division générale et qu’il n’avait pas encore reçu de décision. Il voulait savoir à quel moment il pourrait recevoir une copie de la décision.
  • Le Tribunal a communiqué avec le représentant de la demanderesse par téléphone le 16 octobre 2014 pour confirmer qu’une copie de la décision de la division générale serait postée.
  • Le Tribunal a envoyé à nouveau une copie de la décision au représentant de la demanderesse dans une lettre datée du 17 novembre 2014.
  • La cour fédérale a également fait référence à de la correspondance par courriel datée du 12 décembre 2014 et du 3 février 2015 que l’époux de la demanderesse a envoyée à leur membre du Parlement. Je n’ai pas de copie de la correspondance par courriel, mais l’époux de la demanderesse a indiqué que la décision de la division générale a été reçue le 27 octobre 2014.
  • Le 9 février 2015, un employé du bureau du membre du Parlement de la demanderesse a communiqué avec le Tribunal par téléphone pour se renseigner sur la façon d’en appeler de la décision de la division générale.
  • Le 16 février 2015, la demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler (AD1). Elle a indiqué qu’elle a reçu la décision de la division générale le 27 octobre 2014. Elle a expliqué que sa demande de permission d’en appeler a été présentée en retard en raison de préoccupations médicales et juridiques. Elle a également fourni des observations portant sur le bien-fondé de son appel.
  • Dans une lettre datée du 20 février 2015, le Tribunal a accusé réception de la demande de permission d’en appeler. Le Tribunal a informé la demanderesse qu’un membre du Tribunal examinerait l’affaire afin de déterminer s’il y a lieu d’accorder une prorogation du délai pour présenter son appel. Le Tribunal a également informé la demanderesse qu’il a le pouvoir de proroger la période d’appel « dans certaines circonstances », mais qu’il ne peut en aucun cas accorder une prorogation si plus d’une année s’est écoulée depuis qu’elle a reçu la décision de la division générale.
  • Le 20 février 2015, la demanderesse a présenté des documents à l’appui provenant de son médecin de famille, dans lesquels la médecin explique que sa priorité était de stabiliser la santé de la demanderesse. La demanderesse est partie de Halifax et a déménagé dans la région d’Ottawa en août 2014, et le stress a aggravé sa fibromyalgie (AD1A).

Analyse

(a) Demande tardive

[5] Aux termes de l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), une demande de permission d’en appeler doit être présentée à la division d’appel dans les 90 jours suivant la date à laquelle un appelant reçoit communication de la décision faisant l’objet de l’appel.

[6] En l’espèce, la preuve irréfragable dont j’étais saisie est que la décision de la division générale avait été communiquée à la demanderesse d’ici au moins le 27 octobre 2014. La demanderesse reconnaît que la période de 90 jours pour présenter sa demande avait pris fin en janvier 2015 et qu’environ trois semaines s’étaient écoulées avant qu’elle ne présente sa demande de permission d’en appeler.

[7] Il n’existe aucune disposition accordant le droit à une prorogation. Dans l’affaire Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 833, la Cour fédérale a énoncé les quatre facteurs qui devraient être considérés pour déterminer s’il y a lieu de proroger le délai de 90 jours qui est imparti à un demandeur pour déposer sa demande de permission d’en appeler. Ces facteurs sont les suivants : il y a intention persistante de poursuivre la demande ou l’appel ; la cause est défendable ; le retard a été raisonnablement expliqué ; et la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie. Dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204 (CanLII), la Cour d’appel fédérale a établi que la considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation serait dans l’intérêt de la justice, mais elle a aussi affirmé qu’il n’est pas nécessaire, pour proroger le délai, de répondre aux quatre questions concernant l’exercice du pouvoir discrétionnaire en faveur du demandeur. Il ressort clairement de l’affaire Larkman que l’enquête sur l’intérêt de la justice ne se limite pas aux quatre facteurs Gattellaro et que d’autres facteurs peuvent être pris en compte.

[8] Une prorogation du délai ne cause aucun préjudice au défendeur, compte tenu du retard relativement court dont il est question. La demanderesse explique qu’elle était préoccupée par sa santé, puisque sa condition médicale s’était aggravée depuis qu’elle avait déménagé de Halifax à Ottawa. Son médecin de famille a confirmé qu’elle se concentrait à stabiliser les symptômes de fibromyalgie de la demanderesse (AD1A). La demanderesse explique également qu’elle a eu recours à de l’assistance juridique et a demandé des conseils juridiques sur la façon de procéder avec l’appel. Je suis convaincue que la demanderesse a démontré une intention persistante de poursuivre son appel et que son retard à présenter une demande de permission d’en appeler a été raisonnablement expliqué.

[9] Je ne me suis pas penchée sur la question à savoir si la cause est défendable au point de mériter que je proroge le délai prévu pour présenter une demande de permission d’en appeler. Cependant, il est bien établi qu’un demandeur n’a pas à satisfaire aux quatre facteurs énoncés dans l’affaire Gattellaro et qu’il n’est pas nécessaire d’accorder le même poids à chacun de ces facteurs, du fait que la considération primordiale est celle à savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice. Dans l’intérêt de la justice et à la lumière des faits entourant la présente affaire, je suis disposée à proroger le délai prévu pour présenter une demande de permission d’en appeler et à examiner la question en litige à savoir si la cause est défendable dans le contexte de la demande de permission d’en appeler.

(b) Demande de permission d’en appeler

[10] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS) prévoit que les seuls moyens d’appel se limitent aux suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[11] Avant de pouvoir accorder une permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel se rattachent à l’un ou à l’autre des moyens d’appel admissibles et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale du Canada a récemment confirmé cette approche dans la décision Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

i. Justice naturelle

[12] La demanderesse soutient que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle, car elle ne lui a pas accordé suffisamment de temps pour se préparer et elle ne lui a pas fourni de directives concernant le processus d’appel. Cependant, la demanderesse n’a pas indiqué le temps supplémentaire dont elle avait besoin pour se préparer ou comment ce temps supplémentaire aurait pu l’aider à se préparer. La demanderesse soutient que, compte tenu d’incertitudes quant au nouveau processus et aux nouvelles contraintes de temps, elle et son représentant n’ont pas été en mesure de prendre les dispositions nécessaires pour que son médecin de famille témoigne lors de l’audience. La demanderesse soutient également que la division générale n’a pas fourni à son époux l’opportunité de présenter des éléments de preuve. Ils s’attendaient à ce que l’on permette à son époux de présenter des éléments de preuve concernant la gravité des symptômes de la demanderesse. Finalement, la demanderesse affirme qu’une audience en personne est plus appropriée qu’une téléconférence.

[13] J’estime sans fondement l’argument selon lequel elle n’a pas eu suffisamment de temps pour se préparer à l’audience. La demanderesse était représentée par un avocat. Il a soumis un avis de procéder le 20 novembre 2013 accompagné de documents à l’appui, indiquant que la demanderesse était prête à procéder. Il a préparé des observations qui établissaient les antécédents et les circonstances de la demanderesse. Il a également examiné la preuve médicale ainsi que les précédents invoqués. De nombreux documents ont été présentés à la division générale, s’étalant sur plusieurs centaines de pages. Il y avait plusieurs avis d’experts, y compris une évaluation de la capacité fonctionnelle présentée au Tribunal. La demanderesse et son représentant semblaient préparés. En effet, la demanderesse était en mesure de répondre aisément aux questions qui lui étaient posées par son représentant, le représentant du défendeur et le membre de la division générale. De plus, son représentant a été en mesure de fournir des observations finales. Je ne suis saisie d’aucun élément de preuve selon lequel la demanderesse ou son représentant aurait protesté en indiquant que le délai pour se préparer était insuffisant, et je ne suis saisie d’aucun élément de preuve selon lequel ils auraient demandé un ajournement de l’instance, ni auprès du Tribunal ni auprès du membre de la division générale.

[14] Pour ce qui est du caractère nouveau du processus d’appel, ni la LMEDS ni le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement)n’établit de règles ou de procédure à suivre lors de l’audition des appels. Généralement, les tribunaux administratifs sont considérés comme étant des maîtres chez eux. Comme la Cour fédérale l’a établi dans l’affaire Canada (Commission des droits de la personne) c. Société canadienne des postes, [2004] 2 RCF 581, 2004 CF 81 : « En l’absence de règles précises établies par loi ou règlement, ils fixent leur propre procédure à la condition de respecter les règles de l’équité et, dans l’exercice de fonctions judiciaires ou quasi judiciaires, de respecter les règles de justice naturelle ».

[15] Le membre a procédé à l’audience le 4 mars 2014. L’enregistrement audio de l’audience indique qu’au début de l’audience, le membre de la division générale a expliqué en détail le processus et les procédures qu’elle suivra (environ 7:00 à 13:51 dans l’enregistrement audio). Les commentaires du membre s’adressaient, en grande partie, à la demanderesse. Le membre a confirmé que deux heures étaient allouées à l’audience. Elle a également décrit le format que suivra l’audience. Le membre a également décrit la preuve documentaire dont elle était saisie, et finalement, a précisément demandé à la demanderesse si elle avait [traduction] « des questions au sujet du processus jusqu’à présent ». La demanderesse a répondu qu’elle n’en avait pas. Je ne suis pas convaincue que la division générale ait omis de fournir des directives concernant le processus d’appel.

[16] La demanderesse fait également valoir que le processus était injuste, car il n’y a pas eu d’opportunités suffisantes pour prendre les dispositions nécessaires afin qu’un témoin soit présent lors de l’audience. Le membre de la division générale a indiqué dans ses remarques introductives que le Tribunal avait été avisé que le médecin de famille de la demanderesse serait peut-être présent aussi. Le représentant de la demanderesse a répondu que la demanderesse avait l’intention que sa médecin de famille soit présente, mais que malheureusement, elle était malade ce jour-là et que cela faisait deux jours qu’elle n’était pas au travail et que [traduction] « malheureusement, elle ne pourra pas être présente ». Le membre de la division générale a indiqué que le Tribunal était saisi des rapports médicaux du médecin de famille (5:57 de l’enregistrement audio).

[17] La réponse de la demanderesse au sujet du médecin de famille contredit les observations selon lesquelles ils n’ont pas eu suffisamment de temps pour prendre les dispositions nécessaires afin que la médecin de famille soit présente lors de l’audience. La médecin de famille n’a pas pu être présente lors de l’audience pour des raisons de maladie. J’estime que cela n’est pas lié au processus et aux procédures d’appel. La demanderesse avait la possibilité de demander un ajournement de l’instance si elle avait demandé que la médecin de famille soit présente lors de l’audience, ce qu’elle n’a pas fait.

[18] L’époux de la demanderesse était présent lors de l’audience. Le représentant de la demanderesse l’a présenté au début. La demanderesse soutient maintenant que la division générale n’a pas fourni à son époux l’opportunité de présenter des éléments de preuve.

[19] Cependant, le membre de la division générale a demandé si l’époux de la demanderesse [traduction] « aurait le rôle de témoin ou s’il serait présent seulement pour assurer un soutien moral » (5:35 de l’enregistrement audio). Le représentant de la demanderesse a répondu que l’époux serait présent pour [traduction] « assurer un soutien moral, en grande partie, à moins que le [membre de la division générale] a[it] des questions à lui poser, bien sûr ». Le seul élément de preuve que le représentant de la demanderesse voulait déceler à l’aide de l’époux de la demanderesse concernait l’emploi de celui-ci. À ce moment, le membre de la division générale a suggéré que la demanderesse pourrait témoigner au sujet de ce que son époux fait au cours de la journée. Le représentant de la demanderesse a répondu qu’il n’avait aucun problème avec cela (1:08:19). La demanderesse a alors décrit les tâches ménagères et responsabilités supplémentaires dont son époux a dû se charger depuis l’apparition de ses problèmes médicaux. Elle a également témoigné que lorsque son époux est en voyage, sa mère ou sa belle-mère se charge des tâches ménagères.

[20] La demanderesse et son représentant n’ont à aucun moment tenté de présenter des éléments de preuve provenant de l’époux de la demanderesse concernant ses observations au sujet de la demanderesse. Ni le représentant du défendeur ni le membre de la division générale n’ont demandé qu’il fournisse des éléments de preuve. Bien que la division générale aurait pu se tourner vers l’époux de la demanderesse et l’inviter à fournir des éléments de preuve, elle n’avait pas l’obligation de le faire. Il revenait uniquement à la demanderesse de défendre sa cause. Je ne trouve aucun élément de preuve dans l’enregistrement audio selon lequel la division générale aurait refusé des éléments de preuve provenant de l’époux de la demanderesse à ce sujet. Bien qu’il aurait pu fournir des éléments de preuve directs concernant son propre emploi, ces éléments de preuve ne semblent de toute façon pas pertinents.

[21] Après que le représentant de la demanderesse ait terminé l’interrogatoire principal de la demanderesse, il a indiqué que [traduction] « en ce qui concerne l’interrogation, j’ai posé toutes les questions que je voulais aborder avec [la demanderesse]. J’ai des conclusions finales, à moins que le comité ait des questions. » Le membre de la division générale a invité le représentant du défendeur à questionner la demanderesse et, si des questions demeuraient sans réponse, elle poserait ses propres questions, après quoi elle accepterait les observations de chacune des parties. Aucune objection n’a été exprimée à l’égard de cette approche. Le représentant du défendeur a posé ses questions à la demanderesse (jusqu’à 1:21:45), puis le membre de la division générale a posé ses questions (jusqu’à 1:27:20).

[22] Après avoir terminé son interrogation, le membre de la division générale a demandé au représentant de la demanderesse s’il [traduction] « voulait résumer ». Le représentant de la demanderesse a fourni des observations (jusqu’à 1:39:27), tout comme le représentant du défendeur (jusqu’à 1:44:08). Après cela, le membre de la division générale s’est tournée vers la demanderesse et l’a invitée à ajouter des commentaires. La demanderesse a indiqué qu’elle [traduction] « voulait que [sa] vie redevienne comme avant », car [traduction] « une partie importante de sa vie est manquante en ce moment » (jusqu’à 1:45:45). Le membre de la division générale a ensuite présenté les observations finales.

[23] Je ne vois aucun élément de preuve selon lequel la division générale a empêché la demanderesse de plaider sa cause ou selon lequel la demanderesse a demandé un ajournement de l’instance. Je ne suis pas convaincue que la division générale a omis de donner à l’époux de la demanderesse l’opportunité de présenter des éléments de preuve, notamment parce qu’il n’était pas présent à cette fin, et je ne suis pas convaincue qu’ils n’ont pas assez eu l’occasion de prendre les dispositions nécessaires pour que le médecin de famille présente des éléments de preuve. À aucun moment au cours de l’audience n’y a-t-il eu d’objections de nature procédurale.

[24] Finalement, la demanderesse affirme qu’une audience en personne est plus appropriée qu’une téléconférence, car cela aurait [traduction] « fourni le contexte nécessaire pour interpréter correctement les faits ». Elle affirme que [traduction] « une condition complexe comme la fibromyalgie qui a plusieurs sources d’information au sujet des traitements et de la gravité des symptômes est difficile à décrire fidèlement par téléconférence et dans des observations écrites ». Je ne vois pas comment une téléconférence a pu empêcher la demanderesse de décrire fidèlement l’incidence que les symptômes ont sur elle, ou empêcher le représentant de la demanderesse de présenter des observations à l’égard de tout élément de preuve.

[25] Je n’ai aucun élément de preuve selon lequel la demanderesse aurait demandé un mode d’audience en particulier. L’article 21 du Règlement permet au Tribunal de choisir le mode d’audience. Le Tribunal a avisé les parties que l’appel serait tenu par téléconférence dans une lettre datée du 6 février 2014. Aucune des deux parties n’a présenté d’observations au sujet de la pertinence du mode d’audience. D’ailleurs, aucune des parties ne s’est opposée à ce que l’audience soit tenue par téléconférence à aucun moment après l’émission de l’avis d’audience. Toutes objections au mode d’audience auraient dû être faites le plus tôt possible. Je ne suis pas convaincue que le mode d’audience choisi par le membre de la division générale a privé la demanderesse d’une audience équitable ou de la possibilité de présenter équitablement son cas.

ii. Affaires Villani et E.J.B.

[26] La demanderesse soutient que la division générale n’a pas appliqué les principes énoncés dans l’affaire Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, car elle n’aurait pas tenu compte des circonstances particulières de la demanderesse telles que son âge, sa formation, son expérience professionnelle et son employabilité dans un « contexte réaliste ».

[27] La division générale a indiqué au paragraphe 24 de son analyse qu’elle s’est fondée sur les principes énoncés dans l’affaire Villani. Dans le même paragraphe, elle a également écrit ce qui suit [traduction] : « [e]n l’espèce, l’appelante est jeune, bien instruite et possède plusieurs compétences transférables qu’elle pourrait mettre en pratique dans un autre emploi ». Par conséquent, l’on ne peut pas dire que la division générale n’a pas tenu compte des circonstances particulières de la demanderesse. Je suis consciente que la Cour d’appel fédérale a mis en garde contre l’interférence avec l’évaluation des circonstances personnelles d’un demandeur fait par un juge des faits : affaire Villani, paragraphe 49. Je ne vois aucun motif qui m’autoriserait à intervenir dans cette évaluation.

[28] La demanderesse soutient également que la division générale n’a pas appliqué les principes énoncés dans l’affaire E.J.B. c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47, car elle n’aurait tenu compte que de la condition physique invalidante principale de la demanderesse au lieu de tenir compte de l’ensemble de ses conditions.

[29] La division générale s’est fiée aux avis de spécialistes de la gestion de la douleur et d’un ergothérapeute pour déterminer que la demanderesse conservait une certaine capacité. La demanderesse fait valoir que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a analysé le rapport du spécialiste de la gestion de la douleur ainsi que l’évaluation des capacités fonctionnelles, particulièrement cette dernière, car elle met l’accent sur ses troubles physiques [traduction] « sans tenir compte » de ses déficiences mentales. Elle soutient que ses incapacités physiques et mentales sont cumulatives et doivent être considérées de pair lors de l’évaluation de la gravité de son invalidité. La division générale a fait référence à des passages de ces deux rapports aux paragraphes 14 et 15 de sa décision.

[30] L’ergothérapeute a indiqué que le but d’une évaluation des capacités fonctionnelles était de déterminer les capacités fonctionnelles et les facteurs limitatifs de la demanderesse. Il ressort clairement du test que l’évaluation se limitait à tester les capacités physiques de la demanderesse telles que son degré de tolérance dans différentes positions, sa force corporelle et son fonctionnement (physique) général (GT1- 593 à GT1-614). De même, le spécialiste de la gestion de la douleur a également restreint la portée de son évaluation des capacités physiques de la demanderesse puisque l’évaluation de sa santé mentale ne fait pas partie de ses compétences (GT1-562 à GT1-578).

[31] Cependant, la division générale n’a pas restreint la portée de son analyse des deux rapports. La division générale a également examiné les problèmes de santé mentale de la demanderesse, et elle a conclu que ceux-ci découlaient de sa fibromyalgie. La division générale a noté que la demanderesse [traduction] « continue de consulter différents professionnels de la santé mentale, mais aucun d’entre eux n’indique que ses symptômes l’empêcheraient de travailler » (paragraphe 27). De toute évidence, la division générale a examiné chacun des différents rapports provenant de professionnels de la santé mentale et a tenu compte des problèmes de santé mentale de la demanderesse. Donc, l’on ne peut pas dire que la division générale n’a pas tenu compte de l’ensemble des invalidités de la demanderesse de façon cumulative ou qu’elle n’a pas tenu compte de ses problèmes de santé mentale dans un « contexte réaliste ».

iii. Conclusions de fait erronées

[32] La demanderesse soutient que la division générale a fondé sa décision sur plusieurs conclusions de fait erronées.

  1. Au paragraphe 25, qu’elle n’a pas tenté de retourner travailler, que ce soit à son ancien poste ou à un autre poste d’enseignement avec des fonctions modifiées. À ce sujet, la demanderesse précise qu’elle est retournée travailler avec un horaire de travail modifié et des ajustements ergonomiques de mars à mai 2010, puis d’août 2010 à janvier 2011.
    • La division générale a précisé, au paragraphe 10, les éléments de preuve relatifs à ses antécédents professionnels et à ses tentatives de retour au travail. La division générale a écrit que la demanderesse [traduction] « a arrêté définitivement à la fin de l’année scolaire 2009/2001 » et qu’elle [traduction] « n’a pas fait de tentative de retour au travail après juin 2010, et elle n’a pas non plus postulé pour des emplois dans aucun autre domaine ».
    • La division générale a conclu que la demanderesse n’avait fait aucune tentative de retour au travail, et ce, autant à son ancien poste qu’à un autre poste d’enseignement avec des fonctions modifiées, probablement après juin 2010. Cette conclusion peut être étayée par le questionnaire qui accompagnait la demande de pension d’invalidité (GT1-539) dans lequel la demanderesse a indiqué qu’elle a travaillé pour la dernière fois le 16 juin 2010. La demanderesse a indiqué qu’elle a rempli le questionnaire le 15 juin 2011 (GT1-545). Son représentant a confirmé cela dans ses observations écrites du 21 juin 2013, dans lesquelles il a écrit que la demanderesse avait essayé un retour progressif au travail, mais qu’elle a arrêté définitivement en juin 2010 et qu’elle n’a pas été capable de retourner travailler (GT1-554). De plus, lors du contre-interrogatoire, la demanderesse a témoigné qu’elle n’a pas tenté d’exercer [traduction] « aucun autre type de travail, à part [son] propre poste en enseignement », et n’a pas distribué de curriculum vitae ou postulé pour un autre type d’emploi (1:16:03 de l’enregistrement audio). Je n’ai trouvé aucun élément de preuve dont la division générale était saisie selon lequel elle serait retournée au travail après juin 2010. Je ne suis donc pas convaincue que la division générale a tiré une conclusion de fait erronée sur ce point.
  2. Au paragraphe 26, qu’à l’exception des somnifères, elle ne prenait pas de médicaments antidouleur (en date de l’audience). La demanderesse soutient qu’elle a une prescription d’amitriptyline pour la douleur depuis mi-2010. Elle s’est référée à son historique médical de patient de la MSI (assurance-maladie de la Nouvelle-Écosse) ainsi qu’à une note clinique de son rhumatologue datée du 6 juin 2011 (GT1-282, GT1-330 et GT1-331/GT1-438 à GT1- 439).
    • Un examen du dossier d’audience montre que la demanderesse s’est fait prescrire plusieurs autres médicaments en 2009 (GT1-332, GT1-336 et GT1-429) et du Cymbalta en 2010 (GT1-480). Cependant, aucun de ces médicaments n’était pour soulager la douleur.
    • Il est clair, à l’examen de la décision, que la division générale était au courant du fait que la demanderesse prenait d’autres médicaments. Cela est indiqué au paragraphe 12 de la section Preuve. À cet endroit, la division générale a écrit que la demanderesse prenait 10 mg de fluoxétine, un antidépresseur, deux fois par jour et 75 mg de Lyrica (à l’audience, elle a témoigné qu’elle ne prenait plus de Lyrica).
    • Le rapport du médecin de famille daté du 15 août 2011 (GT1-423) indique que l’amitriptyline aidait à soulager la douleur. Le médecin a également noté que la demanderesse avait commencé à prendre du Lyrica en mai 2010 et qu’elle trouvait que cela aidait à soulager la douleur. La demanderesse a également essayé de la naproxène, mais qu’elle n’a pas remarqué d’amélioration significative. Elle a signalé à un psychiatre en décembre 2011 qu’elle ne prenait plus de Lyrica puisque cela n’était pas efficace (GT1-468/GT1-503).
    • Plus récemment, le rapport médical daté du 30 juillet 2012 rédigé par un spécialiste de la gestion de la douleur et l’évaluation des capacités fonctionnelles datée d’août 2012 indiquent tous deux que la demanderesse prenait 25 mg d’amitriptyline le soir, un comprimé de fluoxétine deux fois par jour et de l’Advil occasionnellement (GT1-564 à GT1-565 et GT1-596). La fluoxétine est généralement utilisée comme antidépresseur.
    • Les rapports médicaux confirment ou suggèrent que l’amitriptyline était employé comme somnifère : entrée dans les dossiers cliniques datée du 22 juin 2010 (GT1-512) ; le rapport du psychiatre daté du 6 décembre 2010 (GT1-470) et du 2 décembre 2011 (GT1-468/503) ; et entrée dans les dossiers cliniques datée du 21 octobre 2011 (GT1- 520).
    • De plus, la demanderesse a témoigné lors de l’audience qu’elle prenait actuellement 25 mg d’amitriptyline et de la fluoxétine (51:10 à 51:19 et 1:17:47). Compte tenu de ces considérations, il existait des éléments de preuve à l’appui des conclusions de la division générale selon lesquelles la demanderesse ne se faisait pas prescrire de médicaments contre la douleur à ce moment-là, puisque l’amitriptyline était surtout utilisée comme somnifère.
  3. Au paragraphe 26, qu’à l’exception de l’avis du Dr Natarajan, il n’y a aucun autre élément de preuve médical à l’appui de la déclaration selon laquelle la demanderesse n’est pas capable de travailler à temps plein. La demanderesse fait valoir que [traduction] « il y a amplement d’éléments de preuve à l’appui de la conclusion selon laquelle [l’appelante] ne peut pas travailler à temps plein. Plus précisément, l’effet final des troubles physiques mentionnés par le Dr Bond et indiqués dans le rapport sur les capacités fonctionnelles et les troubles mentaux décrits par le Dr Bains, le Dr Jefferson et le Dr Natarajan dans ses notes sur le patient et dans ses lettres récapitulatives ». Elle soutient que de ne pas tenir compte des affaires Villani et E.J.B. en l’espèce représente des erreurs de droit.
    • La division générale a écrit ce qui suit [traduction] :
    • Le Dr Natarajan, seul à appuyer sa demande de prestations d’invalidité, indique qu’elle ne serait pas capable d’effectuer les tâches de son poste, mais elle qualifie cela d’incapacité à travailler à temps plein. Cependant, aucun autre élément de preuve ne vient appuyer cette déclaration.
    • En fait, la division générale a conclu que le médecin de famille était d’avis que la demanderesse est incapable d’effectuer les tâches propres à son poste - et non pas les tâches de tout emploi - à temps plein. La division générale a pris bien soin de souligner que le médecin de famille a soutenu l’opinion de la demanderesse.
    • Par ses observations, la demanderesse se trouve essentiellement à demander un réexamen. Comme la Cour fédérale l’a établi dans la décision Tracey, ce n’est pas approprié pour la division d’appel de réexaminer les éléments de preuve ou l’importance des facteurs considérés par la division générale lors qu’elle détermine si une permission d’en appeler devrait être accordée ou refusée. Ni la permission ni l’appel n’autorise à intenter de nouveau un recours en justice. Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès. Il n’est pas approprié que je fasse une révision de la preuve.
  4. Au paragraphe 27, lorsqu’elle a conclu que les symptômes de la demanderesse s’étaient améliorés depuis son diagnostic initial. La demanderesse soutient que cette conclusion ne tient pas compte de la raison pour laquelle l’état de la demanderesse s’est amélioré. La demanderesse explique que son état s’est amélioré, car son époux ainsi que d’autres personnes ont effectué les tâches ménagères et ont pris soin des enfants, afin qu’elle puisse prendre soin de sa santé.
    • Même si la division générale était saisie de cet élément de preuve, je ne trouve pas cela particulièrement pertinent pour déterminer si la demanderesse était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

Conclusion

[33] Compte tenu des considérations qui précèdent, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

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