Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

  • E. T. : Appelant
  • Hossein Noorimand : Avocat de l’appelant
  • Sylvie Doire : Représentante de l’intimé
  • Nadia Asha : Étudiante en droit (observatrice)
  • Justine Seguin : Étudiante en droit (observatrice)

Introduction

[1] Le 16 mars 2015, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a statué sur l’appel d’une décision de révision interjeté par l’appelant. La division générale a conclu que l’appelant n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC).

[2] L’appelant a demandé et obtenu la permission d’en appeler de la décision rendue par la division générale. La division d’appel a accordé la permission d’en appeler pour un seul motif précis, nommément la question de savoir si la division générale a erré en évaluant si l’appelant satisfaisait aux exigences du RPC relatives au caractère grave et prolongé d’une invalidité à la date de sa période minimale d’admissibilité (PMA), le 31 décembre 2012.

[3] L’appel a été instruit par vidéoconférence pour les raisons suivantes :

  1. La complexité de la question ou des questions portées en appel;
  2. Le fait que l’appelant sera la seule partie présente;
  3. Les renseignements figurant au dossier et le besoin d’obtenir des renseignements supplémentaires;
  4. Le mode d’audience est le plus approprié pour clarifier des éléments de preuve contradictoires;
  5. Le fait que l’appelant ou les autres parties soient représentés;
  6. L’exigence, en vertu du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[4] Il s’agit de déterminer si la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée. La question pourrait être ainsi formulée :

La division générale a-t-elle tenu compte de la bonne période lorsqu’elle a conclu que l’appelant n’avait pas présenté au Tribunal une preuve indiquant qu’il avait cherché un autre emploi?

Droit applicable

[5] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les moyens d’appel suivants peuvent être invoqués pour interjeter appel d’une décision de la division générale :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] Le principe pertinent, dans le cadre de cet appel, est celui selon lequel un requérant d’une pension d’invalidité du RPC chez qui il a été conclu qu’une certaine capacité de travail est toujours présente doit démontrer que ses efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé : Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117.

Observations

[7] L’avocat de l’appelant a, en son nom, soutenu que la division générale avait utilisé une période où l’appelant ne prétendait pas avoir été invalide pour trancher la question concernant ses tentatives pour trouver un autre emploi et le conserver. L’avocat a soutenu qu’une analyse lacunaire s’en était ensuivie au paragraphe 41 de la décision. Il a également fait valoir que la division générale n’a pas tenu compte d’une preuve médicale cruciale qui lui avait été présentée.

[8] La représentante de l’intimé soutient que la question soulevée en appel relève plutôt de l’alinéa 58(1)c) de la Loi sur le MEDS, selon lequel la division générale aurait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée. Après un examen plus poussé de la question, la division d’appel souscrit à cet avis.

[9] La représentante de l’intimée a insisté auprès de la division d’appel pour qu’elle applique la norme de la décision raisonnable à la décision de la division générale. Elle a soutenu que force est de constater que la division générale n’a pas commis d’erreur si l’on applique cette norme; la division générale a tenu compte de l’ensemble des éléments de preuve portant sur les problèmes de santé de l’appelant et les a analysés. Parmi ceux-ci se trouvaient des rapports médicaux sur ses problèmes de santé, soit ses chirurgies cardiaques, sa hernie et sa chirurgie de la hernie, ainsi que sa dépression. Les éléments de preuve abordaient aussi son accident de la route de 2010, le rapport médical du RPC terminé par le Dr Nejad, le rapport du psychologue, de même que d’autres rapports médicaux. De plus, la représentante de l’intimé a soutenu que la division générale a non seulement apprécié la preuve, ce qui est sa prérogative a fourni des explications à son appréciation de la preuve.

Norme de contrôle

[10] La représentante a soutenu qu’il faut faire preuve de déférence à l’endroit de la division générale en ce qui concerne les deux premiers moyens d’appel mais non du troisième, et la division d’appel est guidé par la décision récente rendue par la Cour d’appel fédérale dans Huruglica c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2014] ACF no 845. Dans l’affaire Huruglica, la Cour d’appel fédérale a abordé la question du rôle de la deuxième instance au sein d’un même tribunal, et a statué, dans le cas de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, que la Section d’appel des réfugiés (SAR) opère comme une instance d’appel par rapport à la Section de la protection des réfugiés (SPR). La Cour d’appel fédérale a statué ce qui suit :

[30] Le choix de la norme de contrôle appropriée est une question juridique qui déborde largement le domaine de spécialisation de la SAR, même si elle dépend de l’interprétation de la LIPRNote de bas de page 1, la loi constitutive de la SAR.

[11] La Cour d’appel fédérale a conclu que la détermination de la norme de contrôle que la SAR doit appliquer à l’égard d’une décision de la SPR déborde du cadre de ses compétences spécialisées et de son expérience. La Cour d’appel fédérale a donc soustrait l’analyse relative à la norme de contrôle à la compétence de la SAR, laquelle elle se réserve. Du même coup, la Cour d’appel a élargi la portée de son jugement aux autres instances à deux niveaux.

[33] La détermination de la norme de contrôle qu’un tribunal d’appel doit appliquer à un décideur inférieur et le processus menant à cette détermination sont importants, même au-delà du contexte des réfugiés.

[…]

[43] Il s’ensuit qu’en créant un organe d’appel interne au sein du pouvoir exécutif du gouvernement, le principe de norme de contrôle, une fonction de la séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le judiciaire, est d’une importance et d’une applicabilité moindres. L’analyse traditionnelle relative à la norme de contrôle n’est pas nécessaire.

[12] La position adoptée par la Cour d’appel fédérale dans Huruglica fait suite à ses prises de position précédentes dans les causes Canada (Procureur général) c. Jean; Canada (Procureur général) c. Paradis, 2015 CAF 242, de même que dans Maunder c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 274, qui ont confirmé la position adoptée par la Cour fédérale dans Jean /Paradis et dans Tracey c. Canada (Procureur général) 2015 FC 1300. Cette position exige que la division d’appel s’en tienne au mandat que lui confèrent les articles 55 à 69 de la Loi sur le MEDS, la loi habilitante du Tribunal, lorsqu’elle instruit des appels au titre du paragraphe 58(1) de cette même loi.

[13] En ce qui concerne la détermination de la SAR de la norme de contrôle à appliquer, la Cour d’appel fédérale a indiqué que la « […] la SAR a commis une erreur en contrôlant simplement la décision de la SPR selon la norme de la raisonnabilité plutôt qu’en procédant à un examen indépendant de la demande d’asile des demandeurs. »

[14] À la lumière de la position adoptée par la Cour d’appel fédérale, la division d’appel s’abstient de mener une analyse relative à la norme de contrôle en l’espèce.

Analyse

[15] Aux fins de son analyse, la division d’appel juge utile de revenir sur les faits pertinents de l’historique de l’appelant avant de décider si la division générale a effectivement fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée.

  1. L’appelant a travaillé comme gérant d’une station-service de 1989 à 2010.
  2. Il était travailleur autonome, exploitant une entreprise de lavage de vitres de 2005 à décembre 2010.
  3. L’appelant a subi des chirurgies de remplacement de la valve post-aortique et de la valvule mitrale le 19 janvier 2009. (GT1-77) Dans le rapport médical du RPC, le Dr Nejad a indiqué que l’appelant [traduction] « se sentait essoufflé depuis la chirurgie et qu’il était extrêmement fatigué et ne pouvait plus travailler ».
  4. Le 16 février 2010, l’appelant a été impliqué dans un accident de la route.
  5. L’appelant a travaillé pour la dernière fois en août 2010. (GT1-103)
  6. L’appelant a mis un terme aux activités de son entreprise de lavage de vitres en décembre 2010.

[16] L’avocat de l’appelant a soutenu que la division générale n’aurait pas dû tirer de conclusion concernant la période où l’appelant travaillait à son compte comme laveur de vitres. Voici la déclaration contestée : [traduction] « Mis à part son expérience comme laveur de vitres à son compte, l’appelant n’a fourni au Tribunal aucune preuve indiquait qu’il a cherché du travail ou qu’il a essayé de trouver un emploi qui lui convenait davantage. »

[17] La division d’appel souscrit à la position de l’avocat de l’appelant car, comme l’appelant prétend être devenu invalide en décembre 2010, la période dont il est question précède son invalidité supposée et, par conséquent, n’a aucune pertinence pour évaluer s’il a déployé des efforts pour trouver un autre emploi. La division générale aurait strictement dû tenir compte de la période suivant décembre 2010.

[18] Même si elle tire cette conclusion, la division d’appel n’est pas convaincue que cette erreur suffise à discréditer la décision de la division générale tout entière. La division générale a conclu que la preuve médicale suivant ses chirurgies réparatrices au cœur ne suggérait pas que l’appelant n’avait pas conservé une capacité de travail. Ces opérations ont eu lieu au début de 2009. Il n’a pas été contesté que l’appelant a travaillé jusqu’en août 2010. Par conséquent, la division générale était libre de conclure qu’il était toujours apte à travailler en 2010. Conformément au principe présenté dans Inclima, il incombait à l’appelant de démontrer que ses efforts pour travailler ou se recycler avaient été freinés par ses problèmes de santé.

[19] En dépit de l’erreur commise par la division générale, la division d’appel n’est pas convaincue que l’appelant se soit acquitté de ce fardeau. La division générale a conclu qu’il n’existait absolument aucune preuve suggérant que l’appelant ait cherché un emploi après avoir arrêté de travailler comme laveur de vitres. Durant l’audience devant la division d’appel, l’avocat de l’appelant a présenté une preuve médicale qui, selon lui, confirmait que l’appelant était invalide. L’avocat a allégué que la division générale avait ignoré cette preuve.

[20] La division d’appel n’est pas convaincue de la position de l’avocat. D’abord, comme l’a soutenu la représentante de l’intimé, la division générale a bel et bien abordé la preuve médicale. Elle a noté et résumé ses problèmes de santé, lesquels comprenaient sa chirurgie de la hernie de mars 2010, sa dislocation de l’épaule gauche, sa douleur chronique au bas du dos et son insomnie. (paragraphe 21) De plus, la division générale a explicitement indiqué qu’elle avait tenu compte de l’ensemble de la preuve et des problèmes de santé de l’appelant pour rendre sa décision. La division générale est présumée avoir lu et examiné l’ensemble des éléments de preuve qui lui ont été présentés : Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 FCA 82. De plus, la preuve et, conséquemment, les arguments qui l’accompagnent, avaient déjà été présentés à la division générale qui, cependant, a conclu qu’ils n’appuyaient pas la position de l’appelant. La division d’appel n’a pas comme rôle d’apprécier la preuve de nouveau.

Conclusion

[21] Dans le cas d’un appelant qui a continué à travailler pendant plus d’un an après des chirurgies cardiaques et pendant plusieurs mois après avoir été impliqué dans un accident de la route et avoir subi une chirurgie de la hernie, la division d’appel conclut qu’il était raisonnable pour la division générale de conclure que l’appelant avait conservé une capacité de travail. De plus, la division d’appel conclut que la division générale n’a pas fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance en ce qui concerne l’absence d’une preuve démontrant que l’appelant ait tenté de trouver un autre emploi ou de se recycler.

[22] L’appel est rejeté.

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