Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Motifs et décision

Comparutions

Appelant : S. N. et J. K. (accompagnatrice)

Représentante de l’intimé : Christine Singh (avocate)

Aperçu

[1] Le présent appel vise à déterminer si la division générale a fondé sa décision du 18 juin 2015 sur une conclusion de fait erronée concernant l'avis d'un médecin au sujet du pronostic à l'égard de l'appelant. La division générale a décidé que l'appelant n’était pas admissible à une pension d’invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada, après avoir conclu qu’il ne souffrait pas d’une invalidité grave et prolongée à la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), le 31 décembre 2011. Le 21 septembre 2015, l'appelant a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel. J’ai accordé la permission d’en appeler le 14 décembre 2015. L'audience a été tenue le 1er avril 2016 dans le cadre d'une vidéoconférence au cours de laquelle j'ai demandé aux parties de présenter des observations écrites.

Questions en litige

[2] Le Tribunal est saisi de deux questions.

  1. la division générale a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’elle a tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ?
  2. peu importe si la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée sans tenir compte de tous les éléments portés à sa connaissance, dois-je m'en remettre à ses conclusions ?

Bref historique des procédures

[3] L’appelant a présenté une demande de pension d’invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada le 16 novembre 2011. L’intimé a rejeté cette demande initialement et après révision. L’appelant a interjeté appel de la décision découlant de la révision, et l’appel a été instruit devant la division générale.

[4] La division générale a rejeté l’appel. L’appelant a demandé la permission d’en appeler pour différents motifs. J'ai accordé la permission d'appeler au motif, mentionné précédemment, que la division générale pourrait avoir fondé partiellement sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’elle aurait tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Décision de la division générale

[5] Dans son résumé de la preuve médicale, la division générale a fait référence au rapport médical du 26 octobre 2011 de la Dre M.J. Smit, dans lequel elle a écrit que le pronostic de l'appelant était « très bon ». La division générale a aussi fait référence au rapport médical du 12 juillet 2012 de la Dre Smit, émis pour le ministère des Services sociaux de la Saskatchewan. La Dre Smit y indiquait que l'appelant était incapable d'occuper « tout emploi », bien qu'on s'attende à ce qu'il soit prêt à travailler sans restriction dans 12 mois (GT3-5 à GT3-7).) (Bien que le rapport soit daté du « 7-12-12 », ce qui peut signifier le 12 juillet 2012, il est plus vraisemblable qu'il ait été rédigé en décembre 2012, peu de temps après que le formulaire de déclaration ait été émis en novembre 2012.)

[6] La division générale estime que l'appelant a conservé la capacité d'occuper un emploi qui tient compte de ses limitations à la fin de la période minimale d'admissibilité, bien qu'il ne soit pas en mesure d'occuper son ancien emploi dans l'industrie minière. La division générale estime que l'appelant est une personne très instruite qui possède diverses compétences transférables et dont les antécédents professionnels sont impressionnants. La division générale est d'avis que l'appelant était régulièrement capable de détenir un emploi sédentaire à la fin de sa période minimale d'admissibilité. En tant que « chercheur avide qui s'exprime aussi bien en public que dans l'intimité de son foyer », il a su impressionner la division générale.

[7] Cette dernière a pris en considération les éléments de preuve de l'appelant, selon lesquels en octobre 2011, il n’avait aucune limitation en position assise ou en position debout, sauf pour ce qui est des étourdissements occasionnels. On a noté que l'appelant était capable de marcher quotidiennement 5 km, de soulever des objets de 25 kg et de les transporter sur une distance de 100 m. On a aussi noté qu’il n’avait aucune restriction au moment de se pencher. L'appelant ne mangeait plus ses mots, mais sa mémoire à court terme, son raisonnement et sa concentration (classer les tâches par ordre de priorité) se sont détériorés (GT1-57).

[8] La division générale a fait référence à la preuve médicale du mois d'octobre 2001 de la Dre Smit selon laquelle l'appelant avait bien répondu au traitement, qu’il n’avait alors aucune limitation fonctionnelle et que son pronostic était très bon (GT1-50 à 53).

Décision quant à la permission d’en appeler

[9] En cherchant à obtenir la permission d'en appeler, le demandeur a allégué que la division générale avait commis une erreur en ne reconnaissant pas que le pronostic de la Dre Smit était passé de « très bon » en octobre 2011 à « incertain pour le moment » dans son rapport de décembre 2012 (GT3-5).

[10] Dans ma décision relative à la permission d'en appeler, j'ai souligné que la division générale n'avait pas mentionné que l'opinion de la Dre Smit au sujet du pronostic de l'appelant avait changé en décembre 2012 et que dans son analyse finale (au paragraphe 34), la division générale avait continué de se fonder sur l'opinion de 2011 selon laquelle le pronostic de l'appelant était « très bon ».

[11] Je note également qu'en octobre 2013, la Dre Smit a émis un avis dans lequel elle faisait le point sur son pronostic concernant l'appelant. Il semble qu’elle s’attendait alors à ce que l'appelant ne soit pas en mesure de retourner au travail puisqu’il n’avait constaté aucune amélioration dans les dernières années. Elle a expliqué qu’elle ne le considérait pas comme capable de travailler puisque ses symptômes étaient constants (GT3-7 à 8). La division générale n’a pas fait référence à cet avis subséquent de 2013.

[12] En évaluant la demande de permission, la division générale a traité de l'avis du mois d'octobre de la Dre Smit au sujet du pronostic concernant l'appelant, sous la rubrique « caractère grave ». Bien que la division générale ait pris en considération plusieurs facteurs dans son évaluation du caractère grave de l'invalidité de l'appelant, il est manifeste qu'elle a fondé sa décision, dans une certaine mesure, sur le pronostic « très bon » concernant l'appelant, et sur le fait qu'il avait bien répondu au traitement et qu'il n'avait aucune limitation fonctionnelle en octobre 2011. J'ai accordé la permission quant à la question de savoir si la division générale aurait dû aussi prendre en considération l'avis de 2012 et celui de 2013 de la Dre Smit portant sur le pronostic concernant l'appelant, malgré le fait qu'ils ont été émis après la fin de la période minimale d'admissibilité.

Moyens d’appel

[13] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[14] J'ai accordé la permission d'en appeler pour un motif très bref, à savoir que la division générale pourrait avoir fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[15] L'appelant a présenté, à l'audience, des observations détaillées au sujet de ses antécédents médicaux, de son état de santé actuel et de ses antécédents professionnels, y compris son emploi chez J.W. de 2010 à 2012 et en 2014. L'appelant a laissé entendre que la division générale n'a pas reconnu qu'il avait travaillé seulement pendant un nombre d'heures symbolique de 2010 à 2012 et en 2014, et que monsieur  J. W. était un employeur bienveillant. Cependant, la division générale n'a aucunement fait référence à l'emploi de l'appelant chez monsieur J. W. Elle n'a tiré aucune conclusion relative à cet emploi. L'appelant a laissé entendre que n'eût été son invalidité, il travaillerait. Il a souligné sa grande expérience de travail partout dans le monde. Il a aussi mentionné qu'il était prêt à occuper un emploi non lié à sa carrière ou un emploi subalterne, puisque « la vraie récompense consiste à accomplir des choses ».

[16] L'appelant a également trouvé des erreurs typographiques et des erreurs factuelles parmi les observations de l'intimé. Il refuse d'admettre les conclusions de la division générale selon lesquelles il effectue du commerce en ligne pour des tiers puisqu'il ne fait qu'acheter des articles en ligne pour des amis. Il nie toute référence au fait qu'il soit bénévole à la bibliothèque. Il insiste pour dire qu'il fait du bénévolat seulement lorsqu'il est déjà sur place et qu'on a besoin de ses services de façon urgente. La division générale n'a jamais laissé entendre que l'appelant faisait du bénévolat à la bibliothèque régulièrement ou qu'il était engagé dans des activités de commerce en ligne autrement que de façon ponctuelle.

[17] L'appelant a passé en revue ses antécédents médicaux et son état de santé actuel. Il croit que son état se détériore, plus qu'il ne s'améliore. Il fait remarquer qu'il a reçu plusieurs diagnostics différents au sujet de certains aspects de son état de santé. Sans doute en raison du fait qu'il a eu plusieurs médecins de famille et qu'il a vu plusieurs de leurs remplaçants. L'appelant nie qu'il cherche à obtenir une réévaluation de la preuve médicale, mais, en même temps, il laisse entendre que je devrais prendre en considération ses problèmes de santé. Comme la Cour fédérale l’a établi dans Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300, le rôle de la division d’appel ne consiste pas à apprécier de nouveau la preuve ou à soupeser de nouveau les facteurs pris en compte.

[18] Ces observations supplémentaires soulevées par l'appelant au cours de l'instruction de l'appel ne portent sur aucun des moyens d'appel énoncés au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. Je ne suis pas d'avis que ces observations sont pertinentes à l'appel.

Les avis de la Dre Smit

[19] L'appelant n'a pas fourni d'autres observations relatives à la question pour laquelle j'ai accordé la permission d'en appeler.

[20] En citant Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82, l'intimé soutient que la division générale n’était pas tenue de faire mention de tous les éléments de preuve portés à sa connaissance puisqu'elle est présumée les avoir tous pris en considération, y compris les rapports de 2012 et de 2013 de la Dre Smit.

[21] L'intimé prétend que la décision de la division générale s'appuie sur l'ensemble de la preuve puisqu'elle prend en considération toute la preuve médicale, non seulement la preuve de la Dre Smit, mais aussi la preuve de son médecin de famille et de son néphrologue.

[22] L'intimé souligne que le médecin de famille avait indiqué que l'appelant conserverait des problèmes de santé pour le reste de sa vie, mais le pronostic était bon puisque les médicaments qu'il prenait lui permettaient de récupérer (GT1-31 à GT1-34). En fait, les observations de l’intimé concernant la preuve ne rendent pas compte adéquatement des avis médicaux du médecin de famille. Bien que le médecin de famille ait indiqué que l'appelant avait « récupéré merveilleusement bien grâce aux médicaments », il n'a pas dit que le pronostic était bon. À l'égard du pronostic, le médecin de famille a seulement mentionné : « Il sera aux prises avec ce problème pour le reste de sa vie » (GT1-33 à GT1-34).

[23] L'intimé souligne également que le néphrologue avait révélé en 2012 que l'hyponatrémie de l'appelant s'était stabilisée et que son manque de sodium n'avait causé aucun dommage permanent (GT1-35 à GT1-36).

[24] L'intimé soutient que, lue dans son ensemble, la décision ne contient pas d'erreur de fait commise de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. L'intimé soutient que, selon la preuve soumise la décision est raisonnable dans son ensemble, et qu'en conséquence on devrait faire preuve de retenue à son égard.

[25] Même s'il est manifeste que la division générale n'a pas fait référence aux rapports médicaux de 2012 et 2013 de la Dre Smit et qu'elle s'est appuyée sur le rapport d'octobre 2011 de ce médecin pour ce qui est du pronostic, il n'en demeure pas moins qu'elle était concentrée sur la preuve entourant la fin de la période minimale d'admissibilité. L'analyse de la division générale est précédée de la déclaration selon laquelle « l'intimé a fait valoir que le plus important c'est la preuve entourant la période minimale d'admissibilité. Le Tribunal est d'accord avec cette affirmation puisque c'est à ce moment précis que l'appelant doit satisfaire aux critères relatifs à l'invalidité au sens du RPC ». La division générale a donc procédé à l'examen du témoignage de l'appelant au sujet de son état en octobre 2011 et de la preuve médicale recueillie en octobre 2011. La division générale a résumé ses conclusions en écrivant que l'appelant était régulièrement capable d'occuper un emploi sédentaire à la fin de sa période minimale d'admissibilité. Étant donné le contexte dans lequel la division générale a émis ses conclusions, je ne suis pas d'avis que la division générale ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Retenue

[26] L'appelant laisse entendre que je ne devrais pas faire preuve de retenue envers la décision de la division générale. Dans ses observations du 14 juin 2016, l'appelant a fait valoir qu'il était courant chez les parties de fournir une preuve par expert pour interpréter les éléments de preuve, et qu'étant donné que l'intimé n'avait pas procédé de la sorte au cours des procédures - devant la division générale et devant la division d'appel - il n'y avait pas de raison de faire preuve de retenue à l'égard des conclusions de fait tirées par la division générale. Selon lui, comme il n'y a pas eu d' « examen de la preuve par les pairs », il est permis de douter des conclusions de fait. Il indique également que la preuve n'a pas pu être « prise en compte de façon appropriée. Outre Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Huruglica, 2016 CAF 93, dont je discuterai en détail, l'appelant n'a cité aucune autorité.

[27] L'intimé, de son côté, me prie de considérer la décision comme raisonnable dans l'ensemble. Les observations de l'intimé militent essentiellement en faveur d'une analyse de la norme de contrôle. Cependant, la Cour fédérale rejette cette approche de la part de la juridiction d'appel d'un tribunal administratif telle que la division d'appel : Canada (Procureur général) c. Jean, 2015 CAF 242 et Maunder c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 274, et suggère de se garder d’emprunter à la terminologie et au génie propre du contrôle judiciaire dans un contexte d’appel administratif. La Cour d'appel fédérale conseille à la division d'appel de se référer à sa loi habilitante. Elle souligne qu'au moment de l'instruction d'un appel, conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, le mandat de la division d'appel lui est conféré par les articles 55 à 69. Dans l'arrêt Jean, la Cour d'appel fédérale estimait que la division d'appel avait à déterminer si la division générale avait «rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ». La Cour d'appel fédérale a déclaré qu'il n'était nul besoin de greffer à ce texte la jurisprudence qui s’est développée en matière de contrôle judiciaire.

[28] Dans Huruglica, la Cour d’appel fédérale a indiqué qu'elle ne déclarait pas que la norme de la décision raisonnable ne pourrait jamais s'appliquer aux instances d’appel à caractère administratif, mais plutôt, qu'on ne pouvait simplement décider que la norme s'applique sur la base d'une évaluation des facteurs énumérés dans Newton c. Criminal Trial Lawyers’ Association, 2010 ABCA 399 (CanLII), 493 A.R. 89 au paragraphe 43. Ces facteurs sont les suivants [traduction] :

  1. (i) les rôles respectifs du tribunal de première instance et du tribunal d'appel, selon ce qui ressort d'une interprétation de leur loi habilitante;
  2. (ii) la nature de la question en litige;
  3. (iii) l'interprétation de la loi dans son ensemble;
  4. (iv) l'expertise et la position avantageuse du tribunal de première instance, comparativement à celle du tribunal d'appel;
  5. (v) la nécessité de limiter le nombre, la durée et les coûts des appels;
  6. (vi) la préservation de l'économie et de l'intégrité des procédures devant le tribunal de première instance;
  7. (vii) les autres facteurs pertinents dans le contexte particulier.

[29] Il faut plutôt « chercher à donner effet à l’intention du législateur ». Selon la Cour d'appel fédérale, la détermination du rôle d’un organisme administratif d’appel spécialisé est « purement et essentiellement une question d’interprétation des lois » (au paragraphe 46). L'interprétation de la loi appelle l'analyse des mots de la Loi sur le MEDS qui doivent être lus au regard de leur contexte général, « selon leur sens grammatical et ordinaire, et en harmonie » avec l’économie de la Loi sur le MEDS et son objet.

[30] La Cour d'appel fédérale a déclaré que, pour des raisons de politiques, il serait inapproprié d'adopter les principes énoncés dans l'arrêt Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 RCS 235, 2002 CSC 33, qui prévoit que les cours d’appel doivent faire preuve d’un haut degré de retenue envers les tribunaux inférieurs sur les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit. Dans ce cas, la Cour suprême a déterminé de nombreuses raisons justifiant la retenue à l'égard des conclusions de fait du juge de première instance. Ces raisons peuvent être regroupées sous trois principes de base :

  1. réduire le nombre, la durée et le coût des appels;
  2. favoriser l’autonomie du procès et son intégrité;
  3. reconnaître l’expertise du juge de première instance et sa position avantageuse.

[31] À l'égard de ce dernier principe, les juges Iacobucci et Major ont écrit au paragraphe 18, au nom de la majorité :

Le juge de première instance est celui qui est le mieux placé pour tirer des conclusions de fait, parce qu’il a l’occasion d’examiner la preuve en profondeur, d’entendre les témoignages de vive voix et de se familiariser avec l’affaire dans son ensemble. Étant donné que le rôle principal du juge de première instance est d’apprécier et de soupeser d’abondantes quantités d’éléments de preuve, son expertise dans ce domaine et sa connaissance intime du dossier doivent être respectées.

[32] Dans l'arrêt Huruglica, l'analyse du texte législatif consistait à examiner le but et l'objet de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, chap. 27 (LIPR), le régime législatif et les articles 110 et 111 de la LIPR, et l'évolution législative et l'histoire de la LIRP. Le paragraphe 111(2) de la LIRP se lit comme suit :

111 (2) [La section d’appel des réfugiés] ne peut procéder au renvoi que si elle estime, à la fois :

  1. (a) que la décision attaquée de la Section de la protection des réfugiés est erronée en droit, en fait ou en droit et en fait;
  2. (b) qu’elle ne peut confirmer la décision attaquée ou casser la décision et y substituer la décision qui aurait dû être rendue sans tenir une nouvelle audience en vue du réexamen des éléments de preuve qui ont été présentés à la Section de la protection des réfugiés (non souligné dans l’original).

[33] La Cour d'appel fédérale a déterminé que l'alinéa 111(2)a) de la LIRP indiquait que la section d'appel des réfugiés (SAR) n'a pas à procéder au renvoi dans le cas de conclusions de fait. J'ai écrit que l'alinéa 111(2)a) ne faisait pas de différence entre une erreur de droit, une erreur de fait et une erreur mixte de fait et de droit puisqu'il exige seulement que la décision de la Section de protection des réfugiés (SPR) soit « erronée en droit, en fait ou en droit et en fait ». Au paragraphe 66, la Cour d'appel fédérale a indiqué que le mot « erronée » ne figurait dans aucun autre texte législatif fédéral. En revanche, on retrouve plusieurs lois et règlements qui saisissent le sens de la norme de la décision raisonnable au moyen de mots tels que « raisonnable » ou « raisonnablement ». Au paragraphe 77, la Cour d'appel fédérale n'arrivait pas à trouver d'indice dans le vocabulaire de la LIPR, lue dans le contexte du régime législatif et de ses objectifs, qui justifie le recours à une norme du caractère raisonnable ou de l’erreur manifeste et dominante pour analyser les conclusions de fait, ou les conclusions mixtes de fait et de droit de la Section de la protection des réfugiés (SPR). La juge Gauthier a conclu que le rôle de la SPR était d'intervenir quand la SPR a commis une erreur de droit, de fait, ou une erreur mixte de fait et de droit.

[34] En procédant à la même analyse que celle de la Cour d’appel fédérale, en présence d’erreurs de fait, l’intimé soutient que la division d’appel doit limiter son intervention aux situations dans lesquelles les conclusions de fait sont tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[35] L'intimé soutient que cette analyse comprend l'examen du projet de loi C-38, qui contenait les propositions d’amendement à la Partie 5 de la Loi sur le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences de l'époque (maintenant la Loi sur le MEDS), qui a établi le Tribunal de la sécurité sociale. L'intimé souligne qu'en deuxième lecture, lors du débat sur le projet de loi C-38, la secrétaire parlementaire de la ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences et de la ministre du Travail, a décrit le Tribunal de la sécurité sociale comme suit :

Monsieur le Président, nous combinons plusieurs tribunaux et comités d'appel à RHDCC en une seule structure organisationnelle. Nous créons ainsi un guichet unique, qui est plus efficace et facilite aux Canadiens l'accès aux appels et au processus d'appel, et c'est ce que la population souhaite. L'expertise des divers comités et tribunaux sera maintenue.

Débats de la Chambre des communes, 1re session, 41e législature, volume 146, numéro 122, 11 mai 2012, p. 7940.

[36] L'article 83 du Régime de pensions du Canada, dans sa version antérieure au 1er avril 2013, a précédé la Loi sur le MEDS, en ce qui concerne la division d'appel. Les parties insatisfaites d'une décision antérieure d'un tribunal de révision du Régime de pensions du Canada pouvaient demander la permission d'en appeler de la décision à la Commission d'appel des pensions qui avait le pouvoir de confirmer ou de modifier une décision d’un tribunal de révision prise en vertu de l’article 82 ou du paragraphe 84(2), tels qu'ils se lisaient juste avant le 1er avril 2013. Ces mêmes parties pouvaient également prendre toute action qu'aurait pu prendre le tribunal de révision. La Commission d’appel des pensions instruisait des appels de novo.

[37] Une des particularités qui distinguent la division d'appel de la Commission d'appel des pensions est le nombre limité de moyens d'appel figurant au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. L'intimé soutient qu'il est important de remarquer que le terme erreur de fait est qualifié par les mots « abusive », « arbitraire » et par la phrase « sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ». L'intimé ajoute qu'en qualifiant l'erreur de fait, le Parlement a voulu inciter la division d'appel à faire preuve de retenue à l'égard des décisions de la division générale. Cela diffère de l'alinéa 111(2)a) de la LIRP selon lequel le mot « erronée » servait à qualifier l'erreur de droit et l'erreur de fait. L'intimé soutient qu'aux termes de la LIRP, aucune indemnité n'est prévue pour une erreur de fait qui pourrait être commise. Par conséquent, ce ne sont pas toutes les erreurs de fait qui peuvent annuler une décision de la division générale. L'intimé maintient que seules les décisions abusives et arbitraires, prises sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, nécessiteront l'intervention de la division d'appel.

[38] Compte tenu de l'évolution de la Loi sur le MEDS, des supposés but et objet de la Loi sur le MEDS et du libellé du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, je suis d'accord que la division d'appel doit démontrer une certaine retenue à l'égard des conclusions de fait tirées par la division générale. Cependant, j'estime qu'on ne doit accorder aucune retenue dans le cas de conclusions de fait erronées, sur lesquelles s'est appuyée la division générale pour rendre sa décision, qui seraient tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Encore une fois, il ne s'agit pas de la situation dont je suis saisie. J'estime que la division générale a qualifié ses conclusions factuelles au sujet du pronostic concernant l'appelant.

[39] Finalement, en procédant à cette analyse, j'ai aussi conclu qu'il n'y avait pas lieu de procéder à un examen du caractère raisonnable aux termes de la Loi sur le MEDS.

Conclusion

[40] Cet appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.