Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est refusée.

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision rendue par la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) le 20 février 2016. La DG avait tenu une audience en personne et statué que la demanderesse n'était pas admissible à une pension d'invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) après avoir conclu que son invalidité n'était pas « grave » avant que prenne fin sa période minimale d'admissibilité (PMA), le 31 décembre 2011.

[2] Le 17 mai 2016, la demanderesse a présenté à la division d’appel (DA), dans les délais prescrits, une demande de permission d’en appeler précisant les motifs d’appel allégués. Pour accueillir cette demande, je dois être convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[3] Comme le prescrivent les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la DA sans permission et la DA accorde ou refuse cette permission.

[4] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que la DA rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[5] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la DG n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) la DG a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance;
  3. c) la DG a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’un motif susceptible de donner gain de cause à l’appel soit présenté : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. La Cour d’appel fédérale a statué qu’une cause défendable en droit revient à déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[7] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une instruction de l’affaire sur le fond. C'est un premier obstacle que la demanderesse doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel elle devra faire face lors de l’instruction de l'appel sur le fond. Au stade de la permission d’en appeler, la demanderesse n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[8] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[9] Dans un addenda de 30 pages à la demande de permission d’en appeler, le représentant de la demanderesse a présenté les observations suivantes :

  1. a) La DG a commis une erreur de droit du fait qu’elle n’a pas appliqué le bon critère juridique pour déterminer si la demanderesse continuait de souffrir d’une invalidité grave et prolongée et qu’elle n’a pas convenablement tenu compte de l’effet cumulatif des problèmes de santé de la demanderesse. La DG n’a pas tenu compte des facteurs suivants en particulier :
    1. (i) La demanderesse possède une longue expérience travail principalement acquise par l’entremise de travail manuel et elle n’a jamais occupé un emploi sédentaire.
    2. (ii) Il n’est pas réaliste de penser qu’un employeur envisagerait de lui offrir un emploi compte tenu de ses innombrables problèmes de santé et restrictions fonctionnelles.
    3. (iii) Son âge, ses problèmes de santé et ses antécédents professionnels l’empêchent de perfectionner ses compétences.
  2. b) Le DG a commis une erreur de droit du fait qu’elle n’a pas accordé une valeur importance à la preuve testimoniale non contestée de la demanderesse quant à l’incidence de ses problèmes de santé et qu’elle a écarté son témoignage portant sur des affirmations contenues dans les rapports médicaux. La DG n’a pas tenu compte des facteurs suivants en particulier :
    1. (i) Le membre doit tenir compte de l’ensemble de la preuve, notamment du témoignage sous serment d’un prestataire. Les éléments de preuve subjectifs comme objectifs sont pertinents pour évaluer l’invalidité au titre du RPC.
    2. (ii) Il est impossible de prouver la douleur chronique d’après une preuve objective. Dans de tels cas, les principaux éléments de preuve sont subjectifs ou consistent en un témoignage du prestataire décrivant sa douleur. Même si les rayons X n’ont pas nécessairement révélé de problèmes graves dans la présente affaire, la DG ne peut pas écarter le témoignage de la demanderesse selon lequel sa douleur est grave et constante.
    3. (iii) La DG peut accorder de l’importance à des rapports médicaux postérieurs à la PMA si le trouble ne pouvait pas être diagnostiqué plus tôt. En l’espèce, la DG n’a pas accordé suffisamment d’importance au rapport du 3 février 2011 du Dr ElMaraghy et à celui du Dr Fedoruk daté du 21 octobre 2015.

Analyse

[10] La plupart des observations de la demanderesse ne font que réitérer la preuve et les arguments qui, d’après ce que j’ai pu constater, avaient déjà été présentés à la DG. La demanderesse a également résumé les principes généraux enchâssés dans la loi et la jurisprudence qui régissent l’évaluation des demandes de pensions du RPC. Si la demanderesse me demande d’examiner et d’apprécier la preuve de nouveau et de substituer ma décision à celle de la DG pour qu’elle lui soit favorable, je suis dans l’impossibilité de le faire. En tant que membre de la division d'appel, je n’ai compétence que pour déterminer si l’un des motifs d’appel de la demanderesse se rattache aux moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) et si l’un d’eux confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[11] Cela dit, les observations de la demanderesse comportaient quelques allégations d’erreurs précises, lesquelles je vais aborder en ordre.

Critère adéquat

[12] Mon examen de la décision révèle que la DG a correctement cité le critère du caractère « grave et prolongé » relatif à l’invalidité aux paragraphes 5, 49 et 63, et qu’elle a ensuite analysé en détail les prétendus problèmes de santé de la demanderesse, principalement une douleur chronique à l’épaule et un syndrome du canal carpien, et qu’elle s’est appliquée à déterminer si ces problèmes affectaient sa capacité à régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice durant sa PMA. J’estime que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès sur ce motif.

Effet cumulatif

[13] La demanderesse allègue que la DG n’a pas tenu compte de tous ses problèmes de santé et de leur incidence globale sur ses capacités fonctionnelles. Cependant, après avoir examiné l’analyse faite par la DG, je ne crois pas que ce motif d’appel ait une chance raisonnable de succès. La décision de la DG consiste majoritairement en des résumés des éléments de preuve médicale qu’elle a jugés importants et qui, à différents degrés, documentaient les nombreux problèmes dont se plaignait la demanderesse. Il est faux de dire que la DG a simplement ignoré ses problèmes de santé, comme en témoignent les paragraphes 51et 52 de sa décision, ci-dessous :

[traduction]

En décembre 2011, l’appelante souffrait d’une douleur à l’épaule droite en raison d’une lésion de la coiffe des rotateurs et du syndrome du canal carpien à droite et à gauche. Une intervention chirurgicale avait été tentée au poignet droit, mais sans succès.

L’appelante souffrait également d’une douleur lombaire intermittente, de maux de tête et de dépression, laquelle elle semblait maîtriser en prenant du Effexor. Elle était capable de marcher sur quatre pâtés de maisons mais elle était à bout de souffle après cet exercice.

[14] Ces paragraphes suggèrent que la DG a sincèrement et minutieusement tenté de passer en revue les différents problèmes de santé dont se plaignait la demanderesse afin de déterminer s’ils donnaient lieu à une invalidité « grave » avant la fin de la PMA. J’estime qu’il n’existe pas de cause défendable au motif que la DG a ignoré les problèmes de santé secondaires dont se plaignait la demanderesse ou qu’elle n’a pas tenu compte de son état dans son ensemble.

Longue expérience de travail

[15] La demanderesse allègue que la DG n’a pas tenu compte de sa longue expérience de travail principalement acquise par l’entremise de travail manuel et du fait qu’elle n’a jamais occupé un emploi sédentaire. J’estime qu’il n’existe pas de cause défendable fondée sur ce motif. Au paragraphe 9 de sa décision, la DG a noté que la demanderesse avait travaillé chez Tim Hortons pendant 15 ans et a fait état de quelques-unes de ses responsabilités, lesquelles comportaient toutes une dimension manuelle. La DG a également fait référence à une évaluation professionnelle réalisée en avril 2012, dans laquelle il avait été conclu que la demanderesse, compte tenu de sa scolarisation et de ses antécédents professionnels, aurait besoin de perfectionner considérablement ses compétences et d’être formée en informatique.

Inaptitude au travail

[16] La demanderesse critique la DG pour ne pas avoir convenu qu’ [traduction] « il n’est pas réaliste de penser qu’un employeur envisagerait de lui offrir un emploi ». Seulement, cette observation a été présentée à l’audience, et la demanderesse ne peut plaider sa cause de nouveau devant la DA, laquelle a strictement compétence pour corriger des erreurs appartenant à des catégories d’erreurs précises. Quoi qu’il en soit, je remarque que la DG a abouti à sa décision après avoir mené une enquête sur les évaluations médicales disponibles et les résultats aux tests de capacité fonctionnelle.

[17] J’estime que ce motif ne confère à l’appel aucune chance raisonnable de succès.

Âge, antécédents professionnels et problèmes de santé

[18] La demanderesse soutient que la DG n’a pas tenu compte de ses caractéristiques personnelles lorsqu’elle a conclu que ses déficiences ne l’empêchaient pas de perfectionner ses compétences. Une fois de plus, j’estime que ce motif ne suscite pas de cause défendable. Mon examen de la décision révèle que la DG était parfaitement consciente des antécédents de la demanderesse lorsqu’elle a évalué ses capacités fonctionnelles, indiquant ce qui suit au paragraphe 58 :

[traduction]

L’appelante était d’âge moyen à la PMA. Même si ses compétences académiques générales laissent à désirer, elle a travaillé dans l’industrie de l’accueil pendant 15 ans et est parvenue à devenir superviseure de quart. On peut donc présumer qu’elle posséderait des compétences et des qualités transférables telles que la fiabilité, le sens de l’organisation et la gestion de personnel.

[19] Il est évident que la DG a, en partie, fondé sa décision sur le fait que la demanderesse avait réussi à terminer des cours de perfectionnement professionnel. Comme aucune erreur précise n’a été alléguée, je m’abstiendrais de toucher à la conclusion de la DG à cet égard.

‏Témoignage

[20] Selon moi, rien n’indique que la DG n’a pas suffisamment tenu compte du témoignage de la demanderesse, lequel était longuement résumé dans sa décision. S’il se peut que la demanderesse ne souscrive pas aux conclusions de la DG, un tribunal administratif est libre d’examiner les faits pertinents, d’évaluer la qualité des éléments de preuve, de déterminer, le cas échéant, ceux qu’il convient d’admettre ou d’écarter, et d’en déterminer la valeur.

[21] Les tribunaux se sont déjà penchés sur la question dans d’autres affaires où il était allégué que des tribunaux administratifs n’avaient pas examiné l’ensemble de la preuve. Dans Simpson c. Canada (Procureur général)Note de bas de page 3, l’avocate de l’appelante a fait mention de plusieurs rapports médicaux que la Commission d’appel des pensions (le prédécesseur de la DA) avait, selon elle, ignorés, mal compris ou mal interprétés ou auxquels elle avait accordé trop de poids. En rejetant la demande de contrôle judiciaire, la Cour d’appel a statué ce qui suit :

Premièrement, un tribunal n’est pas tenu de mentionner dans ses motifs chacun des éléments de preuve qui lui ont été présentés, mais il est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve. Deuxièmement, le poids accordé à la preuve, qu’elle soit orale ou écrite, relève du juge des faits. Ainsi, une cour qui entend un appel ou une demande de contrôle judiciaire ne peut pas en règle générale substituer son appréciation de la valeur probante de la preuve à celle du tribunal qui a tiré la conclusion de fait contestée.

‏[22] J’estime que ce motif ne donne pas lieu à une cause défendable.

Douleur chronique

[23] C’est à juste titre que la demanderesse a souligné que la douleur chronique était reconnue comme un véritable problème de santé, même si elle est rarement appuyée par des diagnostics objectifs. Dans Nouvelle-Écosse c. MartinNote de bas de page 4, la Cour suprême a statué que la douleur chronique est une affection pouvant véritablement être incapacitante, et un rejet péremptoire de la preuve présentée par un requérant sur cette affection constitue potentiellement une violation de l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés.

[24] Néanmoins, il ne suffit pas de révéler un diagnostic de douleur chronique; la personne qui demande une pension d’invalidité du RPC doit également prouver que cette affection donne lieu à des restrictions fonctionnelles qui l’empêchent de travailler.Note de bas de page 5 Cette approche est tout à fait compatible avec la cause Martin, qui reconnaît que l’un des principaux problèmes des administrateurs de régimes d’indemnisation est de déterminer le moment où la douleur chronique franchit le seuil de l’incapacité permanente.

[25] J’estime que ce motif ne confère à l’appel aucune chance raisonnable de succès.

Preuve postérieure à la PMA

[26] Il est admis, en droit administratif, qu’un tribunal est réputé avoir tenu compte de tous les éléments de preuve et n’est pas tenu de mentionner chacun des documents qui lui ont été présentés. Comme je l’ai indiqué précédemment, la DG était libre d’apprécier la valeur de la preuve comme elle l’a jugé bon. Si la décision ne faisait pas précisément référence au rapport du 3 février 2011 du Dr ElMaraghy, elle comportait plusieurs mentions d’autres rapports du chirurgien orthopédiste de dates antérieures comme postérieures. De plus, la décision a explicitement fait référence au rapport du Dr Fedoruk daté du 21 octobre 2015 et présentait un récit détaillé de ses conclusions.

[27] J’estime qu’il n’y a pas de cause défendable fondée sur ce motif.

Conclusion

[28] Comme j’ai conclu qu’aucun des motifs de la demanderesse ne conférait à l’appel une chance raisonnable de succès, la demande est rejetée.

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