Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

S. H. – Appelante

Bozena Kordasiewicz, avocate – Représentante de l’appelante

Questions préliminaires

[1] L’audience devait avoir lieu par vidéoconférence. Pour des raisons inconnues, l’appelante pouvait voir le membre dans la salle d’audience de Kitchener; toutefois, le membre était incapable de voir et d’entendre l’appelante et son avocate.

[2] L’avocate de l’appelante a accepté que l’audience soit tenue par téléconférence et que cela ne porterait pas préjudice à l’appelante.

[3] Le Tribunal estime que tenir l’audience par téléconférence était conforme aux principes de justice naturelle et n’a pas porté préjudice à l’appelante.

Introduction

[4] La demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) présentée par l’appelante a été estampillée par l’intimé le 6 mai 2014. L’intimé a rejeté la demande initialement et après révision. L’appelante a interjeté appel de la décision découlant de la révision auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’appel devait être instruit par vidéoconférence pour les motifs suivants :

  1. le service de vidéoconférence est disponible à une distance raisonnable de la région où réside l’appelante;
  2. il manque des renseignements au dossier ou il est nécessaire d’obtenir des clarifications.

Droit applicable

[6] L’article 44(1)(b) du RPC énonce les conditions d’admissibilité à la pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à une telle pension, une partie demanderesse doit :

  1. a) être âgée de moins de 65 ans;
  2. b) ne pas toucher une pension de retraite du RPC;
  3. c) être invalide;
  4. d) avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[7] Le calcul de la PMA est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date de fin de sa PMA ou avant cette date.

[8] Au titre de l’article 42(2)(a) du RPC, une personne est considérée comme invalide si elle est atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[9] La PMA n’est pas contestée; les parties conviennent et le Tribunal estime qu’elle a pris fin le 31 décembre 2015.

[10] En l’espèce, le Tribunal doit déterminer si l’appelante était vraisemblablement atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date de fin de sa PMA ou avant cette date.

Preuve

[11] L’appelante avait 50 ans à l’échéance de sa PMA. Elle a terminé sa 12e année et a suivi un cours de secrétariat de six mois dans les années 1980. Elle a commencé sa carrière à temps partiel dans une chaîne de vente au détail. Puis, elle a obtenu un poste de secrétaire à temps plein, dans le cadre duquel elle tapait des notes pour une firme d’ingénierie. Elle a ensuite vendu des systèmes de filtration d’eau, mais cette affaire n’était pas viable, car le marché est devenu saturé. L’appelante a déclaré qu’elle avait subi une [traduction] « dépression nerveuse » en 1995. Elle essayait de penser à un emploi, mais elle était incapable de le faire. Elle a déclaré qu’elle avait aidé son époux avec son entreprise de camionnage pendant trois ans. Elle a affirmé qu’elle avait subi une [traduction] « dépression nerveuse » en raison de la pression qu’elle ressentait en aidant son époux à diriger l’entreprise. Son époux buvait beaucoup et elle a dû obtenir une ordonnance restrictive pour se protéger.

[12] L’appelante a déclaré qu’elle avait touché des prestations du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées pendant environ six ans (16 ans, selon le rapport médical). Elle a d’abord réintégré le marché du travail en occupant un poste de secrétaire, dans le cadre duquel elle tapait des procès-verbaux, puis a ensuite travaillé pour une bijouterie en 2009. Elle a déclaré qu’elle avait été renvoyée parce que son patron avait une aventure, ce qui avait rendu l’appelante anxieuse et avait conduit son patron à mettre fin à son emploi. L’appelante a ensuite travaillé pour un magasin national de vente au détail de bijoux d’août 2010 à 2013. Elle travaillait à temps partiel et son nombre d’heures augmentait pendant le temps des Fêtes. Elle a affirmé que son patron lui permettait de partir plus tôt pour prendre son autobus. L’appelante n’a jamais obtenu un permis de conduire.

[13] L’appelante a précisé qu’elle avait glissé et chuté accidentellement dans un supermarché et qu’elle était incapable de travailler depuis. Elle a intenté des poursuites contre le supermarché, car de l’eau sur le plancher avait provoqué sa chute.

[14] L’appelante a déclaré qu’elle n’avait pas consulté de psychiatre ou de psychologue, ou tout autre professionnel en santé mentale, depuis 2003 (le rapport de la psychologue est daté de 2014). Elle a déclaré que le rapport de la docteure Pursley, selon lequel elle avait refusé de poursuivre les consultations, était faux. Elle a également affirmé qu’elle avait refusé de prendre part à des consultations de groupe puisqu’écouter des personnes se plaindre serait une expérience négative. Elle a également déclaré qu’elle avait consulté une psychologue une fois et qu’on lui avait [traduction] « donné son congé ». Ses fournisseurs de soins médicaux actuels sont sa médecin de famille, qu’elle voit environ quatre fois par année pour remplir des formulaires et mettre à jour ses ordonnances, une chiropraticienne et un physiothérapeute. Elle a précisé que ses médicaments actuels étaient du Percocet et des anti-inflammatoires. Elle a également un relaxant musculaire, mais elle ne le prend pas en même temps que le Percocet. Elle ne prend plus de Lyrica par peur de prendre du poids.

[15] L’appelante a affirmé qu’elle croyait que son dossier médical avait été [traduction] « corrigé ». Elle conteste les notes de la médecin selon lesquelles elle aurait déjà consommé de la marijuana ou des amphétamines. Elle a également affirmé qu’elle avait tenté en vain de cesser de fumer la cigarette. Sa dernière tentative remontait à un peu plus de deux ans. Elle a déclaré que son époux avait un problème d’alcool et qu’elle l’avait accompagné dans sa consommation excessive, mais qu’il s’agissait d’un problème à court terme. Elle n’a plus consommé d’alcool de façon excessive depuis.

[16] L’appelante a déclaré que la raison pour laquelle elle est incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice ou de suivre des programmes de recyclage ou de perfectionnement de son éducation est attribuable à quatre éléments : les douleurs au bas du dos, les douleurs à la jambe gauche, l’anxiété et le tremblement des mains.

[17] L’appelante a affirmé qu’elle est incapable d’effectuer des activités normales de la vie quotidienne. Elle a déclaré qu’elle dort de 9 à 10 heures et qu’elle prend un bain en se levant. Elle prépare du café et sort le chien à l’extérieur. Elle a du mal à monter et à descendre l’escalier et elle est incapable d’accomplir la plupart des tâches ménagères sans prendre de pause. Elle est limitée dans sa capacité à se tenir debout et elle peut rester assise pendant une heure si elle est sur la bonne chaise.

[18] Selon les rapports médicaux, l’appelante a déjà été atteinte d’une psychose maniaco‑dépressive et d’un sarcome de l’abdomen.

[19] Une échographie bilatérale de la région fessière a été réalisée le 17 juillet 2013. Les résultats ne montrent aucune lésion des muscles gastrocnémiens ni aucun hématome. Il pourrait s’agir d’un petit hématome lié aux muscles fessiers du côté gauche. L’échographie ne révèle rien de particulier aux muscles ischio-jambiers gauches. On soupçonne la présence d’un petit hématome dans la musculature fessière gauche. Il n’y a rien d’autre à signaler.

[20] Les notes de la docteure Laura Ostofe, chiropraticienne chez Active Health Associates [associés actifs de la santé], ont été présentées au Tribunal. Elle a noté qu’il n’y avait aucun signe de défense musculaire ni d’hypertonie. L’appelante a déclaré qu’elle était en proie à des douleurs insupportables après le traitement. La docteure Ostofe a écrit qu’elle était à court d’explications.

[21] La docteure Shoop a noté le 3 septembre 2013 que l’appelante craignait des dommages permanents. L’imagerie a jusqu’ici été normale, et l’examen ne laisse croire à aucune lésion grave des articulations, des os, des nerfs et des muscles. Selon la docteure Ostofe (chiropraticienne), les chevilles de l’appelante présentent le phénomène de [traduction] « roue dentée », ce qui ne correspond pas du tout à la mécanique de la blessure. L’appelante craint des dommages permanents, ce qui ne contribue pas à atténuer la douleur. La poursuite judiciaire est en cours. La docteure Shoop a assuré à la docteure Ostofe qu’elle ne renouvellerait pas le Percocet et qu’elle rassurerait l’appelante qu’elle n’avait pas de blessures graves.

[22] Le 2 octobre 2013, l’appelante a demandé une note pour prolonger son congé de maladie, puisqu’elle a déclaré qu’elle s’absenterait du travail pendant quelques mois encore. L’appelante a précisé qu’elle devait obtenir cette note de sa médecin de famille. Selon ses notes cliniques, la médecin de famille a donné la réponse suivante : [traduction] « Je suis désolée, mais je ne peux vraiment pas prolonger ce congé de maladie en me fondant sur les blessures, les symptômes et l’imagerie qu’elle a à ce jour. Cela dure depuis juin. Il n’y a pas de raison médicale à son congé de maladie prolongé, et son employeur n’acceptera pas une prolongation de son congé de maladie pour ce type de blessures. » Selon les notes cliniques datées du 17 octobre 2013, l’appelante a refusé les services de counseling vers lesquels elle a été dirigée.

[23] Le docteur McCallum a produit un rapport de consultation en janvier 2014. Au cours d’un examen, l’extension et la flexion de l’appelante étaient d’environ 80 %, et celle-ci s’est plainte de douleurs au dos en exécutant ces mouvements. En effectuant un mouvement de flexion, elle était capable de toucher ses genoux. Elle était en mesure de faire un mouvement complet des hanches, et ses membres inférieurs ne présentaient pas de déficits sensoriels évidents. Elle a élevé sa jambe droite sans fléchir le genou dans un angle de 90 degrés et sa jambe gauche dans un angle de 75 degrés en se plaignant de douleurs au dos et à la hanche. Il semblerait que sa douleur irradie principalement de son dos. Dans l’ensemble, le docteur McCallum pensait qu’elle avait un pronostic favorable.

[24] Dans ses notes cliniques datées du 15 avril 2014, la docteure Shoop a noté que l’appelante avait refusé les antidépresseurs et les anxiolytiques réguliers parce qu’ils ne faisaient aucun effet et la rendaient malade. La docteure Shoop lui a suggéré la massothérapie, la relaxation et l’exercice, mais la patiente a protesté en répondant qu’elle devait surmonter beaucoup trop d’obstacles pour faire de l’exercice et qu’elle l’avait déjà essayé.

[25] Un rapport médical daté du 8 mai 2014 avait été rédigé par la docteure Shoop, médecin de famille de l’appelante. Voici ce qu’elle a écrit : [traduction] « Diagnostic : blessures des tissus mous de la jambe gauche attribuables à la chute. Pronostic : incertain, ne correspond pas au modèle habituel. Conclusions pertinentes : chute au supermarché le 20 juin 2013. Depuis, perte fonctionnelle de la jambe gauche, selon la patiente. »

[26] La docteure Pursley, titulaire d’un doctorat et psychologue certifiée, a produit un rapport de consultation le 16 mai 2014. Sous l’en-tête [traduction] « Résumé et traitements recommandés », elle a écrit que l’appelante est atteinte de douleurs chroniques au dos et aux jambes, qui sont attribuables à une glissade et à une chute accidentelle en juin 2013. Selon la docteure, l’appelante continue de suivre des séances de physiothérapie et de chiropractie. Au cours des derniers mois, elle a ressenti un niveau d’anxiété et de stress très élevé (stress lié au système judiciaire, inquiétudes liées à sa santé et à ses douleurs). Bien que ses douleurs et son stress sont continus, l’appelante pense qu’elle parvient seule à bien gérer sa situation et elle ne souhaite pas prendre part à d’autres séances de counseling pour le moment. Il est recommandé qu’elle intègre une pratique de relaxation physique régulière à son régime de traitement de la douleur. La docteure a proposé qu’elle se joigne à un groupe de soutien pour la douleur chronique, mais cette idée n’intéressait pas l’appelante. Elle sait qu’elle peut prendre un rendez-vous dans l’avenir, si elle en ressent le besoin.

[27] Un autre rapport a été rédigé le 25 juin 2014 par la docteure Pursley. Elle a noté que l’appelante avait commencé à prendre du Lyrica et que le médicament l’avait beaucoup aidée. Elle a observé une diminution de la douleur, plus précisément au dos. Son niveau d’anxiété a également diminué. Elle a mentionné que son humeur et son niveau d’énergie s’étaient améliorés de façon considérable. Elle passe moins de temps au lit, se lève tôt et dort mieux (de 4 à 5 heures profondément et de 10 à 12 heures par intermittence). La docteure Pursley lui a conseillé de jauger le rythme de ses activités. Elle a suggéré à l’appelante de réessayer des stratégies de relaxation, maintenant que sa situation s’améliore avec le Lyrica. En conclusion, la docteure Pursley a écrit ce qui suit : [traduction] « La situation de S. H. en ce qui a trait à sa douleur, son humeur et son anxiété s’est considérablement améliorée depuis qu’elle a commencé à prendre du Lyrica, et elle est d’avis qu’elle s’en sort bien dans l’ensemble. Aucun rendez-vous de suivi n’est prévu. S. H. sait qu’elle peut prendre un rendez-vous dans l’avenir, si elle en ressent le besoin. »

[28] Le docteur Ghamudi, docteur en médecine et membre du Collège royal des médecins, a produit un rapport de consultation le 7 octobre 2014 à l’intention de la médecin de famille de l’appelante. Il a noté que l’appelante se plaignait de douleurs au bas du dos qui irradiaient vers ses jambes et ses fesses. L’IRM, l’échographie et l’EMG n’ont rien révélé de significatif, à l’exception d’un hématome dans la région fessière. L’appelante a des antécédents de consommation d’alcool et de marijuana. Elle a fait l’objet d’un examen approfondi par un neurologue, conformément à sa trousse de référence, et il n’y avait aucun signe d’intervention chirurgicale. L’IRM a révélé de légers changements dégénératifs. Sa douleur est cotée à 6 sur 10. En résumé, l’appelante est atteinte du syndrome de la douleur chronique, mais elle ne présente aucune trace d’injections épidurales. L’appelante aimerait éviter toute injection de stéroïdes parce qu’elle panique à l’idée de prendre du poids. Le docteur Ghamudi lui a conseillé d’essayer des techniques de distraction pour l’aider à penser à autre chose qu’à la douleur et de continuer les traitements de massothérapie et de physiothérapie.

[29] Le docteur Jahromi, chirurgien vasculaire et endovasculaire, a produit un rapport de consultation le 13 janvier 2015. Selon lui, la plupart des symptômes de l’appelante sont attribuables à une blessure musculo-squelettique qu’elle a subie un an et demi plus tôt. Il ne croyait pas que l’appelante avait des varices. Sa jambe gauche a bel et bien une insuffisance veineuse, ce qui a fait enfler certains de ses membres inférieurs. Le docteur Jahromi a recommandé à l’appelante d’adopter un mode de vie actif et d’élever ses jambes. À ce moment‑là, aucune intervention n’était nécessaire. Il lui a prescrit des bas de contention. L’appelante a continué de fumer un paquet par jour même si on lui avait conseillé de cesser de fumer. Le docteur Jahromi a écrit qu’elle n’avait aucun antécédent de consommation d’alcool.

[30] L’appelante a déclaré qu’elle ne fait pas beaucoup d’exercice. Elle avait prévu suivre des cours de Pilates, mais il a fait trop chaud pendant l’été. Elle trouvait les bas de contention inconfortables lorsqu’il faisait chaud. Selon elle, le fait d’appliquer de la glace et d’utiliser son bain à remous était plus bénéfique que celui de faire de l’exercice. Elle fait toutefois des promenades autour de son petit bloc deux fois par semaine, ce qui équivaut à moins de 30 minutes d’exercice.

[31] Le 4 juin 2014, la docteure Shoop a rédigé une lettre de référence. Elle a noté que l’appelante lui a été confiée en raison de douleurs chroniques au bas du dos, à la fesse gauche et au mollet à la suite d’une chute dans un supermarché. Toutes les imageries ont été normales, et la physiothérapie n’a pas amélioré la situation. Voici ce que la médecin a écrit : [traduction] « Problèmes de santé : psychose maniaco-dépressive et sarcome. Antécédents médicaux : fume le 3/4 d’un paquet par jour, buvait beaucoup jusqu’en juin 2001 et a consommé de la marijuana et une fois des amphétamines par voie intraveineuse. Rien à l’heure actuelle. »

[32] Le 25 mars 2015, la docteure Shoop a adressé une déclaration du médecin traitant – Prestations d’invalidité à Canada Life. Voici ce qu’elle a écrit : [traduction] « Diagnostic primaire : douleurs myo-fasciales – muscles ischio-jambiers gauches. Autres problèmes de santé : douleurs chroniques au bas du dos et blessure musculo-squelettique. Symptômes subjectifs : douleurs intenses au quotidien, symptômes d’anxiété. Conclusions objectives à l’examen : aucune. Période prévue de rétablissement et date de retour au travail : aucune période ni aucune date prévue. Pronostic de rétablissement : incertain. »

[33] La docteure Shoop a produit un rapport daté du 14 décembre 2015. Voici ce qu’elle a écrit : [traduction] « Rétablissement prévu : pas de retour au travail prévu. Question : Votre patiente est-elle apte à un retour progressif à son travail ou à toute autre occupation à l’heure actuelle? Non. Pronostic de rétablissement : sombre. »

[34] Dans le même rapport, la docteure Shoop a rempli une section intitulée [traduction] « Limitations fonctionnelles actuelles : Degré de limitation ». Aucune limitation n’a été notée sur le plan de la parole, de l’audition, de la vision et de la dextérité. Il y avait une légère limitation sur le plan de la cognition et de la sensation. La limitation sur le plan psychologique était d’un niveau modéré. En ce qui a trait aux activités, la docteure Shoop a noté que l’appelante pouvait marcher pendant une heure, se tenir debout pendant une heure et rester assise pendant 15 minutes. Sa dextérité était normale et elle pouvait soulever des charges d’un maximum de cinq livres. Un manque de concentration et un léger besoin de bouger avaient été notés.

Observations

[35] L’avocate de l’appelante a soutenu que l’appelante est admissible à une pension d’invalidité pour les motifs suivants :

  1. L’appelante n’a pu reprendre aucun emploi de type compétitif en raison de problèmes de santé graves et prolongés, y compris les douleurs chroniques au membre inférieur gauche et au bas du dos, la dépression, l’anxiété, le sommeil non réparateur, l’épuisement et les détériorations cognitives.
  2. Malgré sa conformité avec les traitements recommandés et les médicaments prescrits, elle ressent toujours des douleurs constantes et des symptômes d’anxiété et de dépression, et elle n’arrive pas à dormir d’un sommeil réparateur.
  3. L’appelante a essayé de travailler et même de tenter l’expérience du travail autonome, mais sans succès. Les médecins sont de plus en plus clairs en ce qui concerne le diagnostic et le pronostic de l’appelante : son état de santé ne s’améliore pas et il la limite de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[36] L’intimé a soutenu que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les motifs suivants :

  1. En 2014, la docteure Pursley, psychiatre, a précisé que l’appelante était autonome : sa situation en ce qui a trait à sa douleur, son humeur et son anxiété s’était considérablement améliorée grâce au Lyrica. Cela n’appuie pas l’argument d’un problème de santé mentale grave et constant qui l’empêche de détenir un emploi.
  2. L’IRM du genou gauche de l’appelante a révélé un petit épanchement, mais il n’y avait aucun signe de déchirure méniscale et les ligaments étaient intacts. Le docteur McCallum a précisé que l’appelante était capable de se déplacer normalement; ses membres inférieurs ne présentaient aucun déficit sensoriel, et un traitement conservateur constant était suggéré. Il a également été noté que toutes les imageries étaient normales et qu’il n’y avait pas de symptômes objectifs liés aux blessures.
  3. Malgré l’examen d’imagerie normal qu’elle a passé à la suite de sa glissade et de sa chute, l’appelante n’a entrepris aucune démarche pour réintégrer le marché du travail. Elle a des antécédents de trouble bipolaire, mais elle n’a pas fait l’objet d’interventions régulières au fil des ans et elle a travaillé avec ce problème de santé.

Analyse

[37] L’appelante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2015 ou avant cette date.

Caractère grave

[38] Une partie requérante doit fournir une preuve médicale objective de son invalidité (Warren c Canada (PG), 2008 CAF 377). Les fournisseurs de soins médicaux documentent les symptômes subjectifs de l’appelante. La preuve médicale objective ne corrobore pas les déclarations subjectives des symptômes formulées par l’appelante. La docteure Ostofe a noté qu’il n’y avait aucun signe de défense musculaire ni d’hypertonie et elle n’a pas été capable d’expliquer les douleurs insupportables décrites par l’appelante. En octobre 2013, la docteure Shoop a refusé de donner un billet médical à l’appelante parce qu’il n’y avait pas de raison médicale à son congé de maladie prolongé. Le docteur McCallum a noté un mouvement complet des hanches, aucun déficit sensoriel évident dans les membres inférieurs et des douleurs au dos dont le pronostic est favorable. La docteure Pursley a noté en juin 2014 que la situation de l’appelante en ce qui a trait à sa douleur, son humeur et son anxiété s’était considérablement améliorée, que l’appelante s’en sortait bien et dormait profondément et qu’elle devrait augmenter son niveau d’activité. En octobre 2014, le docteur Ghamudi a noté que l’IRM révélait de légers changements dégénératifs et a recommandé un traitement conservateur de massothérapie et de physiothérapie. Le docteur Jahromi a recommandé un traitement conservateur en adoptant un mode de vie actif et en cessant de fumer. Le 25 mars 2015, la docteure Shoop a noté des symptômes subjectifs, des douleurs intenses au quotidien et de l’anxiété. Toutefois, elle n’a tiré aucune conclusion objective à l’examen. Le Tribunal estime que l’appelante n’a pas présenté suffisamment d’éléments de preuve médicale objectifs démontrant qu’elle était atteinte d’une invalidité grave au sens du RPC.

[39] Le 15 décembre 2015, la docteure Shoop déclare que les chances de rétablissement sont faibles. Toutefois, selon les observations objectives dans la section intitulée [traduction] « Limitations fonctionnelles actuelles », il y avait une légère limitation sur le plan de la cognition et de la sensation, une limitation de niveau modéré sur le plan psychologique, et l’appelante pouvait marcher pendant une heure et soulever des charges de cinq livres. Rien ne donne à penser qu’un critère objectif appuie le pronostic. La docteure Shoop a noté un manque de concentration en raison de la douleur et un léger besoin de bouger. Ces observations ne constituent pas une invalidité grave.

[40] Dans l’arrêt Nouvelle-Écosse c Martin [2003] JCS 54, on a reconnu que la douleur chronique est une invalidité donnant ouverture à une indemnisation. L’arrêt aborde le fait que les symptômes objectifs ne permettent pas d’attester l’existence de la douleur chronique. Malgré cette absence de symptômes objectifs, il ne fait aucun doute que les personnes éprouvant de la douleur chronique souffrent physiquement et moralement et que leur incapacité est réelle.

[41] Afin de déterminer si l’appelante est atteinte de douleur chronique qui la rend régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice, elle doit fournir suffisamment d’éléments de preuve crédibles. Le Tribunal estime que la preuve de l’appelante n’est pas fiable et ne prouve pas, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle est atteinte d’une invalidité grave au sens du RPC. L’appelante a déclaré qu’elle n’a jamais consommé de drogue et que son dossier médical devrait être corrigé. Le Tribunal n’estime pas que cette déclaration est crédible parce que le dossier médical montre clairement que l’appelante a révélé ces renseignements à ses médecins. L’appelante a déclaré que le rapport écrit par la docteure Pursley est incorrect en ce qui concerne son refus de prendre part à des séances de counseling comme elle parvenait seule à bien gérer sa situation à ce moment-là (mai 2014). Le témoignage de l’appelante semblait exagéré, attestant qu’elle ne pouvait pas faire d’exercice malgré l’avis de ses fournisseurs de soins médicaux, qui recommandaient qu’elle adopte un mode de vie actif. En décembre 2015, la docteure Shoop a précisé que l’appelante était capable de marcher pendant une heure. L’adoption d’un mode de vie d’une personne invalide et les éléments de preuve concernant ses limitations ne sont pas fiables. Les éléments de preuve concernant ses antécédents de consommation de drogue et ceux concernant les consultations sont démentis par les médecins, ce qui est pertinent pour évaluer la fiabilité de l’appelante. Les médecins n’ont aucune raison de ne pas être exacts dans leurs notes cliniques et leurs rapports. Le fait qu’elle a des antécédents de consommation de drogue ou qu’elle a refusé de participer aux consultations recommandées ne lui permet pas de bénéficier de prestations d’invalidité. Ce sont les divergences dans ses éléments de preuve et la description de ses symptômes, qui ne sont pas soutenues par des conclusions objectives, qui sont pertinentes. Le Tribunal n’estime pas que la preuve orale de l’appelante est fiable. Le Tribunal estime que la preuve objective et subjective est insuffisante pour prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelante est atteinte de douleur chronique qui la rend régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[42] S’il y a des éléments de preuve de capacité de travail, une personne doit démontrer que ses efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé (Inclima c Canada (PG), 2003 CAF 117). L’appelante n’a fait aucun effort pour tenter de se recycler ou pour obtenir un emploi. Elle dit être atteinte d’anxiété, mais elle ne consulte pas de psychologue, et ce, même si la psychologue lui avait offert de prendre un rendez-vous au besoin. La docteure Ostofe, chiropraticienne, a noté les maux subjectifs dont se plaignait l’appelante, mais elle n’a pas été capable de les expliquer. En octobre 2013, la médecin de famille (Dre Shoop) a noté qu’il n’y avait pas de raison médicale à un congé de maladie prolongé. Le docteur McCallum a noté des douleurs au dos dont le pronostic est favorable. L’appelante a certaines limitations, mais elle n’a aucunement montré qu’elle était motivée à perfectionner ses compétences ou à trouver un emploi qui convienne à ses limitations. La docteure Pursley a recommandé qu’elle augmente son niveau d’activité. Dans un rapport de consultation, le docteur McCallum a posé un pronostic favorable et n’a noté aucune limitation ou restriction importante. Le Tribunal estime que le manque d’efforts déployés par l’appelante pour trouver un emploi et le conserver n’est pas attribuable à son état de santé.

[43] Il incombe personnellement à la partie requérante de collaborer à ses soins de santé (Kambo c MDRH, 2005 CAF 353). La docteure Shoop a recommandé à l’appelante de faire de l’exercice, mais elle a noté que l’appelante avait protesté en répondant qu’elle devait surmonter beaucoup trop d’obstacles pour faire de l’exercice. Le docteur Jahromi a également recommandé à l’appelante d’adopter un mode de vie actif, toutefois les éléments de preuve oraux de l’appelante précisent qu’elle n’a pas suivi ce conseil. La docteure Pursley lui a recommandé de se joindre à un groupe de soutien pour la douleur chronique, mais cette idée n’intéressait pas l’appelante. La docteure Pursley a également noté que le Lyrica aidait l’appelante et que cette dernière parvenait à bien gérer sa situation dans l’ensemble avec ce médicament. L’appelante a cessé de prendre le Lyrica par peur de prendre du poids. Le docteur Jahromi a noté que l’appelante continuait de fumer un paquet de cigarettes par jour et a recommandé qu’elle cesse de fumer. L’appelante a témoigné qu’elle avait essayé de cesser de fumer à quelques reprises et que sa dernière tentative remontait à un peu plus de deux ans. Elle a déclaré qu’elle avait consulté une psychologue une fois et qu’on lui avait [traduction] « donné son congé ». La psychologue, Dre Pursley, a écrit qu’elle savait qu’elle pouvait prendre un rendez-vous dans l’avenir, si elle en ressentait le besoin. La preuve révèle qu’elle n’a pris aucun rendez-vous après les rendez-vous de mai et de juin 2014. Le Tribunal estime que l’appelante n’a pas assumé sa responsabilité personnelle de collaborer à ses soins de santé. Elle n’a pas suivi de programme d’exercice, elle a continué à fumer, elle a cessé de prendre les médicaments qui atténuaient ses symptômes et elle n’a pas pris de rendez-vous de suivi avec un psychologue même si elle avait témoigné qu’elle était atteinte d’anxiété. Le Tribunal reconnait que faire de l’exercice et cesser de fumer représentent des défis. Toutefois, l’appelante n’a pas fait de tentatives raisonnables pour se conformer aux recommandations de ses fournisseurs de soins médicaux.

[44] L’état d’une partie requérante doit être évalué dans son ensemble. Toutes les détériorations possibles doivent être examinées, pas seulement les détériorations les plus importantes ou la détérioration principale (Bungay c Canada (Procureur général), 2011 CAF 47). L’appelante a fait savoir qu’une multitude de symptômes la rendaient incapable de se recycler ou de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La preuve subjective produite par l’appelante relativement à ses détériorations n’est pas appuyée par les fournisseurs de soins médicaux. En juin 2014, la docteure Pursley a noté que les douleurs ressenties par l’appelante et son humeur s’étaient grandement améliorées, et qu’elle gérait bien sa situation dans l’ensemble. En décembre 2015, la docteure Shoop a rempli la section d’un rapport intitulée [traduction] « Limitations fonctionnelles actuelles : Degré de limitation ». Il n’y avait qu’une légère limitation sur le plan de la cognition et de la sensation. L’appelante pouvait marcher pendant une heure, se tenir debout pendant une heure et rester assise pendant 15 minutes. Sa dextérité était normale et elle pouvait soulever des charges d’un maximum de cinq livres. Sa limitation sur le plan psychologique était seulement d’un niveau modéré. Un manque de concentration et un léger besoin de bouger avaient été notés. Les limitations notées par la docteure Shoop ne correspondent pas à une invalidité grave qui rendrait l’appelante incapable de détenir [traduction] « une » occupation véritablement rémunératrice. Les limitations notées révèlent une capacité à occuper des postes de nature sédentaire ne nécessitant pas de soulever des charges de plus de cinq livres ou de rester debout ou de marcher pendant plus d’une heure. La docteure Shoop était d’avis que l’appelante ne pouvait pas recommencer à travailler, mais son opinion n’est pas appuyée par les limitations fonctionnelles qu’elle avait soulevées. Aucune des opinions de spécialistes au dossier ne révèle que l’appelante est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Le Tribunal estime que l’appelante n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que toutes ses possibles détériorations, une fois réunies, donnent lieu à une invalidité grave au sens du RPC.

[45] La gravité de l’invalidité doit être évaluée dans un contexte réaliste (Villani c Canada (PG), 2001 CAF 248). Cela signifie que pour déterminer si l’invalidité d’une personne est grave, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que l’âge, le niveau de scolarité, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie.

[46] L’appelante avait seulement 50 ans à l’échéance de sa PMA. Elle a acquis une expérience de travail appréciable, y compris des compétences en tant que travailleuse autonome. Elle a travaillé comme secrétaire et dans la vente au détail, a vendu des systèmes d’eau à son compte, et a aussi aidé son époux avec son entreprise, ce qui lui a permis d’acquérir un éventail de compétences et de l’expérience. Elle maîtrise parfaitement la langue et détient un diplôme d’études secondaires, et a aussi suivi quelques cours de secrétariat. Elle a déclaré qu’elle est capable de rester assise pendant une heure si elle est sur la bonne chaise, et rien ne donne à penser qu’il existe des obstacles cognitifs l’empêchant de se recycler ou de perfectionner son éducation pour améliorer ses compétences professionnelles. Le Tribunal estime que l’appelante n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalidité grave au sens du RPC à l’échéance de sa PMA, dans un contexte réaliste.

Caractère prolongé

[47] Comme le Tribunal a conclu que l’invalidité n’était pas grave, il n’est pas nécessaire qu’il se prononce sur le critère de l’invalidité prolongée.

Conclusion

[48] L’appel est rejeté.

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