Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] L'appelante a présenté une demande de pension de retraite en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC) et elle s'est vue accorder cette pension. Selon les dossiers du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal), elle a commencé à toucher la pension en octobre 2013 (GD2-19). Le 23 mars 2015, l'intimé a reçu la demande de pension d'invalidité au titre du RPC. Il a refusé la demande au motif que celle-ci avait été faite plus de quinze mois après le début du versement de la pension de retraite. Elle a maintenu la décision au stade de la révision, et l'appelante a interjeté appel de la décision découlant de la révision devant la division générale du Tribunal.

[2] Dans une décision datée du 27 juin 2016, la division générale a invoqué les dispositions du paragraphe 53(3) de la Loi sur le ministère de l'Emploi et du Développement social (LMEDS) pour rejeter l'appel de façon sommaire.

[3] L’appelante a déposé une demande de permission d’en appeler de la décision de la division générale (demande) le 7 juillet 2016.

[4] L'appel a été instruit sur la foi du dossier pour les raisons suivantes :

  1. le membre a déterminé qu’il n’est pas nécessaire de tenir une nouvelle audience;
  2. en vertu de l'alinéa 37a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, le membre a jugé qu'aucune autre audience n'était requise;
  3. le besoin, en vertu du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Moyens de l’appel

[5] Le représentant de l'appelante a soutenu au nom de celle-ci qu'il existait de solides motifs d'ordre humanitaire sur lesquels la division d'appel pourrait se fonder pour accueillir l'appel. Il a déclaré qu'un diagnostic conclusif du trouble médical de l'appelante a seulement été posé bien après le début du versement de la pension de retraite. L'appelante a reçu un diagnostic de sclérose latérale amyotrophique (SLA). Le représentant a fait valoir qu'il s'agit d'une maladie progressive et neurodégénérative qui satisfait aux critères du RPC relativement à une invalidité grave et prolongée et que le Tribunal doit dispenser du [traduction] « détail » concernant le délai et permettre à l'appelante de toucher une pension d'invalidité supérieure.

Droit applicable

[6] Le paragraphe 56(2) régit les appels de rejets sommaires d'un appel s'il n’est pas nécessaire d'obtenir une permission d'interjeter appel d'une décision rendue par la division générale en vertu du paragraphe 53(3) de la LMEDS de rejeter l'appel de façon sommaire.

[7] L'article 66.1 établit les dispositions législatives applicables concernant la conversion d'une pension de retraite du RPC à une pension d'invalidité du RPC :

66,1. Demande de cessation de prestation – (1) Un bénéficiaire peut demander la cessation d’une prestation s’il le fait de la manière prescrite et, après que le paiement de la prestation a commencé, durant la période de temps prescrite à cet égard.

(1,1) Exception – Toutefois, le bénéficiaire d’une prestation de retraite ne peut remplacer cette prestation par une prestation d’invalidité si le requérant est réputé être devenu invalide, en vertu de la présente loi ou aux termes d’un régime provincial de pensions, au cours du mois où il a commencé à toucher sa prestation de retraite ou par la suite.

[8] La demande est aussi régie par le paragraphe 46.2(1) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada (Règlement sur le RPC), à savoir :

(1) Un bénéficiaire peut demander la cessation d’une prestation en présentant au ministre une demande écrite à cet effet dans les six mois suivant la date où le paiement de la prestation a commencé.

[9] Les autres dispositions législatives qui s'appliquent à l'appel comprennent les alinéas 42(2)b) et 44(1)b) du RPC, dont le paragraphe énonce les exigences d'admissibilité pour recevoir une pension d'invalidité du RPC. Plus particulièrement, l'alinéa 44(1)b) prévoit qu'un demandeur ne doit pas toucher une pension de retraite du RPC afin d'être admissible à une pension d'invalidité du RPC.

[10] En l'espèce, l'alinéa 44(1)b) et le paragraphe 66.1(1) du RPC ainsi que l'article 46,2 du Règlement sur le RPC sont particulièrement importants. Le paragraphe 66.1(1) du RPC autorise un bénéficiaire à demander la cessation d’une pension de retraite afin de la remplacer par une pension d’invalidité si l’appelant est réputé être devenu invalide au cours du mois où il a commencé à toucher sa prestation de retraite ou par la suite. Par conséquent, l'invalidité doit être prouvée avant la date du début du versement de la pension de retraite. Cependant, en application de l'alinéa 42(2)b) du RPC, le cotisant ne peut pas être réputé invalide à une date antérieure de plus de 15 mois à la date de présentation d'une demande de pension d'invalidité.

Question en litige

[11] La question que la division d'appel doit trancher est la suivante : la division générale a-t-elle commis une erreur en rejetant de façon sommaire l'appel de l'appelante?

Observations

[12] Conformément à l'article 36 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité socialeNote de bas de page 1, les parties peuvent déposer des observations auprès de la division d'appel dans les 45 jours suivant la date du dépôt de l'appel. L'appelante a déposé un appel incomplet le 2 juillet 2016. Elle a complété son appel le 9 août 2016. Alors que plus de 45 jours ont passé depuis que l'appelante a complété son appel, le Tribunal n'a reçu aucune observation de la part de l'intimé. Cependant, il a reçu des observations de la part du représentant de l'appelante.

[13] Dans ses observations, le représentant de l'appelante a répété les arguments présentés devant la division générale. Il a déclaré que l'appelante n'a pas présenté la demande de pension d'invalidité en temps opportun en raison du délai requis pour que le diagnostic soit rendu et du fait que l'appelante n'avait jamais été informée qu'elle devait présenter la demande dans un délai prescrit.

Norme de contrôle

[14] Le critère pour le rejet sommaire d’un appel est que l’« appel n’a aucune chance raisonnable de succès. » La disposition applicable est formulée en termes péremptoires : la division générale doit rejeter de façon sommaire un appel si elle est convaincue qu’il (l’appel) n’a aucune chance de succès. La question, bien sûr, est la suivante : comment un décideur détermine-t-il ce qui représente une chance raisonnable de succès?

[15] Avant de rendre une décision sur cette question, la division d'appel doit décider la façon dont elle abordera les appels relatifs aux décisions de la division générale, et, habituellement, cette décision plus particulièrement. La division d'appel s'inspire des récentes décisions de la Cour fédérale et de la Cour d'appel fédérale dans lesquelles les cours concluent que, en tant qu'organe d'appel du Tribunal, la division d'appel n'est pas tenue d'effectuer une analyse relative à la norme de contrôle : Canada (Procureur général) c. Jean; Canada (Procureur général) c. Paradis, 2015 CAF 242 (CanLII), 2015 CAF 242; Maunder c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 274, confirmant la position établie dans l'arrêt Jean Paradis.Dans l’affaire Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300, la Cour fédérale a décidé de la question dans le contexte des demandes de permission d’en appeler des décisions de la division générale.

[16] La Cour fédérale du Canada a solidifié sa position relativement au rôle de l'organe d'appel interne dans l'arrêt Huruglica c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2014] ACF no 845, dans lequel il est conclu ce qui suit :

[43] Il s’ensuit qu’en créant un organe d’appel interne au sein du pouvoir exécutif du gouvernement, le principe de norme de contrôle, une fonction de la séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le judiciaire, est d’une importance et d’une applicabilité moindres. L’analyse traditionnelle relative à la norme de contrôle n’est pas nécessaire.

[17] Par conséquent, en appliquant les principes établis dans ces affaires, le rôle de la division d’appel est de déterminer si la décision de la division générale de rejeter de façon sommaire l’appel de l’appelante constitue une erreur qui pourrait être utilisée comme moyen d’appel tel qu’on les énonce au paragraphe 58(1) de la LMEDS. Pour les raisons qui suivent, la division d’appel estime qu’aucune erreur n’est révélée dans la décision de la division générale de rejeter l’appel de façon sommaire.

Analyse

[18] L'article 53 de la LMEDS établit clairement le critère selon lequel la division générale doit décider si elle doit rejeter un appel de façon sommaire. On y exhorte la division générale de rejeter de façon sommaire l’appel si elle est convaincue que « l'appel n’a aucune chance raisonnable de succès ». L'article 53 est rédigé dans des termes impératifs. Une fois que la division générale est convaincue qu’un appel n’a aucune chance de succès, elle ne possède pas le pouvoir discrétionnaire de faire autrement que de rejeter l’appel.

[19] Dans l’affaire Canada (ministre du Développement des Ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, la Cour d’appel fédérale a assimilé une chance raisonnable de succès au fait d’avoir une cause défendable. Plus récemment, les membres de la division d’appel ont défini, dans les termes suivants, le critère à appliquer aux cas de rejet sommaire : [traduction] « Est-il évident et manifeste, sur la foi du dossier, que l’appel est voué à l’échec ? » M. C. c. Commission de l’emploi du Canada, 2015 TSSDA 237.

[20] La division d'appel est d’avis que, pour les situations où les faits ne sont pas contestés, le droit applicable est clair, et que, sur ces faits non contestés, la loi établit qu’une décision claire n’est pas en faveur de l’appelant; alors c’est une situation où l’appel n’aurait aucune chance raisonnable de succès. Dans un tel cas, il serait approprié que la division générale rejette de façon sommaire l’appel. Il s’agit aussi de l’opinion exprimée par le représentant de l’intimé devant la division d’appel.

[21] La division d'appel estime que les faits de l'espèce ne sont pas contestés. L'appelante a présenté une demande de pension d'invalidité du RPC, et celle-ci lui a été accordée. Le versement de la pension a commencé en octobre 2013. Elle a présenté une demande de pension d'invalidité du RPC en mars 2015. Cela représentait une période d'environ 18 mois après le début du versement de la pension de retraite.

[22] Même si l'appelante avait pu satisfaire à tous les critères prévus à l'article 66.1 du RPC et au paragraphe 46(2) du Règlement, elle ne pourrait pas répondre aux exigences de l'alinéa 44(2)b) du RPC, à savoir que la date la plus hâtive à laquelle elle aurait pu être réputée invalide tombait bien après le mois au cours duquel elle a commencé à toucher une pension de retraite du RPC.

[23] La division générale en est arrivée à cette conclusion. La division d'appel estime que, en arrivant à sa conclusion, la division générale a déterminé et applique les bonnes dispositions législatives aux faits de la cause de l'appelante. La division d'appel estime également que, en agissant ainsi, la division générale a ni commis une erreur de droit ni fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée; la division générale n’a pas non plus manqué à un principe de justice naturelle, omis d’exercer sa compétence General Division ou excédé sa compétence.

[24] La division d'appel estime que la décision de la division générale de rejeter l'appel de façon sommaire ne donne pas lieu à une erreur susceptible de contrôle.

[25] Les motifs d'ordre humanitaire ne font pas partie de la compétence de la division générale. En effet, le Tribunal, comme tous les autres tribunaux, peut seulement exercer la compétence que la loi lui confère : R. c. Conway, 2010 CSC 22Note de bas de page 2. Dans l'arrêt Conway, la juge Abella a fait au nom de la Cour une déclaration claire selon laquelle un tribunal ne peut accorder que les réparations que sa loi constitutive l'habilite à accorder. Par conséquent, la division générale ne pouvait pas examiner le SLA de l'appelante, quel que soit le mérite de l'appelante concernant l'octroi d'une pension d'invalidité. Dans le même ordre d'idée, le paragraphe 58(1) de la LMEDS a expressément omis les motifs d'ordre humanitaire des moyens d'appel.

Conclusion

[26] L’appelante a interjeté appel de la décision de la division générale de rejeter de façon sommaire son appel. À la lumière des faits, de la preuve et du droit applicable présentés à la division générale, la division d'appel conclut que la division générale a conclu à juste titre que l'appel n'avait aucune chance raisonnable de succès.

[27] L’appel est rejeté.

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