Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d'en appeler d'une décision de la division générale datée du 20 mars 2015 qui conclut que le demandeur n'était pas admissible à une pension d'invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada puisque le membre a jugé que l'invalidité n'était pas « grave » à la date de fin de sa période minimale d'admissibilité, le 31 décembre 2011. La division générale est d'avis que, malgré la douleur chronique dont il souffre, le demandeur a conservé la capacité d’occuper un autre emploi convenable impliquant des tâches légères à modérées. Le demandeur a déposé une demande de permission d'en appeler auprès du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) le 22 janvier 2016, alors qu’il avait obtenu une prorogation du délai pour déposer une demande jusqu'au 31 août 2015. Le demandeur a d'abord demandé une deuxième prolongation, mais n’a pas poursuivi sa demande.

Questions en litige

[2] Les deux questions dont je suis saisie sont les suivantes :

  1. Devrais-je exercer mon pouvoir discrétionnaire et accorder un délai supplémentaire pour la présentation de la demande de permission d’en appeler ?
  2. Si oui, l’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Bref historique des procédures

[3] Aux fins de la présente demande, les dates importantes sont les suivantes :

  • Le 20 mars 2015, la division générale a rendu sa décision.
  • Le 22 juin 2015, le demandeur une prorogation d'au moins 15 mois du délai pour présenter une demande de permission d'appeler, alors que le délai habituel pour déposer une telle demande est de 90 jours. Le demandeur a expliqué qu'il était en plein déménagement et avait besoin de temps pour prévoir des rendez-vous et obtenir des rapports médicaux pour appuyer sa demande. Une prorogation de délai lui a été accordée jusqu'au 31 août 2015.
  • Le 31 août 2015, le demandeur n'avait toujours pas déposé sa demande de permission, mais son représentant a demandé une prorogation supplémentaire pour permettre au demandeur d'avoir « accès à des ressources juridiques et médicales ».
  • Le 18 septembre 2015, le Tribunal a écrit au demandeur pour l'informer qu'il devait fournir certains renseignements afin qu'un membre du Tribunal puisse décider s'il accueillait ou non une autre prorogation de délai pour déposer une demande de permission d'en appeler.
  • Le 22 janvier 2016, le demandeur a déposé une demande de permission d’en appeler. Il n'a pas fourni les renseignements demandés dans la lettre du Tribunal du 18 septembre 2015.
  • Le 8 avril 2016, le Tribunal a écrit au demandeur pour l'inviter à clarifier ses moyens d'appel.
  • Le 2 mai 2016, le demandeur a répondu à la lettre du Tribunal du 8 avril 2016.

Analyse

(a) Dépôt tardif de la demande

[4] Aux termes de l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), une demande de permission d’en appeler doit être présentée à la division d’appel dans les 90 jours suivant la date à laquelle un appelant reçoit communication de la décision faisant l’objet de l’appel.  Le paragraphe 57(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que : « La division d’appel peut proroger d’au plus un an le délai pour présenter la demande de permission d’en appeler. »

[5] Il n’existe aucune disposition accordant le droit à une prorogation.  Dans l'affaire Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 833, la Cour fédérale a énoncé les quatre éléments qui devaient être pris en considération  pour déterminer s’il y a lieu de proroger le délai de 90 jours qui est imparti à un demandeur pour déposer sa demande de permission d’en appeler.   Voici ces critères : il y a intention persistante de poursuivre la demande ou l'appel; la cause est défendable; le retard a été raisonnablement expliqué; et la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l'autre partie. Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204, la Cour d’appel fédérale a établi que la considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation serait dans l’intérêt de la justice, mais elle a aussi affirmé qu’il n'est pas nécessaire, pour proroger le délai, que les quatre questions concernant l’exercice du pouvoir discrétionnaire soient tranchées en faveur du requérant. Il ressort clairement de l’affaire Larkman que l’enquête sur l’intérêt de la justice ne se limite pas aux quatre facteurs Gattellaro et que d’autres facteurs peuvent être pris en compte.

[6] La représentante du demandeur, sa mère, soutient que le demandeur devrait avoir plus de temps pour présenter sa demande puisqu'il a attendu "de nombreuses années" avant que l'appel soit instruit devant la division générale. Elle prétend qu'il a besoin de plus de temps pour lui permettre d'avoir accès à des ressources juridiques et médicales. Elle souligne également qu'elle était préoccupée par d'autres questions, y compris être présente pour ses frères et sœurs qui ont eu chacun leurs problèmes de santé. Elle explique que le demandeur a besoin d'aide puisqu'il « ne sait pas comment procéder ».

[7] Le demandeur a informé le Tribunal qu'il présenterait une demande de permission d’en appeler dans les 90 jours, puis il a correspondu de nouveau avec le Tribunal le 31 août 2015. Il a expliqué qu'il avait besoin de plus de temps puisqu'il était en déménagement et souhaitait s'assurer d'obtenir des rapports médicaux. En outre, il se fiait en quelque sorte sur sa mère, qui était préoccupée par d'autres questions et ne pouvait offrir d'aide à son fils en temps opportun. Tandis que ces éléments ne méritent pas tous une prorogation, dans l'ensemble je suis convaincue que le demandeur avait une explication raisonnable pour le retard dans le dépôt de sa demande et qu'il a démontré une intention persistante de poursuivre la demande ou l'appel. J'estime également que la prorogation du délai ne causerait pas de préjudice à l'autre partie, étant donné que le retard occasionné n'est pas significatif.

[8] Je ne me suis pas penchée sur la question à savoir si la cause est défendable au point de mériter que je proroge le délai prévu pour présenter une demande de permission d’en appeler. Cependant, il est bien établi qu’un demandeur n’a pas à satisfaire aux quatre facteurs énoncés dans l’affaire Gattellaro et qu’il n’est pas nécessaire d’accorder le même poids à chacun de ces facteurs, du fait que la considération primordiale est celle à savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice. Dans l’intérêt de la justice et à la lumière des faits entourant la présente affaire, je suis disposée à proroger le délai prévu pour présenter une demande de permission d’en appeler et à examiner la question en litige à savoir si la cause est défendable dans le contexte de la demande de permission d’en appeler.

(b) Demande de permission d’en appeler

[9] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] Avant de pouvoir accorder une permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel se rattachent à l’un ou à l’autre des moyens d’appel admissibles prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale du Canada a récemment confirmé cette approche dans la décision Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

[11] Malgré la lettre du Tribunal du 8 avril 2016, le demandeur n'a identifié aucun moyen d'appel prévu au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. Néanmoins, cela ne met pas fin à mon examen de cette demande de permission d'en appeler puisque la Cour fédérale a mis le Tribunal en garde contre une application mécanique des termes de l'article 58 de la Loi sur le MEDS au moment d'exercer une fonction de contrôle : Karadeolian c.   Canada (Procureur général), 2016 CF 615 au paragraphe 10.  La Cour fédérale est d’avis que le Tribunal devrait examiner la preuve médicale et la comparer à la décision à l’étude.  Elle a écrit : [traduction] « Quand des éléments de preuve importants ont été probablement ignorés ou possiblement mal interprétés, la permission d'en appeler devrait être accordée malgré la présence de failles techniques dans la demande de permission. »

[12] J'ai examiné la preuve présentée devant la division générale. La division générale a résumé les antécédents médicaux du demandeur et ses traitements, de même que les éléments de preuve médicale. Le demandeur souffre de douleur chronique, particulièrement dans les épaules et les bras. Le demandeur a aussi déclaré qu'il avait des douleurs au dos et au nerf sciatique de la jambe droite, en plus de troubles du sommeil. La division générale a abordé, dans son analyse, chacun des problèmes médicaux du demandeur et chaque élément de preuve médicale. D'après mon examen du dossier d'audience, soit la division générale a ignoré une preuve importante, soit elle l'a mal interprétée. En conséquence, je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

[13] Le demandeur laisse supposer que les professionnels de la santé qu'il a consultés n'ont pas effectué d'examen exhaustif pour s'assurer de diriger le demandeur vers les bonnes ressources aux fins d'examen et de traitement, particulièrement pour faire évaluer les capacités fonctionnelles du demandeur. Il ne s'agit cependant pas d'un moyen d'appel prévu au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS.

[14] Le demandeur a précisé que d'autres rapports médicaux seraient disponibles, mais impliqueraient une réévaluation de la preuve. La Cour fédérale a récemment statué, dans l'affaire Canada (Procureur général) c. O’Keefe, 2016 CF 503, qu’un appel devant la division d’appel ne permet pas la présentation de nouveaux éléments de preuve et que l’appel est limité aux trois moyens énoncés au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS.  Partant de là, il est manifeste qu'un appel ne donne pas l'occasion de réévaluer la preuve. Rien ne laisse entendre, de la part du demandeur, que parmi les rapports médicaux à venir certains aborderaient un des moyens d'appel énoncés au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS.

Conclusion

[15] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

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