Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est refusée.

Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision rendue par la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale le 26 février 2016. La division générale avait tenu une audience au moyen de questions et réponses écrites et avait conclu que le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada (RPC). Elle avait conclu que son invalidité n’était pas « grave » préalablement à la date marquant la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), le 31 décembre 2010.

[2] Le 24 mai 2016, le demandeur a présenté à la division d'appel (DA), dans les délais prescrits, une demande de permission d'en appeler comportant le détail des moyens d’appel allégués. Pour accueillir cette demande, je dois être convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[3] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, (Loi sur le MESD), « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d'appel sans permission », et la division d'appel « accorde ou refuse cette permission ».

[4] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que la division d'appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[5] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’un motif d’appel susceptible de donner gain de cause à l’appel soit présenté : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines)Note de bas de page 1. Selon la Cour d’appel fédérale, la question de savoir si une affaire est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. Canada (PG)Note de bas de page 2.

[7] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond de l'affaire. C'est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais il est inférieur à celui auquel il devra faire face à l'audience de l'appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, la demanderesse n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[8] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[9] Dans sa demande de permission d'en appeler, le représentant du demandeur a présenté des observations que je catégoriserais comme suit :

En général

  1. Le demandeur a suivi un plan de traitement et a déployé des efforts raisonnables.
  2. Ses limites fonctionnelles importantes l'empêcheraient d'effectuer tout type de travail, même des travaux légers « très adaptés à ses besoins . De ce fait, il est atteint d'une invalidité grave et ne possède aucune capacité résiduelle de travailler.

Erreurs de fait alléguées

  1. La DG a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée puisqu’en particulier :
    1. Au paragraphe 33, la DG précise que le Dr Baer a songé à une opération au coude droit, en dépit du fait que le demandeur souffre d’une douleur chronique qui ne peut être traitée à l'aide d'une intervention chirurgicale, mais il ne l’a jamais pratiquée.
    2. Au paragraphe 35, la DG est d'avis que le demandeur n'a pas suivi les traitements comme il aurait dû, tandis que la preuve a démontré qu'il s'était soumis aux recommandations des médecins. Le non-respect peut s'expliquer par la gravité de son état auquel on fait référence au paragraphe 26.

Erreurs de droit alléguées

  1. La DG a commis une erreur de droit puisqu'elle n'a pas tenu compte, au paragraphe 34 de sa décision, de l'ensemble de la preuve. Elle n'a pas du fait que les caractéristiques personnelles du demandeur, y compris son niveau d'éducation, son expérience professionnelle et son incapacité à effectuer ses activités de la vie quotidienne, l'empêchaient d'occuper un emploi allégé ou sédentaire. Il a travaillé pendant plus de 20 ans comme déménageur et ne possède aucune compétence transférable dans un autre emploi convenable qui tiendrait compte de ses limitations connues.
  2. La DG estime que le demandeur avait l'obligation de trouver un autre emploi, même si selon la preuve il était incapable d'occuper un emploi allégé ou sédentaire. Comme on peut le lire dans l'affaire Leduc c. MNHWNote de bas de page 3, bien qu'il puisse y avoir une possibilité théorique que le demandeur soit capable, malgré ses déficiences, d'occuper un type d'emploi non identifié, la question qui demeure consiste à déterminer s'il est réaliste de postuler qu'un employeur puisse éventuellement l'engager, étant donné ses difficultés bien documentées.

Analyse

En général

[10] Le demandeur soutient qu'il souffre de limitations fonctionnelles qui l'empêchent d'occuper quelque emploi que ce soit. Il affirme également qu'il a fait les efforts raisonnables pour être traité.

[11] J’estime que ces supposés moyens d’appel, s'ils en sont, sont si vastes qu’ils correspondent à une demande de trancher de nouveau la demande. Malgré les protestations du demandeur à l'effet du contraire, il s'agit essentiellement d'un résumé des observations présentées devant la DG. Si le demandeur demande que je réexamine et réévalue la preuve pour remplacer la décision de la DG par une décision qui lui est favorable, je ne suis pas en mesure de le faire. J'ai seulement le pouvoir de déterminer si l’un de ses motifs d’appel se rattache à l’un des moyens d’appel énoncés au paragraphe 58(1) et si l'un d'entre eux a une chance raisonnable de succès.

[12] Comme le demandeur n'a déterminé aucune erreur de fait particulière de la part de la DG, il m’est impossible d’accorder la permission d'appeler aux termes de ces moyens d'appel.

Erreurs de fait

Opération au coude droit

[13] Le demandeur s'oppose au passage du paragraphe 33 de la décision de la DG, dans lequel la DG semble avoir tiré une conclusion défavorable en soulignant le fait que le demandeur a été pressenti pour une intervention chirurgicale au coude droit, mais ne l'a jamais subie. Le demandeur a fait valoir que la DG n'avait pas tenu compte de sa douleur chronique, que l'intervention chirurgicale n'aurait pu soulager.

[14] Je ne crois pas que pour ce motif l'appel ait une chance raisonnable de succès. L'extrait pertinent du paragraphe 33 se lit comme suit : « Le Dr Baer a affirmé, le 20 janvier 2009, que l’intervention chirurgicale pourrait être envisagée si la douleur au coude droit persistait. Cependant, rien au dossier n'indique que cette opération serait ultimement nécessaire ou devrait ultimement être pratiquée. »

[15] Le demandeur souligne avec justesse qu'il a reçu un diagnostic de douleur chronique, mais rien dans la preuve ne m'indique que la DG n'était pas au courant de ce fait. Au contraire, la division générale a fait référence, dans sa décision, à plusieurs rapports d'évaluation de la CSPAAT, qui traitaient de ce diagnostic. En effet, au paragraphe 33, que le demandeur considère comme problématique, traite expressément de la douleur chronique, même si ce n'est que pour la faire ressortir comme un obstacle à un emploi exigeant de légers travaux.

[16] Bien que le demandeur se soit retrouvé ultimement avec un trouble de la douleur chronique, on contestait toujours l'origine de sa douleur au début 2009, au moment où des spécialistes tels que Dr Baer lui faisaient subir des examens. D’après mon examen de la décision, la DG a résumé - avec précision - l'examen de la part du rhumatologue, qui concluait que l'intervention chirurgicale pourrait éventuellement être nécessaire. Si, comme je le soupçonne, la DG ne faisait rien d'autre que de souligner que les problèmes mécaniques avaient été écartés comme source de douleur chez le demandeur, je ne conçois aucune cause défendable selon laquelle la DG aurait déformé les propos du Dr Baer ou en aurait tiré des conclusions déraisonnables.

Non-respect des traitements

[17] Le demandeur soutient également qu'en concluant qu'il n'avait pas suivi les traitements, la DG n'avait pas tenu compte de la preuve selon laquelle le demandeur suivait généralement les conseils médicaux ou ne les suivait pas en raison de la gravité de son état.

[18] J’estime que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès sur ce motif. Le paragraphe 35 se lit comme suit :

En outre, le Tribunal estime que l'appelant n'a pas suivi ses traitements comme il se devait. Le Tribunal a tenu compte de l'affaire Bulger c. MDRH (18 mai 2000), CP 9164 (CAP), selon laquelle une personne qui présente une demande de pension d'invalidité se doit d'accepter les recommandations en matière de traitement et de se soumettre à ceux-ci, et dans le cas contraire le demandeur doit démontrer le caractère raisonnable de sa non-conformité. Le 21 janvier 2010, le Dr Nathanson a mentionné que le demandeur pourrait avoir besoin d'un traitement spécialisé contre l'alcoolisme s'il continue à boire malgré sa participation au PRF. Le Dr Nathanson a également recommandé l'ajout de médicaments contre l'insomnie et la dépression, que le demandeur n'a pas pris. Le 26 mars 2010, monsieur Meaney a signalé que le demandeur n'avait pas assisté à plusieurs rencontres prévues et qu'il s'était absenté 12 jours sur 30 pendant les traitements, pour cause de maladie. Le Dr Nathanson a recommandé au demandeur de participer à un plan de traitement personnalisé étant donné la gravité de ses problèmes de toxicomanie. Cependant, rien n'indique que l'appelant a suivi ou tenté de suivre un tel traitement. Puisque l'appelant n'a pas réussi à démontrer le caractère raisonnable de sa non-conformité, le Tribunal conclut qu'il n'a pas fait d'efforts raisonnables pour améliorer sa santé.

[19] Le demandeur relève le paragraphe 26 de la décision, probablement comme preuve qu'il n'a pas pu suivre les recommandations en raison de son état. Ce paragraphe résume les précautions de l'équipe de retour au travail de la CSPAAT à l'égard des mouvements répétitifs et des postures prolongées. La DG était donc consciente des limites du demandeur. De telles limites ont par la suite été prises en considération dans le contexte de l'analyse, où la DG les a évaluées par rapport aux autres éléments de preuve, avant de conclure que le demandeur possédait une capacité résiduelle de travailler.

[20] Outre les séances offertes par la CSPAAT, auxquelles le demandeur ne s'est pas présenté, la DG a cité en exemples plusieurs situations où le demandeur n'a pas suivi les recommandations de traitement, notamment son absence aux séances de counseling portant sur l'alcoolisme et sur la toxicomanie, et son refus de prendre les médicaments contre l'insomnie et contre la dépression. Le demandeur n'a précisé aucune erreur factuelle sur laquelle se serait appuyée la DG pour conclure qu'il ne s'était pas conformé. Il n'a pas non plus relevé de circonstances atténuantes dont la DG aurait dû tenir compte.

Erreurs de droit

L’ensemble de la preuve médicale

[21] Le demandeur soutient que la DG a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de l'ensemble de la preuve médicale. Plus particulièrement, elle ne s'est pas demandé en quoi les antécédents et les caractéristiques personnelles du demandeur, en plus de ses différents troubles, nuisent à sa capacité de trouver un emploi véritablement rémunérateur de quelque sorte que ce soit.

[22] Bien qu'il ne l'invoque pas comme tel, le demandeur soutient que la DG n'a pas appliqué correctement l'arrêt Villani c. Canada (Procureur général)Note de bas de page 4 qui prévoit que la gravité de l'invalidité doit être évaluée dans un contexte « réaliste ». Comme l'a souligné le demandeur, cela signifie que pour évaluer la capacité de travailler d’une personne, le décideur doit tenir compte de facteurs tels que l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie.

[23] Mon examen de la décision de la DG m’a permis de déterminer que l'appel du demandeur aurait une chance raisonnable de succès pour ce motif. La décision fait état d'une analyse détaillée des prétendus troubles du demandeur. Aussi, elle cite l'arrêt Villani et souligne des données biographiques - le fait qu'il était âgé de 50 ans, qu'il avait une 9e année et 20 ans d'expérience comme déménageur - qui pourraient avoir une influence sur son avenir professionnel. Au paragraphe 36, la DG a reconnu que le demandeur n'était plus capable d'effectuer un travail exigeant sur le plan physique, mais elle a décidé qu'il était encore capable d'effectuer un travail dont les tâches sont allégées. Je reprends les propos que la Cour d’appel fédérale a tenus dans l’affaire Villani :

...tant et aussi longtemps que le décideur applique le critère juridique adéquat pour la gravité de l’invalidité – c’est-à-dire qu’il applique le sens ordinaire de chaque mot de la définition légale de la gravité donnée au sous-alinéa 42(2)a)(i), il sera en mesure de juger d’après les faits si, en pratique, un requérant est incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. L’évaluation de la situation du requérant est une question de jugement sur laquelle la Cour hésite à intervenir.

[24] Je ne pourrais pas renverser l’évaluation effectuée par la DG, car elle a appliqué le critère juridique adéquat et pris en compte la situation personnelle du demandeur.

Obligation de trouver un emploi

[25] Le demandeur soutient que la DG a commis une erreur en avançant qu'il avait l'obligation de trouver un autre emploi même si la preuve laissait supposer qu'il n'était plus en mesure d'occuper quelque emploi que ce soit. En citant l'affaire Leduc, le demandeur a considéré la possibilité qu'il soit capable de conserver un emploi comme étant plus que « théorique ».

[26] La question soulevée par le demandeur porte sur la mitigation, un aspect qui a été abordé directement par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Inclima c. Canada (PG)Note de bas de page 5:

[…] un demandeur qui dit répondre à la définition d’incapacité grave doit non seulement démontrer qu’il (ou elle) a de sérieux problèmes de santé, mais dans des affaires comme la présente, où il y a des preuves de capacité de travail, il doit également démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé.

Le demandeur soutient que la DG a commis une erreur en concluant qu'il avait la capacité de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice en décembre 2010.

[27] Je reconnais que le simple fait de citer Inclima ne suffit pas. Il doit aussi y avoir des indices que le décideur a bien appliqué les principes aux faits. Le demandeur est d'avis qu'aucune preuve ne démontre qu'il avait la capacité de travailler. Il soutient également que la DG a erré en concluant qu'il était capable de travailler à la fin de sa période minimale d'admissibilité. Bien sûr, le seul but de l'audience était de déterminer si le demandeur avait une telle capacité. La DG avait la compétence pour apprécier la preuve et d'en tirer des conclusions dans les limites de la loi. L'arrêt Inclima exige qu'en cas de preuve d’une certaine capacité à travailler (contrairement à aucune capacité du tout), le Tribunal cherche à savoir si un demandeur a effectué des démarches pour trouver un emploi qui convient à son état de santé. Si le demandeur n'a pas effectué de telles démarches ou a cessé de travailler pour des raisons autres que son état de santé, le tribunal peut être justifié de tirer une conclusion défavorable.

[28] En l'espèce, après avoir procédé à ce qui semble être une évaluation rigoureuse de la preuve médicale, la DG a conclu que le demandeur avait une capacité résiduelle de fonctionner qui justifiait une enquête du même type que celui énoncé dans l'arrêt Inclima, même s'il souffrait de douleur chronique, d'une blessure au coude et au dos, et de dépendance à l'alcool et aux autres substances. Le paragraphe 34 indique que la DG s'est appuyée sur le dossier médical pour décider si les efforts déployés par le demandeur pour se trouver un autre emploi étaient suffisants.

[29] Je ne suis pas convaincu que le demandeur a une cause défendable en se fondant sur ce moyen.

Conclusion

[30] Puisque le demandeur n'a présenté aucun moyen d'appel susceptible d'avoir des chances raisonnables de succès, la demande est refusée.

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