Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est accordée.

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision rendue par la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale le 22 février 2016. La DG avait tenu une audience par téléconférence et conclu que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC), ayant conclu que son invalidité n’était pas « grave » avant que prenne fin sa période minimale d’admissibilité (PMA), le 31 décembre 2016.

[2] Le 20 mai 2016, la demanderesse a présenté à la division d'appel (DA), dans les délais prescrits, une demande de permission d'en appeler précisant les moyens d’appel allégués. Pour accueillir cette demande, je dois être convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[3] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la DA sans permission et la DA accorde ou refuse cette permission.

[4] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que DA rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[5] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la DG n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’un motif d’appel susceptible de donner gain de cause à l’appel soit présenté : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. La Cour d’appel fédérale a statué que la question de savoir si une affaire est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[7] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une instruction de l’affaire sur le fond. C’est un premier obstacle que la demanderesse doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel elle devra faire face lors de l’instruction de l’affaire sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, la demanderesse n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[8] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[9] Dans sa demande de permission d’en appeler, la demanderesse a présenté les observations suivantes :

  1. La DG a commis une erreur de droit du fait qu’elle n’a pas appliqué les dispositions prescrites par la Cour fédérale dans Villani c. CanadaNote de bas de page 3, qui exige que le critère relatif à la gravité de l’invalidité du requérant soit évalué dans un contexte réaliste qui tient compte de son employabilité sur le marché du travail. En l’espèce, la DG n’a pas tenu compte de cette dimension du critère énoncé dans Villani, s’étant seulement attardée à l’âge, au niveau d’instruction, aux aptitudes linguistiques et à l’expérience professionnelle et personnelle de la demanderesse.
  2. La DG a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée quand elle a conclu, au paragraphe 26 de sa décision, que la demanderesse avait continué de démontrer une aptitude à travailler à temps partiel après avoir été congédiée. En fait, la preuve révèle que son employeur ne lui avait fourni que des mesures d’adaptation temporaires, en lui permettant de travailler des jours non consécutifs depuis la maison. KPMG a cependant conclu, en définitive, que l’état de santé de la demanderesse l’empêchait de travailler à titre de gestionnaire principale, mais aussi d’occuper tout poste au sein de la firme, comme celle-ci l’a indiqué dans une lettre datée du 30 novembre 2015, document auquel la DG a fait référence dans sa décision.

Analyse

a) Villani

[10] La demanderesse soutient que la DG a mal appliqué la décision Villani puisqu’elle n’a pas considéré comment ses détériorations la rendaient inemployable dans un contexte réaliste. Si la demanderesse reconnaît que la DG a tenu compte de ses facteurs personnels, elle fait valoir qu’elle aurait dû se demandeur pourquoi un employeur potentiel embaucherait un individu souffrant de douleur chronique et de restrictions qui l’empêchent de travailler des journées non consécutives.

[11] Après avoir examiné la décision de la DG, j’estime que ce motif au moins présente une chance raisonnable de succès. Je suis d’accord que la décision Villani ne requiert pas uniquement de tenir compte des facteurs personnels du requérant, mais également d’évaluer ces facteurs personnels en relation avec ses détériorations prétendues et les impératifs commerciaux auxquels font face les employeurs. En l’espèce, la DG a conclu que les détériorations de la demanderesse ne l’empêchaient pas d’occuper un emploi à temps partiel [traduction] « régulier », compte tenu de son âge relativement peu avancé et de son éducation. Cela dit, je crois qu’il est possible de soutenir que la DG n’ait pas bien tenu compte de la réalité du marché du travail : Une personne dite capable, au mieux, d’occuper un emploi sédentaire en travaillant des jours non consécutifs, est-elle capable de détenir une occupation « véritablement rémunératrice »?

b) Capacité à travailler à temps partiel

[12] La demanderesse allègue que la DG a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée puisqu’elle n’a pas tenu compte des circonstances entourant son congédiement de KPMG. À mon avis, ce motif correspondant davantage à une potentielle erreur mixte de droit et de fait, puisqu’il est également fondé sur l’argument voulant que la DG n’a pas suffisamment mis l’accent sur la dimension de « régularité » présente au sous-alinéa 42(2)a)(i) du RPC, qui précise le critère relatif au caractère « grave » d’une invalidité.

[13] Au paragraphe 28 de sa décision, la DG a cité à juste titre la jurisprudence afin d’assimiler la régularité à la prévisibilité et à la capacité de se rendre au travail aussi souvent que nécessaire. En fin de compte, l’un des facteurs qui semble le plus avoir influencé la décision de la DG est ce qu’elle a conclu être la capacité supposée de la demanderesse à occuper un emploi à temps partiel – huit heures par jour, deux fois par semaine – entre mai et juillet 2015. À cet égard, je suis d’accord que la demanderesse dispose d’une cause défendable au motif que la DG n’a pas bien tenu compte de son congédiement de KPMG et des raisons qui sous-tendent ce congédiement. Même si la DG a reconnu que la demanderesse avait perdu son emploi, elle a conclu, au paragraphe 26 de sa décision, qu’elle avait été congédiée pour d’autres raisons que son incapacité :

[traduction]

Elle a été congédiée non pas parce qu’elle était inapte, mais bien parce que l’employeur pour lequel elle travaillait avant son accident ne pouvait pas lui offrir de travail qui convienne à ses restrictions médicales.

[14] Selon moi, il existe une cause défendable au motif que la DG n’ait pas correctement ou entièrement fait état de la lettre de congédiement de KPMG datée du 30 novembre 2015, qui indiquait ce qui suit :

[traduction]

Malheureusement, nous n’avons pas pu trouver de poste qui convienne à vos restrictions médicales sans imposer de contraintes excessives à KPMG. D’après les renseignements médicaux fournis par votre médecin, il semble que vous continuerez de présenter ces restrictions médicales pour une période indéterminée, et il n’y a tout simplement pas de poste offert au service de Fiscalité de KPMG qui vous permettrait de faire du travail gratifiant compte tenu de ces restrictions.

[15] J’estime qu’un appel sur ce motif a une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[16] J’accueille la demande de permission d’en appeler sur le fondement que la DG pourrait avoir (i) commis une erreur de droit en n’appliquant mal la décision Villani et (ii) commis une erreur de fait et de droit en ne tenant pas compte de la dimension de régularité du critère relatif à l’invalidité tout en ayant bien tenu compte des raisons pour lesquelles KPMG a congédié la demanderesse.

[17] J’invite aussi les parties à présenter leurs observations sur la pertinence de tenir une nouvelle audience et, si une audience s’avère nécessaire, sur le type d’audience qui convient.

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