Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est refusée.

Introduction

[1] Le demandeur demande la permission d’en appeler de la décision rendue par la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale le 15 mars 2016. La DG avait tenu une audience par téléconférence et conclu que le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC), ayant conclu que son invalidité n’était pas « grave » avant que prenne fin sa période minimale d’admissibilité (PMA), le 31 décembre 2012.

[2] Le 31 mai 2016, le demandeur a présenté à la division d'appel (DA), dans les délais prescrits, une demande de permission d'en appeler précisant les moyens d’appel allégués. Pour accueillir cette demande, je dois être convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[3] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la DA sans permission et la DA accorde ou refuse cette permission.

[4] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que la DA rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[5] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’un motif susceptible de donner gain de cause à l’appel soit présenté : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. La Cour d’appel fédérale a statué que la question de savoir si une affaire est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[7] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une instruction de l’affaire sur le fond. C'est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel il devra faire face lors de l’instruction de l'appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[8] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[9] Dans sa demande de permission d’en appeler, le demandeur a présenté les observations suivantes :

  1. La DG a commis une erreur de droit du fait qu’elle n’a pas tenu compte de l’ensemble des éléments de preuve qui lui avaient été présentés lorsqu’elle a conclu que le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité. Le demandeur est atteint d’une invalidité grave et prolongée au sens de l’alinéa 42(2)a) du RPC.
  2. Il a cessé de travailler en raison de ses blessures au poignet gauche, au bras et à l’épaule. Il continue de souffrir de douleur chronique, de dépression et de troubles du sommeil malgré l’opération qu’il a subie. Il est incapable de soulever des objets ou d’exécuter des tâches répétitives, et il a de la difficulté à prendre soin de lui-même et à effectuer de l’entretien ménager. Il a consulté des spécialistes et pris de nombreux médicaments, mais sans grand résultat. Il continue de consulter son médecin de famille, mais aucune amélioration n’est prévue. Ses prestataires de soins s’entendent pour dire que le demandeur est invalide de façon permanente et qu’il est improbable qu’il puisse de nouveau détenir une occupation rémunératrice.
  3. La DG n’a pas tenu compte d’un rapport psychiatrique daté du 13 juin 2013, dans lequel le Dr Panjwani concluait que l’état psychologique du demandeur découlait probablement de son accident de travail, compte tenu de la corrélation temporelle entre l’apparition des symptômes et la blessure. Dr Panjwani a donné au demandeur un score de 40 à l’évaluation globale de fonctionnement et a conclu que le demandeur était entièrement incapable de détenir une occupation rémunératrice. Son pronostic à long terme demeurait réservé.
  4. La DG a erré du fait qu’elle n’a pas appliqué les principes de l’arrêt Villani c. CanadaNote de bas de page 3, lequel requiert de tenir compte de facteurs comme l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques et l’expérience professionnelle et personnelle. Le demandeur était âgé de 53 ans au moment de l’audience et a terminé une 10e année en Inde. Il n’a jamais suivi de cours d’anglais langue seconde et il ne maîtrise pas bien l’anglais à l’oral comme à l’écrit. Il a seulement occupé des emplois de type manuel où il était entouré de collègues qui parlaient des langues s’apparentant au pendjabi, sa langue maternelle. Dans un contexte réaliste, ses chances de retrouver un emploi convenable sont fortement amoindries.

Analyse

Défaut de considération de l'ensemble de la preuve

[10] Le demandeur allègue que la DG a commis une erreur en ne tenant pas compte de l'ensemble des déficiences qui l'ont rendu invalide. Si le demandeur n’a pas précisé les déficiences que la DG a, selon lui, ignorées, il est de jurisprudence constante qu’un tribunal administratif chargé de tirer des conclusions de fait est présumé avoir tenu compte de tous les éléments de preuve portés à sa connaissance et n’est pas tenu d’aborder chacun des détails contenus dans les observations des partiesNote de bas de page 4. Cela dit, j’ai examiné la décision de la DG et je n’ai rien trouvé qui indiquerait qu’elle ait ignoré une dimension importante de l’une des affections prétendues du demandeur ou qu’elle n’en ait pas adéquatement tenu compte.

[11] La décision de la DG contient un résumé exhaustif de la preuve médicale, y compris de nombreux rapports qui documentent les examens et le traitement pour les différents problèmes de santé du demandeur. La décision se termine par une analyse qui, quoique relativement brève, donne à penser que la DG a valablement évalué la preuve avant de conclure que le demandeur possédait une capacité résiduelle pour régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice. Ce faisant, la DG a noté la formation d’appoint de la CSPAAT et le témoignage du demandeur, selon lequel il aurait pu continuer de faire des travaux légers après ses blessures, si son usine n’avait pas été fermée. La DG a également fait référence aux dossiers médicaux du Dr Kim, son médecin de famille, et à un rapport de mars 2012 portant sur une évaluation des capacités fonctionnelles, dans lequel il a été conclu que le demandeur pouvait conduire et effectuer ses activités quotidiennes de façon autonome.

‏[12] J’estime que ce moyen d’appel ne donne lieu à aucune cause défendable.

Défaut de reconnaissance de la gravité de l'état de santé du demandeur

[13] Il faut dire que les observations du demandeur, en bonne partie, récapitulent essentiellement la preuve et les arguments qui avaient déjà été présentés à la DG. Le demandeur allègue que la DG a rejeté son appel en dépit de la preuve médicale indiquant que son état global était « grave », conformément aux critères du RPC.

[14] Mis à part cette allégation générale, le demandeur n'a pas précisé la façon dont la DG aurait manqué à un principe de justice naturelle, commis une erreur de droit ou tiré une conclusion de fait erronée en rendant sa décision. Mon examen de la décision de la DG porte à croire que la DG a analysé, et ce de façon minutieuse, les problèmes de santé dont prétend souffrir le demandeur, à savoir, principalement, des microtraumatismes répétés à son extrémité gauche supérieure consécutifs à une dépression, et la question de savoir s’ils le rendaient régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice durant sa PMA. Ce faisant, elle a tenu compte des antécédents du demandeur, notamment son âge, son niveau d’instruction limité et ses aptitudes limitées en anglais, mais a conclu qu’ils ne représentaient pas des obstacles importants à sa capacité de se recycler ou d’occuper un autre emploi.

[15] Bien que les demandeurs ne soient pas tenus de prouver les moyens d'appel à l'étape de la permission d'en appeler, ils doivent présenter, à l'appui de leurs observations, certains fondements rationnels qui cadrent avec les moyens d'appel énumérés. Il ne suffit pas à un demandeur de signifier son désaccord avec la décision de la DG, ni d’exprimer sa conviction ininterrompue que ses problèmes de santé le rendent invalide au sens du RPC.

[16] En l'absence d’une allégation d’erreur précise, j'estime que le moyen d'appel invoqué est si vaste qu'il revient à demander de statuer à nouveau sur l’ensemble de la demande. Si le demandeur me demande de réexaminer et de réévaluer la preuve et de substituer ma décision à celle de la DG pour qu’elle lui soit favorable, je ne peux honorer ce souhait. En tant que membre de la DA, je n’ai compétence que pour déterminer si l’un de ses motifs d’appel se rattache aux moyens d’appel énumérés au paragraphe 58(1) et si l’un d’eux confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[17] J’estime que ces moyens ne présentent aucune chance raisonnable de succès.

Rapport de juin 2013 du Dr Panjwani

[18] Le demandeur allègue que la DG a erré en ne tenant pas compte d’un rapport psychiatrique essentiel, mais force m’est de disconvenir. D’une part, il est bien connu qu’un tribunal administratif est réputé avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve lui ayant été présentée, à moins d’une preuve probante qui indiquerait le contraire. D’autre part, la décision indique de façon claire que la DG a bel et bien tenu compte du rapport du Dr Panjwani; en effet, le paragraphe 41 présente un résumé de ses conclusions, y compris son pronostic [traduction] « réservé ». Enfin, la DG a traité de l’état psychologique du demandeur dans son analyse, notant que le Dr Panjwani ne lui avait pas fait commencer de traitement avant l’expiration de la PMA.

[19] Je ne constate pas de cause défendable fondée sur ce moyen.

Défaut d’application de l’arrêt Villani

[20] La DG a résumé les caractéristiques personnelles du demandeur au paragraphe 8 de sa décision, puis elle a mentionné le bon critère au paragraphe 85. Elle a ensuite examiné plus longuement ses antécédents au paragraphe 86, avant de conclure que la capacité dont il avait fait preuve pour effectuer des travaux légers à son usine d’assemblage signifiait que son âge, son niveau d’instruction et ses aptitudes linguistiques ne l’empêchaient pas d’occuper un emploi.

[21] Dans l'arrêt Villani, la Cour d'appel fédérale s'est exprimée en ces mots :

[...] tant et aussi longtemps que le décideur applique le critère juridique adéquat pour la gravité de l’invalidité – c’est-à-dire qu’il applique le sens ordinaire de chaque mot de la définition légale de la gravité donnée au sous-alinéa 42(2)a)(i), il sera en mesure de juger d’après les faits si, en pratique, un requérant est incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. L’évaluation de la situation du requérant est une question de jugement sur laquelle la Cour hésite à intervenir.

[22] Je m’abstiendrais d’infirmer l'évaluation menée par la DG dans la mesure où elle a appliqué le bon critère juridique et considéré les perspectives d'emploi réalistes pour le demandeur compte tenu de ses détériorations ainsi que de son profil personnel. Comme le demandeur n’a pas démontré la façon dont la DG a mal appliqué l’arrêt Villani, j’estime qu’il n’existe pas de cause défendable fondée sur ce moyen.

Conclusion

[23] Comme le demandeur n’a soulevé aucun moyen d’appel aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS qui aurait une chance raisonnable de succès, la demande est rejetée.

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