Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] Il s’agit d’un appel portant sur une décision de la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale (TSS ou Tribunal) de rejeter de façon sommaire l’appel de l’appelante relatif à une demande de prestations d’invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada (RPC), car la DG a conclu qu’elle ne pouvait pas remplacer ses prestations de retraite par des prestations d’invalidité si la date de début d’invalidité était avant le début de sa pension de retraite. La DG a rejeté l'appel parce qu'elle n'était pas convaincue qu'il avait une chance raisonnable de succès.

[3] Il n’est pas nécessaire de demander la permission d'interjeter appel en vertu du paragraphe 53(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), parce qu’un rejet sommaire de la part de la DG peut faire l’objet d’un appel de plein droit.

[4] Comme il a été établi qu’il n’est pas nécessaire d’entendre davantage les parties, une décision doit être rendue relativement à l'appel, comme l’exige l’alinéa 37a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement sur le TSS).

Aperçu

[5] L’appelante a demandé et commencé à recevoir une pension de retraite du RPC à partir de juillet 2013. Elle a présenté une demande de prestations d’invalidité du RPC le 20 août 2015. Dans sa demande, elle a déclaré souffrir d'arthrose aux genoux, trouble pour lequel elle a subi un remplacement du genou droit en juin 2015. En raison de ce trouble, elle a vécu de graves problèmes de mobilité. Son médecin de famille l'a informée que le trouble était progressif et que le pronostic était réservé. Elle a travaillé pour la dernière fois en mai 2015 en tant que commis-vendeuse.

[6] L'intimé a refusé la demande au stade initial et après révision parce qu'elle a été présentée plus de 15 mois après que l'appelante a commencé à recevoir sa pension de retraite. Le 29 octobre 2015, l'appelante a interjeté appel de ces refus devant la DG. Dans une décision datée du 25 mai 2016, la DG a rejeté de façon sommaire l'appel de l'appelante au motif que la loi ne permet pas d'annuler une pension de retraite pour la remplacer par une pension d'invalidité plus de 15 mois après le début du versement de la pension de retraite.

[7] Le 10 juin2016, l'appelante a interjeté appel de la décision de rejet sommaire devant la division d'appel (DA) du Tribunal en prétendant que la DG avait commis des erreurs. J'ai conclu qu'une audience de vive voix n'est pas nécessaire et que l'appel sera instruit sur le fondement du dossier documentaire pour les motifs suivants :

  1. le dossier est complet et ne nécessite aucune clarification;
  2. ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le TSS selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle le permettent.

Droit applicable

[8] le paragraphe 53(1) de la LMEDS, qui stipule que la DG rejette de façon sommaire l’appel si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès; en vertu du paragraphe 56(2), aucune permission d’en appeler n’est requise pour interjeter appel d’un rejet sommaire devant la DA.

[9] Le paragraphe 54(1) de la LMEDS énonce clairement que la DG peut seulement rendre une décision qui aurait autrement été prise par le ministre :

La division générale peut rejeter l’appel ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision visée par l’appel ou rendre la décision que le ministre ou la Commission aurait dû rendre.

[10] L’article 22 du Règlement sur le TSS dispose qu’avant de rejeter un appel de façon sommaire, la division générale doit aviser l’appelant par écrit et lui donner un délai raisonnable pour présenter des observations.

[11] Conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[12] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n'a pas atteint l'âge de 65 ans;
  2. b) ne reçoit pas une pension de retraite du RPC;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[13] L’exigence selon laquelle le demandeur ne doit pas recevoir de pension de retraite du RPC figure aussi au paragraphe 70(3) du RPC, qui énonce que, une fois qu’une personne commence à recevoir une pension de retraite du RPC, elle ne peut en aucun cas demander ni redemander de pension d’invalidité. Il y a une exception à cette disposition à l’article 66.1 du RPC.

[14] L’article 66.1 du RPC et l’article 46.2 du Règlement sur le TSS autorisent un bénéficiaire à demander la cessation d’une prestation une fois qu’elle a commencé à être payée si la demande d’annulation de la prestation est présentée par écrit dans les six mois suivant le début du paiement de la prestation.

[15] Si le bénéficiaire ne demande pas la cessation de la prestation dans les six mois suivant la date où le paiement de la prestation a commencé, la seule façon d’annuler une pension de retraite pour la remplacer par une prestation d’invalidité est de présenter une déclaration d’invalidité du bénéficiaire avant le mois au cours duquel il a commencé à toucher sa pension de retraite (paragraphe 66.1(1.1) du RPC).

[16] Le paragraphe 66.1(1.1) du RPC doit être lu en tenant compte de l’alinéa 42(2)b), qui énonce qu’une personne n’est pas réputée être devenue invalide à une date antérieure de plus de 15 mois à la date de réception d’une demande de prestation d’invalidité par l’intimé.

[17] En vertu de ces dispositions, le RPC ne permet pas l’annulation d’une pension de retraite pour la remplacer par une pension d’invalidité lorsque la demande de pension d’invalidité est présentée 15 mois ou plus après le début du paiement de la pension de retraite.

Norme de contrôle

[18] Jusqu’à tout récemment, il était convenu que les appels devant la DA étaient régis par les normes de preuve énoncées dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-BrunswickNote de bas de page 1 par la Cour suprême du Canada.Dans les affaires comportant des allégations d'erreur de droit, ou de manquements aux principes de justice naturelle, la norme de la décision correcte serait la norme applicable, signifiant qu'un faible degré de déférence devait être accordé au premier palier de décision d'un tribunal administratif. Dans les affaires où on prétend que des conclusions de fait erronées ont été tirées, il a été conclu que la norme à appliquer est celle de la décision raisonnable, qui correspond à une décision où on hésite à intervenir dans les conclusions tirées par l'organe responsable en entendant un témoignage factuel.

[19] Dans l’affaire Canada (MCI) c. HuruglicaNote de bas de page 2, la Cour d’appel fédérale a rejeté cette approche en concluant que les tribunaux administratifs ne devraient pas avoir recours à des normes de contrôle ayant été conçues aux fins d’application dans les cours d’appel. Les tribunaux administratifs devraient plutôt se fier en premier lieu à leur loi constitutive pour déterminer leur rôle.

Questions en litige

[20] Les questions que je dois trancher sont les suivantes :

  1. Quelle norme de contrôle s'applique pour examiner les décisions de la DG?
  2. Est-ce que la DG a commis une erreur lorsqu’elle a rejeté de façon sommaire la demande de prestations d’invalidité du RPC de l’appelante parce qu’elle recevait déjà une pension de retraite du RPC ?

Observations

[21] Dans son avis d'appel daté du 10 juin 2016, l'appelante a offert une chronologie de sa demande de prestations d'invalidité du RPC et a formulé les observations suivantes :

  1. L'appelante n'aurait pas pu prédire sa situation et elle croit que ses demandes auraient dû être examinées de manière individuelle.
  2. Toutes les options offertes en matière de traitement n'avaient pas été explorées au moment où elle a touché une pension de retraite anticipée en juillet 2013. Des injections de Monovisc ont été faites en octobre 2013, et la décision de subir une chirurgie au genou droit n'a pas été prise avant décembre 2014, moment auquel le délai de six mois prévu pour annuler la pension de retraite était expiré depuis longtemps.
  3. Dans sa décision, la DG a déclaré que l'appelante recevait encore des prestations de maladie de l'assurance-emploi à la suite de sa chirurgie en juin 2015 alors que, en fait, les prestations ont seulement été versées pendant une période totale de 15 semaines. Ces prestations ont été versées pour la dernière fois en septembre 2015.
  4. La décision de toucher des prestations de retraite anticipée du RPC n'a pas été prise à la hâte par l'appelante. Elle était fondée sur un ensemble particulier de circonstances relatives à sa situation d'emploi. Il n'y avait aucune façon pour elle de savoir qu'elle aurait des répercussions à long terme aussi importantes. Elle s'est appuyée sur le conseil de Service Canada et elle a présenté une demande de prestations du RPC afin de survivre sur le plan financier jusqu'à ce qu'elle soit rétablie de sa seconde chirurgie. Elle souhaite que cette chirurgie atténue sa douleur et qu'elle lui permette de retourner travailler.

[22] L’intimé n’a présenté aucune observation.

Analyse

Norme de contrôle

[23] Bien que l'arrêt Huruglica concerne une décision qui émanait de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, elle a des répercussions sur d'autres tribunaux administratifs. Dans cette affaire, la Cour d'appel fédérale a conclu que l'importation de principes de contrôle judiciaires, comme il a été mentionné dans l'arrêt Dunsmuir, vers les tribunes administratives était inappropriée, car celles-ci pourraient refléter des priorités législatives autres que l'impératif constitutionnel de préserver la primauté du droit. [traduction] « Il ne suffit pas d'assumer que la chose étant jugée comme la meilleure politique pour les cours d'appel s'applique également à des cours d'appel administratives particulières. »

[24] Cette situation mène la Cour à déterminer du critère approprié qui découle entièrement de la loi dominante d'un tribunal administratif :

[...] la détermination du rôle d’un organisme administratif d’appel spécialisé est purement et essentiellement une question d’interprétation des lois, parce que le législateur peut concevoir tout type de structure administrative à plusieurs niveaux pour répondre à n’importe quel contexte. L'interprétation de la loi appelle l'analyse des mots de la LIPR [Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés] qui doivent être lus au regard de leur contexte global, selon leur sens grammatical et ordinaire, et en harmonie avec l’économie de la LIPR et son objet [...]. L’approche textuelle, contextuelle et téléologique requise par les principes d’interprétation législative modernes nous donne tous les outils nécessaires pour déterminer l’intention du législateur en ce qui a trait aux dispositions pertinentes de la LIPR et au rôle de la SAR [Section d'appel des réfugiés].

[25] En la matière, cela implique que la norme de la décision raisonnable ou de la décision correcte ne s’applique pas à moins que ces mots ou leurs variantes figurent spécifiquement dans la législation fondatrice. Si cette approche est appliquée à la LMEDS, on doit noter que les alinéas 58(1)a) et58(1)b) ne qualifie pas les erreurs de droit ou les manquements à la justice naturelle, ce qui suggère que la DA ne devrait pas faire preuve de déférence à l’égard des interprétations de la DG.

[26] Le mot « déraisonnable » ne se trouve nulle part dans l'alinéa 58(1)c), qui porte sur les conclusions de fait erronées. Le critère contient plutôt les qualificatifs « abusive ou arbitraire » ou « sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ». Comme on laisse entendre dans l'arrêt Huruglica, on doit accorder à ces mots leur propre interprétation, mais la formulation donne à penser que la DA doit intervenir si la DG fonde sa décision sur une erreur qui est clairement flagrante ou opposée au dossier.

Rejet sommaire

[27] La DG a rejeté l’appel de l’appelante parce que sa demande de prestations d’invalidité du RPC a été reçue en août 2015. La DG a conclu que, conformément à l’alinéa 42(2)b), la date la plus antérieure à laquelle l’appelante aurait pu être réputé invalide était en mai 2014, soit 15 mois avant que la demande soit présentée. Puisque la pension de retraite de l’appelante a commencé en juillet 2013, la DG a conclu qu’il n’était pas possible qu’elle soit jugée invalide avant le début des versements de sa pension de retraite. Par conséquent, la DG a conclu que la loi ne permettait absolument pas à l’appelante de remplacer sa pension de retraite par une pension d’invalidité.

[28] Après avoir examiné minutieusement la décision, je ne trouve pas d’indication que la DG aurait manqué à un principe de justice naturelle ou commis une erreur de droit ou de fait. La DG a évalué le dossier et conclu que l’appelante, en tant que bénéficiaire d’une pension de retraite du RPC, ne pouvait effectivement pas recevoir de prestations d’invalidité du RPC. Selon la DG, l’appelante n’a pas présenté de cause défendable selon les moyens qu’il a soulevés, et je ne vois aucune raison d’intervenir dans son raisonnement. J'ai seulement le pouvoir de déterminer si l’un de ses motifs d’appel se rattache à l’un des moyens d’appel énoncés et si l'un d'entre eux a une chance raisonnable de succès. Bien que l’analyse de la DG n’ait pas produit la conclusion souhaitée par l’appelante, il n’est pas mon rôle d’évaluer à nouveau les éléments de preuve; mon rôle consiste plutôt à déterminer si la décision est défendable en me fondant sur les faits et la loi.

[29] L'appelante a laissé entendre que la DG a commis une erreur en mentionnant le versement de prestations de maladie d'assurance-emploi à la suite de sa chirurgie en juin 2015, mais je ne constate aucune erreur. L'appelante a souligné que son assurance-emploi a seulement duré 15 semaines, mais la DG a clairement précisé que les prestations cesseraient bientôt. Quoi qu'il en soit, même si la DG a commis une erreur de fait à cet égard, je ne vois pas la mesure dans laquelle il s'agissait d'une erreur importante.

[30] Dans son avis d'appel, l'appelante a laissé entendre qu'elle ne peut plus travailler, mais la question en l'espèce n'est pas de savoir si elle souffre d'une invalidité considérée comme étant « grave et prolongée », mais plutôt si elle est frappée de prescription en ce qui concernant le versement de prestations d'invalidité du RPC parce qu'elle touche déjà une pension de retraite du RPC. Il est évident que l'appelante est en désaccord avec les dispositions du RPC qui limitent la capacité d'un requérant d'une pension de retraite anticipée de remplacer sa pension de retraite par une pension d'invalidité. Toutefois, le Tribunal, soit la DG et la DA, est tenu d’appliquer la loi comme elle est formulée. Le paragraphe 66.1(1.1) du RPC prévoit qu’un demandeur peut demander la cessation d’une prestation de retraite et la remplacer par une prestation d’invalidité que s’il est réputé être devenu invalide avant qu’il ait commencé à toucher sa prestation de retraite. Même si l’appelante était en mesure de prouver qu’elle était invalide, la date la plus antérieure, conformément à l’alinéa 42(2)b) du RPC, à laquelle elle pourrait commencer à recevoir des prestations d’invalidité du RPC aurait été en mai 2014, date qui était bien après la date à laquelle elle a commencé à recevoir sa pension de retraite du RPC et après le délai de six mois au cours duquel elle pouvait remplacer une pension de retraite par des prestations d’invalidité. L’appelante n’a pas contesté l’interprétation faite par la DG de ces dispositions du RPC et elle n’a pas présenté d’éléments de preuve à l’appui du fait qu’elle a bel et bien tenté d’annuler de sa pension anticipée de retraite dans les délais prescrits de six mois.

[31] L'appelante laisse entendre qu'il est possible qu'elle ne se soit pas rendu compte qu'elle était invalide au moment où elle a reçu des prestations de retraite anticipée du RPC en juillet 2013, car l'ensemble des options de traitement n'avait pas été étudié à ce moment-là. Malheureusement, la compréhension d'un requérant concernant son état n'est pas un facteur pouvant être pris en considération pour évaluer son admissibilité à une pension d'invalidité du RPC. Dans le même ordre d'idée, les besoins financiers et le manque de connaissance de la loi sont également des facteurs non pertinents.

[32] Il est clair que l’appelante estime que l’équité exige qu’elle se voie accorder des prestations d’invalidité. Dans ses observations aux deux paliers du TSS, l’appelante a en fait demandé qu’elles exercent leur pouvoir discrétionnaire pour convertir sa pension de retraite en prestations d’invalidité ou pour lui accorder des prestations d’invalidité rétroactivement. Malheureusement, le TSS n’a pas le pouvoir discrétionnaire pour prescrire un tel recours ; il peut seulement exercer la compétence que la loi lui confère. Cette position peut être appuyée par la décision Canada (MDRH) c. TuckerNote de bas de page 3 et par d’autres décisions dans lesquelles il a été tenu qu’un tribunal administratif n’est pas une cour, mais plutôt un décideur prévu par la loi et qu’il n’a pas la compétence d’accorder une quelconque forme de réparation équitable.

Conclusion

[33] Pour les motifs énoncés ci-dessus, l’appel est rejeté.

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