Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Motifs et décision

Comparutions

Appelante : R. B.

Représentante de l’appelante : Tamika Francis

Fille de l’appelante : B. B.

Représentante de l’intimé  : Faiza Ahmed Hassan

Stagiaire en droit : Justine Seguin

Introduction

[1] Dans une décision rendue le 7 octobre 2015, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a déterminé que l’appelante n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). Elle a présenté une demande de permission d’en appeler de la décision, et le 23 mars 2016, la division d’appel du Tribunal a accordé la permission d’en appeler.

[2] Cette audience a été tenue par vidéoconférence pour les raisons suivantes :

  1. La complexité de la question ou des questions portées en appel ;
  2. Les renseignements figurant au dossier et le besoin de renseignements supplémentaires ;
  3. Le mode d’audience est le plus approprié pour clarifier des éléments de preuve contradictoires ;
  4. Le fait que l’appelante ou les autres parties soient représentés ;
  5. Le fait que le matériel nécessaire à une vidéoconférence est disponible dans la région où réside l’appelante.

Question en litige

[3] La seule question que doit trancher la division d’appel est si la division générale a réglé de façon adéquate les questions de fonds nécessaires pour en arriver à ses conclusions concernant les circonstances « réelles » de l’appelante.

Droit applicable

[4] Les moyens d’appel sont énoncés au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS). Ceux-ci sont que la division générale :-

  1. a) n’a pas observé un principe de justice naturelle, a outrepassé sa compétence ou refusé de l’exercer ;
  2. b) a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. c) a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Observations

[5] Au nom de l’appelante, sa représentante a fait valoir que la division générale a avancé des hypothèses non fondées au sujet de la capacité de l’appelante à exercer un emploi rémunérateur dans le monde réel sans évaluer correctement la preuve qui lui a été soumise. En agissant ainsi, la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. La représentante de l’appelant était d’avis que la division d’appel devrait accueillir l’appel et renvoyer l’affaire à la division générale.

[6] La représentante de l’intimé a fait valoir que, lu dans son contexte, la décision de la division générale est adéquate et ne comprend pas d’erreur de fait ni de droit. Elle a fait valoir que puisque le rôle d’accorder du poids à la preuve revient à la division générale, la division d’appel devrait faire preuve de déférence envers la décision dans son ensemble, laquelle était claire, compréhensible et ne contenait pas d’erreur. En conséquence, la division d’appel devrait rejeter l’appel.

Analyse

[7] La seule question en l’espèce est à savoir si la division générale a « débattu » des questions réelles de fond avant de déterminer que l’âge, le niveau d’éducation, les compétences linguistiques et les expériences de travail et de vie de l’appelante ne constituaient pas des obstacles à de futures perspectives d’emploi.

[8] Au paragraphe 16 de la décision, la division générale a énoncé les soi-disant facteurs de l’appelante établis dans l’arrêt Villani. Ceux-ci, comme énoncé dans l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, comprennent l’âge, le niveau d’éducation, les capacités linguistiques et les expériences de travail et de vie de l’appelante. La division générale a noté l’âge et la date de naissance de l’appelante, le fait qu’elle a terminé son secondaire et qu’elle détient un diplôme en soins de santé après avoir complété un programme dans un collège carrière. La division générale, à ce stade, n’a pas fait référence à son historique professionnel. La division générale a décrit l’appelante comme suit :

[traduction]

  1. [16] L’appelante :
    1. a) a 51 ans et est née le X X. X ;
    2. b) a complété son secondaire et a obtenu un diplôme après avoir terminé un programme en soins de santé dans un collège carrière ;
    3. c) L’appelante semble parfaitement normale et avait des capacités cognitives élevées, était alerte et s’exprimait clairement lorsqu’elle relatait des événements passés et présents au cours de l’audience ;
    4. d) L’appelante avait une très bonne compréhension de l’anglais et communique très bien, et elle possédait de bonnes aptitudes d’écoute.

[9] La division générale a ensuite tiré ses conclusions au sujet de sa situation réelle en indiquant ce qui suit au paragraphe 17 :

[traduction]

[17] Le Tribunal a déterminé que son âge, son niveau d’éducation, ses capacités linguistiques et ses expériences de travail et de vie ne constituent pas des obstacles à de futures perspectives d’emploi.

[10] La représentante de l’appelant a fait valoir que la division générale n’a pas effectué une analyse suffisante du contexte réelle de l’appelante pour permettre d’en arriver à cette conclusion.

[11] La représentante de l’intimé a insisté auprès de la division d’appel pour qu’elle soit d’avis qu’en plus des facteurs mentionnés au paragraphe 16, des paragraphes précédents de la décision ont traité de façon adéquate de l’historique professionnel et des compétences de l’appelante, et que ces facteurs n’ont pas été considérés dans l’analyse du contexte réel. De plus, la représentante de l’intimé a fait valoir que l’enregistrement audio de l’audience indique que la division générale a effectué l’analyse requise. Elle a rappelé à la division d’appel que son rôle n’est pas d’évaluer de nouveau la preuve et qu’elle devrait garder en tête que dans l’arrêt Villani, la Cour d’appel fédérale traitait du manque d’uniformité dans l’application de l’alinéa 42(2)a) du RPC. De plus, la représentante de l’intimé a fait valoir qu’il faut tenir compte des facteurs énoncés dans Villani à la lumière du fardeau de l’appelante qui est d’établir qu’elle répond à la définition d’une invalidité « grave et prolongée ».

[12] Les deux parties ont cherché à lier la tentative de l’appelante d’effectuer des tâches modifiées à l’évaluation des facteurs Villani, et la représentante de l’appelante a soutenu que la division générale n’a pas correctement évalué la façon que l’appelante aurait pu détenir une occupation véritablement rémunératrice compte tenu de ses difficultés. Pour sa part, la représentante de l’intimé a soutenu que la division générale a examiné la preuve afin de déterminer s’il y avait des éléments à l’appui d’une conclusion selon laquelle elle ne pouvait pas effectuer de tâches physiques, et qu’elle n’en avait relevés aucuns. Elle a également présenté l’argument selon lequel la division générale avait conclu que les tentatives de l’appelante pour effectuer des tâches modifiées ne constituaient pas de vrais efforts, puisqu’elle exerçait essentiellement son ancien emploi.

[13] Avec égard, la division d’appel est d’avis que ces arguments n’abordaient pas la question sur laquelle la permission d’en appeler avait été accordée. il s’agissait de déterminer si la division générale avait effectué une analyse suffisante du contexte réel de l’appelante avant de conclure que son âge, son niveau d’éducation, ses capacités linguistiques et ses expériences de travail et de vie ne constituaient pas des obstacles à de futures perspectives d’emploi. La division d’appel conclut que ce n’était pas le cas. La décision repose en grande partie sur les tentatives ratées de l’appelante pour exercer un autre type d’emploi ou un emploi comprenant des tâches modifiées (veuillez consulter les paragraphes 19 à 23). Bien que cela ainsi que les conclusions qui s’y rattachent peuvent, par eux-mêmes, avoir fourni un fondement suffisant pour en arriver à la décision, la division générale devait d’abord conclure que l’appelante conservait une capacité de travailler avant de tirer sa conclusion au sujet de ses tentatives de travail : Inclima c. Canada (Procureur général), CAF 2003 117. La division d’appel n’est pas convaincue que la division générale a effectué une analyse du contexte réel de l’appelante avant d’en arriver à sa décision.

[14] Pour appuyer cette conclusion, la division d’appel se tourne vers l’arrêt Garrett c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2005 CAF 84. Dans l’arrêt Garrett, la Cour d’appel fédérale, en plus d’indiquer que de ne pas citer ou ne pas effectuer d’analyse conformément aux principes énoncés dans l’arrêt Villani constitue une erreur de droit. Le juge Malone a donné quelques conseils au sujet de ce qui constituerait une analyse adéquate. Il a indiqué ce qui suit :

[3] En l’espèce, la majorité n’a pas mentionné l’arrêt Villani et elle n’a pas effectué son analyse conformément aux principes qu’il consacre. Il s’agit d’une erreur de droit. Plus précisément, la majorité n’a pas fait état des éléments de preuve indiquant que les problèmes de mobilité de l’appelante étaient aggravés par la fatigue et qu’il lui faudrait alterner les périodes où elle est assise et les périodes où elle est debout ; des facteurs qui lui rendraient concrètement difficiles les emplois de bureau sédentaires ou de même type. Tel est le contexte « réaliste » de l’analyse exigée par l’arrêt Villani.

[15] La division générale a bel et bien énuméré les conditions médicales de l’appelante, et au paragraphe 15, elle a bel et bien indiqué le critère approprié. De plus, la division générale a énoncé certains des facteurs pertinents de Villani au paragraphe 16. Cependant, la division générale n’a pas effectué le genre d’analyse envisagée dans l’arrêt Garrett avant qu’elle tire ses conclusions selon lesquelles il n’y avait pas d’obstacles qui empêchaient l’appelante d’exercer une occupation rémunératrice. En d’autres termes, la division générale n’a pas analysé les facteurs Villani en lien avec la capacité de l’appelante de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Il s’agit là, selon l’arrêt Garrett, d’une erreur de droit.

[16] La division d’appel n’est pas convaincue qu’elle devrait s’éloigner de la décision et consulter l’enregistrement de la transcription afin de conclure que la division générale a bel et bien effectué une analyse appropriée. Au mieux, écouter l’enregistrement de l’audience peut aider la division d’appel à identifier les questions qui ont été soulevées lors de l’audience ; cela ne permet pas à la division d’appel de conclure que la division générale a effectué une analyse appropriée. Par conséquent, la division d’appel accueille l’appel.

Conclusion

[17] L’appel est accueilli.

Décision

[18] Au cours de l’audience, la représentante de l’appelant a fait valoir que la réparation appropriée serait que la division d’appel renvoie l’affaire à la division générale pour révision. Compte tenu du fondement pour accueillir cet appel, la division d’appel y souscrit. En conséquence, aux termes de l’article 59 de la Loi sur le MEDS, la division d’appel renvoie l’affaire à la division générale pour une révision.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.