Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 7 mars 2016, la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a accueilli l’appel de la défenderesse contre une décision du ministre de l’Emploi et du Développement social (demandeur). La défenderesse s’était auparavant vu refuser la pension d’invalidité qu’elle avait demandée au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). Le demandeur a interjeté appel devant la DG du Tribunal.

[2] La DG a tenu une audience par comparution en personne et établi ce qui suit :

  1. La défenderesse souffrait d’une invalidité « grave » et « prolongée » depuis août 2010;
  2. Elle a présenté une demande de pension d’invalidité en août 2012;
  3. Elle est donc réputée être devenue invalide en mai 2011;
  4. Sa pension du RPC est payable à compter de septembre 2011.

[3] La DG a accueilli l’appel d’après ces conclusions.

[4] Le demandeur a déposé une demande de permission d’en appeler (demande) à la division d’appel (DA) du Tribunal le 7 juin 2016, dans le délai prescrit de 90 jours.

Questions en litige

[5] Il s’agit de déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable et analyse

[6] Aux termes de l'alinéa 57(1)a) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), une demande doit être présentée à la DA dans les 90 jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision faisant l’objet de l’appel.

[7] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le MEDS, « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[8] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

[9] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] Le demandeur plaide, à titre de moyens d’appel, que la DG a rendu une décision entachée d’une erreur de droit et comportant des conclusions de fait erronées. Les arguments du demandeur peuvent être résumés comme suit :

  1. La DG a commis une erreur de droit puisqu’elle n’a pas tenu compte de la jurisprudence établie par la Cour d’appel fédérale, qui a force exécutoire, concernant le sens de la « gravité » pour l’application du RPC, et a particulièrement erré dans son application des causes Inclima c. Canada (Procureur général), Lalonde c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), et Villani c. Canada (Procureur général) (ou du fait qu’elle ne les a pas appliquées);
  2. La preuve démontre une capacité de travail résiduelle, dont la DG devait tenir compte selon le critère énoncé dans Inclima;
  3. La DG n’a pas conclu, à tort, que la défenderesse ne s’était pas conformée aux traitements recommandés;
  4. La DG n’a pas tenu compte de l’âge de la requérante lorsqu’elle a analysé les facteurs de l’affaire Villani;
  5. La DG a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées puisqu’elle a ignoré « une preuve accablante d’une capacité résiduelle à travailler », et une preuve démontrant que l’état de la défenderesse n’était pas grave;
  6. Bien que la DG n’était pas tenue de mentionner chacun des éléments de preuve, elle se devait à tout le moins de traiter de la preuve contradictoire et de justifier son choix d’y accorder une moins grande valeur.

[11] Dans sa décision, la DG a fait référence à Villani dans les termes suivants :

[traduction]

[31]  La question qu’il faut donc se poser est de savoir si l’appelante était apte à occuper un autre emploi, quel qu’il soit, qui aurait été adapté à ses symptômes. En examinant les critères de l’arrêt Villani, le Tribunal avait beaucoup de mal à imaginer d’autres emplois qu’aurait pu occuper l’appelante, compte tenu de son niveau d’instruction et de son expérience de vie, ainsi que de ses problèmes aux jambes et au bas du dos. D’après le témoignage de l’appelante sur les effets des limitations fonctionnelles graves affectant le bas de son dos et ses jambes, sa capacité à fonctionner dans un milieu professionnel serait considérablement réduite.

[32] Le Tribunal est d’avis que les symptômes persistants de limitations fonctionnelles graves affectant le bas du dos et les jambes de l’appelante sont convenablement appuyés par la preuve médicale et la rendent incapable d’occuper tout type d’emploi. Compte tenu de ses limitations, examinées dans un contexte « réaliste » (Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248), le Tribunal est convaincu que l’appelante est atteinte d’une invalidité grave depuis août 2010.

Dans sa décision, la DG a conclu que la pension était payable à compter de septembre 2012. Elle a établi cette date d’après la PMA du 31 décembre 2012, la demande de pension du RPC présentée en août 2012, et la date où l’appelante est réputée être devenue invalide, soit mai 2011.

Erreurs de droit alléguées

[12] La DG présente l’arrêt Villani dans sa décision et y fait référence pour conclure que l’invalidité de la défenderesse est grave et prolongée. Cependant, le demandeur fait valoir que la DG n’a pas tenu compte de l’âge de la requérante lorsqu’elle a analysé les facteurs de Villani. Je remarque que l’âge de la défenderesse figure dans la section intitulée « Preuve » de la décision de la DG, mais qu’il n’est pas mentionné au paragraphe 31, où la DG applique les critères de l’arrêt Villani.

[13] La DG n’a pas cité les causes Inclima et Lalonde dans sa décision.

[14] La DG ne semble pas avoir examiné la question de savoir si la preuve révélait une capacité résiduelle de travail.

[15] Bien que la DG ait mentionné les traitements de physiothérapie et de chiropractie dans sa décision, elle ne paraît pas s’être demandé si la défenderesse s’était conformée aux autres traitements raisonnables recommandés (comme des exercices, des techniques de relaxation, la fréquentation d’une clinique antidouleur, la perte de poids et une thérapie cognitivo-comportementale.

[16] En l’espèce, je devrai procéder à un examen plus approfondi pour déterminer si la DG a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

Conclusions de fait erronées alléguées

[17] Selon moi, l’argument du demandeur voulant que la DG ait [traduction] « ignoré la preuve » démontrant que l’état de la défenderesse n’était pas grave représente son moyen d’appel le moins convaincant. Les observations figurant aux pages 16, 17 et 18 de la demande suggèrent une interprétation médicale des rapports médicaux qui soutient la position du demandeur :

  1. L’état de la défenderesse n’est pas grave puisqu’il a été ardu de poser un diagnostic et de le maîtriser;
  2. Les rapports n’indiquent pas que la défenderesse n’est pas capable de travailler; il existe donc des emplois qu’elle peut d’occuper.

[18] Les observations du demandeur sur les erreurs de fait alléguées sont influencées par sa décision de ne pas avoir participé à l’audience. Il est difficile pour le demandeur de présenter un argument convaincant pour démontrer que la DG a tiré une conclusion de fait erronée « de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance » alors qu’il a décidé de ne pas être présent au moment où la DG a eu connaissance de tous les éléments de preuve, notamment des témoignages et des observations présentées à l’audience.

[19] Dans l’arrêt Oberde Bellefleur op clinique dentaire O. Bellefleur [employeur] c. Canada (Procureur général), 2008 CAF 13, la Cour d’appel fédérale a signalé que si un conseil (ou un tribunal) décide qu’il y a lieu d’écarter des éléments de preuve contradictoires ou de ne leur attribuer que peu de poids ou pas de poids du tout, il doit en expliquer les raisons, à défaut de quoi il risquerait de voir sa décision entachée d’une erreur de droit ou taxée d’arbitraire.

[20] Le demandeur ne m’a pas convaincue que la DG aurait écarté des « éléments de preuve contradictoires » ou qu’elle leur aurait attribué un poids insuffisant ou pas de poids du tout.

Permission d’en appeler accordée

[21] Je suis convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès au motif qu’une erreur de droit aurait pu être commise.

[22] Puisque les erreurs de droit alléguées portent notamment sur la question de la capacité de travail résiduelle et celle des traitements recommandés, il faudra également examiner, en rapport avec les erreurs de droit alléguées, la question de savoir si la DG a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Conclusion

[23] La demande est accueillie en vertu des alinéas 58(1)b) et c) de la Loi sur le MEDS.

[24] Cette décision qui accorde la permission d’en appeler ne présume aucunement de l’issue de l’appel sur le fond du litige.

[25] J’invite les parties à déposer des observations écrites sur la pertinence de tenir une audience et, si elles jugent qu’une audience est nécessaire, sur le mode d’audience préférable, ainsi qu’à présenter leurs observations sur le fond du litige.

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