Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

Appelant : T. C., Aurelio Acquaviva (parajuriste)

Intimé : Sylvie Doire (représentante), Stephanie Pilon et Tania Arrega (parajuristes) (observatrices)

Aperçu

[1] Cet appel porte sur une décision de la division générale rendue le 14 novembre 2015. La division générale a déterminé que l’appelant n’était pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, après avoir conclu qu’il ne souffrait pas d’une invalidité grave et prolongée avant la date de fin de sa période minimale d’admissibilité, soit le 31 décembre 2010.

[2] L’appelant a présenté une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel le 11 janvier 2016. J’ai accordé la permission d’en appeler le 7 avril 2016 au motif que la division générale n’a peut-être pas appliqué les principes énoncés dans l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248 et n’a pas tenu compte des caractéristiques personnelles de l’appelant.

[3] Cette audience a été tenue par vidéoconférence pour les raisons suivantes :

  1. la complexité des questions en litige ;
  2. le fait que l’appelant est représenté ;
  3. le fait que le matériel nécessaire à une vidéoconférence est disponible dans la région où réside l’appelant ;
  4. le besoin, en vertu du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[4] Pour que cet appel soit accueilli, l’appelant doit démontrer que la division générale a commis une erreur de droit.

Questions en litige

[5] Je suis saisie des deux questions suivantes :

  1. La division générale a-t-elle commis une erreur de droit ?
  2. Quelle est la décision appropriée dans cette affaire ?

Moyens d’appel

[6] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] J’ai accordé la permission d’en appeler au motif que la division générale a peut-être commis une erreur de droit en ne tenant pas compte des caractéristiques personnelles de l’appelant telles que son âge, son niveau d’éducation, ses compétences linguistiques, son expérience de travail et son expérience de vie.

[8] Le représentant de l’appelante a présenté des observations à l’audience au sujet de l’historique professionnel et médical de l’appelant à la suite de son accident de la route qui a eu lieu le 4 novembre 2007. L’appelant souffre de douleurs chroniques au niveau du dos, de l’épaule droite et des genoux, de dépression et d’anxiété. Il soutient que, malgré les diverses modalités de traitement qu’il a suivies et malgré ses nombreuses tentatives pour se trouve un autre type d’emploi, il n’a pas été capable de retourner sur le marché du travail depuis son accident.

[9] Le représentant de l’appelant a tenté de présenter des éléments de preuve provenant de l’appelant au cours de l’audience de cet appel. Il a également examiné certains rapports médicaux. Il nie qu’il cherche à obtenir une réévaluation et soutient que son examen de la preuve médicale traite du moyen d’appel selon lequel la permission d’en appeler a été accordée, puisque la preuve médicale démontre que le demandeur satisfait aux critères prévus dans l’affaire Villani. Nonobstant ces observations, j’estime qu’elles ne traitent pas spécifiquement de la question à savoir si la division générale a tenu compte de l’affaire Villani.Il y a une distinction importante entre la réévaluation des caractéristiques personnelles du demandeur par la division d’appel et déterminer si la division générale a omis de tenir compte des caractéristiques personnelles du demandeur. L’appelant demande essentiellement que la division d’appel accepte le fait que la division générale ait omis d’appliquer l’affaire Villani afin que je puisse par conséquent réaliser ma propre réévaluation. Cependant, comme l’a confirmé récemment la Cour fédérale dans l’arrêt Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300, le rôle de la division d’appel ne consiste pas à apprécier de nouveau la preuve ou à soupeser de nouveau les facteurs pris en compte par la division générale lorsqu’elle se prononce sur la question de savoir si la permission d’en appeler devrait être accordée ou refusée.

[10] La représentante de l’intimé, en revanche, soutient que la division générale a en fait tenu compte des caractéristiques personnelles de l’appelant.

[11] Premièrement, la division générale a noté les éléments de preuve concernant les caractéristiques personnelles de l’appelant aux paragraphes 9 à 12, où elle a noté son âge, son éducation, son niveau de littératie et son expérience professionnelle. Ensuite, la division générale a noté les observations de l’appelant. Au paragraphe 30, le membre a fait référence aux observations de l’appelant selon lesquelles [traduction] « [i]l n’est pas capable d’exercer un autre type d’emploi, car il a une très faible capacité d’apprentissage, et il est analphabète et ne sait pas comment lire ou écrire ». Cependant, les paragraphes 9 à 12 représentent les éléments de preuve tandis que le paragraphe 30 représente les observations de l’appelant. Bien que le membre de la division générale ait noté les éléments de preuve qu’il a considérés comme pertinents à l’appel, cela ne se traduit pas nécessairement dans son analyse de ces mêmes éléments de preuve.

[12] La représentante de l’intimé soutient que la division générale a évalué l’historique de travail de l’appelant au paragraphe 39. Le paragraphe 39 se lit comme suit :

[traduction]

[39] Le Tribunal estime que les éléments de preuve ne permettent pas de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant n’a pas la capacité d’exercer un travail avec des tâches modifiées malgré ses incapacités. Dans le questionnaire relatif à l’emploi autonome pour les prestations d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada, dont la date estampillée est le 23 avril 2014, l’appelant a déclaré qu’il a dirigé une entreprise nommée Obsession Ink de janvier 2009 à août 2009. Il était le propriétaire et il occupait un rôle de supervision. Il dirigeait l’entreprise même s’il a déclaré être analphabète et ne pas pouvoir effectuer d’activités physiques. Il a embauché trois employés pour l’aider à diriger son entreprise. Il a admis qu’il a mis fin aux activités de l’entreprise parce que les choses n’allaient pas très bien sur le plan financier. Il n’y a aucune preuve versée au dossier selon laquelle l’appelant a mis fin aux activités de son entreprise en raison de ses problèmes de santé.

[13] La représentante de l’intimé soutient également que la division générale a aussi examiné ou, du moins, tenu compte de l’éducation, de la formation et de l’expérience de l’appelant au paragraphe 40. Ce paragraphe se lit comme suit :

[traduction]

[40] Le Tribunal note que le 30 juillet 2009, le Dr Frank, psychologue, a noté que l’appelant ne souffre pas d’une incapacité découlant des blessures qu’il a subies lors de son accident de la route, ce qui lui causerait une incapacité complète qui l’empêcherait d’occuper un emploi pour lequel il possède le niveau d’éducation, la formation et l’expérience. Un emploi peu stressant pour lequel il pourrait alterner entre une position assise et une position debout lui conviendrait. Il serait sûrement en mesure d’effectuer un travail de préposé au stationnement ou de conducteur de véhicule léger de service de messagerie. Son tableau clinique psychologique n’est pas la qualité ou de la gravité attendue si l’appelant était complètement incapable d’exercer un emploi pour lequel il est raisonnablement qualifié.

[14] L’affaire Villani ne limite pas un décideur sur la façon qu’il doit évaluer les caractéristiques personnelles d’un appelant. En effet, la Cour d’appel fédérale a indiqué qu’il ne fallait pas intervenir dans l’évaluation d’un décideur. Le juge Isaac a déclaré ce qui suit au paragraphe 49 :

[traduction]

[49] Si l’on garde à l’esprit que l’audition devant la Commission est de la nature d’une audition de novo, tant et aussi longtemps que le décideur applique le critère juridique adéquat pour la gravité de l’invalidité – c’est-à-dire qu’il applique le sens ordinaire de chaque mot de la définition légale de la gravité donnée au sous-alinéa 42(2)a)(i), il sera en mesure de juger d’après les faits si, en pratique, un requérant est incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. L’évaluation de la situation du requérant est une question de jugement sur laquelle la Cour hésite à intervenir.

[15] L’appelant soutient que la division générale n’a pas tenu compte des caractéristiques personnelles de l’appelant. En effet, la division générale n’a pas immédiatement effectué une évaluation en appliquant les principes énoncés dans l’arrêt Villani après avoir énoncé le critère Villani au paragraphe 33 de sa décision. Cependant, il est clair à la lecture des paragraphes 39 et 40 de la décision de la division générale qu’elle a bel et bien évalué les caractéristiques personnelles de l’appelant dans un contexte « réaliste » lorsqu’elle a déterminé que la capacité de l’appelant de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice au cours de sa période minimale d’admissibilité était compromise par le fait qu’il était analphabète. De façon similaire, au paragraphe 40, la division générale a dû tenir compte implicitement des caractéristiques personnelles de l’appelant lorsqu’elle a déterminé sa capacité, selon les formulations qu’elle a employées. La division générale a utilisé l’expression [traduction] « raisonnablement qualifié », lorsqu’elle a envisagé s’il existait une occupation véritablement rémunératrice qu’il serait capable d’occuper régulièrement. La division générale a également accepté l’avis médical d’un psychologue qui a considéré que l’appelant ne souffrait pas d’une incapacité qui l’empêcherait complètement de détenir un emploi [traduction] « pour lequel il est raisonnablement qualifié puisqu’il possède l’éducation, la formation et l’expérience requises ». La division générale a dû avoir tenu compte des caractéristiques personnelles de l’appelant, en plus de ses contraintes ou restrictions physiques ou autres, afin de déterminer s’il était en mesure d’exercer d’autres types d’occupations véritablement rémunératrices. Par exemple, la division générale a cité deux types d’occupations précises — celle de préposé au stationnement et celle de conducteur de véhicule léger de service de messagerie — et pour ce faire, elle a nécessairement dû tenir compte du niveau d’éducation, de littératie et de langue limité de l’appelant ainsi que de son expérience de travail.

Conclusion

[16] Compte tenu des considérations susmentionnées, l’appel est rejeté.

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