Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est refusée.

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision rendue le 12 avril 2016 par la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal). La DG avait instruit l’appel sur la foi des documents au dossier et conclu qu’il lui était impossible d’examiner sur le fond la demande de pension d’invalidité présentée au titre du Régime de pensions du Canada (RPC).

[2] Le 22 juin 2016, la demanderesse a présenté à la division d'appel (DA), dans les délais prescrits, une demande de permission d'en appeler apportant des précisions sur les moyens d’appel invoqués. Pour accueillir cette demande, je dois être convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Contexte factuel

[3] La demanderesse a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC le 5 janvier 2011. Elle a versé au RPC des cotisations valides donnant lieu à une période minimale d’admissibilité (PMA) prenant fin le 31 décembre 2009. L’intimé a rejeté sa demande au départ et l’a informée, au moyen d’une lettre datée du 23 février 2012, du maintien de sa décision après révision.

[4] La demanderesse a interjeté appel de cette décision devant le tribunal de révision, prédécesseur de la division générale. Dans une décision rendue le 24 janvier 2013, le tribunal de révision a maintenu la décision de l’intimé, concluant que la demanderesse n’était pas atteinte d’une invalidité « grave et prolongée », au sens des critères prévus au RPC. Le 14 mai 2013, le DA a rejeté la demande de permission d’en appeler de la demanderesse.

[5] La demanderesse a ensuite présenté une autre demande de pension d’invalidité du RPC le 7 octobre 2013. Puisqu’elle n’avait enregistré aucun nouveau revenu depuis sa dernière demande, sa PMA demeurait la même. Au moyen d’une lettre datée du 3 mars 2014, l’intimé a rejeté d’emblée la demande de la demanderesse puisque le tribunal de révision avait déjà conclu qu’elle n’était pas admissible à une pension d’invalidité du RPC en date du 31 décembre 2009, et que sa décision était définitive et exécutoire.

[6] La demanderesse n’a pas demandé à l’intimé de procéder à une révision. Elle a plutôt déposé un avis d’appel auprès de la DG le 21 mars 2014. Dans une lettre datée du 13 mai 2014, la DG a informé la demanderesse que sa demande était incomplète puisqu’elle n’avait pas déposé de copie de la décision issue de la révision, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement sur le Tribunal de sécurité sociale (Règlement sur le TSS). La lettre du 13 mai 2014 expliquait également ce qui suit à la demanderesse :

[traduction]

Un appel ne peut être formé avant qu’une décision soit rendue par le ministère de l’Emploi et du Développement social à la suite d’une révision. Si le ministère de l’Emploi et du Développement social n’a pas encore rendu une décision à l’issue d’une révision, votre avis d’appel vous sera retourné. Une fois que le ministère de l’Emploi et du Développement social rendra une décision découlant d’une révision, vous disposerez de 90 jours pour déposer un avis d’appel complet auprès du Tribunal après la date à laquelle vous recevrez communication de cette décision.

[7] Le 27 mai 2014, la demanderesse a transmis au Tribunal une copie de la décision issue de la révision portant sur sa première demande. Le 17 juin 2014, des employés de la DG (en se fondant sur la décision de révision datée du 23 février 2012, qu’ils venaient de recevoir) ont informé la demanderesse que son appel semblait avoir été complété plus de 90 jours après la date à laquelle elle avait reçu communication de la décision issue de la révision. Elle a demandé de pouvoir fournir des explications à son retard.

[8] Dans une lettre datée du 8 juillet 2014, la demanderesse a déclaré qu’elle était soulagée d’apprendre qu’il était maintenant possible d’obtenir un délai supplémentaire pour interjeter appel, puisqu’elle avait auparavant été étonnée d’apprendre que son dossier était clos et que la décision rendue par la DG était définitive. Elle avait toujours eu l’intention de poursuivre un appel.

[9] Le 4 mars 2015, la demanderesse a déposé auprès de la DA une demande d’annulation ou de modification de la décision du tribunal de révision portant sur sa première demande datée du 5 janvier 2011. Elle a également déposé deux rapports médicaux récents. Dans la décision qu’elle a rendue le 7 mai 2015, la DA a rejeté la demande d’annulation ou de modification de la décision de la demanderesse parce qu’elle avait été présentée après le délai prescrit. La DA a également examiné les deux rapports médicaux et conclu que même si la demanderesse avait présenté sa demande d’annulation ou de modification de la décision à temps, ils n’auraient pas répondu au critère relatif aux faits nouveaux et essentiels prévu par la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).

[10] Dans la décision qu’elle a rendue le 12 avril 2016, la DG a conclu que l’appel interjeté par la demanderesse le 21 mars 2014 ne pouvait être instruit puisqu’elle n’avait jamais demandé ou obtenu une lettre de l’intimé concernant la révision de sa seconde demande. Conformément à l’article 82 du RPC, il s’agissait d’un préalable au dépôt d’un appel devant la DG. De plus, le délai de 90 jours pour demander une telle lettre, conformément à l’article 81 du RPC, avait échu depuis longtemps, et la lettre de l’intimé indiquant son refus initial de la seconde demande était datée du 3 mars 2014. Bien que la demanderesse ait déposé une lettre portant sur une décision issue d’une révision, celle-ci concernait sa première demande et est caduque aux fins du présent appel. La première demande a été tranchée sur toute la ligne et le dossier est clos.

Droit applicable RPC

[11] Une fois que l’intimé rend une décision initiale quant à une demande de pension d’invalidité, les requérants disposent d’un délai de 90 jours, au titre du paragraphe 81(1) du RPC, pour présenter une demande de révision. Conformément au paragraphe 81(2), l’intimé reconsidère sans délai la décision et doit dès lors aviser par écrit la personne qui a fait la demande de sa décision motivée, qu’il ait confirmé ou modifié la décision initiale.

[12] En vertu de l’article 82, une partie qui se croit lésée par une décision de l’intimé rendue en application de l’article 81 peut interjeter appel de cette décision devant le Tribunal.

Règlement sur le TSS

[13] Au titre du paragraphe 24(1) du Règlement sur le TSS, un appel devant la DG est présenté selon la forme prévue par le Tribunal sur son site Web. Le formulaire à présenter doit être accompagné de divers éléments, dont une copie de la décision rendue en application de l’article 81(2) du RPC.

Loi sur le MEDS

[14] Conformément à l’alinéa 52(1)b) de la Loi sur le MEDS, l’appel d’une décision est interjeté devant la DG dans les 90 jours suivant la date où l'appelant reçoit communication de la décision. Au titre du paragraphe 52(2), la DG peut proroger d’au plus un an le délai pour interjeter appel.

[15] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le MEDS, il ne peut être interjeté d’appel à la DA sans permission, et la DA accorde ou refuse cette permission.

[16] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que la DA rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[17] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[18] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’un motif susceptible de donner gain de cause à l’appel soit présenté : Kerth c. Canada (MDRH)Note de bas de page 1. La Cour d’appel fédérale a statué que la question de savoir si une affaire est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. Canada (Procureur général)Note de bas de page 2.

[19] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une instruction de l’affaire sur le fond. C'est un premier obstacle que la demanderesse doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel elle devra faire face lors de l’instruction de l'appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, la demanderesse n’a pas à prouver ses prétentions.

Question en litige

[20] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès ?

Observations

[21] Dans sa demande de permission d’en appeler, la demanderesse a soutenu avoir une chance raisonnable d’obtenir gain de cause dans un appel contre le rejet de sa demande de pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Sa demande de crédit d’impôt pour personnes handicapées a été approuvée en mars 2016, ce qui signifie qu’un ministère du gouvernement fédéral l’a jugée invalide.
  2. Un psychiatre de même qu’un omnipraticien ont confirmé à de nombreuses reprises des diagnostics de trouble de stress post-traumatique, de dépression et d’anxiété chez la demanderesse. Ils ont appuyé sa demande de pension d’invalidité.
  3. Elle est toujours aux prises avec les symptômes des affections diagnostiquées ci-dessus, notamment des flash-backs, de l’anxiété, une dépression, des sautes d’humeur, de la paranoïa, un sentiment d’isolement et un manque de motivation.
  4. Le temps qu’elle a dû consacrer pour faire appel du rejet de sa demande de pension d’invalidité l’a mise en situation de précarité financière et a nui à son mariage.
  5. Elle a le sentiment d’avoir été traitée injustement. Elle croit que tous les renseignements compris dans sa première demande ont été ignorés, et que les affections diagnostiquées et les symptômes qui les accompagnent n’ont pas été pris en considération.
  6. Elle n’a pas été guidée adéquatement depuis le rejet de sa première demande de pension d’invalidité. On lui a notamment dit de faire appel à la Cour d’appel fédérale, mais celle-ci lui a renvoyé tous ses documents et l’a informée que le dépôt de son appel était prématuré.

Analyse

[22] J’ai examiné avec soin la décision de la DG en tenant compte des documents au dossier et du droit applicable, et je n’ai trouvé aucun moyen d’appel plausible au sens du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS.

[23] La question à trancher n’est pas de savoir si la demanderesse était atteinte d’une invalidité « grave et prolongée » au moment de présenter ses demandes de pension du RPC, mais bien de déterminer si elle était habilitée, au départ, à interjeter appel devant la DG après l’échéance prévue par la loi pour demander la révision de sa seconde demande de pension d’invalidité du RPC. Que la demanderesse ait ou non répondu aux exigences prévues au RPC pour être considérée comme invalide, la décision de la DG de rejeter son appel était fondée sur sa non-conformité au paragraphe 81(1) du RPC et au paragraphe 24(1) du Règlement sur le TSS. La DG n’était pas tenue d’examiner sur le fond la demande de pension d’invalidité de la demanderesse.

[24] En l’espèce, la demanderesse a présenté deux demandes. La première a été jugée et s’est rendue en appel jusqu’à la DA et ne peut être maintenant réexaminée, comme l’a noté la DG à juste titre. La seconde demande a été examinée et rejetée par l’intimé au départ, et n’a pas fait l’objet d’une demande de révision dans le délai de 90 jours prévu au paragraphe 81(1) du RPC. L’article 82 du RPC donne à penser qu’un appel peut être interjeté devant la DG uniquement si l’intimé a rendu une décision faisant suite à une demande de révision, et la DG a conclu que cela n’avait jamais été fait dans cette affaire. Puisqu’aucune allégation précise n’a été formulée quant à une erreur qu’aurait commise la DG, je ne vois aucune raison de toucher à cette conclusion.

[25] Cette interprétation de la loi est appuyée par une décision de la Cour d’appel fédérale, Canada (Procureur général) c. BannermanNote de bas de page 3, qui a établi qu’il n'existe aucun droit direct d'appel d'une décision initiale du ministre sans que cette décision ait au préalable été soumise pour révision et sans qu'une décision découlant de cette demande ait été obtenue. La présentation d'une demande de révision qui est faite en vertu du paragraphe 81(1) et le prononcé d'une décision, à la suite de la demande de révision, sont des conditions de l'existence d'un droit d'appel devant un tribunal de révision. Seule une décision rendue à la suite d'une demande de révision peut faire l'objet d'un appel devant un tribunal de révision, et une telle décision n’a jamais été rendue en l’espèce.

[26] La demanderesse laisse entendre qu’une réparation devrait lui être décernée par compassion, mais la DG était tenue de suivre la loi à la lettre, tout comme je le suis moi-même obligé. Même si la demanderesse souhaite que je fasse preuve d’un souci d’équité et que j’infirme la décision de la DG, je ne dispose pas du pouvoir discrétionnaire pour le faire et je ne peux qu’exercer les compétences qui me sont conférées par la loi constitutive de la DA. Il a été statué, notamment dans l’arrêt Pincombe c. CanadaNote de bas de page 4, qu’un tribunal administratif n’est pas une cour mais bien un décideur prévu par la loi, et qu’il n’a donc pas compétence pour accorder une réparation équitable, quelle qu’elle soit.

[27] La teneur du reste des observations de la demanderesse est essentiellement une demande pour que la DA examine et évalue sur le fond la preuve à l’appui de sa demande d’invalidité. Une telle requête dépasse les limites de la Loi sur le MEDS, dont le paragraphe 58(1) énonce des moyens d’appel très restreints. La DA est strictement habilitée à déterminer si les motifs d’un demandeur pour interjeter appel de la décision de la DG se rattachent aux moyens d’appel prévus et s’ils ont une chance raisonnable de succès. Je remarque que la demanderesse a déposé des documents dont la DG n’avait pas pu prendre connaissance, notamment un avis de l’Agence du revenu du Canada daté de mars 2016, faisant état de l’approbation de sa demande de crédit d’impôt pour personnes handicapées. La demanderesse devrait savoir que les critères relatifs à l’invalidité pour l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu diffèrent de ceux du RPC. Quoi qu’il en soit, la DA ne peut habituellement pas, lorsqu’elle est saisie d’un appel, tenir compte de nouveaux éléments de preuve étant donné les contraintes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, qui ne confère pas à la DA l’autorité nécessaire pour statuer sur le fond du litige. Après la tenue d’une audience devant la DG, très peu de raisons justifient la présentation de nouveaux renseignements ou de renseignements supplémentaires. La demanderesse pourrait envisager de présenter à la DG une demande d’annulation ou de modification de sa décision, comme elle l’avait fait dans le cas de sa première demande de pension d’invalidité du RPC; néanmoins, pour ce faire, la demanderesse devrait répondre aux exigences prévues à l’article 66 de la Loi sur le MEDS et aux articles 45 et 46 du Règlement sur le TSS. Comme elle le sait déjà, des échéances et des exigences strictes doivent être respectées pour qu’une demande d’annulation ou de modification d’une décision soit accueillie, et un demandeur doit également démontrer que tout fait nouveau est essentiel et qu’il ne pouvait être connu, au moment de l’audience, malgré l’exercice d’une diligence raisonnable.

[28] Je suis convaincu, vu l’absence d’une lettre faisant état d’une décision rendue à la suite d’une révision, que la DG a agi dans les limites de sa compétence en refusant d’examiner davantage l’admissibilité de la demanderesse à une pension du RPC. Pour cette raison, je ne suis pas convaincu qu’il y ait une cause défendable en l’espèce.

Conclusion

[29] Comme la demanderesse n’a invoqué aucun des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS qui auraient une chance raisonnable de succès, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

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