Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

Représentante de l’appelant : Justine Seguin

Intimé : B. C.

Représentant de l’intimé : Randy Knight

Observateur : M. S.

Introduction

[1] Le 22 juillet 2015, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a rendu une décision concernant l’appel interjeté par l’intimé contre une décision issue d’une révision. La division générale a conclu que l’appelant était atteint d’un problème de santé grave qui l’empêchait de détenir toute occupation rémunératrice à la date à laquelle sa période minimale d’admissibilité (PMA) a pris fin, le 31 décembre 2009. Il était donc admissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC).

[2] Le 22 octobre 2015, la division d’appel du Tribunal a reçu une demande de permission d’en appeler portant sur la décision de la division générale. La division d’appel a accordé la permission d’en appeler après avoir conclu que la division générale pourrait avoir commis une erreur de droit ou fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée.

Forme de l’appel

[3] Cet appel a été instruit par vidéoconférence pour les raisons suivantes :

  1. La complexité de la question ou des questions en litige;
  2. Le fait que l’appelant ou les autres parties sont représentés;

Question en litige

[4] Voici les questions à trancher dans le cadre de cet appel :

  1. La division générale a-t-elle mal analysé la preuve pour déterminer si l’intimé était incapable de trouver et de conserver un emploi en raison de son état de santé?
  2. La division générale a-t-elle ignoré des éléments de preuve importants relatifs à la cause et au traitement des affections incapacitantes de l’intimé?

Droit applicable

[5] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question préliminaire

[6] L’appelant a soulevé la question de l’admissibilité d’un document de politique, préparé par la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP), que l’intimé a déposé parmi ses observations (AD8-162). L’appelant a fait valoir que ce document a valeur de preuve, et qu’il n’avait pas été présenté à la division générale. L’intimé ne souscrit pas au point de vue de l’appelant, et son représentant a affirmé que ce document n’était pas un élément de preuve. Il a cependant admis que ce document n’avait pas été présenté à l’audience devant la division générale. À la lumière des prononcés clairs de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale en ce qui concerne les types de documents dont la division d’appel peut tenir compte, le membre a décidé d’exclure le document de politique de la CODP.

Observations

[7] La représentante de l’appelant a soutenu que la division générale n’a pas mené l’analyse qu’elle est tenue d’effectuer conformément à l’arrêt Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117. D’après cette analyse, l’intimé devait démontrer, afin d’être admissible à une pension d’invalidité du RPC, qu’il a déployé des efforts pour trouver et conserver un emploi, mais que ses efforts ont été infructueux pour des raisons de santé. Voici la déclaration pertinente à ce propos :

[traduction]

Le demandeur d’une pension d’invalidité du RPC doit non seulement démontrer qu’il a un grave problème de santé, mais où il y a des preuves de capacité de travail, il doit également démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé.

[8] La représentante de l’appelant était d’avis que bien que la division générale a établi le bon critère, elle n’a pas mené l’analyse nécessaire, ou quelque analyse que ce soit, commettant ainsi une erreur de droit. Elle a aussi fait valoir que les éléments probants dans le cadre de cet appel n’ont que mis en évidence les lacunes dans l’analyse de la division générale, et elle a soutenu que, sans avoir mené l’analyse requise, la division générale ne pouvait conclure à une invalidité. Elle a soutenu que de nombreux éléments de preuve figurant au dossier du Tribunal démontraient que l’intimé était toujours apte à travailler.

[9] La représentante de l’appelant a présenté une autre observation considérable, soit que la division générale avait conclu à tort qu’ [traduction] « aucun docteur n’avait pu poser de diagnostic » relativement au problème de santé de l’intimé. Elle a plaidé que l’intimé avait reçu un diagnostic de douleur chronique et que la division générale aurait dû tenir compte du rapport médical où figure ce diagnostic, mais qu’elle ne l’a pas fait. La représentante de l’appelant a également souligné que le docteur Billings, à GT1-166, a donné une explication à la douleur chronique, et que la division générale aurait dû en déduire, eut-elle convenablement analysé la preuve, que les blessures de l’intimé l’avaient conduit à souffrir de douleur chronique. Elle a soutenu que le fait que la division générale n’a pas tenu compte du diagnostic médical de douleur chronique révèle qu’elle n’aurait pu avoir convenablement évalué la capacité de l’intimé à travailler.

[10] Les observations déposées par le représentant de l’intimé étaient plutôt brèves. Il a fait valoir que, contrairement à ce qu’avance l’appelant dans ses observations, la division générale n’avait pas commis d’erreur de droit du fait qu’elle n’a pas mentionné le critère de l’arrêt Inclima. Il était d’avis que la division générale avait cité et appliqué l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, dans le cadre de la définition d’une invalidité grave au sens du RPC, et que sa décision était raisonnable dans son ensemble.

[11] Le représentant de l’intimé a affirmé, au sujet de l’avis de l’appelant selon lequel la division générale avait commis une erreur de fait, que la division générale avait tenu compte de la preuve médicale relative à la douleur chronique de l’intimé et qu’elle avait cité le diagnostic à cet effet. Il a soutenu qu’en ayant procédé de la sorte, la division générale a conclu, d’après une preuve qu’elle a considérée comme crédible, que l’intimé avait conservé une capacité de travail. Il a également soutenu que la division générale avait ensuite admis que les efforts déployés par l’intimé pour trouver un emploi avaient été entravés par son état de santé. Il a souligné que l’intimé avait présenté environ 70 demandes d’emploi, mais que la division générale n’avait pas abordé en détail sa recherche d’emploi dans sa décision.

[12] Monsieur B. C. a reçu un diagnostic de microtraumatismes répétés affectant ses épaules, ses coudes et son cou. Il est recommandé qu’il soit affecté de façon permanente à des fonctions modifiées, c’est-à-dire qui ne supposent pas le transport de lourdes charges, un usage répétitif des bras ou du travail en hauteur sollicitant les bras, et qui n’exigent pas de posture soutenue du cou.

Analyse

[13] Les deux principales questions dans le cadre de cet appel consistent à déterminer si la division générale a mal appliqué le principe de l’arrêt Inclima et si elle a ignoré la preuve médicale. Un examen de la décision de la division générale révèle que la question de la capacité de travail résiduelle était au cœur de la décision. Après avoir fait état du fardeau de la preuve qui incombait à l’intimé, la division générale a abordé la question de la capacité de travail, en affirmant ce qui suit : [traduction] « [48] Où il y a des preuves de capacité de travail, une personne doit démontrer que les efforts qu’elle a déployés pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé. »

[14] La division générale a brièvement abordé le témoignage de l’intimé concernant ses tentatives pour trouver un autre emploi ou se recycler, et elle a noté ce qui suit à ce sujet : [traduction] « [48] L’appelant a témoigné qu’il a postulé de nombreux emplois après avoir terminé un programme de formation en recherche d’emploi. Vu ses différentes restrictions physiques, il n’a pas réussi à être embauché. »

[15] La division générale a traité de nouveau des tentatives de l’intimé aux paragraphes 49 et 50 de sa décision, où elle s’est exprimée comme suit :

[traduction]

[49] De plus, il a participé à des programmes de perfectionnement par l’intermédiaire du programme de RMT de la CSPAAT. Il a dû changer ses cours, soit parce que ses notes n’étaient pas assez élevées, soit parce que les déplacements nécessaires étaient trop laborieux. La CSPAAT a fini par lui dire qu’il deviendrait un préposé au service à la clientèle.

[50] Il a continué de travailler pendant trois ans après son accident de travail, en occupant cependant des fonctions modifiées en raison de ses restrictions physiques.

[16]  La décision de la division générale donne vraisemblablement lieu de croire que celle-ci a estimé que l’intimé était un témoin crédible, et c’est sur ce fondement qu’elle a accepté son témoignage et conclu qu’il était atteint d’une invalidité grave au sens du RPC, comme le montrent les paragraphes suivants :

[traduction]

[53] Le tribunal de révision a l’obligation de tenir compte de la preuve documentaire et testimoniale, et doit dûment tenir compte d’un témoignage crédible et lui accorder la valeur qu’il mérite : Pettit c. MDRH (22 avril 1998) CP 4855 (CAP). De plus, la nature même et la crédibilité d’une preuve subjective peut primer en l’absence de toute preuve médicale clinique : Smallwood c. MDRH (mai 1999) CP 9274 (CAP). Bien que les décisions de la Commission d’appel des pensions (CAP) n’aient pas force exécutoire, les décideurs s’en inspirent. Le Tribunal a conclu que l’appelant était un témoin crédible. Il avait une bonne mémoire des événements et s’était bien préparé à l’audience, même s’il n’était pas représenté.

[54] Le Tribunal a donc conclu que l’appelant était atteint d’un grave problème de santé l’empêchant de détenir toute occupation rémunératrice à la date à laquelle sa PMA a pris fin, le 31 décembre 2009.

[17] La représentante de l’appelant a soutenu que la division générale n’avait pas fait grand-chose mis à part avoir établi le bon critère, et qu’elle n’a mené aucune analyse relative à ce critère. Elle a soutenu que l’intimé avait démontré qu’il était apte à travailler du fait qu’il avait été capable de terminer le programme du collège Conestoga parrainé par la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT), participé à des activités bénévoles avec les Grands Frères, et terminé une formation d’appoint par l’entremise de la CSPAAT, après laquelle un emploi convenable a été établi pour lui.Note de bas de page 1 Elle a également souligné que les énoncés figurant dans l’évaluation des capacités fonctionnellesNote de bas de page 2 révèlent que l’intimé possédait une capacité de travail résiduelle (GT1-97). La représentante de l’appelante a également souligné que l’intimé avait réussi à terminer le travail au collège Conestoga en dépit des difficultés rencontrées (GT1-351).

[18] Au sujet des tentatives de l’intimé pour obtenir un emploi, la représentante de l’appelant a fait valoir que l’intimé avait été trop sélectif quant aux types d’emplois qu’il postulait, et qu’il n’avait pas postulé d’emplois dont le taux horaire était en deçà de la recommandation de 13,67 $ de la CSPAAT ou qui n’étaient pas dans sa région, ou qu’il avait refusé d’accepter de tels emplois. Elle a noté que l’intimé avait bénéficié d’environ 61 recommandations et possibilités d’emploi, mais qu’il n’avait soumis que 28 curriculum vitae.

[19] La représentante de l’appelant a soutenu que la division générale n’avait pas analysé la recherche d’emploi du requérant, et que ce manquement signifiait qu’elle n’aurait pas pu déterminer s’il s’agissait d’une véritable recherche d’emploi. Cela signifiait également que la division générale n’avait pas pu appliquer convenablement le critère de l’arrêt Inclima. Soulignant les critères qu’a imposés l’intimé à sa recherche d’emploi sur les plans géographique et salarial, la représentante de l’appelant a fait valoir que si l’on applique à l’affaire qui nous occupe la cause Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Rice, 2002 CAF 47, le critère consiste à évaluer la capacité de travail, et non la disponibilité d’un emploi convenable.

[20] Selon la représentante de l’appelant, il était impossible d’appliquer le critère relatif à l’invalidité si l’intimé ne cherchait pas activement un emploi. Elle a soutenu que rien au dossier du Tribunal ne démontrait que l’intimé n’avait pas restreint sa recherche d’emploi. Par conséquent, nonobstant le principe de l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses' Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62Note de bas de page 3, c’était le principe de l’affaire Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Quesnelle, 2003 CAF 92, qui s’appliquait, et la division générale était tenue d’expliquer le fondement de sa décision figurant au paragraphe 52, selon laquelle l’intimé était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[21] En contestant l’allégation voulant que la division générale ait commis une erreur de droit, le représentant de l’intimé a soutenu que la division générale avait accepté la preuve relative à la recherche d’emploi de l’intimé, et qu’elle avait aussi accepté que le rapport de la CSPAAT était partial. S’il a admis que la division générale aurait pu se pencher davantage sur la recherche d’emploi de l’intimé, il a fait valoir que cela n’avait pas été nécessaire. Il a également soutenu que la décision de la division générale devrait être maintenue étant donné que l’ampleur des motifs (motifs suffisants) ne suffisait pas [traduction] « en soi » à infirmer une décision.

[22] Le représentant de l’intimé a également soutenu que la division générale avait fondé sa décision sur sa conclusion que l’intimé était un témoin crédible. Il a également plaidé que la division générale n’avait pas commis une erreur de droit étant donné qu’elle n’avait pas conclu que l’intimé avait conservé une capacité de travailler. Il a soutenu à juste titre qu’un demandeur doit seulement démontrer que son invalidité l’a empêché de trouver un emploi et de le conserver advenant une conclusion de capacité de travail résiduelle. D’après le paragraphe 52 de la décision de la division générale, l’intimé était inapte au travail. Voici le paragraphe en question :

[traduction]

[52] Une invalidité est considérée comme grave non pas parce que le diagnostic atteste sa gravité, mais bien si elle empêche le demandeur de gagner sa vie (Granovsky c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [2001] RCS 703). C’est la capacité du demandeur à travailler et non le diagnostic de sa maladie qui détermine la gravité de l’invalidité en vertu du RPC (Klabouch c. Ministre du Développement social, [2008] CAF 33). Le Tribunal tient compte de ces décisions et estime que les conclusions qu’elles comportent s’appliquent en l’espèce. Bien qu’aucun médecin n’avait pu totalement diagnostiquer les problèmes de santé de l’appelant, leur effet cumulatif l’a rendu inapte au travail en dépit de ses antécédents de travail et de son éducation.

[23] Le représentant de l’appelant a plaidé avec insistance que la décision de la division générale était raisonnable, et que la division d’appel ne devrait pas y toucher.

[24] La division d’appel a examiné avec soin les arguments présentés par les représentants des deux parties, le dossier du Tribunal et la jurisprudence. La division d’appel en conclut que la situation en l’espèce ne diffère guère de celle dont il est question dans l’arrêt Quesnelle, où la Cour d’appel fédérale a fini par conclure que la décision rendue par la Commission d’appel des pensions (CAP) présentait des lacunes dans l’explication à l’appui de son fondement. Voici comment s’est exprimée la Cour d’appel fédérale au sujet de ces lacunes :

[7] Dans ses motifs, la Commission a brièvement décrit les conclusions de six médecins qui avaient soumis des rapports ou qui avaient exprimé divers avis dans leur témoignage oral. La Commission s’est également reportée au témoignage que Mme Quesnelle avait présenté au sujet des tentatives qu’elle avait faites pour retourner au travail, de ses symptômes et des stratégies auxquelles elle avait recours pour atténuer la douleur. La Commission a noté que les deux parties avaient fourni de forts éléments de preuve et que les cas de fibromyalgie présentent des problèmes pour la Commission, même s’il revenait à cette dernière « de décider si l’appelante [était] atteinte d’une fibromyalgie débilitante au point d’empêcher l’appelante d’exercer un emploi qui puisse lui offrir un moyen de subsistance convenable » . Après avoir dit qu’elle avait tenu compte de la preuve dans son ensemble, la Commission a accueilli l’appel, parce qu’elle « juge[ait] que les témoignages de l’appelante et de la Dre Leung [étaient] dignes de foi » . Telle est la seule explication que la Commission a donnée pour justifier sa décision.

[25] La division d’appel estime que le processus décisionnel de la division générale, au paragraphe 52 de sa décision, rappelle tout à fait celui de la CAP. En l’espèce, la division générale a énoncé la jurisprudence pertinente, noté que les problèmes de santé de l’intimé n’avaient fait l’objet d’aucun diagnostic définitif, puis conclu que l’intimé était invalide. Comme l’avait fait la CAP dans Quesnelle, la division générale a fondé sa décision sur sa conclusion que l’intimé était un témoin crédible.

[26] Comme dans le cas de la CAP, qui était tenue par la loi de fournir ses motifs de décision, la division générale a l’obligation légale de fournir ses motifs de décision en application du paragraphe 54(2) de la Loi sur le MEDS. Le dossier du Tribunal était volumineux, comme il l’était dans l’affaire Quesnelle. Cela dit, la division d’appel juge que la division générale était tenue par la loi d’expliquer pourquoi elle a rejeté la masse considérable d’éléments de preuve, particulièrement le rapport sur l’évaluation des capacités fonctionnelles et celui de la CSPAAT, qui indiquent que l’intimé possédait une capacité de travail résiduelle.

[27] La division d’appel estime que les paragraphes suivants, qui sont tirés de la décision Quesnelle, sont très pertinents :

[8] La Commission a une obligation d’origine législative de donner aux parties les motifs de sa décision : paragraphe 83(11) du Régime de pensions du Canada. À mon avis, en omettant d’expliquer pourquoi elle rejetait la masse fort considérable d’éléments de preuve apparemment dignes de foi indiquant que l’invalidité de Mme Quesnelle n’était pas « grave », la Commission a omis de s’acquitter de l’obligation élémentaire qui lui incombait de prononcer des motifs suffisants à l’appui de sa décision. La grosseur et la complexité du dossier dont la Commission disposait exigeaient une analyse de la preuve qui permettrait aux parties et, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, à la Cour, de comprendre pourquoi la Commission était arrivée à sa décision malgré la multitude d’éléments de preuve apparemment dignes de foi allant en sens contraire.

[9] Cela ne veut pas pour autant dire qu’il n’était pas loisible à la Commission de conclure, en se fondant sur la preuve dont elle disposait, que Mme Quesnelle était atteinte d’une invalidité grave au sens du sous-alinéa 42(2)a)(i); une analyse minutieuse de la preuve aurait pu amener la Commission à tirer la même conclusion que celle à laquelle elle était arrivée. Toutefois, en l’absence d’indications, dans les motifs de la Commission, montrant que la preuve avait été analysée d’une façon valable, la décision de la Commission ne peut pas être maintenue.

[…]

[11] […] En l’espèce, le ministre représente l’intérêt public, qui exige que l’intégrité financière du Régime de pensions du Canada soit assurée et que ce régime soit bien administré conformément au droit; l’intérêt public exige également que l’on veille à ce que les demandeurs ne touchent pas de prestations auxquelles ils n’ont pas droit. Les deux parties ont droit à une audience équitable devant la Commission et, en l’absence de motifs expliquant d’une façon suffisante le fondement d’une décision, ni l’une ni l’autre partie ne peut être certaine que, lorsqu’une décision est rendue à son encontre, les arguments et la preuve qu’elle a présentés aient été examinés de la façon appropriée. En outre, en l’absence de motifs suffisants, la partie perdante peut être effectivement privée du droit de demander le contrôle judiciaire.

[12] Quoi qu’il en soit, la seule justification donnée par la Commission à l’appui de sa décision était qu’elle avait conclu que les témoignages présentés par Mme Quesnelle et par le docteur Leung étaient dignes de foi. Cela ne saurait tenir lieu de « motifs », et ce, quelle que soit la norme qui s’applique pour ce qui est de la question de la suffisance.

[28] À la lumière de ce raisonnement, la division d’appel estime que la division générale a commis une erreur de droit du fait qu’elle n’a pas appliqué l’arrêt Inclima comme il se doit, et qu’elle n’a pas expliqué pourquoi elle ne l’a pas fait. L’appel doit être accueilli ne serait-ce que pour cette raison.

La division générale n’a pas tenu compte de la preuve médicale

[29] La représentante de l’appelant conteste l’affirmation de la division générale, selon laquelle [traduction] « aucun médecin n’avait pu totalement diagnostiquer les problèmes de santé de l’appelant ». Elle mentionne le rapport médical du docteur Axelrod (GT1-176), dans lequel celui-ci a diagnostiqué une douleur au cou et aux épaules, ainsi que des microtraumatismes répétés bilatéraux chez l’intimé. Le docteur Axelrod a indiqué que l’intimé avait décrit une [traduction] « douleur insidieuse aux épaules et aux coudes, ainsi qu’au centre du cou, qui était apparue après avoir soulevé et transporté à répétition des sacs de farine de 40 kilos. » Il a ajouté que l’intimé [traduction] « s’était mis à souffrir d’une douleur au cou ainsi qu’aux épaules et aux coudes ».

[30] La division générale a donc manifestement commis une erreur en formulant l’affirmation contestée. Par conséquent, la division d’appel juge que la division générale a fondé sa décision, du moins en partie, sur une conclusion de fait erronée. L’appel est également accueilli sur ce motif.

Conclusion

[31] La représentante de l’appelant a soutenu que la division d’appel devrait accueillir l’appel et, conformément à l’article 59 de la Loi sur le MEDS, renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen. Vu les circonstances de l’espèce, la division d’appel en convient. L’appel est donc accueilli et l’affaire est renvoyée à la division générale pour réexamen.

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