Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée.

Introduction

[2] Le demandeur a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) pour la première fois le 2 mai 2013. Le défendeur a rejeté sa demande initialement ainsi qu’après révision dans une lettre datée du 10 janvier 2014 (lettre de décision découlant de la révision).

[3] Le 27 mai 2015, le demandeur a déposé un avis d’appel incomplet auprès de la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale (TSS). À la suite de demandes du numéro d’assurance sociale (NAS) du demandeur et d’une copie de la lettre de décision découlant de la révision, qui sont tous deux exigés aux termes du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement sur le TSS), le demandeur a complété son appel le 6 août 2015, soit bien au-delà du délai prévu dans la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS).

[4] Dans une décision datée du 8 avril 2016, la DG a refusé d’accorder une prorogation du délai pendant lequel le demandeur pouvait interjeter appel auprès du TSS.

[5] Le représentant autorisé du demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel (DA) du TSS le 27 juin 2016, dans les délais prévus à l’alinéa 57(1)b) de la LMEDS.

Contexte factuel

[6] Le 10 janvier 2014, l’intimé a émis la lettre de décision découlant de la révision dans laquelle il refusait d’accorder au demandeur des prestations d’invalidité du RPC. Elle était adressée et elle a été envoyée par la poste au demandeur à son adresse domiciliaire figurant au dossier, soit sur le X Boulevard, à X, et au bureau de son représentant de l’époque. Le 27 mai 2015, le demandeur a présenté un avis d’appel incomplet à la DG. Voici une partie de la lettre :

[traduction]
le 23 février 2015, j’ai envoyé une lettre à Chatham et j’ai déclaré ne pas avoir reçu de lettre depuis un certain temps.

J’ai envoyé une révision en octobre 2014Note de bas de page 1 et je n’ai reçu aucune réponse.

Dans ma lettre à Chatham, j’ai affirmé que mon adresse avait changé et qu’on n’avait peut-être pas récupéré la nouvelle adresse, qui est X, X, X (Ont.)  XXX XXX.

Ci-joint se trouve la seule lettre que j’ai reçue de votre part. Veuillez noter que vous avez envoyé la lettre à la mauvaise adresse. Je vous ai envoyé une lettre concernant le changement d’adresse, et je soupçonne qu’on l’a perdue.

Je joins également un avis d’appel, au cas où.

Je demande une prorogation si j’en ai besoin. Aucun préjudice n’est cause à quiconque si j’obtiens une prorogation, et je ne devrais pas être critique si je n’ai pas reçu une lettre de votre part au sujet de la révision. J’ai souligné le changement d’adresse.

[7] Un document de Postes Canada était également joint. Il semblait indiquer qu’un colis avait été livré à une adresse à Chatham le 24 février 2015.

[8] Le 8 juin 2015, le TSS a envoyé au demandeur une lettre visant à demander des renseignements requis pour compléter l’appel, plus particulièrement une copie de la lettre de décisions découlant de la révision. Le nouveau représentant du demandeur a transféré la lettre de décision découlant de la révision le 29 juin 2016. Le TSS a ensuite demandé le NAS du demandeur, que le représentant a fourni en bonne et due forme le 6 août 2015, date où l’appel a été déclaré complet.

[9] Dans une lettre datée du 1er septembre 2015, le représentant du demandeur a expliqué que le retard du dépôt de son appel était dû au fait qu’il n’avait pas reçu une lettre [traduction] « depuis la présentation de sa révision en octobre 2014 ». Le représentant du demandeur a également réitéré l’avis de son client selon lequel aucun préjudice ne serait causé à une partie si une prorogation était accordée.

[10] En mars 2016, le membre de la DG saisi du dossier a demandé à l’intimé de fournir les dates confirmant la correspondance par courriel reçue directement du demandeur relativement à la demande de prestations d’invalidité du RPC entre septembre 2014 et février 2015. L’intimé a répondu n’avoir reçu aucune correspondance du demandeur ou de son ancien représentant entre le 2 octobre 2013 et le 24 février 2015.

[11] Dans sa décision du 8 mars 2016, la DG a conclu que l’appel du demandeur avait été complété plus d’un an après avoir reçu la lettre de décision découlant de la révision. Par conséquent, le paragraphe 52(2) de la LMEDS ne permet aucune prorogation de délai.

Question en litige

[12] Pour accueillir cette demande, je dois être convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

Règlement sur le TSS

[13] Aux termes du paragraphe 24(1) du Règlement sur le TSS, un appel interjeté à la DG doit respecter les exigences énoncées par le SST et figurant sur son site Web. Ces exigences se lisent comme suit :

  1. a) une copie de la décision rendue en application des paragraphes 81(2) ou (3) du Régime de pensions du Canada, du paragraphe 27.1(2) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse ou de l’article 112 de la Loi sur l’assurance-emploi;
  2. b) la date à laquelle la décision a été communiquée à l’appelant;
  3. c) si une personne est autorisée à le représenter, le nom, l’adresse et le numéro de téléphone de cette personne et tout numéro de télécopieur et adresse électronique qu’elle possède;
  4. d) les moyens d’appel;
  5. e) tous les documents ou observations que l’appelant entend invoquer à l’appui de l’appel;
  6. f) le numéro identificateur du type précisé par le Tribunal sur son site Web en vue de l’appel;
  7. g) le nom complet de l’appelant, ses adresse et numéro de téléphone et tout numéro de télécopieur et adresse électronique qu’il possède;
  8. h) une déclaration selon laquelle les renseignements fournis sont, à la connaissance de l’appelant, véridiques.

LMEDS

[14] Conformément à l’alinéa 52(1)b) de la LMEDS, un appel doit être interjeté devant la DG dans les 90 jours suivant la date à laquelle le l’appelant reçoit communication de la décision. En application du paragraphe 52(2), la DG peut proroger le délai pour interjeter appel, mais en aucun cas un appel ne peut être interjeté plus d’un an suivant la date où l’appelant a reçu communication de la décision.

[15] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3), il ne peut être interjeté d’appel devant la DA sans permission, et la DA accorde ou refuse cette permission. Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[16] Conformément au paragraphe 58(1), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[17] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audition au fond de l’affaire. C’est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel il devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, la demanderesse n’a pas à prouver sa thèse.

[18] Par ailleurs, la Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si une partie a une cause défendable en droit revient à se demander si elle a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Canada (MDRH) c. HogervorstNote de bas de page 2 et Fancy c. Canada (PG)Note de bas de page 3.

Observations du demandeur

[19] Le représentant actuel du demandeur soutient que, en refusant la demande de prorogation du délai pour interjeter appel, la DG n’a pas observé un principe de justice naturelle parce qu’elle a fait abstraction des facteurs suivants :

  1. La DG a conclu que la lettre de décision découlant de la révision datée du 10 janvier 2014 a réellement été communiquée au demandeur le 20 janvier 2014, mais cela est inexact étant donné que le demandeur n’a pas vraiment reçu la lettre de décision découlant de la révision avant le 2 avril 2015 en raison d’un changement d’adresse. Il a envoyé à l’intimé une lettre en février 2015 dans laquelle il les avise de la même situation, fait reconnu par la DG. À la réception de la lettre, le demandeur a immédiatement avisé son représentant légal, qui a agi rapidement en déposant un appel un mois plus tard, ce qui se situe bien dans le délai de 90 jours. Même si l’appel n’était pas complet à ce moment-là, les renseignements manquants ont été fournis en août 2015.
  2. La DG reconnaît également que la lettre de décision découlant de la révision a été envoyée par la poste à l’ancien représentant du demandeur. Le cas échéant, le demandeur ne devrait pas assumer la responsabilité relativement à la négligence de son ancien représentant, qui a omis d’interjeter appel dans les délais prévus. Comme il a été conclu dans la décision Breath E-Z Homes Ltd. c. Canada (MRN)Note de bas de page 4, la justice et l’équité doivent prévaloir pour décider si on accorde la prorogation du délai pour interjeter appel. Dans sa décision, la Cour canadienne de l’impôt a refusé de pénaliser la requérante parce que celle-ci a délégué la tâche d’interjeter appel à un conseiller professionnel.
  3. Pour décider si elle accorde une prorogation du délai, la DG doit tenir compte du critère prévu dans l’arrêt Canada (MDRH) c. GattellaroNote de bas de page 5. Dans cette affaire, le demandeur avait une intention constante de poursuivre l’appel, il avait une cause défendable, il avait une explication raisonnable pour le retard, et aucun préjudice ne serait causé au défendeur en accordant la prorogation.

Analyse

[20] J’ai examiné l’ensemble du dossier qui a été présenté à la DG, et cet appel ne semble présenter aucune chance raisonnable de succès pour les moyens soulevés par le demandeur. La DG est d’avis que le demandeur a présenté l’avis d’appel au TSS plus d’un an après avoir reçu la lettre de décision découlant de la révision. Je ne perçois aucune cause défendable selon laquelle la DG s’est appuyée sur une conclusion de fait erronée, a mal appliqué le droit ou a traité le demandeur injustement.

[21] Dans ses observations, le représentant du demandeur reconnaît que l’avis d’appel n’a pas été présenté, même dans sa forme incomplète, avant le 27 mai 2015, soit plus de 16 mois après la communication de la lettre de décision découlant de la révision. Le représentant du demandeur soutient que, selon le libellé du paragraphe 52(2) de la LMEDS, la lettre de décision découlant de la révision n’a pas été réellement communiquée à son client avant avril 2015, parce qu’il a changé d’adresse domiciliaire entretemps et que son ancien représentant ne l’a pas informé de ses droits d’appel.

[22] Je ne constate rien de déraisonnable dans la présomption de la DG selon laquelle le demandeur a reçu la lettre de décision découlant de la révision dans les dix jours suivant l’envoi par la poste, particulièrement parce que (1) il avait un représentant légal autorisé au dossier et (ii) il avait une obligation morale, et non juridique, d’informer le défendeur d’un changement d’adresse, ce qu’il n’a pas fait avant février 2015 de toute évidence. À mon avis, les délais d’appel du TSS deviendraient dénués de sens si un appelant potentiel pouvait plaider l’ignorance d’avis bon nombre de mois après un déménagement.

[23] En ce qui concerne les appels interjetés plus d’un an après la révision, la loi est strict et sans ambigüité. Le paragraphe 52(2) de la LMEDS prévoit que la DG peut proroger d’au plus un an le délai pour interjeter appel, suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision. Bien que des facteurs comme ceux énoncés dans l’arrêt Gattellaro puissent être pris en considération pour les demandes de prorogation présentées après 90 jours, le libellé du paragraphe 52(2) élimine pratiquement le champ d’application d’un décideur d’exercer son pouvoir discrétionnaire une fois l’année écoulée. L’intention constante du demandeur de poursuivre l’appel est devenue non pertinente, tout comme l’explication de son retard, la qualité de sa cause ou l’improbabilité de préjudice à l’autre partie.

[24] En effet, il est malheureux que les retards de dépôt puissent avoir empêché le demandeur d’interjeter appel, mais la DG était tenue de respecter la loi, tout comme moi. Étant donné la prétendue négligence de l’ancien représentant du demandeur, on me demande de faire preuve d’équité et d’infirmer la décision de la DG, mais je ne possède pas le pouvoir de le faire et je peux seulement exercer la compétence qui m’est conférée par la loi constitutive de la DA. Un appui à cette position peut être trouvé dans Pincombe c. CanadaNote de bas de page 6, et d’autres cas, où il a été tenu qu’un tribunal administratif n’est pas une cour, mais un décideur prévu par la loi et qu’il n’a pas la compétence d’accorder une quelconque forme de réparation équitable. Sans rentrer dans les détails de la décision Breathe E-Z Homes, j’ai les mains liées d’une manière, ce qui n’était pas le cas de la cour dans cette affaire.

Conclusion

[25] À mon avis, la DG a ni fondé sa décision de refuser la prorogation du délai pour interjeter appel sur une conclusion de fait erronée ni commis une erreur de droit ou manqué à un principe de justice naturelle. Puisque les moyens d’appel soulevés par le demandeur ne confèrent à l’appel aucune chance raisonnable de succès, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

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