Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

G. E. Appelant

Ilena Candiani Représentante de l’appelant

S. S. Témoin

Introduction

[1] L’intimé a estampillé la demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada(RPC) de l’appelant le 24 juin 2014. L’intimé a rejeté cette demande initialement et après révision. L’appelant a interjeté appel auprès du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) de la décision découlant de la révision.

[2] Le Tribunal a tenu une audience par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. les questions en litige ne sont pas complexes;
  2. le mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle le permettent.

[3] Au début de l’audience, le Tribunal a brièvement examiné le contenu du dossier d’appel avec la représentante de l’appelant. Cette dernière a confirmé qu’elle avait le dossier complet.

Droit applicable

[4] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne reçoit pas une pension de retraite du RPC;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[5] Le calcul de la PMA est important, puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date ou avant la date marquant la fin de sa PMA.

[6] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[7] Le litige ne concerne pas la PMA, car les parties conviennent que cette période prend fin le 31 décembre 2013, ce qu’a également conclu le Tribunal. Le Tribunal doit déterminer si, selon toute vraisemblance, l’appelant était atteint d’une invalidité grave et prolongée à la date où a pris fin la PMA ou avant cette date.

Preuve

[8] Le relevé d’emploi de l’appelant a révélé qu’il avait versé des cotisations valides au RPC tous les ans depuis ses 18 ans, à l’exception des années 1994, 2009 et 2010, et après 2013 (GD2‑34).

[9] Dans sa demande de prestations d’invalidité, l’appelant a déclaré qu’il a arrêté de travailler comme ouvrier le 4 novembre 2013 en raison de maux de dos. Il a affirmé qu’il n’était plus capable de travailler à partir de cette date, car il ne peut pas se pencher et il ne peut pas non plus rester assis ou debout plus de quelques minutes. Il a énuméré d’autres limitations fonctionnelles lorsqu’il doit soulever, transporter et atteindre des objets, marcher, conduire et dormir, ainsi que des problèmes liés à ses besoins personnels et à ses tâches domestiques. Il a déclaré qu’il ne prenait pas de médicaments (GD2-76-82).

Témoignage de l’appelant

[10] L’appelant est né en Alberta en 1976. Il a déménagé en Colombie-Britannique lorsqu’il était enfant, et il vit présentement à X avec son épouse et ses enfants.

[11] L’appelant a quitté l’école au cours de sa 10e année, après avoir été expulsé pour ne pas avoir assisté à ses cours. Il a commencé à occuper des emplois impliquant un travail manuel intensif où il devait se pencher et soulever des charges lourdes. Il a travaillé de manière assez régulière après avoir quitté l’école. De 1998 à 2007 environ, il a travaillé dans une usine de fabrication à X, en Colombie-Britannique. Il y a environ 10 ans, il a essayé d’obtenir son diplôme de formation générale afin qu’il puisse suivre une formation d’électricien, mais il a décidé qu’il était plus facile de travailler, et il n’a pas terminé ses cours.

[12] L’appelant a développé un problème d’alcool, ce qui a causé des problèmes dans son mariage. À cause de ces problèmes, il a déménagé en Alberta en 2008 et a habité avec sa mère pendant environ trois ans afin d’être en mesure de contrôler son alcoolisme. Il n’a pas travaillé lors de sa convalescence. Il est retourné en Colombie-Britannique et sur le marché du travail en 2011, et encore une fois, il a commencé à occuper divers emplois physiques.

[13] Au fil des années, l’appelant a commencé à ressentir de la douleur et des raideurs au dos et lors de l’exécution de ses tâches de travail. Celles-ci augmentaient au cours de la journée, mais disparaissaient habituellement d’ici le jour suivant. Lorsque cela était nécessaire, il prenait une semaine de congé ou se trouvait un emploi différent. Il n’a pas sollicité d’aide médicale pour cela, sauf qu’il allait occasionnellement à une clinique sans rendez-vous pour obtenir des analgésiques ou des relaxants musculaires.

[14] Le 4 novembre 2013, l’appelant travaillait comme aide-poseur de tuyaux, emploi qu’il avait commencé à exercer au mois de juillet précédent. Ce jour-là, il a ressenti de la douleur et des raideurs au niveau de son dos bien plus tôt dans la journée que d’ordinaire. La douleur s’est intensifiée rapidement, et il a appelé son épouse à l’heure du dîner pour lui demander si elle croyait qu’il devrait rentrer à la maison. Il a décidé de terminer sa journée, mais à 15 h, il pouvait à peine se tenir debout. À 17 h 30, lorsque son quart de travail a pris fin, il a dû recevoir de l’aide pour se rendre à sa voiture afin qu’il puisse rentrer chez lui. À son arrivée chez lui, la douleur était si intense qu’il pleurait, et il a éprouvé de la difficulté à entrer dans la maison.

[15] Le 4 novembre 2013 était la dernière journée de travail de l’appelant. Il ressent de la douleur depuis ce temps.

[16] L’appelant est allé à une clinique sans rendez-vous, et on lui a dit qu’il devrait se trouver un médecin de famille. Il a commencé à voir le Dr J. Tolmie, qui lui a dit qu’il croyait qu’il souffrait d’une discopathie dégénérative et qu’il ne serait pas capable de continuer à travailler comme ouvrier. Il a demandé à l’appelant s’il serait capable d’exercer des tâches légères comme un travail à l’ordinateur, mais l’appelant lui a dit qu’il n’avait pas de connaissances en informatique et qu’il ne pouvait pas rester assis plus de quelques minutes.

[17] Le Dr Tolmie a recommandé l’appelant au Dr Gul, neurochirurgien. Le Dr Gul a demandé qu’il passe un examen par IRM, à la suite duquel il a dit à l’appelant qu’il n’avait pas de nerf pincé, que sa douleur était musculaire et qu’il n’y avait rien à faire. Il a suggéré de la physiothérapie. L’appelant ne croit pas que sa douleur est musculaire, car il ressent une douleur semblable à une brûlure à un endroit en particulier, comme si un poing faisait une pression à cet endroit. Il n’est pas allé consulter d’autres spécialistes.

[18] Au départ, l’appelant voyait le Dr Tolmie à un intervalle de trois semaines à un mois environ. S’il devait s’assoir et attendre pour son rendez-vous, même pendant seulement 10 minutes, sa douleur devenait atroce. Le Dr Tolmie lui a prescrit de la gabapentine, puis de l’amitriptyline.

[19] Lors de son témoignage, l’appelant était incertain quant au moment où il a commencé à prendre ces médicaments et au moment où il a arrêté de les prendre. Il s’est finalement rappelé que le Dr Tolmie lui avait donné une prescription de trois mois de gabapentine et qu’il a pris ce médicament quatre fois par jour pendant quelques mois. Il trouvait que cela le rendait anxieux et l’empêchait de dormir, et que cela atténuait la douleur, mais n’augmentait pas sa mobilité.

[20] L’appelant est retourné voir le Dr Tolmie, et celui-ci lui a donné une prescription d’amitriptyline. Cela l’a aidé à dormir, mais la journée suivante, il se sentait malade et démotivé, et cela n’atténuait pas sa douleur au cours de la journée.

[21] À un certain moment au cours de l’année 2015, l’appelant a arrêté de prendre de l’amitriptyline et a recommencé à prendre de la gabapentine, car il lui en restait du temps où elle lui avait été prescrite. Puis, il a commencé à souffrir de douleurs thoraciques, de battements rapides du cœur et d’essoufflements, lesquels l’ont conduit à l’hôpital à deux occasions, à environ six mois d’intervalle. On lui a dit qu’il n’était pas en train de faire une crise cardiaque, mais à son retour à la maison, il a fait une recherche sur Internet au sujet de ses symptômes et a appris que ceux-ci auraient pu être causés par la gabapentine, donc il a arrêté d’en prendre et il a également arrêté de prendre ses autres médicaments.

[22] L’appelant croyait, au départ, qu’il avait dit au Dr Tolmie qu’il avait arrêté de prendre de l’amitriptyline. Plus tard au cours de l’audience, il a précisé qu’il avait probablement dit au Dr Tolmie qu’il avait arrêté de prendre la gabapentine la première fois. Il ne pensait pas que le Dr Tolmie savait qu’il ne prenait plus d’amitriptyline, même si l’appelant avait arrêté de demander que sa prescription soit renouvelée. Il se rappelait que le Dr Tolmie lui avait dit qu’il n’était pas prudent de prendre des Tylenol tous les jours, donc il n’en prend pas du tout, et il ne prend pas non plus d’Advil ou tout autre type d’analgésique. Il n’a pas parlé de médicaments avec le Dr Tolmie depuis qu’il a arrêté de prendre de l’amitriptyline. Maintenant, lorsqu’il voit son médecin, il parle des nouveaux symptômes liés à sa douleur. Au cours de la dernière année, il a commencé à ressentir une douleur aiguë au moment de s’assoir et de se lever.

[23] L’appelant n’a pas pensé à retourner travailler, car il est incapable de faire quoi que ce soit à la maison, comme rester assis pendant un souper en famille, balayer les planchers ou faire la vaisselle. Il a besoin d’une canne pour se relever d’une chaise. Il réussit à s’en sortir chaque jour en se déplaçant lentement et en prenant des bains chauds. Il a acheté une minifourgonnette, car il est plus facile d’y entrer et d’en sortir de celle-ci que ce n’est le cas avec une voiture. Puisqu’il a tant de difficultés à s’habiller, il garde ses vêtements pour dormir et les change seulement deux à trois fois par semaine. Il prend une douche seulement deux fois par semaine, car il a peur de tomber dans la douche.

[24] L’appelant essaie de marcher, comme il lui a été recommandé par le Dr Tolmie, mais il peut seulement faire trois pâtés de maisons avant que sa douleur ne devienne trop intense et que ses jambes commencent à trembler. La seule façon de soulager sa douleur est de s’allonger sur le divan. Dès qu’il s’assoit ou se lève, la douleur revient, et elle augmente avec chaque activité qu’il fait. Le fait de se tenir debout pendant 20 minutes lui cause une douleur si intense qu’il doit s’allonger pendant une heure afin que la douleur s’atténue.

Témoignage du témoin

[25] S. S. est l’épouse de l’appelant. Elle a raconté la dernière journée de travail de l’appelant : il avait appelé à la maison, puis avait décidé de finir sa journée. Lorsqu’il est arrivé à la maison après le travail, il ne pouvait plus bouger et il n’a pratiquement pas quitté son divan pendant quelques jours. Après trois ou quatre jours, ils sont allés à une clinique sans rendez-vous, puis ils sont tombés sur le Dr Tolmie.

[26] Du point de vue de madame S. S., l’appelant ne peut rien faire depuis qu’il a arrêté de travailler. Il ne peut pas lever un contenant de lait ou aider avec les tâches ménagères à l’exception de faire la vaisselle pendant quelques minutes. Il ne peut pas lacer ses souliers. À l’épicerie, il utilise le panier pour se soutenir, et il se promène aux alentours avec elle pendant qu’elle place les articles dans le panier. Il ne peut pas faire la queue. Ses jambes tremblent lorsqu’il utilise les escaliers. Il passe ses journées allongé sur le divan et il se lève pour aller à la salle de bain ou pour aller fumer une cigarette. S’il fait un minimum d’efforts, il ressent beaucoup de douleurs. Il dort sur le divan, car il ne peut pas monter dans son lit ou en sortir facilement.

[27] Madame S. S. a raconté que les médicaments de l’appelant lui ont causé de l’anxiété, des changements d’humeur, de l’insomnie, puis des palpitations au cœur pour lesquelles ils sont allés à l’hôpital à deux reprises. La seule autre chose qui lui a été suggérée est la physiothérapie, mais ils n’en ont pas les moyens. L’appelant serait prêt à tout essayer s’il pouvait se le permettre financièrement.

Preuve au dossier d’audience

[28] Dans un rapport médical daté du 25 juin 2014, le Dr J. Tolmie a écrit qu’il connait l’appelant depuis le 7 novembre 2013. L’appelant a reçu un diagnostic de discopathie dégénérative grave de la colonne lombaire avec rétrolisthésis et amplitude des mouvements très limitée. Il a consulté un neurochirurgien, et il n’était pas un candidat à la chirurgie. Le traitement comprenait la prise de médicaments (Zytrim [sic; probablement Zytram ou tramadol] et de la physiothérapie. Le Dr Tolmie a déclaré que le pronostic de l’appelant était sombre, car il souffrait de douleur chronique et n’était pas capable de travailler [traduction] « à ce stade » (GD2-70-73).

[29] Les notes cliniques du Dr Tolmie de novembre 2013 à novembre 2014 révélaient qu’il avait rencontré l’appelant pour la première fois le 7 novembre 2013 en raison de maux de dos. On lui a prescrit du Zytrim [voir plus haut], du Flexeril et du Toradol. L’appelant a déclaré qu’il ne se souvenait pas d’avoir pris ces médicaments, et il doutait que son épouse aurait accepté qu’il consomme des opioïdes en raison des problèmes d’alcool qu’il avait eus dans le passé. Les notes du Dr Tolmie révélaient qu’il avait envoyé l’appelant passer une radiographie, laquelle avait révélé une discopathie dégénérative modérée. Un tomodensitogramme a révélé une compression des racines nerveuses en L5, causée par une protrusion discale et un listhésis postérieur de L5-S1 L’appelant a été dirigé vers la Rapid Access Spinal Clinic [clinique de correction vertébrale à accès rapide] de l’Hôpital Lions Gate.

[30] Les notes cliniques ont révélé que l’appelant avait vu le Dr Tolmie fréquemment, qu’il se plaignait de douleur et de sensibilité au toucher et qu’il présentait une amplitude des mouvements réduite. On lui a dit de continuer de prendre ses médicaments. En mai 2014, le Dr Tolmie lui a conseillé de parler à son syndicat au sujet de la possibilité de se recycler pour pouvoir exercer un emploi sédentaire. Il a noté en juin que [traduction] « ce gars a vraiment un dos raide », et il croyait que l’appelant pourrait être admissible au bénéfice de prestations [traduction] « pour le moment ». Il était d’accord avec l’espoir de l’appelant que, dans l’avenir, il serait peut-être capable d’effectuer des tâches sédentaires.

[31] Des rapports provenant du Dr S. Gul, neurochirurgien, ont révélé qu’il avait vu l’appelant en avril et en juin 2014. Le Dr Gul a consigné les antécédents de maux de dos de l’appelant pour les cinq années précédentes, maux de dos qui s’aggravent lorsqu’il se lève après être resté assis pendant longtemps et qu’il déploie des efforts physiques accrus. La douleur a été particulièrement intense depuis 2013. L’appelant ne prenait pas de médicaments réguliers sur ordonnance. Une étude par IRM du rachis lombaire réalisée en mai 2014 a révélé une dégénérescence discale avec de petites déchirures annulaires postérieures, mais aucune trace de compression de la racine nerveuse. Le Dr Gul a conclu que les maux de dos de l’appelant étaient de nature mécanique et musculaire et que par conséquent, une intervention chirurgicale n’était pas nécessaire. Il a suggéré des traitements conservateurs comme la physiothérapie (GD2-61-65).

[32] Le Dr Tolmie a noté le 24 septembre 2014 que le neurochirurgien estimait qu’il ne pouvait rien faire pour aider l’appelant, car il n’avait aucune compression de la racine nerveuse. Il a déclaré que l’appelant [traduction] « souffre de spondylose sévère au niveau du rachis lombaire. Même lorsqu’il est assis ici, dans le bureau, il ressent une grave douleur. » Il a prescrit à l’appelant 300 mg de Neurontin (gabapentine) par jour, à prendre deux fois par jour après quatre jours.

[33] Le 9 octobre 2014, l’appelant a fait état de certaines améliorations grâce à la prise de Neurontin, passant de 6/10 à 3/10. La dose de Neurontin a été augmentée à 300 mg trois fois par jour, et après une semaine, l’appelant prenait 600 mg au coucher. La prescription de Neurontin de l’appelant a été renouvelée le 3 novembre 2014, et le Dr Tolmie a noté qu’il a vu l’appelant au cours de la fin de semaine en raison de douleurs à la poitrine (GD2-49-54).

[34] Le 30 octobre 2014, l’appelant a dit à l’évaluateur médical de l’intimé qu’on lui avait dit que la chirurgie n’était pas une option pour lui et que la prise de médicaments et la physiothérapie étaient recommandées. Il avait commencé à prendre de la gabapentine environ un mois plus tôt et il estimait que cela lui apportait seulement des bénéfices à court terme. Son médecin allait augmenter sa dose. Il estimait que puisque sa douleur était imprévisible, il ne serait pas en mesure de prendre un engagement relatif à une formation. Sa douleur était ressentie lorsqu’il s’assoyait, se tenait debout, se penchait et conduisait, et il se sentait bien seulement lorsqu’il était allongé. Il était inquiet en ce qui a trait à son avenir (GD2-39).

[35] Dans une lettre datée du 10 septembre 2015, le Dr Tolmie a déclaré que l’appelant souffrait de douleurs mécaniques graves au dos. Puisqu’une chirurgie ne l’aiderait pas, il recevait des traitements à l’aide d’analgésiques. Le Dr Tolmie a dit que malgré la prise continue de médicaments, l’appelant souffrait de douleur chronique l’empêchant de rester assis, debout ou couché pendant plus de cinq minutes ou l’empêchant de travailler pendant plus de 15 minutes. L’appelant avait une amplitude des mouvements réduite au niveau de son dos, une capacité limitée de fléchir ou de se pencher vers l’avant, de se pencher vers l’arrière ou de pivoter d’un côté à l’autre. Il estimait qu’il serait impossible pour l’appelant d’exercer tous types de travail, et que l’appelant était devenu invalide en novembre 2013.

Observations

[36] L’appelant a fait valoir qu’il est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. il souffre de graves douleurs au dos qui limitent ses capacités et font en sorte qu’il doive passer la majorité de sa journée en position inclinée;
  2. des constatations objectives appuient ses déclarations selon lesquelles il ressent de la douleur;
  3. il a fait preuve de diligence en suivant des traitements médicaux qui n’ont pas réglé ses problèmes de douleur;
  4. il n’y a aucun emploi disponible, dans un contexte réaliste, pour une personne dans sa situation.

[37] L’intimé a fait valoir que l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. même s’il n’était peut-être pas capable d’exercer un emploi de nature physique en raison de son état de santé, il était capable d’exercer un emploi adapté à ses limitations ou de se recycler pour un tel emploi;
  2. rien ne démontre qu’il a tenté de se trouver un autre emploi adapté à ses limitations;
  3. le traitement de l’appelant ne permet pas d’appuyer une conclusion selon laquelle il était invalide au cours de sa PMA.

Analyse

[38] L’appelant doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2013 ou avant cette date.

Caractère grave

[39] Le critère de gravité doit être évalué dans un contexte réaliste (Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248). Ainsi, pour évaluer la gravité de l’invalidité d’une personne, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que son âge, son niveau de scolarité, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie.

[40] Le critère permettant d’évaluer si une invalidité est « grave » ne consiste pas à déterminer si la personne souffre de graves affections, mais plutôt à déterminer si son invalidité l’empêche de gagner sa vie. La détermination de la gravité de l’invalidité d’une personne ne dépend pas de son incapacité à occuper son emploi régulier, mais plutôt de son incapacité d’exécuter quelque travail que ce soit (Klabouch c. Canada (Développement social),2008 CAF 33).

[41] Un demandeur de pension d’invalidité doit démontrer qu’il a déployé des efforts pour améliorer sa situation. Il doit se conformer aux recommandations de traitements raisonnables et suivre les conseils médicaux appropriés (Lombardo c. MDRH, 2001 CP 12731(CAP)). Lorsqu’il existe des preuves de capacité au travail, l’appelant doit démontrer que ses efforts pour se trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé (Inclima c. Canada (Procureur général)), 2003 CAF 117).

[42] Le Tribunal accepte le témoignage de l’appelant et de son épouse en ce qui concerne l’étendue de sa douleur et de ses limitations. Des constatations objectives révèlent qu’il souffre de discopathie dégénérative. Bien qu’une autre personne avec des résultats semblables puisse être plus fonctionnelle, le Tribunal doit tenir compte de l’expérience personnelle de l’appelant pour déterminer s’il est invalide ou non.

[43] Le Tribunal n’est pas convaincu que le Dr Tolmie ait déjà déclaré catégoriquement que l’appelant était capable d’exercer un emploi sédentaire. Lorsqu’elles sont lues dans leur contexte, ces déclarations révèlent que le Dr Tolmie estimait que l’appelant pourrait être capable s’il trouvait une solution à son problème de maux de dos, et elles suggéraient qu’il doit envisager cette possibilité, car il ne sera certainement pas capable de retourner exercer le genre d’emploi qu’il exerçait précédemment.

[44] Parallèlement, le Tribunal n’a pas été convaincu par la déclaration du Dr Tolmie en septembre 2015, selon laquelle l’appelant était incapable d’exercer tous types d’emploi. Cette opinion était fondée, en partie, sur le fait que la prise de médicaments en continu ne soulageait pas la douleur de l’appelant. En l’espèce, la difficulté est que l’appelant ne prenait pas ses médicaments comme prescrit. Selon ses notes cliniques et le rapport médical de juin 2014, le Dr Tolmie croyait que l’appelant prenait des analgésiques et des relaxants musculaires depuis novembre 2013 jusqu’à ce que du Neurontin lui soit prescrit à la fin septembre de l’année suivante. L’appelant ne se rappelait pas avoir pris ces médicaments et, en fait, il a déclaré dans sa demande de prestations d’invalidité en juin 2014 qu’il ne prenait rien. Il a affirmé à l’audience que bien qu’il ait essayé l’amitriptyline et la gabapentine après cette date, il a arrêté de prendre ses médicaments à un certain moment en 2015, après avoir lu quelque chose sur Internet et sans avertir le Dr Tolmie. D’après la preuve de l’appelant, cela se serait produit avant que le Dr Tolmie ne rédige son rapport en septembre 2015.

[45] Le Tribunal admet que l’appelant a éprouvé des effets secondaires indésirables de la gabapentine et de l’amitriptyline. Cependant, aucun élément de preuve ne permet de conclure qu’il a fait part de ceux-ci au Dr Tolmie. Il n’y a aucun élément de preuve à l’appui du fait qu’il aurait dit au Dr Tolmie qu’il ne prenait pas les médicaments suggérés avant que la gabapentine n’ait été prescrite ou expliquant pourquoi il ne les prenait pas. Si le Dr Tolmie avait été au courant de la situation réelle, il aurait peut-être prescrit autre chose ou donné des conseils sur la façon de réduire les effets secondaires.

[46] Il est possible que de tels ajustements n’auraient rien changé. Cependant, il est tout aussi possible qu’ils auraient permis à l’appelant de tenter d’exercer un emploi moins ardu. Il revient à l’appelant de prouver le bien-fondé de sa cause, selon la prépondérance des probabilités, et il ne doit pas laisser au Tribunal le soin de spéculer en sa faveur.

[47] Le Tribunal ne peut pas conclure que l’appelant était invalide en date du 31 décembre 2013 ou avant cette date. Même s’il se peut que l’appelant était incapable de travailler à ce moment précis, le fait qu’il n’ait pas suivi les conseils médicaux appropriés afin de tenter de contrôler sa douleur signifie qu’il n’a pas prouvé qu’il était régulièrement incapable ou que son état de santé allait vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéterminée, ou vraisemblablement entraîner son décès. Par conséquent, son état de santé n’était ni grave ni prolongé au sens du RPC.

‏Conclusion

[48] L’appel est rejeté.

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