Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 30 novembre 2015, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a rendu une décision dans laquelle elle a conclu que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada. Le 24 février 2016, la division d’appel du Tribunal a reçu une demande de permission d’en appeler de la décision de la division générale (demande).

Motifs de la demande

[2] Le représentant de la demanderesse a soutenu que la division générale a :

  1. commis une erreur de droit;
  2. fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[3] Ses observations peuvent être regroupées dans les trois catégories suivantes :

  1. La division générale a tiré des conclusions de fait erronées concernant la capacité de la demanderesse à travailler au moment où sa période minimale d’admissibilité (PMA) a pris fin, en décembre 2011. À ce titre, le représentant de la demanderesse a soutenu qu’elle avait essayé de reprendre un emploi aux fonctions modifiées auprès de son ancien employeur, et qu’elle avait aussi essayé de faire des [traduction] « travaux légers très adaptés », mais que toutes ces tentatives avaient été infructueuses en raison de ses problèmes de santé. Il a ajouté que les difficultés éprouvées par la demanderesse sur le plan fonctionnel témoignaient de l’absence d’une capacité de travail résiduelle chez elle, et qu’elle continue de recevoir des soins médicaux et de réadaptation.
  2. La division générale a commis une erreur de droit du fait qu’elle n’a pas tenu compte de l’ensemble de la preuve. Cette observation porte sur ce que le représentant a affirmé être la détérioration progressive de l’état de santé de la demanderesse et les effets secondaires de ses médicaments.
  3. Enfin, le représentant de la demanderesse a soutenu que la division générale n’a pas correctement évalué la gravité dans un contexte réaliste. Il a soutenu qu’elle n’a pas apprécié la preuve selon laquelle la demanderesse n’avait [traduction] « qu’une aptitude limitée à vaquer à ses activités quotidiennes et qu’elle avait besoin de l’aide des autres ».

Question en litige

[4] Le membre du Tribunal doit décider si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[5] Les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) régissent l’octroi de la demande de permission d’appeler. Conformément au paragraphe 56(1), « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission. » La demande de permission d’en appeler d’une décision de la division générale du Tribunal est donc une étape préliminaire au dépôt d’un appel devant la division d’appel.

[6] Le paragraphe 58(3) prévoit que la division d’appel « […] accorde ou refuse cette permission ». Pour obtenir la permission d’en appeler, un demandeur doit convaincre la division d’appel que son appel aurait une chance raisonnable de succès; autrement, la division d’appel doit rejeter sa demande de permission d’en appelerNote de bas de page 1. Dans l’affaire Canada (Procureur général) c. O’Keefe, 2016 CF 503, la Cour fédérale a examiné la compétence de la division d’appel pour accorder la permission d’en appeler, et a statué ce qui suit :

[traduction]
[36] La permission d’appeler d’une décision de la division générale du Tribunal peut seulement être accordée si un demandeur convainc la division d’appel du Tribunal que son appel a « une chance raisonnable de succès » sur le fondement de l’un des trois moyens d’appel figurant au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS : a) un manquement au principe de justice naturelle; b) une erreur de droit; c) une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Aucun autre moyen d’appel ne peut être pris en considération (Belo-Alves, précité, aux paragraphes 71 à 73).

[7] Un demandeur convainc la division d’appel que son appel a une chance raisonnable de succès en présentant une cause défendable dans sa demande de permission d’en appelerNote de bas de page 2 : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervost, 2007 CAF 41; Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[8] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] L’affaire Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300, appuie l’avis selon lequel la division d’appel doit d’abord, lors de son évaluation d’une demande de permission d’en appeler, déterminer si les motifs d’appel du demandeur se rattachent à l’un ou l’autre des moyens énumérés.

Analyse

[10] Pour les raisons qui suivent, la division d’appel juge que les observations de la demanderesse ne se rattachent pas aux moyens d’appel qui auraient une chance raisonnable de succès. D’abord, la division d’appel estime que les observations, en grande partie, l’invitaient à apprécier la preuve de nouveau en faveur de la demanderesse. L’affaire Tracey a clairement établi qu’il ne s’agit pas là du rôle de la division d’appel dans le cadre d’une demande de permission d’en appeler, et que celle-ci doit strictement chercher à déterminer si la division générale a commis l’une des erreurs énoncées au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. La division d’appel abordera néanmoins chacune des observations présentées par le représentant de la demanderesse.

La division générale a-t-elle fondé ses conclusions relatives à la capacité de travail résiduelle de la demanderesse sur des conclusions de fait erronées?

[11] La division générale a conclu que la preuve ne permettait pas de conclure que la demanderesse ne possédait pas une capacité de travail résiduelle. Elle a présenté ses conclusions aux paragraphes suivants de sa décision :

[traduction]
[32] Où il y a des preuves de capacité de travail, une personne doit démontrer que ses efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé (Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117). En l’espèce, l’appelante a essayé de reprendre un emploi à temps partiel où elle devait compter et trier des vêtements debout, sans succès. Cependant, elle n’a jamais essayé de trouver un autre emploi ou de perfectionner ses aptitudes linguistiques en anglais. Le Tribunal juge qu’elle n’a pas déployé des efforts raisonnables pour obtenir un emploi et le conserver qui se seraient avérés infructueux pour des raisons de santé.

[33] Le Tribunal reconnaît aussi que l’appelante n’est pas nécessairement capable de reprendre son emploi d’audioprothésiste, dont les heures de travail (temps plein) et les responsabilités (position debout prolongée, manipulation d’outils) sont exigeantes. Si le Tribunal admet qu’elle ne pourra pas forcément reprendre ce type d’emploi exigeant, elle devrait néanmoins être capable de trouver d’autres occupations rémunératrices qui conviennent à ses limitations.

[12] Compte tenu de ce qui précède, la division d’appel estime que la division générale a bel et bien tenu compte des tentatives de la demanderesse pour occuper un emploi adapté, mais qu’elle ne les a pas jugées raisonnables dans sa situation. Il est impossible à la division d’appel de conclure que la division générale, à titre de juge des faits, aurait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée. Cette observation ne donne donc lieu à aucun moyen d’appel qui aurait une chance raisonnable de succès.

La division générale a-t-elle manqué de tenir compte de l’ensemble de la preuve?

[13] La division d’appel n’est pas convaincue que la division générale ait erré de la manière avancée par le représentant de la demanderesse. Ce dernier a présenté cette observation relativement à la [traduction] « détérioration de l’état de santé » de la demanderesse et au fait que ses médicaments lui causaient de la somnolence. La division d’appel estime que l’exposé qu’a fait la division générale des problèmes de santé et des symptômes de la demanderesse aux paragraphes 30 et 31 de sa décision discrédite cette observation. Au paragraphe 30, la division générale a traité des diagnostics dont faisaient état les différents rapports médicaux. Elle a également abordé les commentaires qui figuraient dans ces rapports au sujet de la capacité régulière de la demanderesse à détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[14] Au paragraphe 31 de sa décision, la division générale a précisément traité de ce qu’entendaient les rapports médicaux concernant l’amélioration des problèmes de santé de la demanderesse et sa capacité à conserver un emploi, et elle a noté que les rapports recommandaient généralement un retour au travail, d’une façon ou d’une autre.

[traduction]
[31] Bien que le Tribunal est conscient des problèmes de santé de l’appelante, il a également remarqué que son état s’est amélioré et qu’il existe des preuves de capacité de travail. Par exemple, le 24 octobre 2011, le docteur Rehman a rapporté qu’elle avait obtenu un score de 65 à l’EGF et que la majorité de ses symptômes étaient moins graves grâce à son traitement actuel. Elle a été incitée à se préparer à un retour au travail dans six à huit mois. Le docteur Staab a indiqué, le 12 juin 2010, que son état s’améliore progressivement et qu’elle pourrait sans doute retourner au travail dans deux ou trois mois. Dans la même veine, le docteur MacRitchie a noté une amélioration le 21 janvier 2010. Le 23 juin 2010, le docteur Tsoi a rapporté qu’elle était plus stable sur le plan émotionnel et qu’elle semblait avoir répondu au traitement psychologique. Le docteur Macrichio a indiqué, le 3 mars 2011, qu’elle pourrait retourner au travail de façon graduelle dans un à trois mois. Le 7 mars 2012, bien que cette date soit postérieure de plusieurs mois à la PMA, le docteur Rehman a rapporté qu’elle avait un score de 65 à l’EGF. Il a également noté qu’elle prenait ses médicaments (Celexa et Seroquel) depuis 2009. L’appelante a aussi témoigné qu’elle prenait les mêmes médicaments depuis « très longtemps », ce qui porte à croire qu’ils lui sont bénéfiques. Pour ce qui est de son cancer du sein, elle a terminé ses traitements de radiothérapie en octobre 2009 et est présentement en rémission. Le Tribunal a également noté qu’elle peut demeurer assise jusqu’à 45 minutes, se tenir debout pendant 20 minutes, marcher pendant 30 minutes, soulever des charges de 10 livres et veiller à ses besoins personnels.

[15] Compte tenu de ce qui précède et du fait que la division générale a également abordé et résumé en détail la preuve médicale, et conformément à Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82, la division d’appel ne juge pas qu’on puisse dire que la division générale n’a pas tenu compte de l’ensemble de la preuve parce qu’elle n’a pas mentionné précisément tous les effets secondaires des médicaments pris par la demanderesse. Dans l’arrêt Simpson, la Cour d’appel fédérale a statué qu’ « un tribunal n’est pas tenu de mentionner dans ses motifs chacun des éléments de preuve qui lui ont été présentés, mais [qu’] il est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve. » Par conséquent, la division d’appel n’est pas convaincue que cette observation soulève des moyens d’appel qui auraient une chance raisonnable de succès.

La division générale a-t-elle mal évalué la gravité dans un contexte réaliste?

[16] Au paragraphe 29 de sa décision, la division générale a affirmé à juste titre que le critère relatif à la gravité doit être évalué dans un contexte réaliste. Elle a cité, à l’appui de cette thèse, l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général),2001 CAF 48, et a énoncé les facteurs qui se trouvent au cœur d’une telle évaluation. La division générale a également expliqué pourquoi elle avait appliqué l’analyse réaliste au cas de la demanderesse comme elle l’a fait.

[traduction]
[29] La gravité de l’invalidité doit être évaluée dans un contexte réaliste (Villani c. Canada (P.G.), 2001 CAF 248). Cela signifie que pour déterminer si une personne est atteinte d’une invalidité grave, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que l’âge, le niveau de scolarité, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie de cette personne. En l’espèce, le Tribunal a tenu compte du fait que l’appelante avait 49 ans au moment de sa PMA, qu’elle était allée à l’école jusqu’en 9e année et qu’elle possédait des aptitudes limitées en anglais et des antécédents professionnels restreints, avant de conclure qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité grave.

[17] L’analyse de la division générale ne s’est cependant pas arrêtée là. Elle a ensuite abordé la capacité de travail résiduelle de la demanderesse et a tiré des conclusions à cet égard, comme je l’ai mentionné précédemment. Le représentant de la demanderesse soutient que la division générale n’a pas traité de la preuve indiquant qu’elle n’avait [traduction] « qu’une aptitude limitée à vaquer à ses activités quotidiennes et qu’elle avait besoin de l’aide des autres ». Néanmoins, la division générale n’est pas tenue de mentionner chacun des éléments de preuve portés à sa connaissance. Compte tenu de ce qu’elle a estimé être des preuves de capacité de travail à l’échéance de la PMA ou avant cette date, et indépendamment de la situation actuelle de la demanderesse, la division d’appel n’est pas convaincue que cette observation donne lieu à un moyen d’appel qui pourrait avoir une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[18] Le représentant de la demanderesse a soutenu que la division générale a commis des erreurs de droit et fondé sa décision, du moins en partie, sur des conclusions de fait erronées. D’après l’analyse qui précède, la division d’appel conclut que ses observations n’ont révélé aucun moyen d’appel qui puisse avoir une chance raisonnable de succès.

[19] La demande est rejetée.

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