Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est refusée.

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision rendue par la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale (TSS) le 19 avril 2016. La DG avait tenu une audience par téléconférence et avait conclu que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC), car il avait conclu que son invalidité n’était pas « grave » préalablement à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), à savoir le 31 décembre 2015.

[2] Le 7 juillet 2016, dans le respect du délai prescrit, la demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler à la division d’appel (DA). Pour accueillir cette demande, je dois être convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[3] Selon le paragraphe 3(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement), les membres du Tribunal veillent à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[4] Comme il est énoncé aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[5] Les seuls moyens d’appel selon le paragraphe 58(1) de la LMEDS sont les suivants :

  1. a) la DG n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ;
  2. b) la DG a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. c) la DG a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la DA rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[7] La demande doit soulever un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. Par ailleurs, la Cour d’appel fédérale a conclu que la question à savoir si le défendeur a une cause défendable en droit revient à se demander si le défendeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[8] Pour que la permission soit accordée, la demanderesse doit me convaincre que les moyens d’appel correspondent à l’un des motifs précités et que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[9] Est-ce que l’appel a une chance raisonnable de succès ?

Observations

[10] La demanderesse a présenté les observations suivantes dans sa demande de permission d’en appeler, lesquelles j’ai retranscrites ci-dessous :

[traduction]

J’ai précédemment indiqué dans le Formulaire de renseignements en matière d’audience de la sécurité du revenu que j’aurais un témoin : mon conjoint de fait, Steve Webb, qui a une connaissance de première main de mon invalidité et qui a de l’expérience avec mon invalidité. Il a pris la journée de congé pour participer et pour me soutenir durant ma téléconférence, mais il s’est fait dire qu’il n’aura pas le droit de participer. En plus de ne pas pouvoir participer, il n’a pas pu être dans la même salle, et en fait, il a dû attendre dans une autre salle jusqu’à ce qu’on l’appelle pour qu’il réponde à des questions. J’étais consternée et déçue par la tournure des événements. Pour ce qui est de mon conjoint, je comptais sur lui, non seulement pour m’apporter un soutien émotionnel, mais aussi pour m’aider à me souvenir de certaines choses que j’aurais pu oublier en raison de ma mémoire à court terme défaillante et de difficultés à me concentrer. Cet appel a été une épreuve émotionnelle pour moi et je comptais sur lui pour m’aider à articuler mes pensées, lesquelles peuvent être embrouillées et distraites dans des situations nouvelles ou stressantes. À l’heure actuelle, aucun d’entre nous n’avons de dossier de ce qui a été dit ou omis, et je crains que mon niveau de stress élevé ait pu m’avoir empêché de m’exprimer aussi bien que j’aurais pu le faire. Pour ce motif, j’estime que mon occasion de me défendre moi-même et de plaider ma cause a été compromise. Je demande respectueusement la chance de refaire mon entrevue par téléconférence, et cela, avec mon témoin présent.

Analyse

[11] Bien qu’elle ne l’ait pas formulé de cette façon, la demanderesse soutient essentiellement que la DG n’a pas observé un principe de justice naturelle lorsqu’elle a ordonné que son conjoint sorte de la salle au moment où elle a livré son témoignage. Elle soutient qu’on lui a injustement refusé une opportunité de plaider pleinement sa cause.

[12] L’exclusion de témoins est une pratique établie depuis longtemps en Common Law et a largement été adoptée par les tribunaux administratifs canadiens. À ce palier, cette pratique a été approuvée par la Cour d’appel fédérale à de multiples occasionsNote de bas de page 3.

[13] L’exclusion de témoins est clairement motivée lorsqu’un litige porte sur l’évaluation de la crédibilité, ce qui est souvent le cas pour des demandes d’invalidité. Lorsque les témoins sont de côtés opposés d’une affaire, cela les empêche d’établir des points de divergence entre leurs témoignages et de façonner leur propre preuve pour en tirer meilleur parti. Lorsque les témoins sont du même côté d’une affaire, comme c’était le cas pour la demanderesse et son conjoint, le dernier témoin est privé de la possibilité d’adapter son témoignage pour le faire correspondre au témoignage du témoin précédent. Rien de cela n’affecte le droit absolu d’une partie qui est également un témoin en son nom propre de connaitre l’affaire contre elle et d’être présente au cours de l’audience.

[14] À moins que cela soit autrement déterminé par la loi, c’est à la discrétion d’un tribunal administratif de décider s’il veut ordonner l’exclusion des témoins. Puisque le Règlement accorde beaucoup de latitude aux membres du TSS sur la façon de tenir leurs audiences, j’hésite à intervenir lors d’une ordonnance d’exclusion de témoins à moins que cela augmente la possibilité qu’il y ait une plus grande injustice procédurale, mais rien n’indique que cela s’est produit en l’espèce. Bien que je comprenne que la demanderesse fut anxieuse de témoigner de ses antécédents médicaux et des répercussions de ses déficiences sur sa capacité de travailler, je dois noter que son conjoint était à proximité, et que s’il ne se trouvait pas dans la même salle, il se trouvait dans la même maison.

[15] Après avoir écouté des segments de l’audience, je présume que toute ordonnance d’exclusion a dû avoir été faite au début des procédures, avant l’activation de l’enregistrement sonore de la téléconférence. Je ne suis pas certain si la DG a expliqué à la demanderesse la raison de l’exclusion de son conjoint, et il aurait été préférable que l’ordonnance, en supposant qu’elle ait été faite en des termes explicites, ait fait partie du processus formel et qu’elle ait été incluse dans l’enregistrement audio. Je tiens aussi à souligner qu’il n’y avait aucune raison d’exclure le conjoint de la demanderesse des remarques introductives du membre de la DG, au cours desquelles il a discuté du but de l’audience, de son format et de ses questions en litige. Tout cela étant dit, ces lacunes étaient mineures et, selon mois, n’ont pas eu d’incidence sur l’équité globale des procédures. Je ne détecte rien dans les mots et le ton du membre de la DG pouvant suggérer qu’il a engendré une atmosphère oppressante qui aurait pu avoir intimidé la demanderesse ou compromis ses éléments de preuve. Comme il a été mentionné, le membre de la DG a exclu le conjoint de la demanderesse pour des raisons sensées et probantes — pour empêcher que le témoignage de la demanderesse ne déteigne sur le témoignage de son conjoint, afin de mieux évaluer la crédibilité de ce dernier.

[16] L’un des facteurs qui auraient pu préoccuper la DG est l’impression de la demanderesse, laquelle était évidente dans ses observations écrites à la DA, que son mari puisse contribuer à raviver sa mémoire ou l’aider à exprimer ses pensées. Bien qu’il soit compréhensible qu’elle souhaite avoir ce type de soutien, cela pourrait induire le risque que son conjoint substitue ses souvenirs par les siens, même si ce n’est pas intentionnel, et par conséquent, cela diminuerait la valeur de la preuve testimoniale. Ultimement, il relevait de la compétence de la DG de décider si elle voulait entendre la demanderesse en personne pour ensuite insister sur le fait que son témoignage soit livré sans intermédiaire.

[17] Je ne vois aucune chance raisonnable de succès pour ce moyen d’appel.

Conclusion

[18] Puisqu’aucun des motifs d’appel de la demanderesse ne soulevait de cause défendable, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

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