Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’appeler de la décision rendue par la division générale (DG) le 28 août 2016. La DG avait tenu une audience par téléconférence et avait conclu que la défenderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada (RPC). La DG a conclu que son invalidité était «  grave et prolongée » durant la période minimale d’admissibilité se terminant  le 31 décembre 2016.

[2] Le 25 novembre 2016, dans le respect du délai prescrit, le demandeur a déposé une demande de permission d’en appeler à la division d’appel. Pour accueillir cette demande, je dois être convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[3] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MESD), « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission », et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[4] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. »

[5] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond de l'affaire. C'est un premier obstacle que la demanderesse doit franchir, mais il est inférieur à celui auquel elle devra faire face à l'audience de l'appel sur le fond.

[7] À l’étape de la demande de permission d’en appeler, la demanderesse n’a pas à prouver sa thèse. Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’un motif d’appel susceptible de donner gain de cause à l’appel soit présenté : Kerth c. CanadaFootnote 1. Selon la Cour d’appel fédérale, la question de savoir si une affaire est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaFootnote 2.

Question en litige

[8] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès ?

Observations

[9] La demanderesse soutient que la DG a commis les erreurs de droit suivantes :

  1. elle n'a pas suffisamment motivé son choix du témoignage du défendeur aux dépens de la preuve médicale objective incompatible à l'effet contraire;
  2. elle n'a pas appliqué le critère juridique énoncé dans l'arrêt Klabouch c. Canada (Développement social)Footnote 3 consistant à vérifier la capacité du défendeur à travailler;
  3. elle n'a pas appliqué le critère juridique énoncé dans Inclima c. Canada (Procureur général)Footnote 4 consistant à déterminer si la défenderesse a essayé de trouver des occasions de recyclage ou un autre emploi que son ancien emploi, y compris des emplois à temps partiel ou des emplois sédentaires.

[10] Le demandeur soutient également que le fait que la DG ait préféré le témoignage subjectif de la défenderesse à la preuve médicale objective équivaut  à une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Analyse

Caractère suffisant des motifs

[11] Le demandeur soulève que la décision de la DG décrivait la preuve en cinq paragraphes, mais seulement un d'entre eux faisait référence à la preuve médicale. Le paragraphe traitait d'une lettre du médecin de famille de la défenderesse malgré l'existence d'autres rapports disponibles, dont certains avaient été préparés par des spécialistes. Selon le demandeur, la DG a conclu que la défenderesse souffrait du syndrome du côlon irritable (SCI), d'ostéoporose et de fibromyalgie, mais la preuve médicale disponible n'a démontré aucun diagnostic pour de telles affections.

[12] Après avoir examiné la décision, je ne suis pas d'avis que le résumé de la preuve faisait référence uniquement à une lettre du médecin de famille du demandeur. On y faisait manifestement référence au rapport de novembre 2015 d'un psychiatre, Thierry Rahrinaivo. Je suis aussi en désaccord avec le fait qu’on ne retrouvait aucun diagnostic de SCI, d’ostéoporose et de fibromyalgie dans le résumé de la preuve. Le Dr Pelletier a énuméré les deux premières affections dans son rapport médical de décembre 2014, en plus de soulever la question de la fibromyalgie, qu'il dit avoir oublié de mentionner dans sa lettre de soutien de février 2016. Bien qu'un résumé du congé du Moncton Hospital, émis en décembre 2001, ne contenait « aucune preuve » de SCI, le test de densité osseuse de mars 2012, lui,  faisait état de signes objectifs d'ostéoporose (un score-T inférieur à 2,6 se situe « dans la zone de l'ostéoporose »), contrairement à l'affirmation du demandeur au paragraphe 38 de ses observations.

[13] À mon avis, la DG pouvait s'appuyer sur certains fondements médicaux, au-delà du simple témoignage de la défenderesse, pour conclure que cette dernière souffre non seulement de dépression, mais aussi de SCI, d'ostéoporose et de fibromyalgie. Le demandeur semble avoir des réticences à l'égard du fait que la DG se serait fondée sur le diagnostic de SCI et de fibromyalgie du médecin de famille en l'absence de résultats de tests de laboratoire ou de rapports de spécialistes confirmant ses conclusions.

[14] Cela étant dit, je crois que la question qui suit mérite un examen plus poussé : quel est le degré de preuve - médicale ou non - nécessaire pour justifier la conclusion selon laquelle un requérant atteint d'une invalidité au sens du RPC souffre de troubles dont les symptômes subjectifs ne peuvent être confirmés au moyen de soi-disant tests « objectifs » ?

[15] Selon loi, au moins pour ce motif, l'appel a une chance raisonnable de succès.

Demande relative à la capacité fonctionnelle à travailler

[16] Le demandeur cite l'arrêt Klabouch qui soutient que c’est la capacité du demandeur à travailler et non le diagnostic de sa maladie qui détermine la gravité de la présumée invalidité au sens du RPC. Il prétend que la DG, dans sa décision, a simplement cité l'arrêt Klabouch sans toutefois analyser substantiellement les éléments probants disponibles dans le but de déterminer comment les problèmes médicaux de la défenderesse ont pu avoir une influence sur sa capacité à détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[17] J’estime que pour ce motif l'appel a une chance raisonnable de succès. La partie de la décision de la DG qui porte sur l'analyse de la gravité de l'invalidité de la défenderesse contient sept paragraphes, dont quatre font simplement référence aux raisonnements formulés dans certains arrêts de principe. Un seul paragraphe relate la tentative de la DG d'appliquer la définition statutaire du terme « grave » à la situation personnelle de la défenderesse :

[23] Si on analyse chaque problème isolément, on peut conclure qu'il pourra se résoudre grâce au temps et à l'aide d'un traitement approprié. Cependant, le Tribunal soit s'attarder à l'appelante en tant que personne entière. Puisque certains médicaments sont contre indiqués pour elle à cause de son SCI et du fait qu'il lui manque un rein, la défenderesse a de la difficulté à se remettre de sa dépression et de sa fibromyalgie. Aussi, les ressources pour un traitement en santé mentale se font rares dans la région où elle vit.  La dépression et le manque d'énergie qui en résulte font en sorte qu'elle a de la difficulté à faire de l'exercice dans le but d'atténuer les effets de la fibromyalgie. Lorsqu'on fait le bilan des problèmes de santé de la défenderesse, on comprend qu'ils peuvent être difficiles à traiter. Étant donné ses multiples symptômes, il serait déraisonnable de s'attendre à ce que la défenderesse peut retourner travailler de façon régulière. Elle a déjà perdu un emploi à cause de ses absences répétées, et son état s'est aggravé depuis. Elle ne pourrait garantir à un futur employeur qu'elle pourra travailler de façon régulière.

[18] À mon avis, cet extrait soulève une cause défendable selon laquelle la DG, en ayant accepté les diagnostics du demandeur, a tenu pour acquis que ces diagnostics avaient rendu cette dernière pratiquement incapable de travailler. Même si la défenderesse souffre de dépression, de fibromyalgie, du SCI et d'ostéoporose, la DG est tenue de se demander si la défenderesse serait encore capable de se trouver une forme ou une autre d'emploi qui lui conviendrait mieux. Comme l'a souligné le demandeur, on semble avoir accordé peu ou pas d'importance à la question de savoir si la défenderesse a déjà envisagé de se recycler ou de s'intéresser à d'autres types d'emploi et, le cas échéant, de quelle façon son état de santé aurait pu l'empêcher de donner suite à de telles options.

Conclusion

[19] J’accorde la permission d’en appeler pour tous les motifs présentés par le demandeur.

[20] J’invite les parties à déposer leurs observations sur la pertinence de tenir une nouvelle audience et, si une telle audience s’avère nécessaire, sur le type d’audience qui convient.

[21] La présente décision qui accorde la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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