Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée.

Introduction

[2] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision rendue le 31 mars 2016 par la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale (TSS). La DG avait tenu précédemment une audience par vidéoconférence et avait conclu que la demanderesse n'était pas admissible à une pension d'invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC). Elle a conclu que son invalidité n'était pas «  grave » avant la période minimale d'admissibilité (PMA) qui prenait fin le 31 décembre 2011.

[3] Le 20 juin 2016, la demanderesse a déposé, dans les délais prescrits, une demande de permission d’en appeler dans laquelle elle a soulevé de nombreux moyens d’appel. Pour accueillir cette demande, je dois être convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[4] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, (Loi sur le MESD), « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel (AD) sans permission », et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[5] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) La DG n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence.
  2. (b) Elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (c) Elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « la division d'appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

[7] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’un motif d’appel susceptible de donner gain de cause à l’appel soit présenté : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. Selon la Cour d’appel fédérale, la question de savoir si une affaire est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[8] Pour accorder la permission d’en appeler, je dois être convaincu que les motifs d’appel correspondent à au moins un des moyens d’appel et que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[9] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès ?

Observations

[10] Au soutien de sa demande de permission, la demanderesse a déposé une lettre de six pages, dont l'essentiel consistait en une description des effets invalidants de ses troubles médicaux. La demanderesse a également joint des rapports médicaux dont la plupart ont déjà été présentés à la DG, bien que quelques-uns d'entre eux portaient une date ultérieure à l'audience. Dans la mesure du possible, j'ai cerné des allégations d'erreur particulières et les ai réparties dans des catégories identifiées par les en-têtes suivants :

Justice naturelle

[11] La demanderesse soutient que la DG n'a pas observé un principe de justice naturelle, à savoir :

  1. La DG a préfiguré sa décision de refuser à la défenderesse les prestations d'invalidité du RPC et n'a pas tenu compte de rapports médicaux importants qui faisaient état de la gravité de l'état de santé de la demanderesse.
  2. Le fait que ses troubles aient été évalués par un représentant légal  de Service Canada plutôt que par un professionnel de la santé expérimenté est injuste.

Erreurs de fait

[12] La demanderesse fait valoir que la division générale a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées qu’elle a tirées de façon abusive et arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance :

  1. Au paragraphe 8d) de sa décision, la DG a souligné que la demanderesse avait travaillé dans le domaine de la santé pendant 38 ans et dans un cabinet d'avocats pendant 18 mois. En fait, elle a travaillé de façon intermittente dans le domaine de la santé où elle a occupé différents emplois entre 1972 et 2008 (services alimentaires alors qu'elle était étudiante, et lorsque son enfant était plus jeune), pendant 36 ans au total.
  2. Au paragraphe 8e), la DG a écrit que la demanderesse, selon son questionnaire, a occupé un dernier emploi de gestionnaire d’immeuble, en tant que travailleuse indépendante. Elle a aussi effectué des travaux contractuels entre 2006 et 2013. En fait, la demanderesse a commis une erreur en se décrivant comme « travailleuse indépendante » dans sa première demande. Son comptable l'a avisée que cette appellation ne se prêtait pas à la simple administration de biens immobiliers. Un gestionnaire ou un gardien assure la surveillance quotidienne des biens locatifs.
  3. Au paragraphe 8g), la DG a écrit que les douleurs au bas du dos de la demanderesse dataient de 1998, mais qu'elle n'en avait jamais parlé ou ne s'en était jamais plaint. En fait, une demande d’indemnisation pour accident du travail a été présentée en mars 1998 par l'intermédiaire du Dr Seto de la Westglen Medical Clinic.
  4. Aux paragraphes 8k) et 10c), la DG a énuméré les médicaments de la demanderesse, mais a oublié de mentionner qu'elle prenait du Tylenol #3, quatre fois par jour.
  5. Au paragraphe 10a), la DG a souligné que le Dr Giantomaso n'avait décelé aucun signe de maladie rhumatoïde, mais sa famille n'a jamais reçu de test positif pour l'arthrite rhumatoïde, même si sa mère, âgée de 73 ans, souffre d'une telle maladie.
  6. Au paragraphe 20, la DG a écrit que la demanderesse s'était bien exprimée au cours de l'audience. Elle n'a eu aucune difficulté à se rappeler les détails. En fait, elle était vigilante uniquement parce qu'elle avait suspendu la prise de ses médicaments en prévision de l'audience et elle était très souffrante. Elle a mis trois ou quatre jours à s'en remettre à la suite de l'audience. Demeurer assise pendant aussi longtemps fut très difficile pour elle.
  7. Au paragraphe 20, la DG a écrit que la demanderesse avait subi une intervention chirurgicale pour traiter son syndrome du canal carpien. En fait, l'opération de décembre 2015 n'a pas amélioré son état. Elle est toujours incapable de saisir des objets convenablement.

Erreur de droit

[13] La demanderesse soutient que la DG a commis une erreur de droit en n'utilisant pas adéquatement le caractère prolongé de l'invalidité. La DG a rejeté la demande de la demanderesse en se fondant sur ses habiletés en date du 31 décembre 2011, mais il appert de ses dossiers médicaux que son état s'est amélioré après cette date. Elle a suivi, au meilleur de ses capacités, les conseils de son médecin de famille et du radiologiste. Si elle avait continué à travailler en dépit des conseils de ses médecins, on aurait pu lui en tenir rigueur, mais après avoir suivi les ordres et avoir cessé de travailler, la DG lui a dit qu'elle aurait dû se forcer à travailler.

Analyse

Justice naturelle

Issue déterminée d’avance

[14] La demanderesse soutient que le penchant de la DG pour un refus de la demande de prestations d'invalidité du RPC était si fort qu'elle n'a pas tenu compte des rapports médicaux jugés pertinents. Je ne crois pas que pour ce motif l'appel ait une chance raisonnable de succès. Bien qu'il soit tout à fait véridique, selon la demanderesse, que la DG n'a pas tenu compte du rapport du 21 janvier 2016 du Dr Nesbitt ou de l'IRM du 31 janvier 2016, il est reconnu en droit qu’un tribunal administratif chargé de tirer des conclusions de fait est présumé avoir tenu compte de tous les éléments de preuve dont il est saisi et n’est pas tenu de mentionner chacune des observations déposées par les partiesNote de bas de page 3. Cela dit, j’ai examiné la décision de la DG et je n’ai rien trouvé qui indique qu’elle ait ignoré l’un ou l’autre des éléments importants de la preuve ou des observations de la demanderesse, ou qu’elle n’en ait pas adéquatement tenu compte.

[15] La décision de la DG présente une vue d'ensemble détaillée de la preuve médicale, y compris ce qui semble être des résumés exhaustifs des nombreux rapports énumérés dans les observations de la demanderesse. La décision se termine par une analyse qui donne à penser que la DG a évalué la preuve comme il se doit et qu’elle avait un motif défendable pour appuyer sa conclusion selon laquelle la demanderesse avait une capacité résiduelle à la fin de sa période minimale d'admissibilité, le 31 décembre 2011. En rejetant la demande de la demanderesse, la DG a fait référence aux signes objectifs bénins apparaissant sur l'imagerie de son dos, et a souligné que les médicaments de la demanderesse semblaient bien intégrés dans le traitement.

Compétences du décideur

[16] La demanderesse donne à penser que sa cause aurait dû être instruite devant un membre ayant une formation médicale, mais je ne constate aucune cause défendable fondée sur ce moyen d’appel. La loi habilitante du Tribunal de la sécurité sociale n'exige aucune compétence particulière pour statuer sur les appels en matière de prestations d'invalidité  du RPC, ce qui, on doit le souligner, suppose l'existence de questions juridiques, professionnelles et médicales.  La demanderesse devrait aussi savoir que les membres du Tribunal de la sécurité sociale - la DG et la DA - sont indépendants de Service Canada et doivent examiner les demandes de prestations du gouvernement fédéral de façon objective et indépendante.

Erreurs de fait

Durée des emplois précédents

[17] La demanderesse s'oppose à la conclusion de la DG selon laquelle elle avait travaillé dans le domaine de la santé pendant 38 ans, et insiste pour dire qu'elle y a occupé différents emplois de façon intermittente pendant 36 ans. À mon avis, s'il s'agit d'une erreur, il ne s'agit pas d'une erreur importante, et rien n'indique que la DG a fondé sa décision sur le nombre d'années que la demanderesse a passé sur le marché du travail.

Travail indépendant

[18] La demanderesse allègue que la DG l'a définie comme gestionnaire d’immeuble agissant en tant que travailleuse indépendante, mais elle reconnaît qu'elle a elle-même fait une erreur en utilisant cette terminologie dans sa demande de prestations d'invalidité du RPC. Elle aurait pu corriger son dossier et préciser la nature de ses activités auprès de la DG. Après avoir écouté l'extrait pertinent de l'enregistrement audio de l'audience, je souligne que c'est ce qu'elle a fait. La DG a effectivement traité de cette précision au paragraphe 9d) de sa décision, et je ne trouve rien qui démontre que la DG a ignoré cet aspect.

[19] Je ne crois pas que pour ce motif l'appel ait une chance raisonnable de succès.

Demande d’indemnisation pour accident du travail

[20] La demanderesse soutient que la DG a commis une erreur en déclarant qu'elle n'avait jamais déposé de demande à la suite de sa blessure au dos en 1998. J'admets que la DG ne semble pas avoir pris en compte le témoignage de la demanderesse (à la 42e minute de l'enregistrement audio de l'audience) selon lequel elle a présenté une demande de prestations d'accident du travail à la suite de son accident survenu sur les lieux de travail, mais je suis d'avis que cette erreur n'est pas importante. Il est peu probable que la DG ait fondé sa décision sur un fait qui s'est produit, ou non, 13 ans avant la fin de la période minimale d'admissibilité.

[21] Je ne constate pas de cause défendable fondée sur ce moyen d’appel.

Médicaments

[22] La demanderesse prétend que la DG n'a pas tenu compte de la preuve selon laquelle elle prend des Tylenol #3 pour atténuer la douleur. J'admets que la DG n'a pas fait mention de cet analgésique narcotique dans sa décision. Toutefois, si la DG a commis une erreur, c'est en se fondant sur des documents que la demanderesse a elle-même fournis. Le Tylenol #3 ne figurait pas parmi les quatre médicaments énumérés dans le rapport médical de février 2014 du Dr Collett. Le Tylenol figurait dans la demande de prestations, et dans le questionnaire s'y rapportant, mais seulement dans sa version non narcotique. De même,  plusieurs autres rapports médicaux (ceux du Dr Giantomaso en mars 2010 et du Dr Meerholtz en avril 2009) ne faisaient aucunement mention du Tylenol #3. Bien que la demanderesse prenne actuellement cet analgésique, la DG était comme il se doit plus concernée par le détail de ses médicaments au moment de sa période minimale d'admissibilité.

[23] Je ne crois pas que pour ce motif l'appel ait une chance de succès.

Arthrite rhumatoïde

[24] La demanderesse désapprouve la DG lorsque celle-ci souligne que le Dr Giantomaso n'a décelé aucun signe de rhumatisme. Cependant, elle ne soulève aucune erreur dans le résumé des rapports médicaux des physiatres, qui figure au paragraphe 10d) de la décision et qui représente une transcription des observations du défendeur. La demanderesse est plutôt d'avis que la DG aurait dû prendre en considération le fait que des membres de sa famille souffraient d'arthrite même si le résultat de leurs tests à cet égard était souvent négatif. Encore une fois, la demanderesse a eu l'occasion de défendre ce point de vue à l'audience. Si la DG a décidé de lui accorder peu d'importance, la demanderesse n'a pas la permission de présenter de nouveau sa thèse et de la plaider de nouveau devant la division d'appel.

[25] La demanderesse ne m’a pas convaincu qu’elle avait une cause défendable selon les motifs à l’appui.

Attitude à l'audience

[26] La demanderesse met l'accent sur le fait qu'elle était vigilante et lucide devant la DG uniquement parce qu'elle avait suspendu temporairement la prise de ses médicaments en prévision de l'audience. Elle soutient que la DG aurait dû tenir compte de ce fait au moment de rendre sa décision, mais je ne crois pas que pour ce motif l'appel ait une chance raisonnable de succès. Au cours d'un examen rapide de l'enregistrement de l'audience, je n'ai pas entendu la demanderesse parler de ses préparatifs en vue de l'audience. Cependant, si tant est qu'elle l'a fait, la DG était parfaitement habilitée à donner à cette preuve l'importance qui lui semblait appropriée.

Intervention chirurgicale pour un syndrome du canal carpien

[27] La demanderesse soutient que la DG a surestimé l'effet bénéfique de l'opération que la demanderesse a subi en décembre 2015 pour le traitement d'un syndrome du canal carpien. La demanderesse nie que cette intervention s'est avérée une « solution rapide ». Je ne constate pas de cause défendable fondée sur ce moyen d’appel. Il a été question à l'audience du syndrome du canal carpien et de l'intervention chirurgicale, et ces sujets ont été abordés dans un paragraphe de la décision qui traitait de la preuve recueillie à la suite de la PMA. La DG y concluait qu'il était impossible de faire des extrapolations sur la « gravité » jusqu'à la période précédant le 31 décembre 2011. En tout cas, en constatant que son état était « maîtrisé », la DG ne se prononçait pas tant sur l'efficacité de l'opération que sur les options de traitement dont disposait la demanderesse.

Erreur de droit

[28] Je ne crois que pour le motif d'appel de la demanderesse, selon lequel la DG a mal utilisé le critère du caractère prolongé, l'appel aurait une chance raisonnable de succès. En effet, comme l'a souligné la DG, celle-ci n'estimait pas nécessaire d'appliquer le critère du caractère prolongé puisqu'elle avait déjà conclu que  l’invalidité de la demanderesse ne répondait pas au critère de « gravité » au 31 décembre 2011. Comme il a été mentionné dans l'arrêt Klabouch c. Canada (M.D.S.)Note de bas de page 4, un diagnostic n’équivaut pas une invalidité, et il est possible que l'état de santé d'une personne qu'on a constaté avant la fin d'une période minimale d'admissibilité ait une incapacité pour conséquence,  particulièrement si des options de traitement sont envisageables. L'affaire InclimaNote de bas de page 5 oblige les prestataires de pension d'invalidité du RPC d'essayer de trouver, ou à tout le moins d'envisager de trouver, un autre emploi qui tient compte de ses limitations, et je ne trouve rien qui démontre que la DG, après avoir conclu que la demanderesse avait une capacité résiduelle, a mal appliqué ce principe à la situation de la demanderesse.

[29] Finalement, je note que la demanderesse a présenté des documents médicaux qui ont été préparés après que la décision de la DG eut été rendue. Un appel devant la division d'appel ne représente habituellement pas une occasion de soumettre des éléments de preuve supplémentaires, étant donné les contraintes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, qui ne procurent à la division d'appel aucune autorité de rendre une décision sur le fond de l’affaire. Une fois qu’une audience devant la division générale a pris fin,  très peu de raisons justifieraient de soulever d’autres points ou des points nouveaux. Un demandeur pourrait envisager de présenter à la division générale une demande d’annulation ou de modification d’une de ses décisions. Cependant, ce demandeur aurait à se conformer aux exigences de l’article 66 de la Loi sur le MEDS et des articles 45 et 46 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale.Non seulement il y a des délais et des exigences strictes à respecter pour obtenir gain de cause dans une demande d’annulation ou de modification, mais aussi il faut que le demandeur démontre que les éventuels faits nouveaux sont essentiels et qu’ils n’auraient pu être connus au moment de l’audience malgré l’exercice d’une diligence raisonnable.

Conclusion

[30] Comme la demanderesse n'a pas présenté de cause défendable pour quelque motif que ce soit, la demande de permission d’en appeler est refusée.

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