Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Dans une décision datée du 18 novembre 2015, un membre de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a déterminé que le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC). Le demandeur a déposé une demande de permission d’en appeler (demande) auprès de la division d’appel du Tribunal.

Question en litige

[2] La division d’appel doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[3] Les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Lois sur le MEDS) régissent l’autorisation d’interjeter appel. Selon le paragraphe 56(1) : « Il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission. » Ainsi, la demande de permission d’en appeler d’une décision de la division générale du Tribunal est une étape préliminaire au dépôt d’un appel devant la division d’appel.

[4] Selon le paragraphe 58(3) : « Elle accorde ou refuse cette permission. » Pour obtenir l’autorisation d’interjeter appel, un demandeur doit convaincre la division d’appel que son appel aurait une chance raisonnable de succès. Autrement, la division d’appel doit rejeter la demande de permission d’en appelerNote de bas de page 1. Dans l’affaire Canada (Procureur général) c. O’Keefe, 2016 CF 503, la cour fédérale a étudié la jurisprudence de la division d’appel pour accorder une permission d’en appeler et a indiqué ce qui suit :

[traduction]
[36] Une permission d’en appeler d’une décision de la DG du TSS peut être accordée seulement lorsque le prestataire convainc la DA du TSS que son appel a une « chance raisonnable de succès » selon l’un des trois moyens d’appel énoncés au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS : (a) un manquement à la justice naturelle ; (b) une erreur de droit ; ou (c) une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. L’on ne doit tenir compte d’aucun autre moyen d’appel (décision Belo-Alves, ci-dessus, aux paragraphes 71 à 73).

[5] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] Dans l’affaire Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300, le membre a conclu que lors de l’évaluation d’une demande de permission d’en appeler, la division d’appel doit d’abord déterminer si les motifs d’appel du demandeur correspondent à l’un des moyens d’appel énoncés.

Motifs de la demande

[7] Au nom du demandeur, son tuteur légal et curateur public (tuteur légal) a soutenu que la division générale a commis une erreur en accordant trop de poids au fait que le demandeur n’a pas comparu en personne à l’audience malgré les éléments de preuve qu’il a fournis concernant l’état mental et le niveau de fonctionnement du demandeur. Le tuteur légal du demandeur a également indiqué que la division générale a ignoré les éléments de preuve médicale selon lesquels le demandeur n’était pas capable de travailler, les mêmes éléments de preuve qui ont été suffisants pour obtenir des prestations d’invalidité de l’assureur du demandeur.

Analyse

Est-ce que la division générale a accordé trop d’importance au fait que le demandeur n’était pas présent ?

[8] Le demandeur n’était pas présent lors de l’audience auprès de la division générale. Son tuteur légal était présent en son nom. La Commission d’appel des pensions (CAP) a examiné ces mêmes circonstances dans plusieurs décisions. En général, la CAP a établi ce qui suit : [traduction] « Il est important qu’un demandeur soit présent lors de l’audience afin qu’une évaluation adéquate de sa demande puisse être effectuée. » De Caro c. MDRH, (24 avril 1997) CP 4068. Dans l’arrêt Montilla c. MDRH, (28 novembre 2000) CP 06657, la CAP a souligné à quel point il est important que le demandeur présente un témoignage oral devant le tribunal de révision (maintenant la division générale), et elle a indiqué ce qui suit :

[traduction]

[13] Toutefois, peu importe les raisons, l’appelant a choisi de ne pas témoigner devant notre Commission et nous n’avons rien entendu au sujet de ses activités quotidiennes depuis le 26 août 1993. Nous ne savons pas quel genre de travail, autre que le briquetage, l’appelant a cherché à faire si effectivement il peut s’acquitter d’autres tâches. Nous savons, d’après les dossiers devant nous, qu’il est en mesure de conduire une voiture. Mais, nous ne savons pas quelles distances il peut parcourir et pendant combien de temps il peut conduire. Il n’y a devant nous aucune preuve montrant si l’appelant a occupé, ou pas, un emploi après son accident (sauf pendant la brève période où il a travaillé pour son ancien employeur en 1994) ou si l’appelant détient maintenant une occupation rémunératrice.

[14] La question dont est saisie la Commission est de savoir si l’appelant a présenté des preuves suffisantes pour nous amener à conclure d’après ces preuves, selon la prépondérance des probabilités, qu’il est réellement atteint d’une invalidité grave et prolongée aux termes de la loi — une invalidité qui le rend régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice, et si elle doit durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

[9] Le principe suivant a été tiré des déclarations de la CAP :

[traduction]
Un témoignage oral peut s’avérer utile pour traiter des questions concernant, par exemple, la routine quotidienne du demandeur, les distances qu’il peut parcourir et pendant combien de temps il peut conduire, quel autre emploi il a tenté de se trouver, si le demandeur a occupé, ou pas, un emploi après son accident ou si le demandeur détient maintenant une occupation rémunératrice.

[10] La division d’appel reconnait qu’elle n’est pas liée par la décision de la CAP. Cependant, elle estime que celle-ci possède une valeur probante en l’espèce étant donné qu’elle traite de la question même qui est présentement à l’étude, notamment, lorsqu’un demandeur n’a pas présenté de témoignage oral au cours de l’audience auprès de la division générale.

[11] Dans le même ordre d’idée, la Cour d’appel fédérale (CAF) s’est également penchée sur cette question. Dans l’arrêt Mehan c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 281, la CAF a rejeté une demande de contrôle judiciaire d’une décision d’un juge-arbitre dans laquelle le demandeur ne s’était pas présenté à l’audience et le juge-arbitre a fondé sa décision sur les documents qui lui ont été présentés.

[12] Par conséquent, bien que ce ne soit pas la norme, la non-comparution à une audience ne soulève pas, à elle seule, un moyen d’appel. La question en l’espèce est à savoir si la division générale a accordé trop d’importance à la non-comparution du demandeur lors de l’audience lorsqu’elle a rendu sa décision selon laquelle le demandeur n’était pas admissible au bénéfice des prestations d’invalidité du RPC.

[13] Cet argument ne convainc pas la division d’appel. La division générale a tenu compte de la non-comparution du demandeur comme étant une question préliminaire et elle s’est également référée à cette question dans son analyse de la preuve. La division générale a initialement discuté de cela pendant qu’elle tentait de déterminer si le demandeur avait reçu l’avis d’appel du Tribunal. Ultimement, la division générale était convaincue que le demandeur avait probablement reçu l’avis d’audience. Malgré cette conclusion, la division générale a invoqué le paragraphe 3(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale afin de permettre au tuteur légal du demandeur d’être un témoin dans l’instance et de fournir des éléments de preuve de ce qu’il a personnellement observé ou entendu.

[14] Par la suite, la division générale a fait remarquer que la non-comparution du demandeur n’a pas aidé, car son absence a empêché cette dernière de tenir compte des éléments de preuve du demandeur. La division générale a fait remarquer qu’elle devra se fonder sur la preuve documentaire. (Veuillez consulter le paragraphe 49)

[15] La décision de la division générale portait sur plusieurs facteurs, notamment, qu’au moment de l’audience, il n’y avait pas et il n’y avait jamais eu de tuteur légal pour prodiguer des soins personnels au demandeur, que le demandeur ne semblait pas avoir suivi les traitements recommandés, et qu’en se trouvant un emploi à temps partiel, cela a démontré que le demandeur était avait conservé sa capacité de travailler. Dans les circonstances, la division d’appel estime que la division générale n’a pas accordé trop d’importance au fait que le demandeur ne s’était pas présenté à l’audience.

Est-ce que la division générale a omis de considérer des éléments de preuve médicale ?

[16] Le tuteur légal du demandeur a soutenu que la division générale a ignoré des éléments de preuve à l’appui du fait qu’il n’était pas capable de travailler.

[17] Le dossier du Tribunal indique que la preuve médicale comprenait les éléments suivants :

Le rapport médical du RPC daté du 5 avril 2012 et signé par le Dr Prabhu. (GD4-106) Le Dr Prabhu a indiqué le diagnostic suivant : Trouble dépressif pour lequel on lui a prescrit du Cipralex 10 mg à prendre tous les jours et du Trazodone 75 mg à prendre le soir.

Un rapport d’évaluation de la santé au travail daté du 12 avril 2012 et signé par le Dr Prabhu. Une lettre du Dr Khan datée du 28 mars 2011, indiquant qu’il a vu le demandeur entre 12 février 2007 et le 31 juillet 2007. (GD4-121).

L’évaluation psychiatrique effectuée par le Dr Prabhu datée du 29 mars 2012 (GD4-119) qui fait mention d’un diagnostic de dépression en rémission et de dépendance à l’alcool en rémission partielle.

Le rapport du Dr Prabhu daté du 25 septembre 2012 (GD4-131) indiquant qu’il a vu le demandeur en raison de ses [traduction] « antécédents de dépression et de la détérioration de sa santé mentale et physique ».

[18] Dans les évaluations du défendeur, l’on a fait référence à un rapport médical rédigé par un médecin de famille.

[19] La division d’appel n’est pas convaincue par les observations selon lesquelles la division générale aurait ignoré des éléments de preuve médicale qui indiquaient que le demandeur était invalide au sens du RPC. Dans sa décision, la division générale a présenté un résumé exhaustif de la preuve médicale récapitulant tous les rapports médicaux qui lui ont été présentés. La division générale ne s’est pas arrêtée là. Elle a également discuté de la pertinence de la preuve médicale, et a noté qu’il y avait des contradictions. Tout particulièrement, les conclusions du Dr Prabhu dans son rapport du 29 mars 2012 étaient contraires à ses déclarations dans la déclaration d’incapacité.

[20] La division générale doit soupeser les éléments de preuve. Il ne s’agit pas du rôle de la division d’appel : Tracey c. Canada (Procureur général).En l’absence d’erreur, car la division d’appel n’en a pas relevé, elle ne peut pas évaluer à nouveau la preuve pour en arriver à une conclusion en faveur du demandeur.

[21] Le tuteur légal du demandeur soutient que, avec les mêmes faits, le demandeur a été capable d’obtenir des prestations d’invalidité de la part de son assureur. Bien que cela puisse sembler être une conclusion évidente selon laquelle puisque son assureur lui a accordé des prestations d’invalidité, le demandeur serait automatiquement admissible au bénéfice des prestations d’invalidité du RPC. Cependant, cela n’est pas le cas. Le RPC a établi ses propres critères de paiement de prestations d’invalidité, et ce sont ces critères qui doivent être respectés : arrêt Halvorsen c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2004 CAF 377, traitant des paiements faits par une Commission des accidents et de la sécurité au travail.

[22] À la lumière de l’analyse qui précède, la division d’appel n’est pas convaincue que les motifs de la demande de permission d’en appeler soulèvent un motif d’appel qui aurait une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[23] La demande est rejetée.

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