Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision de la division générale datée du 28 août 2015. La division générale a conclu que la demanderesse a cessé d’être invalide au sens du Régime de pensions du Canada en mars 2012. La demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler le 9 février 2016 dans laquelle elle a invoqué plusieurs moyens d’appel.

Questions en litige

[2] Les deux questions dont je suis saisie sont les suivantes :

  1. La demande de permission d’en appeler a-t-elle été présentée en retard ? Si tel est le cas, devrais-je exercer mon pouvoir discrétionnaire et proroger le délai pour la présentation de la demande de permission d’en appeler ?
  2. L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès ?

Analyse

a) ‏Demande tardive

[3] La demanderesse a déclaré que la décision de la division générale lui avait été communiquée le 6 septembre 2015. Elle soutient qu’elle avait présenté une demande de permission d’en appeler en décembre 2015 dans un établissement de Service Canada et qu’on lui avait alors assuré que la demande serait déposée. La demande de permission d’en appeler a effectivement été estampillée le 4 décembre 2015 par Service Canada. Cependant, la demande a été retournée à la demanderesse en février 2016 et on incitait cette dernière à transmettre sa demande directement au Tribunal de la sécurité sociale.

[4] Dans l’arrêt Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 833, la Cour fédérale a établi les quatre critères à prendre en considération et à évaluer afin de déterminer s’il faut proroger le délai de 90 jours accordé au demandeur pour présenter une demande de permission d’en appeler. Voici ces critères : il y a intention persistante de poursuivre la demande ou l’appel, la cause est défendable, le retard a été raisonnablement expliqué et la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie. Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204 (CanLII), la Cour d’appel fédérale a établi que la considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation serait dans l’intérêt de la justice, mais elle a aussi affirmé qu’il n’est pas nécessaire, pour proroger le délai, que les quatre questions concernant l’exercice du pouvoir discrétionnaire soient tranchées en faveur du requérant.

[5] La demande estampillée m’a convaincue que la demanderesse avait une intention persistante, pendant toute la période en question, de poursuivre l’appel, qu’il y a une explication raisonnable pour expliquer pourquoi la demande a été présentée en retard, et compte tenu du délai relativement court, que la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie. La demanderesse a également soulevé plusieurs moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social. J’évaluerai ci-dessous si l’un de ces moyens d’appel permet de démontrer qu’il a cause défendable, mais je suis convaincue qu’il est dans l’intérêt général de la justice d’accorder une prorogation du délai.

a) Demande de permission d’en appeler

[6] Selon le paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] Pour accorder la permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel se rattachent aux moyens d’appel figurant au paragraphe 58(1) de la LMEDS et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale a confirmé cette approche dans la décision Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

[8] La Cour d’appel fédérale a récemment statué, dans l’arrêt Mette c. Canada (Procureur général), 2016 CAF 276, qu’il n’est pas nécessaire que la division d’appel examine tous les moyens d’appel soulevés par un requérant. En réponse aux arguments du défendeur, selon lesquels la division d’appel se devait de refuser la permission d’en appeler pour chacun des moyens d’appel qu’elle jugeait sans fondement, le juge d’appel Dawson a déclaré que le paragraphe 58(2) de la LMEDS [traduction] « ne repose pas sur le rejet de chacun des moyens d’appel invoqués [...] les différents moyens d’appel peuvent être interdépendants à un point tel qu’il devient impossible de les analyser distinctement et un motif défendable suffit donc à motiver l’octroi d’une permission d’en appeler. » Il s’agit en l’espèce de l’une de ses occasions.

[9] La demanderesse présente plusieurs moyens d’appel. Elle affirme, par exemple, que la division générale a omis d’appliquer l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248 et de prendre en considération les caractéristiques personnelles de la demanderesse, telles que son âge, dans un contexte « réaliste » pour déterminer si elle demeurait invalide. La demanderesse fait également valoir que la division générale a commis une erreur en appliquant le critère de la gravité. Elle a tranché la question à savoir si la demanderesse avait « une certaine capacité à travailler » (aux paragraphes 29 et 30), plutôt que de se demander si elle était capable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice.

[10] Bien que la division générale ait fait référence à l’une des caractéristiques personnelles de la demanderesse – son âge – au paragraphe 29, elle ne semble pas en avoir tenu compte dans son analyse, pas plus que des autres caractéristiques d’ailleurs. En effet, on ne remarque aucune référence à l’arrêt Villani dans cette décision. De plus, bien que la division générale ait cité le critère de la gravité aux termes du Régime de pensions du Canada, il semblerait que le membre ait appliqué un critère différent, tel que suggéré aux paragraphes 29 et 30 lorsqu’elle a écrit qu’elle a dû déterminer si la demanderesse [traduction] « avait une certaine capacité de travail ».

[11] Je remarque au paragraphe 38 de la décision Plaquet c. Canada (Procureur général), 2016 CF 1209 que selon la Cour fédérale, la division générale a agi de manière déraisonnable dans son application du droit selon lequel le critère de l’invalidité grave exigeait que la demanderesse démontre que son nouveau diagnostic et son nouveau pronostic l’empêchaient d’occuper « n’importe quel emploi ». La Cour fédérale a conclu que cette conclusion plaçait la barre trop haut et qu’elle était contraire à l’arrêt Villani. Pour ce motif à lui seul, je suis convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

[12] La demanderesse a allégué d’autres moyens d’appel qui pourraient être liés au moyen d’appel pour lequel je m’apprête à accorder la permission d’en appeler. Pour les raisons que j’ai mentionnées précédemment, je n’ai pas à examiner chacun des moyens d’appel allégués.

Conclusion

[13] La demande de permission d’en appeler est accueillie.

[14] Cette décision accordant la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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