Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est accueilli.

Introduction

[2] Il s’agit d’un appel de la décision de la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) rendue le 12 avril 2016 et qui a rejeté la demande de pension d’invalidité de l’appelant au motif que ce dernier n’avait pas prouvé que son invalidité était grave au sens du Régime de pensions du Canada (RPC), avant la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), c’est-à-dire, au 31 décembre 2016. La permission d’en appeler a été accordée le 13 octobre 2016 au motif que la décision de la DG pourrait comporter une erreur.

Aperçu

[3] L’appelant a présenté une demande de prestations d’invalidité du RPC le 29 juillet 2013. Il n’a pas divulgué son niveau de scolarité, mais il a indiqué qu’il avait 50 ans et qu’il avait travaillé pour Postes Canada jusqu’en avril 2013, moment auquel il a quitté son emploi en raison de [traduction] « problèmes d’anxiété, de colère et de problèmes avec l’autorité ». Il s’est également plaint de maux de dos.

[4] L’intimé a refusé sa demande initiale et la demande de révision au motif que son invalidité n’était ni grave ni prolongée à la date de fin de sa PMA. Le 13 juin 2014, l’appelant a interjeté appel de ces refus devant la DG.

[5] Au cours de l’audience par téléconférence devant la DG qui a eu lieu le 18 janvier 2016, l’appelant a témoigné qu’il a terminé douze années d’études et qu’il avait suivi une certaine formation militaire. Il a commencé à travailler pour Postes Canada en 2004 ou en 2006, et a gardé cet emploi pendant neuf à dix ans. Il a cessé son emploi pour Postes Canada parce que ses gestionnaires étaient abusifs. Il a dit qu’il était dépressif et angoissé, et qu’il était saisi de crises de panique. Il avait également des antécédents de consommation d’alcool et avait reçu un diagnostic de syphilis, laquelle affectait la vision de son œil droit.

[6] Dans sa décision, la DG a conclu que l’invalidité de l’appelant ne respectait pas la norme applicable quant à la gravité, soulignant qu’aucun de ses spécialistes n’avait conclu à une invalidité grave. Bien que la DG ait accepté qu’il ait été profondément touché par son expérience négative lorsqu’il a travaillé pour Postes Canada, elle n’était pas convaincue que son état de santé mentale l’empêchait d’occuper régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. Elle a également conclu que l’appelant n’a pas toujours suivi tous les traitements recommandés par son médecin.

[7] Le 16 mai 2016, le représentant de l’appelant a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel (DA) du Tribunal de la sécurité sociale, alléguant que la DG aurait commis les erreurs suivantes :

  1. Elle n’aurait pas tenu compte du rapport du Dr Mariam Vania daté du 17 avril 2015 ;
  2. Elle n’aurait pas tenu compte de l’IRM du bas de son dos, datée du 29 août 2012 ;
  3. Elle n’aurait pas tenu compte du rapport du Dr Degala Krishnaprasad daté du 25 septembre 2012 ;
  4. Elle n’aurait pas tenu compte du rapport du Dr Jean-Claude Bisserbe daté du 30 septembre 2013 ;
  5. Elle n’aurait pas tenu compte du témoignage de l’appelant selon lequel il était déprimé, fatigué et ressentait de la douleur ;
  6. Elle n’aurait pas appliqué le critère juridique du « contexte réaliste » invoqué dans l’arrêt Villani c. CanadaNote de bas de page 1.

[8] Le 13 octobre 2016, après avoir examiné toutes les allégations de l’appelant, j’ai cru qu’il existait une cause défendable selon laquelle la DG aurait peut-être commis une erreur de droit en n’appliquant pas le principe énoncé dans l’arrêt Villani. La permission d’en appeler a été accordée uniquement sur ce moyen d’appel.

[9] J’ai maintenant décidé qu’une audience de vive voix n’était pas nécessaire et que l’appel pouvait être instruit sur le fondement du dossier documentaire pour les motifs suivants :

  1. Le dossier est complet et ne nécessite aucune clarification ;
  2. Le mode d’audience respectait les exigences du Règlement du Tribunal de la sécurité sociale à savoir qu’il doit procéder de façon la plus informelle et expéditive que le permettent les circonstances, l’équité et la justice naturelle.

[10] Les observations de l’appelant étaient énoncées dans sa demande de permission d’en appeler, et des renseignements supplémentaires ont été fournis dans une lettre datée du 2 novembre 2016. L’intimé a présenté ses observations le 28 novembre 2016.

Droit applicable

[11] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la DG n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[12] Selon le paragraphe 59(1) de la LMEDS, la DA doit déterminer s’il convient de rejeter l’appel, de rendre la décision que la DG aurait dû rendre, de renvoyer l’affaire à la DG pour révision conformément aux directives qu’elle juge indiquées, ou de confirmer, d’infirmer ou de modifier totalement ou partiellement la décision de la DA.

[13] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les conditions d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans ;
  2. b) ne touche pas une pension de retraite du RPC ;
  3. c) est invalide ;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la PMA.

[14] Le calcul de la PMA est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date ou avant la date marquant la fin de sa PMA.

[15] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Observations

[16] La permission d’en appeler se limitait au seul motif selon lequel la DG aurait peut-être commis une erreur en n’appliquant pas le critère juridique de l’arrêt Villani d’après lequel un tribunal est tenu d’utiliser une analyse « réaliste » pour déterminer si un requérant est apte à travailler. Compte tenu de son âge et son manque de scolarité et de compétences transférables, l’appelant soutient qu’il est effectivement inapte au travail et qu’il devrait être réputé invalide aux fins du RPC.

[17] Dans sa lettre datée du 2 novembre 2016, le représentant de l’appelant a réitéré les observations au sujet de l’arrêt Villani, et a également présenté trois nouveaux moyens d’appel, dont aucun d’entre eux n’a été précisément soulevé dans la permission d’en appeler :

  1. Au paragraphe 40 de sa décision, la DG a conclu que l’appelant ne s’abstenait pas de consommer de l’alcool et n’a pas suivi un programme de counseling en matière de toxicomanie. Cependant, il a témoigné au cours de l’audience qu’il ne s’agissait plus d’un problème. Pour une raison non identifiée, la DG n’a pas accepté cet élément de preuve, bien qu’elle n’aurait pas pu évaluer la crédibilité de l’appelant lors d’une audience par téléconférence.
  2. Au paragraphe 41, la DG a conclu que l’appelant n’allait pas à des séances de psychothérapie, comme l’avait suggéré le Dr Vania. Cependant, l’appelant a témoigné au cours de l’audience qu’il a participé à quelques séances de counseling, mais qu’il estimait que celles-ci ne lui venaient pas en aide. Encore une fois, sans fournir de raisons, la DG n’a pas accepté cet élément de preuve.
  3. Au paragraphe 41, la DG a conclu qu’il y avait peu d’éléments de preuve permettant de démontrer que l’invalidité de l’appelant était de nature longue, continue ou indéfinie. Cette conclusion est infondée compte tenu du fait que l’appelant a arrêté de travailler le 25 avril 2013.

[18] Dans ses observations, l’intimé a cité l’arrêt Lalonde c. Canada (MDRH)Note de bas de page 2 à l’appui de la thèse voulant que l’examen d’une déficience dans un contexte « réaliste » doit également comprendre un examen à savoir si un requérant a appliqué les recommandations médicales. L’intimé a ajouté ce qui suit : [traduction] « En l’espèce, la DG du TSS a tenu compte du contexte réaliste au moyen de leur analyse de l’observance de l’appelant des recommandations en matière de traitement et a conclu que son refus de suivre le traitement n’était pas soutenu par une explication raisonnable ».

[19] L’intimé a invoqué les rapports du Dr Krishna, du Dr Rogers et du Dr Sonia afin d’appuyer la conclusion de la DG selon laquelle l’appelant n’a pas suivi les recommandations de participer à un programme de counseling en matière de toxicomanie, de désintoxication et de psychothérapie régulière, respectivement.

[20] Bien que le critère du contexte réaliste énoncé dans l’arrêt Villani implique un examen de facteurs tels que l’âge, la scolarité et l’expérience de travail, la jurisprudence appuie le fait que cet aspect de l’analyse n’est pas toujours nécessaire. Dans l’arrêt Giannaros c. Canada (MDS)Note de bas de page 3, l’appelant, de façon similaire, n’avait pas suivi les traitements recommandés, ce qui a mené la Commission d’appel des pensions à conclure qu’il n’était pas atteint d’une invalidité grave et prolongée. La Cour d’appel fédérale a soutenu que, ayant conclu que l’appelant n’avait pas atténué ses problèmes de santé, il n’était pas nécessaire d’appliquer l’approche réaliste et que le fait de ne pas avoir tenu compte des caractéristiques personnelles de l’appelant n’avait conduit à aucune erreur susceptible de révision.

Questions en litige

[21] Les questions dont je suis saisi sont les suivantes :

  1. La DA est-elle obligée de tenir compte des nouveaux motifs d’appel présentés après que l’appel ait déjà été accueilli ?
  2. Est-ce que la DG a commis une erreur de droit en n’appliquant pas le principe invoqué dans l’arrêt Villani ?

Analyse

Norme de contrôle

[22] Jusqu’à tout récemment, il était convenu que les appels devant la DA étaient régis par les normes de preuve énoncées dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-BrunswickNote de bas de page 4 par la Cour suprême du Canada. Dans les affaires comportant des allégations d’erreur de droit, ou de manquements aux principes de justice naturelle, la norme de la décision correcte serait la norme applicable, signifiant qu’un faible degré de déférence devait être accordé au premier palier de décision d’un tribunal administratif. Dans les affaires comportant des allégations de conclusions de fait erronées, la norme applicable est celle de la décision raisonnable, signifiant une réticence de la Cour à intervenir dans les conclusions de l’entité dont le rôle consiste à évaluer la preuve des faits.

[23] Dans l’affaire Canada (MCI) c. HuruglicaNote de bas de page 5, la Cour d’appel fédérale a rejeté cette approche en concluant que les tribunaux administratifs ne devraient pas avoir recours à des normes de contrôle ayant été conçues aux fins d’application dans les cours d’appel. Les tribunaux administratifs devraient plutôt se fier en premier lieu à leur loi constitutive pour déterminer leur rôle.

Nouveaux moyens d’appel

[24] Bien que j’ai accordé la permission d’en appeler selon un seul des moyens d’appel présentés dans la demande de permission d’en appeler de l’appelant datée du 16 mai 2016, le représentant de l’appelant a présenté trois nouveaux moyens d’ap0pel dans sa lettre datée du 2 novembre 2016.

[25] Je garde en tête que la DA a auparavant permis à des appelants de soulever de nouveaux moyens d’appel après que la permission d’en appeler ait été accordéeNote de bas de page 6. Cependant, dans ces décisions, contrairement à celle-ci, la DA n’a pas employé un langage à l’étape de la permission d’en appeler qui visait spécifiquement à restreindre les moyens d’appel sur lesquels l’appel serait entendu sur le fond. De plus, j’hésite à envisager de nouveaux arguments alors qu’aucune explication n’a été donnée pour la raison du retard, et il y a une raison évidente pour laquelle ils n’ont pas pu les soumettre plus tôt. Selon moi, si je décidais de prendre en considération les trois observations supplémentaires de l’appelant, je prolongerais en fait le délai pour qu’il interjette appel, et par conséquent, je commettrais une injustice à l’endroit des autres demandeurs de permission d’en appeler qui sont dans une situation semblable.

Arrêt Villani

[26] L’arrêtVillani prévoit qu’il y a obligation, lors d’une évaluation de l’invalidité, que les antécédents personnels soient pris en compte :

[38] Chacun des mots utilisés au sous-alinéa [42(2)a)(i)] doit avoir un sens, et cette disposition lue de cette façon indique, à mon avis, que le législateur a jugé qu’une invalidité est grave si elle rend le requérant incapable de détenir pendant une période durable une occupation réellement rémunératrice. À mon avis, il s’ensuit que les occupations hypothétiques qu’un décideur doit prendre en compte ne peuvent être dissociées de la situation particulière du requérant, par exemple son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie.

[27] L’intimé fait valoir que l’analyse réaliste prévue dans l’arrêt Villani requiert un examen des caractéristiques personnelles de l’appelant s’il peut être démontré qu’il n’a pas essayé toutes les recommandations raisonnables de traitements. Pour cela, il s’appuie sur un paragraphe de la décision Lalonde de la Cour d’appel fédérale, qu’il est important que je cite, selon moi, dans son contexte global :

[17] Le contexte « réaliste » dont il est question exige que la Commission donne un sens à chacun des mots utilisés aux sous-alinéas 42(2)a)(i) et (ii) de la Loi. Ce contexte « réaliste » suppose que la Commission tienne compte de la situation particulière de madame Lalonde, de son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de vie. La Commission a fait l’énumération de certains de ces éléments. Elle a noté que madame Lalonde avait 54 ans, que son niveau de scolarité s’arrêtait à la septième année, et qu’elle avait réussi un cours d’un an comme aide-infirmière. Mais elle n’a tiré aucune inférence de ces faits à la lumière du droit qu’elle avait charge d’appliquer.

[18] Le contexte « réaliste », comme l’indique le paragraphe 43 de l’affaire Villani (voir également le paragraphe 37), suppose que la Commission tienne compte des mots « régulièrement », « véritablement » et « rémunératrice » que l’on retrouve à la définition de gravité. Ainsi, madame Lalonde doit-elle être « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice » pour rencontrer cette définition. Selon la décision de cette Cour dans Rice, les conditions économiques particulières au milieu où vit madame Lalonde ne peuvent, par ailleurs, être retenues.

[19] Le contexte « réaliste » suppose aussi que la Commission se demande si le refus de madame Lalonde de suivre des traitements de physiothérapie est déraisonnable ou non, et quel impact ce refus peut avoir sur l’état d’incapacité de madame Lalonde, dans le cas où le refus est déraisonnable.

[20] La Commission n’a donc pas déterminé si l’incapacité physique dont souffre madame Lalonde est « grave et prolongée ». Il s’agit là d’une erreur de droit (Housen c. Nikolaisen, [2002] A.C.S. no 31, 2002 CSC 33 (CanLII), paragraphes 8, 26 et 27) qui entache la validité de la décision.

[28] La décision Lalonde est fréquemment citée pour énoncer le principe que l’analyse prévue dans l’arrêt Villani ne doit pas se limiter à une simple citation pro forma des caractéristiques personnelles du requérant. Le décideur doit également évaluer si ces caractéristiques nuiraient à l’employabilité du requérant, compte tenu de ses déficiences. Dans l’arrêt Villani, l’on ne traite pas du tout de la pertinence du consentement de requérant à suivre les recommandations médicales, mais dans la décision Lalonde, même si ce n’est que brièvement, l’on suggère que les mesures d’atténuation à l’aide de traitements est un facteur à considérer au moment de déterminer si l’invalidité du requérant est grave. Par cette logique, le fait qu’un requérant ait sollicité des traitements est un indicateur valide permettant de déterminer que celui-ci en a réellement besoin. On peut donc raisonnablement conclure qu’un individu qui refuse un traitement recommandé n’en a pas besoin et, implicitement, souffre d’une invalidité qui n’est pas jugée comme étant grave.

[29] Je ne trouve rien de controversé dans cette partie des observations de l’intimé, et il était de la compétence de la DG de fonder sa conclusion selon laquelle l’invalidité n’était pas grave sur le fait que l’appelant n’a pas accepté de suivre un traitement raisonnable. Cependant, l’intimé a ensuite soutenu que la DG avait droit de ne pas tenir compte des facteurs prévus dans l’arrêt Villani par l’application de l’arrêt Giannaros. En voici un extrait :

[14] Je traiterai maintenant de la dernière prétention de la demanderesse, laquelle est fondée sur l’arrêt rendu par la Cour dans Villani, précité. La demanderesse prétend plus particulièrement que la Commission a commis en erreur en ne tenant pas compte de ses caractéristiques personnelles, comme son âge, sa formation, ses connaissances linguistiques, sa capacité de se recycler, etc. À mon avis, cette prétention doit être rejetée dans les circonstances de l’espèce. Dans Villani, précité, la Cour a affirmé sans équivoque (au paragraphe 50) qu’un requérant doit toujours être en mesure de démontrer qu’il souffre d’une invalidité grave et prolongée qui l’empêche de travailler :

[50] Cette réaffirmation de la méthode à suivre pour définir l’invalidité ne signifie pas que quiconque éprouve des problèmes de santé et des difficultés à se trouver et à conserver un emploi a droit à une pension d’invalidité. Les requérants sont toujours tenus de démontrer qu’ils souffrent d’une « invalidité grave et prolongée » qui les rend « régulièrement incapables de détenir une occupation véritablement rémunératrice ». Une preuve médicale sera toujours nécessaire, de même qu’une preuve des efforts déployés pour se trouver un emploi et de l’existence des possibilités d’emploi. Bien entendu, il sera toujours possible, en contre-interrogatoire, de mettre à l’épreuve la véracité et la crédibilité de la preuve fournie par les requérants et d’autres personnes.

[15] Comme la Commission n’était pas convaincue que la demanderesse était atteinte d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 1995, il n’était pas nécessaire, à mon avis, qu’elle applique la méthode fondée sur le contexte « réaliste ».

[30] L’intimé fait valoir que dans l’arrêt Giannaros, il est indiqué qu’un tribunal n’a pas besoin de tenir compte des facteurs prévus dans l’arrêt Villani lorsqu’il a déjà décidé que l’invalidité d’un demandeur n’est pas jugée comme étant grave, mais j’hésite à souscrire à une telle interprétation large de cette affaire. Premièrement, dans l’arrêt Villani, l’on indique qu’une analyse réaliste doit faire partie intégrante de l’évaluation de la gravité :

[46] Ce que le critère légal applicable à la gravité de l’invalidité exige, cependant, c’est un air de réalisme pour évaluer si un requérant est incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. Naturellement, les décideurs ont déjà adopté un certain degré de pragmatisme dans leurs décisions relatives à la gravité. Pour n’en donner qu’un exemple patent, la gamme des occupations véritablement rémunératrices convenant à un requérant d’âge moyen ayant terminé son cours primaire et parlant difficilement le français ou l’anglais n’inclut habituellement pas les professions d’ingénieur ou de médecin.

[31] Deuxièmement, le fait d’adopter l’approche recommandée par l’intimé serait un prétexte pour ne pas tenir compte des facteurs prévus dans l’arrêt Villani en raison du fait que la DG ait tout simplement déclaré que l’invalidité n’était « pas grave », et je doute qu’il s’agissait là de l’intention de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Giannaros. Troisièmement, je dois m’appuyer sur une succession d’affaires subséquentesNote de bas de page 7 provenant de la même cour et qui a confirmé clairement qu’une forme d’analyse comme prévue dans l’arrêt Villani est une composante indispensable lors de l’évaluation de la gravité d’une invalidité.

[32] Dans ce contexte, après avoir examiné la décision à l’égard de la preuve dont je disposais, je dois me ranger du côté de l’appelant et en convenir que la DG a commis une erreur de droit en rendant sa décision. Bien que la DG ait noté certains aspects des antécédents de l’appelant dans son résumé de la preuve — il était dans la cinquantaine au moment de l’audience, avait obtenu un diplôme d’études secondaires et avait des antécédents de travail en tant que travailleur manuel peu spécialisé — je n’ai relevé aucune tentative pour appliquer ceux-ci aux perspectives d’emploi. Plutôt, l’analyse de la DG, laquelle ne comprenait même pas de citation pro forma de l’arrêt Villani, était entièrement composée d’une discussion sur le fait que l’appelant n’a pas participé aux traitements suivis d’une conclusion selon laquelle son invalidité n’était pas « prolongée ». Bien qu’il s’agissait là de facteurs importants, ils auraient dû être abordés dans le contexte global de l’appelant. Autrement dit, il incombait à la DG d’examiner de près l’employabilité d’une personne en situation réelle et avec le profil de cet appelant.

Conclusion

[33] Pour les motifs discutés précédemment, l’appel est accueilli d’après le moyen d’appel qui avait précédemment justifié d’octroyer la permission d’en appeler.

[34] L’article 59 de la LMEDS énonce la réparation que la DA peut accorder pour un appel. Pour prévenir toute crainte de partialité, il convient en l’espèce de renvoyer l’affaire à la DG pour qu’une nouvelle audience soit tenue devant un membre différent de la DG.

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