Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

D. P., l’appelant

Jayson Swain, le représentant légal de l’appelant

S. H., conjoint (observateur)

Introduction

[1] L’intimé a daté la demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) de l’appelant le 24 décembre 2013. L’intimé a rejeté cette demande initialement et après révision. L’appelant a interjeté appel de la décision de révision auprès du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal).

[2] Cet appel a été instruit par vidéoconférence pour les raisons suivantes :

  1. un service de vidéoconférence est situé à une distance raisonnable de la résidence de l’appelant;
  2. il manque des renseignements au dossier et il est nécessaire d’obtenir des précisions;
  3. la façon de procéder est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale voulant que l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Droit applicable

[3] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à une telle pension, un requérant doit :

  1. a) ne pas avoir atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne pas toucher une pension de retraite du RPC;
  3. c) être invalide;
  4. d) avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[4] Le calcul de la PMA est important, car une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date où sa PMA a pris fin, ou avant cette date.

[5] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du RPC, l’invalidité est définie comme une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[6] La PMA ne figure pas parmi les questions en litige, car les parties s’entendent à cet égard; le Tribunal juge que la date qui marque la fin de la PMA est le 31 décembre 2013.

[7] En l’espèce, le Tribunal doit déterminer s’il est plus probable qu’improbable que l’appelant ait été atteint d’une invalidité grave et prolongée à la date de fin de sa PMA, ou avant.

Preuve

Preuve documentaire

[8] Dans le Questionnaire relatif aux prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada daté du 13 décembre, l’appelant a écrit avoir terminé sa douzième année et avoir fréquenté un collège pendant neuf mois pour obtenir une licence en plomberie. Il a été travailleur indépendant entre le 1er janvier 2004 et le 5 décembre 2011. Il a cessé de travailler dans le domaine pour incarcération et problèmes de santé. Il était l’unique propriétaire d’une entreprise de plomberie. Il a rempli pour la dernière fois une déclaration de revenus pour les activités de l’entreprise en 2012. Il affirme qu’à partir du 7 juin 2013, il ne pouvait plus travailler en raison de son état de santé. Il a mentionné être atteint du VIH/SIDA, d’hypertension et d’un taux de cholestérol élevé. Il a affirmé se sentir fatigué en tout temps, épuisé, sans énergie, sans endurance, avoir des troubles de sommeil, des douleurs au dos et aux genoux, et ressentir des effets secondaires causés par les médicaments. Il a des problèmes d’estomac et de digestion, évacue des selles molles et souffre de maux de tête. Il ne peut pas s’asseoir ou se tenir debout pendant plus d’une heure. Il ne peut pas marcher sur une distance de plus d’un pâté de maisons. Il éprouve une douleur au bas du dos quand il tente de soulever et de transporter un article lourd, qu’importe la distance. Il souffre parfois en se penchant pour mettre ses bas ou ses chaussures. Il souffre constamment de diarrhée. Il éprouve certaines difficultés à accomplir des tâches ménagères. Il se concentre difficilement sur la tâche à accomplir et il a beaucoup de difficulté à dormir. Il s’essouffle très facilement. Il ne peut pas être assis et conduire pendant plus d’une heure. Il a des prescriptions de : Norvir, Truvada, Reyataz, Lorazepam, Wellbutrin, Crestor, Hydrochlorothiazide, Ramipril et Symbicort.

[9] Dans le rapport médical du RPC daté du 13 décembre 2013, Dre Burns, médecin de famille, a indiqué connaître l’appelant depuis 14 ans. Elle a commencé à le suivre pour son problème de santé principal en septembre 2009. Elle a établi le diagnostic du SIDA et a décrit une fatigue chronique secondaire au SIDA, des troubles de dépression, d’insomnie, et la diarrhée et la nausée qui sont constantes et secondaires aux médicaments, la pression artérielle et le taux de cholestérol qui sont accrus. Elle a prescrit à l’appelant du : Reyataz, Truvada, Norvir, Wellbutrin, Rousuvastatin, Ramipril et Lorazepam. Sous la section Prognostic, elle a affirmé qu’il était présentement stable sous médication (GD2-53).

[10] Le 9 octobre 2013, Dr Khosravani, dans le service du Dr Sharkawy, a déclaré que l’appelant était suivi à la clinique d’immunodéficience. Il devait être vu en juin, et ne l’a pas été en juillet également. Parmi ses pathologies associées, l’on retrouvait les troubles d’humeur et d’anxiété. Depuis sa dernière visite à la clinique (février 2013), il a continué à voir des signes de fatigue. Ces signes ont semblé s’aggraver avec l’interruption imprévue de la prise de médicaments. Il ne prenait parfois plus ses médicaments comme prescrit pendant des périodes d’une semaine ou plus. Il a affirmé qu’il cessait de prendre ses médicaments pour se sentir mieux et pour réduire ses épisodes de fatigue. Sinon, il se portait bien. Il avait perdu du poids et éprouvait encore des troubles d’anxiété. Sa perte de poids était surtout associée à une absorption orale diminuée plutôt qu’à son trouble d’humeur. Il prenait du Truvada, Atazanavir, Ritonavir, Crestor, Wellbutrin, Lorazepam et Hydrochlorothiazide. Des analyses de laboratoire effectuées en mars 2013 ont montré une charge virale indétectable, un décompte des CD4 de 443 avec une fraction de 34 pour cent. Selon le Dr Sharkawy, il était difficile d’évaluer comment l’appelant s’en tirait en ce qui concerne le VIH. Ils ont discuté des effets secondaires et des effets de traitement négatifs causés par l’interruption de la médication. L’appelant a juré qu’il respecterait davantage la prise de médicaments. Dr Sharkawy a affirmé qu’il retarderait la question d’une demande de pension d’invalidité parce que ce n’est pas un sujet qui touche la clinique. Il a été noté que le degré de fatigue de l’appelant n’était pas relié à ses médicaments (GD2-55).

[11] Le 24 septembre 2014, Dr Sharkawy, [spécialiste] des maladies infectieuses, a mentionné avoir évalué l’appelant pour la première fois à la clinique d’immunodéficience de la X Western Hospital le 21 janvier 2010. L’appelant avait reçu un diagnostic de VIH en décembre 2009. Il s’est présenté à sa médecin de famille avec des symptômes de fatigue s’aggravant significativement sur une période de plusieurs mois, ainsi qu’avec des maux de tête s’aggravant progressivement. Il souffrait aussi régulièrement d’infections de la peau et des tissus mous depuis près d’un an en raison du SDRM, une bactérie résistante qui répondait de façon incomplète à des cures répétées de traitement par antibiotiques. Lors de l’examen initial, il semblait en santé avec des signes vitaux normaux, mais il présentait notamment des signes d’anxiété. Il présentait des symptômes de lymphadénopathie sur son cou, bilatéralement. L’examen neurologique était sensiblement normal. Un examen de la peau a révélé de multiples nodules sur son avant-bras gauche et plusieurs lésions similaires dans les régions de l’aine, de façon uniforme, avec de petits abcès sur les tissus mous. Il a commencé à suivre une antibiothérapie pour traiter une infection cutanée résistante. On ne lui a pas proposé de thérapie antirétrovirale parce qu’elle n’a pas été jugée nécessaire d’après son taux des CD4. Lors d’un rendez-vous de routine en février 2010, on lui a découvert une dyslipidémie. Sinon, son état clinique était sensiblement inchangé. En mai 2010, il disait voir sa fatigue s’aggraver, sa tolérance à l’exercice diminuer, il s’essoufflait de plus en plus, avec et sans effort, ses maux de tête s’aggravaient en intensité, il souffrait de graves troubles du sommeil et prenait donc régulièrement des sédatifs, dont du Lorazepam. Son décompte des CD4 a baissé à 344 et sa charge virale est demeurée relativement stable à 44, 970 copies par ml. Dr Sharkawy a recommandé la prise de médicaments pour le traitement du VIH. L’appelant a reçu une prescription de Atripla et ont lui a proposé du counselling pour une meilleure hygiène du sommeil. En juin 2010, il avait pris régulièrement du Atripla et le tolérait plutôt bien, à l’exception de quelques épisodes de léthargie matinale. Avec plus d’investigations, l’appelant a démontré des signes clairs de manque de motivation et de symptômes de dépression. Son incapacité à accepter le diagnostic du VIH semblait en être grandement la cause. Dr Sharkawy affirme avoir informé l’appelant que la condition pouvait être gérée, mais a noté qu’il serait difficile de l’en convaincre. L’appelant a mentionné que sa pression artérielle était devenue difficile à contrôler et que sa dose de Ramipril avait récemment été augmentée de 5 à 10 mg par jour. En août 2010, il souffrait encore de troubles du sommeil et de maux de tête quotidiens. Il a aussi eu un problème intermittent de selles molles et de troubles de l’appétit. Sa charge virale avait diminué à 228 copies par ml et son décompte des CD4 avait augmenté à 389. Dr Sharkawy a informé l’appelant qu’il souffrait probablement de maux de tête en raison de stress chronique et d’anxiété. Cependant, comme il était possible que la médication pour le traitement du VIH, Atripla, ait engendré certains troubles de l’humeur et du sommeil, Dr Sharkawy a convenu d’aller vers un traitement au Truvada avec atazanavir et ritonavir. En septembre 2010, l’humeur de l’appelant s’était quelque peu améliorée et il avait cessé de prendre ses antidépresseurs. Cependant, il avait toujours des maux de tête, des troubles de sommeil, des démangeaisons généralisées et des perturbations gastro-intestinales. Son décompte des CD4 était de 376 et sa charge virale était confirmée comme indétectable. Dr Sharkawy a offert des services de counselling sur l’alimentation, sur l’hygiène du sommeil et des conseils pour réduire le stress et l’anxiété. En décembre 2010, l’appelant faisait preuve d’une grande amélioration générale, mais il souffrait toujours de maux de tête sur une base régulière, surtout en cas de stress ou d’effort physique. Son décompte des CD4 s’était amélioré à 507 et sa charge virale était toujours indétectable. Il se s’est pas présenté à des rendez-vous de suivi et est retourné à la clinique en juin 2011. On lui a prescrit de nouveaux antidépresseurs et anxiolytiques dont du Cipralex. Il prenait encore du Lorazepam pour maintenir son sommeil. Il a révélé avoir un [traduction] « problème légal » et s’inquiéter d’être accusé et emprisonné. Dr Sharkawy a noté que cette situation pesait très lourdement sur les épaules de l’appelant qui ressentait beaucoup de stress. L’appelant a démontré des niveaux d’énergie très réduits, des démangeaisons généralisées prononcées et des difficultés à dormir. Son taux de lipides était élevé, ce qui semblait aussi renforcer son anxiété. On lui a prescrit du Crestor. Son décompte des CD4 avait baissé à 290, mais sa charge virale était toujours indétectable. En novembre 2011, il a formellement été accusé d’une infraction criminelle sérieuse et il a été détenu à domicile pendant 24 heures. Son anxiété était pire que jamais. Il a rapporté une faible libido et un niveau d’énergie réduit. Son taux de testostérone était bas. Son décompte des CD4 était stable à 368 et sa charge virale était toujours indétectable. Sa thérapie de remplacement de la testostérone a été reportée jusqu’à ce que son statut à long terme soit clarifié par rapport à l’incarcération. Il en a été stressé. Il n’est pas retourné à la clinique jusqu’en juillet 2012 (il a affirmé avoir été incarcéré depuis décembre 2011). Il a poursuivi la prise de médicaments pour traiter le VIH et on lui a prescrit de nouveaux médicaments contre l’anxiété et la dépression. En octobre 2013, il a affirmé avoir finalement été remis en liberté en juillet 2012, mais il éprouvait beaucoup de difficultés à respecter sa médication à cause de nombreux stresseurs résiduels. Il a avoué ne pas avoir respecté sa médication pendant des périodes d’une à deux semaines et il a perdu du poids en raison de troubles de l’appétit. Il a été vu pour la dernière fois le 19 mars 2014. Il démontrait un état d’humeur amélioré et un bon contrôle de son anxiété. Il a attribué ce changement au fait qu’il a souscrit au POSPH pour la couverture des médicaments. Il éprouvait toujours une fatigue chronique et des maux de tête. Son décompte des CD4 était stable à 446 et sa charge virale était toujours indétectable. Il ne s’est pas présenté à son rendez-vous du 25 juin 2014. Dr Sharkawy a écrit [traduction] : « En résumé, selon mon opinion professionnelle, la combinaison d’anxiété chronique, de maux de tête, de troubles du sommeil, de grandes difficultés à gérer le stress par rapport au contexte de la maladie chronique du VIH, et s’ajoute maintenant un antécédent d’infraction criminelle, [l’appelant] est un très mauvais candidat pour occuper un emploi véritablement rémunérateur quelconque de façon régulière. D’après mon expérience avec lui, au cours des quatre dernières années, lors de brèves périodes d’amélioration quant aux niveaux de stress et d’anxiété en général, il n’a pas pu maintenir l’amélioration pendant plus de quelques mois à la fois. Je crois donc fermement qu’il est destiné à vivre avec une invalidité permanente pour une durée indéterminée. » (GD2-41)

Témoignage oral

[12] Il a 44 ans.

[13] Il a terminé ses études secondaires, il est un plombier certifié, un plongeur certifié, un gréeur certifié, un technicien certifié en construction de puits et un installateur de pompe immergée.

[14] Il a fait une demande de pension d’invalidité du RPC parce que c’est difficile de travailler ou de conserver un emploi. Il est atteint du VIH, de dépression chronique, de fatigue chronique, et ses médicaments lui causent de graves effets secondaires. Il a reçu un diagnostic de VIH en septembre 2009. À ce moment, il était travailleur indépendant comme entrepreneur général. Il est un plombier certifié qui entreprenait de nouvelles constructions, des travaux de rénovation, qui répondait aux appels de service, etc. Il a continué à travailler jusqu’à son incarcération en décembre 2011. Depuis 2009, ses heures de travail ont progressivement diminué, de 60-70 heures par semaine à 20 heures par semaine. Juste avant son incarcération, il se rendait au travail certains jours, et il ne pouvait pas s’y rendre d’autres jours. Certaines semaines, il ne pouvait pas travailler du tout. Ses revenus d’emploi ont chuté en 2011 comparativement à ses revenus des années précédentes. Il est convaincu qu’il devait réduire ses heures en raison de son VIH qui lui cause une grande fatigue, des douleurs musculaires intenses et de l’insomnie. Il souffre depuis longtemps de problèmes de dos, de genoux et de chevilles faibles. Il a été impliqué dans un accident de la route à 16 ans, ce qui lui a causé des problèmes d’épaules. Ses épaules se sont grandement affaiblies depuis l’infection. Son système immunitaire est affaibli, et il est souvent malade. Il ne peut pas être utile pour ses clients s’il n’est pas fiable.

[15] On lui a prescrit du Atripla en 2010, un médicament qui lui a causé plusieurs effets secondaires quotidiens : diarrhée, maux de tête, perte d’appétit, transpiration, insomnie, douleurs musculaires et articulaires, etc. Les médecins lui ont prescrit d’autres médicaments. Toutefois, il éprouvait d’autres effets secondaires tels que la nausée, des troubles gastriques, des étourdissements et des troubles de concentration. Il deviendrait facilement essoufflé, sans endurance physique, et ressentirait toujours des douleurs musculaires et des maux de tête. Il ressentirait certains effets secondaires sur une base quotidienne. La plupart du temps, il peinait à sortir du lit. Les médicaments ont accentué sa dépression. D’après ses antécédents de dépression, la simple annonce du VIH a fait exploser sa dépression. Il a perdu des clients et des amis en raison de l’infection. Il ne voulait rien faire ni même faire face au monde. Il ne voulait pas aller à l’extérieur. Il a reçu son premier diagnostic de dépression et de TDA quand il était enfant. Il a été atteint de dépression par intermittence depuis ce temps.

[16] Il a été incarcéré en décembre 2011 pendant 18 mois. Il a été libéré le 1er juillet 2013. Il n’a pas pu travailler près du moment où il est sorti de prison. Pendant son incarcération, il a reçu des traitements de base pour le VIH et pour la dépression. En prison, il n’a pas bien mangé ou dormi. Il avait mal au dos quand il est sorti de prison. Son état de santé était pire à la sortie de prison qu’à son entrée. Après sa remise en liberté, il a tenté de recouvrer sa clientèle. Il a préservé certains clients, mais il était incapable d’accomplir les tâches de son travail, comme ramper sous les chalets, faire des travaux de rénovation, monter des échelles (il a développé une peur des hauteurs après être tombé de son lit superposé en prison). À un certain moment, d’un point de vue physique, il ne pouvait plus accomplir son travail. Il ne peut pas s’asseoir ou se tenir debout pendant plus d’une heure, ni parcourir une certaine distance à pied, ni monter et descendre une pente raide et des escaliers en raison de son dos, de ses genoux et de ses chevilles.

[17] Il a commencé à surveiller des chalets sur une base occasionnelle et à temps partiel surtout, vers novembre/décembre de l’année 2013. Cette activité impliquait de se rendre dans des chalets inoccupés pour vérifier l’eau et le chauffage. Il faisait cela pendant environ cinq heures par semaine. Il avait de la difficulté à se déplacer en camion sur des routes enneigées et devenait essoufflé à grimper des pentes pour se rendre vers divers chalets. À un certain moment, il ne voulait plus qu’être au lit peu de temps après avoir été surveiller des chalets. Il a adhéré au POSPH (Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées) peu de temps après sa sortie de prison. Il considère que c’était en décembre 2013. Il demeure sous le POSPH sans date de révision.

[18] Il a envisagé d’occuper d’autres types d’emploi, mais il ne peut pas s’asseoir pendant plus d’une heure et il doit se trouver près d’une salle de bain. Il souffre presque constamment de maux de tête, il s’essouffle facilement, ne peut pas canaliser son énergie et il a peu, voire aucune, capacité de concentration. D’un jour à l’autre, il ne sait jamais s’il vomira ou s’il aura un martèlement dans la tête toute la journée.

[19] Après sa sortie de prison, il a continué de consulter un spécialiste du VIH et sa médecin de famille. Il consulte son spécialiste du VIH tous les six mois. Il était suivi par Dr Sharkawy (TWH), mais ensuite par Dr Fong (St. Michael’s Hospital). Il a commencé à voir Dr Fong près du mois de mars 2015. La Dre Burns, médecin de famille, connaît bien son historique. Il a recommencé à prendre ses anciens médicaments, mais les posologies ont continuellement été augmentées.

[20] Ses symptômes demeurent en jeu. La médication rehausse les symptômes. Il souffre d’indigestion et d’insomnie et il est toujours fatigué. Dre Burns lui a prescrit des pilules pour dormir et pour empêcher ses idées de se bousculer. Encore, il ne dort que quatre heures à la fois. Il doit faire des siestes pendant la journée, parfois deux ou trois fois par jour.

[21] Il a parlé de son avenir avec ses médecins. Il est atteint d’un virus pour lequel aucune cure n’existe. Les médecins cherchent à stabiliser la maladie et à aider le patient à composer avec la situation du mieux qu’il peut. Même si son décompte des CD4 et sa charge virale demeurent stables, cela ne signifie pas qu’il se sent bien ou que la douleur cesse.

[22] Il adorait travailler. Le VIH a influencé sa vie sociale et ses loisirs, auxquels il ne peut plus participer. Il trouve difficile de sortir. Il est souvent malade. Beaucoup de gens ne veulent pas le recevoir ou lui rendre visite. Il ne sait pas comment il se sentira d’un jour à l’autre. Il n’a aucune endurance pour participer à ses loisirs et il s’essouffle à monter une volée d’escaliers. Faire le ménage est une tâche très difficile. Compte tenu de ses difficultés de concentration, il ne pourrait pas être sûr de ne pas faire d’erreurs dans son précédent domaine d’emploi : connecter les mauvais fils pourrait s’avérer dangereux. Il se concentre difficilement sur une tâche à accomplir. S’il lit un livre, son esprit se trouve ailleurs.

[23] Il n’est pas facile d’avoir accès à des services de counselling à X. Il a demandé à sa médecin de famille d’être référé à un psychiatre peu de temps après sa sortie de prison, mais aucun ne sert la municipalité de district de X. Il faut se rendre à X pour en voir un. Il a accompli tout ce que les médecins lui ont recommandé. Il a rencontré B. Euler, une psychologue, en 2015 pour des séances de counselling (maximum de six). Dre Burns a fait la recommandation. Madame Euler désirait l’aider à trouver un psychiatre et elle lui a suggéré d’aller à X ou à X. Si une recommandation était faite, il se rendrait à X pour voir un psychiatre. Dre Burns examine toujours activement la question.

[24] Il n’est pas une personne qui se plaint. Alors, il ne s’est pas plaint à sa médecin de famille de son dos, ses genoux et ses chevilles. Il a cependant subi des IRM pour sa cheville et ses genoux. Dr Sharkawy voyait le patient pour son VIH et il n’aurait donc pas émis de commentaires sur son dos, ses genoux et ses chevilles.

[25] Il ne se voit pas pouvoir détenir un emploi véritablement rémunérateur. Les symptômes principaux qui ont une incidence sur lui sont la dépression, les douleurs corporelles, le corps qui s’écroule. Tout au long de sa vie, il a accompli des travaux de dur labeur. Il s’ennuie des interactions sociales avec les clients et les employés et de la gestion de son entreprise. Il existe du travail. Il veut travailler, mais il ne peut pas le faire. Il ne peut pas demeurer concentré suffisamment longtemps pour exécuter des tâches administratives ou s’asseoir longtemps. S’il se rend à la salle de bain, il peut oublier ce qu’il faisait ou il pourrait avoir à faire une sieste parce qu’il ne peut plus rester éveillé. Il peut aussi avoir un mal de tête et être obligé de bloquer toute source de lumière.

[26] À la date de fin de la PMA, il souffrait de maux de tête aux deux jours. Ces maux peuvent perdurer pendant trois heures. Aucun déclencheur déterminé n’existait. Son sommeil était mauvais et sporadique. Il ne pouvait pas maîtriser son stress. S’il était stressé au travail, il pleurait, abandonnait, paniquait et ne terminait pas la tâche. Il souffrait encore de diarrhée et il pouvait devoir aller à la salle de bain au moins une fois toutes les deux heures. Sur une échelle de 1 à 10, dont 1 représente aucune énergie, il situait son niveau d’énergie à 2. Tous ces symptômes sont présents à ce jour. Au cours d’une journée normale, il déciderait s’il a envie de sortir du lit. Ses journées sont imprévisibles. Il peut se sentir bien en début de journée, mais devenir nauséeux ou devoir retourner au lit. Il ne peut rien planifier.

[27] Il croit que sa fatigue est reliée au VIH. Dr Sharkawy lui a expliqué que son corps combat le virus avec toute son énergie. Alors, il se sentira épuisé en tout temps.

Observations

[28] L’appelant a fait valoir qu’elle [sic] est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Dr Sharkawy n’évoquerait pas les genoux et le dos parce qu’il voyait l’appelant pour son VIH. La médecin de famille s’est concentrée sur le SIDA comme condition principale. À l’exception de ses problèmes de genoux et de dos, les troubles associés au VIH sont sérieux et nombreux.
  2. Il était atteint de dépression avant de contracter le VIH, laquelle est maintenant aggravée par le VIH. Son état est chronique, grave et prolongé. Sa charge de travail avait déjà diminué avant son incarcération en 2011. Ainsi, son incarcération n’était pas la raison principale de son arrêt de travail. Il est sous le POSPH depuis décembre 2013. Cette date serait appropriée pour marquer le début de l’invalidité sous le RPC.
  3. Il a tenté de faire la surveillance de chalets, mais il en a été incapable.
  4. Il ne peut pas accomplir un travail sédentaire. Il est fatigué et disponible à travailler de façon imprévisible.
  5. Le Dr Sharkawy appuie la cause de l’appelant.
  6. Il correspond à la définition d’invalidité grave et prolongée selon le RPC.

[29] L’intimé a fait valoir que l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Sa demande a été reçue le 24 décembre 2013. Il était âgé de 41 ans, possédait une douzième année et était un plombier certifié. Son motif pour avoir cessé de travailler était associé à une incarcération et à des troubles de santé. Il a travaillé pour la dernière fois en tant qu’entrepreneur en plomberie de janvier 2004 à décembre 2011, moment où l’entreprise a fermé. Il a déposé une demande de pension d’invalidité du RPC par rapport au VIH/SIDA. Il a senti ne plus pouvoir travailler en juin 2013.
  2. Dans le Questionnaire, il affirme être limité pour s’asseoir, se tenir debout ou conduire pendant une heure, pour faire l’entretien ménager, soulever et se pencher en raison de maux de dos, pour se concentrer et pour dormir. Le traitement consiste à prendre la médication. Dre Burns a confirmé le diagnostic du SIDA chez l’appelant qui souffre aussi de fatigue chronique, de dépression, d’insomnie, de diarrhée et de nausée secondaires. Il [sic] a précisé que l’appelant était stable grâce à son traitement médicamenteux actuel. Le fait qu’il soit stable grâce à son traitement médicamenteux actuel est jugé comme une issue positive quand il s’agit du VIH/SIDA parce que ce sont les données sanguines qui déterminent le type de traitement et la réponse au traitement.
  3. L’intimé a reçu une mise à jour du Dr Sharkawy. Compte tenu de la stabilité du décompte des CD4 et de la charge virale depuis au moins novembre 2011 et du manque de suivis depuis, il est raisonnable de conclure que la maladie de l’appelant demeure stable (quoi que ce soit à l’effet du contraire nécessite examen, test sanguin et rajustements de la médication).
  4. D’après le spécialiste en médecine interne et la médecin de famille, la maladie a été stable pendant un certain temps et indétectable en termes de charge virale, ce qui indique l’efficacité du traitement. Il n’est pas retourné voir son spécialiste du VIH depuis mars 2014, ce qui confirme que son VIH est inactif. Puisque son état est stable et que sa santé ne l’empêche pas de chercher et d’obtenir un emploi qui lui convient, son VIH ne l’invalide pas. C’est plutôt la date à laquelle il a été incarcéré qui marque le début de son arrêt de travail, ce qui peut lui causer un problème pour obtenir un travail. Il ne s’agit pas d’une question pertinente pour établir l’invalidité. Il n’est pas atteint d’une invalidité grave et prolongée qui ferait en sorte qu’il ne pourrait accomplir aucun travail.

Analyse

[30] L’appelant doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée à la date de fin de la PMA, ou avant.

Invalidité grave

[31] Le Tribunal est convaincu, sur la base de l’unanimité des rapports médicaux et du témoignage incontesté de l’appelant, que celui-ci était incapable de détenir régulièrement un emploi véritablement rémunérateur à la date marquant la fin de la PMA, ou avant.

[32] La Dre Burns, médecin de famille, connaît l’appelant depuis 14 ans et elle a témoigné qu’il souffre de fatigue chronique secondaire au SIDA, de dépression, d’insomnie, de diarrhée et de nausée constantes secondaires aux médicaments.

[33] Le Dr Sharkawy, spécialiste des maladies infectieuses, a décrit chez l’appelant un trouble comorbide d’humeur et d’anxiété, ainsi que le VIH. Il a remis un rapport détaillé qui documentait les symptômes et les troubles de fonctionnement de l’appelant. Il a aussi affirmé en des termes clairs que, de son point de vue professionnel, la combinaison d’anxiété chronique, de maux de tête, de troubles du sommeil, de grande difficulté à gérer le stress par rapport au contexte de la maladie du VIH (et s’ajoute maintenant un antécédent criminel), l’appelant est un très mauvais candidat pour occuper un emploi rémunérateur quelconque de façon régulière. Le Dr Sharkawy a aussi noté que, d’après son expérience avec l’appelant, au cours des quatre dernières années, lors de brèves périodes d’amélioration quant aux niveaux de stress et d’anxiété en général, il n’a pas pu maintenir l’amélioration pendant plus de quelques mois à la fois. Il a conclu [traduction] : « Je crois donc fermement qu’il est destiné à vivre avec une invalidité permanente pour une durée indéterminée. »

[34] L’appelant a témoigné qu’avant son incarcération en 2011, sa charge de travail avait déjà diminué. Bien qu’il travaillait jusqu’à 20 heures par semaine, il a aussi déclaré que certains jours il pouvait travailler, mais d’autres non. Certaines semaines, il ne pouvait pas travailler du tout. Le Tribunal souligne que les revenus de l’appelant ont grandement diminué en 2011, comparativement aux années précédentes. Puisque son incarcération a eu lieu tard dans l’année, en décembre précisément, sa baisse de revenus serait expliquée par la réduction générale du nombre d’heures de travail, laquelle a été causée par la manière dont il se sentait à ce moment, selon son explication. Il a également déclaré que son état s’était aggravé après sa remise en liberté en 2013. Il a témoigné avoir essayé d’entretenir des chalets pendant plusieurs mois. Mis à part qu’il avait de la difficulté à conduire sur les routes enneigées, il s’essoufflait à grimper des pentes pour vérifier les chalets. Il faisait ce travail pendant environ cinq heures par semaine en novembre et en décembre 2013. Le Tribunal ne juge pas que ce type de travail, si près de la fin de la PMA, constituait une preuve que l’appelant serait en mesure d’exercer régulièrement une occupation véritablement rémunératrice.

[35] L’appelant a témoigné par rapport à ses symptômes invalidants à la fin de la PMA, lesquels sont toujours présents à ce jour. Ces symptômes incluaient des maux de tête aux deux jours, un sommeil mauvais et sporadique, l’absence de maîtrise du stress, la diarrhée constante et un niveau d’énergie très faible. Le Tribunal est convaincu que les effets cumulatifs de ces symptômes rendraient l’appelant régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice, même une occupation sédentaire.

[36] L’appelant a déclaré que sa médecin de famille tente de lui trouver un psychiatre. Il a témoigné qu’il irait au rendez-vous si on lui en donnait un. Il demeure sous les soins actifs de son spécialiste du VIH et de sa médecin de famille.

[37] Compte tenu de l’étude des symptômes documentée dans le dossier médical cité, le Tribunal est convaincu que l’appelant est devenu gravement invalide, pour une période prolongée, à la date de fin de la PMA.

Invalidité prolongée

[38] Le Tribunal est convaincu également que l’état de l’appelant est prolongé. Le Dr Sharkawy a énoncé l’historique médical de l’appelant qui couvre quatre années dans son rapport détaillé du 24 septembre 2014. Il a clairement documenté un problème de santé qui est long, continu et indéfini dans sa nature. Après avoir relaté l’historique, il a écrit [traduction] : « Je crois donc fermement qu’il est destiné à vivre avec une invalidité permanente pour une durée indéterminée. »

Conclusion

[39] Le Tribunal conclut que l’appelant était atteint d’une invalidité grave et prolongée en décembre 2013 pour les motifs susmentionnés. Aux termes de l’article 69 du RPC, la pension d’invalidité est payable à compter du quatrième mois qui suit la date du début de l’invalidité. Elle est payable à compter du mois d’avril 2014.

[40] L’appel est accueilli.

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