Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est accordée.

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision rendue le 22 juin 2016 par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal). La division générale a précédemment tenu une audience par téléconférence et statué que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC), après avoir conclu qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité « grave » au cours de sa période minimale d’admissibilité (PMA), qui a pris fin le 30 septembre 2013, date précédant le mois de l’approbation de sa demande de pension de retraite du RPC.

[2] Le 26 août 2016, dans les délais prévus, le représentant de la demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler à la division d’appel. Pour accueillir cette demande, je dois être convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[3] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission, et la division d’appel accorde ou refuse cette permission.

[4] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[5] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’un motif susceptible de donner gain de cause à l’appel soit présenté : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. La Cour d’appel fédérale a statué que la question de savoir si une affaire est défendable en droit revient à se demander si un appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[7] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une instruction de l’affaire sur le fond. C’est un premier obstacle que la demanderesse doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel elle devra faire face lors de l’instruction de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, la demanderesse n’a pas à prouver ses prétentions.

RPC

[8] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à une telle pension, un requérant doit :

  1. a) ne pas avoir atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne pas toucher une pension de retraite du RPC;
  3. c) être invalide;
  4. d) avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la PMA.

[9] Le calcul de la PMA est important, car une personne doit démontrer qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date où sa PMA a pris fin ou avant cette date.

[10] Conformément à l’alinéa 42(2)a) du RPC, une personne est considérée comme invalide si elle est atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[11] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[12] Dans une annexe de la demande de permission d’appeler, le représentant de la demanderesse prétend que le membre de la division générale ayant présidé l’audience n’a pas observé un principe de justice naturelle en déclarant que la demanderesse satisfaisait aux critères d’une invalidité grave et prolongée et qu’il n’avait donc pas besoin d’entendre d’autres observations sur la question de l’invalidité. Le membre a ensuite rendu une décision dans laquelle il statuait que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité du RPC au motif qu’elle n’avait pas satisfait aux critères d’une invalidité grave et prolongée, ce qui était diamétralement opposé à la déclaration qu’il avait faite durant l’audience.

[13] Précisément, le représentant prétend qu’on peut entendre le membre de la division générale, exactement à la 48e minute de l’enregistrement audio de l’audience, demander des observations écrites sur la question de savoir si le revenu touché par la demanderesse après sa PMA était un revenu d’emploi qui pourrait potentiellement la rendre inadmissible à une pension d’invalidité du RPC. Le membre a ajouté ce qui suit :

[traduction]

Je pense que je vais être franc avec vous, Monsieur… Je crois qu’elle a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle souffrait d’une invalidité grave et prolongée en septembre 2013 ou avant cette date.

[14] Le représentant de la demanderesse affirme que le membre de la division générale a répété, exactement à la 57e minute de l’enregistrement audio de l’audience, qu’il souhaitait obtenir des observations écrites sur le revenu d’emploi de la demanderesse, et qu’il a confirmé qu’il ne voulait pas entendre d’autres observations sur la question des caractères « grave et prolongé » de l’invalidité. Après que le dispositif d’enregistrement eut été éteint, le membre aurait dit au représentant qu’il avait décidé de demander d’autres observations écrites seulement s’il ne parvenait pas à obtenir les renseignements qu’il cherchait à obtenir autrement. Le jour suivant, un membre du personnel du Tribunal a informé le représentant que des observations supplémentaires ne seraient pas demandées.

[15] Le représentant de la demanderesse affirme que le membre de la division générale lui a fait croire que la question de l’invalidité de sa cliente avant le 30 septembre 2013 était réglée. Il prétend qu’il avait présenté son plaidoyer final en se fiant à l’assurance donnée par le membre. Comme le membre a ensuite changé d’avis et fondé sa décision sur une conclusion voulant que l’état de la demanderesse ne répondait pas tout à fait au seuil d’une invalidité « grave et prolongée », la division générale a, véritablement, privé la demanderesse d’une pleine possibilité de se faire entendre.

Analyse

[16] Les moyens d’appel invoqués par la demanderesse reposent en grande partie sur ce qui a été dit durant l’audience. Un examen préliminaire de l’enregistrement audio me porte à croire que le compte rendu de l’instance offert par le représentant de la demanderesse est essentiellement véridique.

[17]  Dans sa décision, la division générale a consacré la majeure partie de son analyse à la question de savoir si la demanderesse était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au sens de l’alinéa 42(2)a) du RPC. Il est évident que la division générale estimait que cette question devait encore être tranchée, contrairement à ce qu’a affirmé le membre lors de l’audience, et il semble que sa conclusion, voulant que la demanderesse ne réponde pas à la définition donnée dans la loi, contredise carrément ce qu’il avait dit au représentant.

[18] À mon avis, il existe une cause défendable voulant que la division générale ait induit en erreur la demanderesse en assurant son représentant, lors de l’audience, qu’il s’était acquitté du fardeau de prouver que sa cliente était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date de sa PMA. Si le représentant s’est fié à cette assurance et s’il a formulé son plaidoyer final en fonction de celle-ci de façon à ne pas mettre un accent aussi prononcé sur les questions des caractères grave et prolongé de l’invalidité, il se peut en effet que la demanderesse ait été privée de son droit de présenter sa cause de son mieux.

[19] Cet écart en matière d’équité procédurale, s’il peut être qualifié ainsi, peut avoir été aggravé par le fait que le membre n’a pas respecté la promesse qu’il avait faite au représentant, à savoir qu’il allait lui donner l’occasion de présenter des observations écrites après l’audience sur la question du revenu d’emploi de la demanderesse après sa PMA. S’il semble que le membre ait lui-même résolu les questions qu’il avait encore à ce sujet, son choix de ne pas accepter d’autres observations écrites pourrait avoir privé le représentant d’une occasion de présenter un plaidoyer complet au nom de sa cliente.

Conclusion

[20] La permission d’en appeler est accordée. J’invite les parties à déposer leurs observations sur la pertinence de tenir une nouvelle audience et, si une audience s’avère nécessaire, sur le type d’audience qui convient.

[21] Cette décision accordant la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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