Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision de la division générale datée du 28 décembre 2015, laquelle concluait que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada, puisque le membre a jugé que l’invalidité n’était pas « grave » à la date de fin de la période minimale d’admissibilité de la demanderesse du 31 décembre 2009, ou avant.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Moyens d’appel

[3] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[4] Pour accorder la permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel se rattachent aux moyens d’appel figurant au paragraphe 58(1) de la LMEDS et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale a confirmé cette approche dans la décision Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

[5] La demanderesse désire obtenir la permission d’en appeler aux motifs que (1) la division générale a omis d’observer un principe de justice naturelle ou a autrement refusé d’exercer sa compétence et (2) a commis une erreur de droit et de fait.

Mode d’audience

[6] La division générale a tenu une audience au moyen de questions et réponses, car les renseignements de l’audience [sic] comportaient des lacunes ou nécessitaient des éclaircissements. La division générale a transmis le 9 novembre 2015 un avis d’audience à la demanderesse pour lui indiquer de présenter une copie d’un rapport médical entier complété par un psychiatre (GD2-52). La demanderesse a présenté ce rapport au Tribunal de la sécurité sociale dans le délai prescrit.

[7] La demanderesse soutient qu’en ayant procédé ainsi, sans tenir une audience en personne, la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement refusé d’exercer sa compétence. La demanderesse soutient qu’en vertu des notions d’équité procédurale, il était essentiel de lui donner l’opportunité de mettre au clair les inconsistances présentes dans la preuve médicale, telles que la date de début de sa dépression et toute information requise quant à ses tentatives de se recycler et de se mettre à jour. La demanderesse soutient que si la division générale avait mis au clair ces éléments essentiels de preuve, il aurait pu être décidé que son invalidité était grave à la fin de sa période minimale d’admissibilité, ou avant.

[8] Aux termes de la LMEDS, nul n’est en droit d’exiger une audience en personne. Selon l’article 28 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement), un membre est habilité à rendre une décision en s’appuyant sur les documents et sur les observations présentés, alors que l’article 21 du Règlement permet au membre de tenir une audience selon les modes suivants : questions et réponses écrites, téléconférence, vidéoconférence ou tout autre moyen de télécommunication, comparution en personne des parties.

[9] Il est mentionné dans le Formulaire de renseignements en matière d’audience rempli au nom de la demanderesse (GD4) que l’information transmise permettrait au membre de la division générale de choisir le mode d’audience approprié et de prévoir une date d’audience. La demanderesse a indiqué qu’elle serait représentée et qu’elle serait la seule témoin. Elle a aussi mentionné pouvoir participer à l’audience, sans contrainte au mode d’audience considéré comme approprié par le Tribunal, sans contrainte à la date choisie par le Tribunal, puisqu’elle est disponible tous les jours de la semaine. La partie du Formulaire de renseignements en matière d’audience a été complétée au nom de la demanderesse comme suit :

Formulaire de renseignements
Formulaire de renseignements

Il est mentionné dans le Formulaire de renseignements en matière d’audience rempli au nom de la demanderesse (GD4) que l’information transmise permettrait au membre de la division générale de choisir le mode d’audience approprié et de prévoir une date d’audience. La demanderesse a indiqué qu’elle serait représentée et qu’elle serait la seule témoin. Elle a aussi mentionné pouvoir participer à l’audience, sans contrainte au mode d’audience considéré comme approprié par le Tribunal, sans contrainte à la date choisie par le Tribunal, puisqu’elle est disponible tous les jours de la semaine.

[10] Si la demanderesse ne pouvait pas participer par l’entremise de question et réponses écrites ou d’un autre mode, ce ne l’était pas indiqué à ce moment-là.

[11] Après l’émission de l’avis d’audience, où il était indiqué que l’instruction de l’appel serait faite au moyen de questions et réponses, la demanderesse a présenté un rapport médical supplémentaire (GD5), mais ne s’est pas opposée au mode d’audience. La demanderesse s’est opposée au mode d’audience pour la première fois dans la demande de permission d’en appeler.

[12] L’instance s’est déroulée sans la tenue d’une audience sur une étude du dossier pour l’affaire Murphy v. Canada (Attorney General), 2016 FC 1208Note de bas de page 1. La Cour fédérale a soulevé que madame Murphy avait reçu un avis indiquant l’intention de la division générale d’instruire l’appel par écrit. Elle avait été invitée à transmettre des commentaires et des pièces supplémentaires, mais n’a pas pris position à cet égard. La division générale a expliqué les raisons pour avoir procédé ainsi. La division générale a établi ce qui suit : les questions en litige n’étaient pas complexes, les renseignements au dossier ne présentent aucune lacune et ne requièrent aucun éclaircissement, la crédibilité n’était pas un problème et le mode d’audience respectait l’exigence du Règlement voulant que l’audience se déroule de la manière la plus informelle et la plus expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[13] Dans sa demande de permission d’en appeler, madame Murphy ne condamnait pas le mode d’audience. Pourtant, la Cour fédérale doutait, compte tenu des faits, qu’une analyse comme celle faite dans Villani puisse être menée sans la tenue d’une nouvelle audience devant la division générale, compte tenu des difficultés de madame Murphy : niveau d’éducation limité, capacité limitée à transmettre des observations écrites, trouble de la parole documenté par le personnel du Tribunal de la sécurité sociale, expression difficile de ses pensées.

[14] La demanderesse possède aussi un niveau d’éducation limité, mais dans l’ensemble, les circonstances factuelles de l’affaire dont je suis saisie diffèrent à certains égards. La demanderesse était et est encore représentée. La question sur sa capacité à se représenter est moins en cause que pour l’affaire de madame Murphy, parce que cette dernière était en fait incapable de se représenter. La nature des déficiences de la demanderesse diffère aussi.

[15] Après avoir pris connaissance que l’audience serait tenue au moyen de questions et réponses, la demanderesse aurait pu tenter de présenter des observations écrites pour mettre au clair les lacunes dans l’information sur ses tentatives de se recycler et de se mettre à jour, ou les inconsistances quant à la date de début de sa dépression.

[16] Dans les observations qui me sont présentées, la demanderesse ne cherche pas à éclaircir ce que les inconsistances quant à la date de début de sa dépression pourraient être. La demanderesse soutient toutefois avoir été privée de l’opportunité de mettre au clair toute lacune ou inconsistance, puisqu’une audience de novo devant la division générale n’a pas été tenue.

[17] La division générale n’a pas identifié de date spécifique pour le début de la dépression, mais a seulement mentionné que la dépression de la demanderesse avait commencé après la fin de la période minimale d’admissibilité. Au paragraphe 35, la division générale a conclu que les troubles mentaux de la demanderesse avaient commencé après la fin de la période minimale d’admissibilité du 31 décembre 2009. La validité de cette conclusion [traduction] « était confirmée dans le rapport du médecin de famille (2012), Dr O’Toole, et dans le rapport du Dr Gerber (2013) ».

[18] Dans la section portant sur la preuve, la division générale a soulevé que le médecin de famille de la demanderesse lui avait diagnostiqué une dépression majeure débutant en avril 2012. La demanderesse a par la suite été dirigée chez un psychiatre en août 2012 pour traiter sa dépression. Le psychiatre a précisé que les troubles mentaux de la demanderesse avaient commencé deux années précédant leur rencontre (à la moitié de l’année 2010). Il était pourtant mentionné au paragraphe 20 de la décision que la demanderesse avait vécu un épisode dépressif différent près de dix ans auparavant. La demanderesse a consulté un autre psychiatre en juillet 2013. La division générale a indiqué que la demanderesse avait mentionné à ce psychiatre d’avoir commencé à se sentir dépressive au moment où elle s’est débattue contre sa compagnie d’assurances. Elle lui a aussi mentionné avoir commencé la prise d’antidépresseurs environ six mois avant leur rencontre. Le rapport médical (GD5-7) indique que la demanderesse a mentionné avoir commencé à être dépressive environ quatre ou cinq années plus tôt, ce qui établirait la date de début de la dépression quelque temps avant ou près de la fin de la période minimale d’admissibilité.

[19] Je ne suis pas convaincue que la question d’inconsistance dans la preuve en lien avec la date de début de la dépression de la demanderesse pourrait être évaluée lors d’une audience de novo. Par contre, je suis convaincue que la division générale pourrait avoir commis une erreur en omettant de déterminer si la dépression de la demanderesse avait débuté à la fin de la période minimale d’admissibilité, ou avant.

[20] Si la division générale avait conclu que la demanderesse avait mentionné une date différente de celle mentionnée à son médecin de famille et à un autre psychiatre, il aurait été légitime de rejeter le rapport psychiatrique portant sur la date de début de la dépression de la demanderesse. Toutefois, la division générale a conclu que la demanderesse avait partagé de façon constante avec ses soignants une date de début pour sa dépression se situant quelque temps après 2009. Compte tenu du rapport psychiatrique de juillet 2013 (GD5), cette conclusion aurait pu être arbitraire.

[21] Par ailleurs, si la division générale n’a pas tenu compte de la possibilité que la demanderesse souffrait de dépression avant la fin de sa période minimale d’admissibilité, il se peut qu’elle n’ait pas tenu compte de l’ensemble de la preuve de manière cumulative, ce qui pourrait représenter une erreur de droit.

[22] La demanderesse a aussi invoqué d’autres moyens d’appel, mais comme l’a établi la Cour d’appel fédérale dans Mette v. Canada (Attorney General), 2016 FCA 276Note de bas de page 2, la division d’appel n’est pas tenue d’évaluer tous les moyens d’appel invoqués par un demandeur. En l’espèce, en réponse aux arguments du défendeur faisant valoir que la division d’appel devait rejeter la demande de permission d’en appeler si elle jugeait que l’un des moyens invoqués n’était pas fondé, le juge Dawson a soutenu que le paragraphe 58(2) de la LMEDS [traduction] « n’oblige pas le rejet de chacun des moyens d’appel invoqués ».

[23] Je permettrai à la demanderesse de faire le point sur les lacunes qui ont été perçues à l’instruction de l’appel en lien avec ses tentatives de se recycler et de se mettre à jour. Je vais tout de même me pencher brièvement sur les autres moyens d’appel.

Avis d’expert

[24] La demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur de fait et de droit en préférant l’avis de son médecin de famille à celui d’un conseiller en réadaptation professionnelle sur la question de son aptitude à l’emploi. La division générale a indiqué que le médecin de famille était d’avis que la demanderesse devait occuper un emploi sédentaire, tandis que le conseiller en réadaptation professionnelle était d’avis que la demanderesse était non seulement incapable d’accomplir un travail exigeant physiquement, mais aurait de la difficulté à occuper un poste nécessitant d’être assise de façon prolongée.

[25] En tant que juge des faits, il appartenait à la division générale d’apprécier la preuve et de la soupeser convenablement. La division générale est habilitée à préférer un élément de preuve à un autre. Certes, la division générale n’a pas procédé à une analyse exhaustive de l’avis des experts, mais elle s’est clairement appuyée sur les rapports du médecin de famille de la demanderesse, et les a préférés, parce qu’il connaissait cette dernière depuis 20 ans et était au courant de sa condition.

[26] La division générale n’a pas abordé un élément important. L’évaluation professionnelle a été réalisée en août 2012, plusieurs années après la fin de la période minimale d’admissibilité. Cependant, la demanderesse devait prouver être atteinte d’une invalidité grave à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité, ou avant. Comme l’évaluation professionnelle a été réalisée plusieurs années après la fin de la période minimale d’admissibilité, aucun fondement n’aurait permis à la division générale de s’appuyer sur cet avis pour conclure que la demanderesse était atteinte d’une invalidité grave en date du 31 décembre 2009.

Conclusion

[27] La demande de permission d’en appeler est accueillie.

[28] Cette décision accordant la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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