Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d'en appeler d'une décision de la division générale datée du 6 novembre 2015, qui a conclu que le demandeur n'était pas admissible à une pension d'invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada, puisque le membre a jugé que l'invalidité n'était pas « grave » à la date de fin de sa période minimale d'admissibilité, le 31 décembre 2013, ou avant cette date. La demanderesse demande la permission d'en appeler au motif que la division générale a commis une erreur de droit et a fondé sa décision sur plusieurs conclusions de fait erronées tirées sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Moyens d’appel

[3] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[4] Avant d'accorder la permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs pour en appeler se rattachent au moins à l’un des moyens d’appel énumérés au paragraphe 58(1) de la LMEDS et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale du Canada a récemment confirmé cette approche dans la décision Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

Erreurs de droit

[5] La demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur de droit dans son application du critère de « gravité » au sens du Régime de pensions du Canada et dans son application de l'arrêt Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117.

[6] La demanderesse fait valoir que, au lieu de conclure qu'elle était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice, la division générale aurait pu conclure qu'elle ne pouvait pas du tout travailler. Au paragraphe 36 de sa décision, la division générale a déclaré ce qui suit :

[traduction]
Le Tribunal estime que la preuve ne démontre pas l'existence d'un trouble médical grave qui empêcherait [la demanderesse] d'occuper tout type d'emploi. Même si le Dr Emery déclare que les symptômes de [la demanderesse] nuit à sa capacité de travailler, il n'a pas conclu que [la demanderesse] ne peut pas du tout travailler.

[7] Au paragraphe 39, la division générale a déclaré qu'il est conclu que la demanderesse n'avait pas établi qu'elle souffrait d'une invalidité grave qui la rendait régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Cependant, si la division générale avait appliqué un critère de gravité différent de celui défini à l'alinéa 42(2)a) du Régime de pensions du Canada, comme il pourrait être laissé entendu au paragraphe 36, cela constituerait une erreur de droit. Je suis convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

[8] La demanderesse fait également valoir que la division générale a commis une erreur en concluant qu'elle n'avait pas satisfait aux exigences prévues dans l'arrêt Inclima selon lesquelles elle doit déployer des efforts pour obtenir et conserver un emploi ont été infructueux en raison de son état de santé. La division générale a conclu que la demanderesse n'avait pas prouvé qu'elle avait essayé de trouver un autre emploi adapté à ses limitations physiques et qu'elle ne pouvait pas conserver en emploi en raison de ses troubles médicaux. La demanderesse fait valoir qu'il est possible de satisfaire au critère prévu dans l'arrêt Inclima en démontrant les efforts déployés avant de présenter une demande de pension d'invalidité du Régime de pensions du Canada. Autrement dit, elle fait valoir que l'exigence d'obtenir et de conserver un emploi n'est pas une obligation qui continue après la présentation d'une demande de pension d'invalidité. La demanderesse soutient que la division générale doit tenir compte du fait qu'elle a occupé un poste sédentaire et qu'elle a continuellement cherché de nouveaux emplois afin de s'adapter à son état qui se dégrade progressivement. Cependant, la division générale a conclu que la demanderesse a conservé une capacité de travailler et que, pour ce motif, elle était en droit d'exiger qu'elle continue de prouver que les efforts déployés pour obtenir et conserver un emploi sont adaptés à ses limitations. Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès s’il est fondé sur ce motif particulier.

Conclusions de fait erronées

[9] La demanderesse soutient que la division générale a fondé sa décision sur les deux conclusions de fait erronées ci-après qu’elle a tirées sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] Premièrement, la demanderesse fait valoir que la division générale aurait dû ne pas tenir compte des rapports des Drs Ma et Steed. La division générale a conclu ne pas avoir constaté d'anormalités importantes. La demanderesse convient que les avis médicaux n'étaient pas pertinents en ce qui concerne son diagnostic du syndrome du côlon irritable. La demanderesse soutient qu'on ne peut pas se fier sur un examen pour confirmer un diagnostic de syndrome du côlon irritable, contrairement à un cancer, car il s'agit d'une [traduction] « maladie d'exclusion ». La demanderesse soutient que, si la division générale a écarté un diagnostic de syndrome du côlon irritable au motif que les avis des Drs Ma et Steed, elle n'aurait pas pleinement apprécié la gravité des symptômes du syndrome du côlon irritable de la demanderesse. Celle-ci se fonde en partie sur un imprimé du site Web de la Mayo Clinic pour appuyer son allégation selon laquelle le diagnostic de syndrome du côlon irritable est souvent posé après avoir écarté d'autres troubles.

[11] La division générale ne possédait pas une copie de l'imprimé de la Mayo Clinic. À mon avis, cela ne peut pas être admis afin de soutenir les allégations de la demanderesse selon lesquelles le syndrome du côlon irritable est une maladie d'exclusion. La preuve et les observations de cette nature auraient dû être présentées à la division générale, car elles doivent faire l'objet d'une appréciation. Comme la Cour fédérale l'a déclaré dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. O'Keefe, 2016 CF 503, un appel devant la division d’appel ne permet pas de présenter de nouveaux éléments de preuve et qu'il se limite aux trois moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS. Quoi qu'il en soit, j'estime que ces observations n'ont aucune substance, car la division générale a accepté le fait que la demanderesse souffre du syndrome du côlon irritable.

[12] Cependant, étant donné que la division générale a conclu que la demanderesse avait reçu un diagnostic du syndrome du côlon irritable ainsi que celui de migraines chroniques et de fibromyalgie en mars 2015 seulement, soit après la date de fin de la période minimale d'admissibilité, elle pourrait avoir commis une erreur en se concentrant sur le moment où le diagnostic a été posé et en laissant entendre que, par conséquent, elle ne pouvait pas avoir souffert de ces troubles avant mars 2015. Bien qu'un diagnostic n'est pas à lui seul déterminant de la gravité de l'invalidité d'une personne, il pourrait être un facteur important dans l'appréciation de la gravité et dans les répercussions d'une invalidité sur la capacité d'une personne à détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice.

[13] Deuxièmement, la demanderesse fait valoir que la division générale a mal compris l'avis du Dr Emery, médecin de famille. La division générale a souligné que le médecin de famille avait fourni des notes selon lesquelles la demanderesse n'était pas apte à travailler pour des raisons médicales et qu'elle serait réévaluée dans un mois, ou simplement qu'elle serait réévaluée dans un mois. La demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur en concluant que la demanderesse ne pouvait donc pas être gravement invalide en raison de ces notes. Au paragraphe 36, la division générale a déclaré ce qui suit : [traduction] « Même si le Dr Emery déclare que les symptômes de [la demanderesse] nuit à sa capacité de travailler, il n'a pas conclu que [la demanderesse] ne peut pas du tout travailler. » La demanderesse fait valoir que les conclusions de la division générale ne correspondent pas à la prépondérance de la preuve dont la division générale dispose et que les notes étaient plus pertinentes pour la question relative au caractère prolongé de l'invalidité, et non la question relative à la gravité. Dans une certaine mesure, ces observations particulières demandent une nouvelle appréciation, mais, comme la Cour fédérale l'a établi dans l'arrêt Tracey, le rôle de la division d'appel n'est pas d'apprécier de nouveau la preuve et de déterminer si, comme en l'espèce, les notes médicales correspondent ou non à la prépondérance de la preuve dont dispose la division générale. Cependant, dans la mesure où l'interprétation des notes du médecin de famille par la division générale est abusive ou arbitraire, cela constituerait une conclusion de fait erronée aux termes de l'alinéa 58(1)c) de la LMEDS. Le fait de conclure selon les notes du médecin de famille que la demanderesse a conservé une capacité pourrait constituer une conclusion abusive ou arbitraire si elle est fondée sur la déclaration selon laquelle la demanderesse était incapable de travailler et sera examinée de nouveau, ou selon laquelle elle fait l'objet d'un nouvel examen dans un mois. Je suis convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

Nouveaux éléments de preuve

[14] Finalement, la demanderesse propose de présenter des dossiers médicaux nouveaux ou à jour, y compris un imprimé de ses antécédents en matière de médicaments. Comme je l'ai mentionné précédemment, de nouveaux éléments de preuve ne constituent pas un moyen d'appel. Bien que de nouveaux éléments de preuve peuvent faire l'objet d'un examen au cours d'un appel devant la division d'appel dans des circonstances très limitées, c'est-à-dire lorsqu'ils concernent un des moyens d'appel, ces circonstances ne sont pas présentes en l'espèce. Si l'appel est ultimement accueilli et si l'affaire est renvoyée à la division générale aux fins de réexamen, il incomberait à la division générale de trancher relativement à la pertinence et à l'importance de tout nouveau dossier.

Conclusion

[15] La demande de permission d’en appeler est accueillie. La décision accordant la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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