Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Motifs et décision

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d'en appeler de la décision de la division générale datée du 20 février 2016 dans laquelle on conclut qu'elle n'était pas admissible à une pension d'invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada puisque le membre a jugé que l'invalidité n'était pas « grave » à la date de fin de sa période minimale d'admissibilité, le 31 décembre 2015.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Moyens d’appel

[3] En vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[4] Avant de pouvoir accorder une permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel se rattachent à l’un ou à l’autre des moyens d’appel admissibles prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale a confirmé cette approche dans la décision Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

[5] La demanderesse soutient que la division générale a fondé sa décision sur plusieurs conclusions de fait erronées qu’elle a tirées sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Elle a également affirmé que la division générale avait omis de tenir compte de tous les éléments de preuve.

[6] La demanderesse se prononce sur la décision rendue par la division générale à divers moments dans ses observations. Par exemple, aux paragraphes 22 et 49, la division générale traite de la consommation de tabac continue de la demanderesse. La demanderesse explique qu’elle continue de fumer parce qu’il s’agit de la dernière activité dont elle peut encore tirer plaisir. Ces types de réponses ne sont pas pertinents à cette demande de permission d’en appeler, étant donné que la permission n’offre pas la possibilité de réévaluer, réexaminer ou apprécier de nouveau la preuve. Comme la Cour fédérale l’a établi dans Tracey, ce n’est pas le rôle de la division d’appel d’apprécier de nouveau la preuve ou de soupeser de nouveau les facteurs pris en compte par la division générale lorsqu’elle se prononce sur la question de l’accord ou du refus de l’autorisation d’en appeler.

[7] La demanderesse fait également référence à plusieurs cas où la division générale a fourni un résumé incomplet de la preuve. Par exemple, au paragraphe 23, la division générale a écrit que la demanderesse avait affirmé qu’elle devait apprendre à composer avec la fibromyalgie. La demanderesse a affirmé qu’elle avait également déclaré que la fibromyalgie avait des effets différents sur chaque personne et que les possibilités de traitements variaient selon les individus. À moins que la preuve soit d’une telle valeur probante ou que les renseignements déclarés soient eux-mêmes trompeurs sans le reste des renseignements, le juge des faits n’est pas tenu de soigneusement fournir des commentaires concernant chaque fait ou détail. Après tout, la Cour d’appel fédérale a statué qu’il n’est pas nécessaire pour le décideur de rédiger des motifs exhaustifs traitant de tous les éléments de preuve et de tous les faits portés à sa connaissance. Dans Canada c. South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165, au paragraphe 50, le juge Stratas a souligné ce qui suit :

[…] les juges de première instance n’essaient pas de rédiger une encyclopédie où les plus petits détails factuels seraient consignés, et ils ne le peuvent d’ailleurs pas. Ils examinent minutieusement des masses de renseignements et en font la synthèse, en séparant le bon grain de l’ivraie, et en ne formulant finalement que les conclusions de fait les plus importantes et leurs justifications.

Sections sur les éléments de preuve et les observations de la division générale

[8] La demanderesse cite plusieurs passages de la section sur les éléments de preuve qu’elle prétend incorrects ou trompeurs. Cependant, dans la mesure où ces déclarations étaient tirées de la section sur les éléments de preuve et que la division générale n’avait pas fondé sa décision sur ces déclarations, elles ne satisfont pas aux exigences aux termes de l’alinéa 58(1)c) de la LMEDS. La division générale doit avoir fondé sa décision sur la conclusion de fait erronée. Par exemple, bien que la division générale ait conclu que la demanderesse avait suivi un programme en ligne sur les maladies chroniques, le moment auquel la demanderesse avait suivi ce cours n’a pas influencé sa décision, alors le fait qu’elle l’avait suivi en 2013 plutôt qu’en 2005, comme indiqué au paragraphe 13, n’était pas pertinent.

[9] Au paragraphe 12, la demanderesse soutient que la division générale avait commis une erreur en insinuant qu’elle ne ressentait pas de douleur certains jours, et elle affirme que son époux avait en réalité déclaré qu’elle avait « des bonnes et des mauvaises journées », mais qu’elle ressentait toujours de la douleur, et que certains jours étaient pires que les autres. Il pourrait s’agir d’une façon d’interpréter la phrase de la division générale selon laquelle la demanderesse était « parfois bien, mais se sentait également mal certains jours ». La demanderesse soutient aussi que la division générale avait commis une erreur en suggérant qu’il lui arrivait de cuisiner et qu’elle se rendait parfois à l’épicerie. La division générale n’a cependant pas fait référence à cet élément de preuve, et ces renseignements n’ont pas influencé la décision rendue.

[10] La demanderesse a correctement signalé que la division générale avait commis une erreur au paragraphe 15 en écrivant que, « de mai octobre 2010 à mai 2011, elle se remettait d’une blessure au dos ». Le passage précédant de la décision de la division générale indique que la demanderesse travaillait de février 2003 à septembre 2010, et qu’elle a été blessée au dos dans un accident de travail en août ou septembre 2010. Rien dans l’analyse de la division générale n’indique que la période durant laquelle la demanderesse se rétablissait de sa blessure au dos avait influencé sa décision.

[11] La demanderesse n’a présenté aucune copie d’un rapport de son ancien médecin de famille, et elle a préféré lire un rapport daté du 16 mai 2011 comme élément de preuve. Bien qu’il y ait quelques variations par rapport aux renseignements indiqués dans le rapport du médecin de famille concernant la chronicité de la douleur dont souffre la demanderesse, la division générale ne s’est finalement pas fondée sur ces renseignements. La division générale s’est fondée sur l’opinion du médecin de famille selon laquelle la demanderesse ne suit pas de radioculopathie. La demanderesse ne conteste pas cette opinion, mais elle suggère que la division générale a commis une erreur en interprétant incorrectement l’élément de preuve en omettant de mentionner que le médecin de famille avait aussi écrit qu’elle ressentait encore une douleur chronique. Cependant, l’analyse de la division générale semble supposer qu’elle reconnaissait que la demanderesse souffrait d’une douleur chronique. Après tout, au paragraphe 45, la division générale a écrit qu’un diagnostic de douleur chronique était insuffisant pour conclure qu’une invalidité est grave.

[12] Aux paragraphes 17, 18, 19 et 20, la division générale s’est penchée sur les antécédents professionnels de la demanderesse, incluant la fréquence des absences, les raisons pour lesquelles elle aurait pu être congédiée de son dernier emploi, de même que le nombre d’entrevues auxquelles elle a participé dans le cadre de sa recherche d’emplois. Ces facteurs n’avaient cependant pas influencé la conclusion de la division générale.

[13] La demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur aux paragraphes 20 et 52 en suggérant qu’elle avait limité son recours à des médicaments seulement parce qu’elle craignait développer une accoutumance alors qu’il y avait en réalité plusieurs raisons, comme les effets secondaires néfastes et l’inefficacité des médicaments. Bien que la division générale n’ait pas décrit en entier les explications fournies par la demanderesse quant à son recours limité aux médicaments, il est clair selon l’expression « également mentionné » que la division générale était au courant de ces autres explications, qu’elle en avait tenu compte, mais qu’elle avait choisi de ne mentionner que la crainte associée au risque d’accoutumance. Je remarque également qu’il ne semble pas y avoir de traces documentaires indiquant que la demanderesse avait déjà exprimé ses préoccupations à ses médecins concernant tout effet secondaire, ou qu’elle avait discuté de l’essai d’autres médicaments pour déterminer s’ils auraient pu être plus efficaces et entraîner moins d’effets secondaires. D’autre part, une inscription datée du 9 août 2013 dans les rapports médicaux indique que la demanderesse demandait le renouvellement d’une ancienne prescription de baclofène, étant donné qu’elle trouvait ce médicament efficace. Les dossiers documentaires ne permettent pas de déterminer clairement si la division générale a rejeté les explications de la demanderesse par rapport à son recours limité aux médicaments.

[14] Par contre, le membre de la division générale ne semble pas avoir cherché à déterminer si l’explication de la demanderesse par rapport à son recours limité aux médicaments était raisonnable en fonction de la gravité prétendue de son trouble médical. Bien qu’on s’attende généralement à ce qu’un demandeur poursuive toutes les options de traitement raisonnables qui lui sont recommandées, incluant le recours à des médicaments pour soulager la douleur, il pourrait être déchargé de cette responsabilité en fournissant une explication raisonnable. La demanderesse suggère que les efforts qu’elle a déployés incluent ceux décrits au paragraphe 21. Il pourrait s’agir d’une erreur de droit si la division générale avait omis de tenir compte du caractère raisonnable de ses efforts d’atténuation. Je ne suggère pas pour autant que les explications fournies par la demanderesse étaient nécessairement raisonnables, et je ne porte pas de jugement à ce sujet. Étant donné les circonstances, je suis cependant convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès selon le motif que la division générale pourrait ne pas avoir évalué le caractère raisonnable des explications de la défenderesse concernant son recours limité aux médicaments.

[15] La demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur au paragraphe 39, mais ce paragraphe consiste en un résumé des observations du défendeur, et non de véritables conclusions de faits.

L'analyse de la division générale

[16] La demanderesse prétend que la division générale a commis une erreur aux paragraphes 44, 45, 47 et 54. La division générale a cependant décrit dans ces paragraphes la question qu’elle avait jugée pertinente en évaluant la gravité de l’invalidité de la demanderesse, de même que la loi associée à l’atténuation. Je conclus qu’aucune conclusion de fait n’a été tirée dans ces deux paragraphes. Dans le même ordre d’idées, le membre a fait des déclarations génériques au paragraphe 46 concernant les traitements pour la fibromyalgie, la douleur chronique et la fatigue, et il n’a tiré aucune conclusion en soi.

[17] La demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur au paragraphe 48 en concluant qu’elle « n’a pas eu le bénéfice d’une intervention intense et ciblée visant précisément à guérir sa fibromyalgie… », et elle déclare que le membre a omis de prendre en considération le fait qu’elle avait suivi un cours en ligne, ou que ce cours était conçu pour ceux qui souffrent de douleur chronique comme la fibromyalgie. La division générale a cependant reconnu dès le début, dans le même paragraphe, que la demanderesse « avait suivi un programme en ligne sur l’autogestion des maladies chroniques ». Le membre a simplement conclu que le cours en ligne était insuffisant et que la demanderesse devrait avoir recours à des ressources adaptées à ses besoins.

[18] La demanderesse a également fait valoir que le membre avait commis une erreur en concluant que son médecin de famille, docteur Jonker, avait recommandé un traitement conservateur. Elle affirme qu’il ne s’agissait que de simples suggestions, et non de recommandations. La division générale a écrit que « les possibilités de traitement demeuraient ouvertes … considérant que le 2 juillet 2013, docteur Jonker, médecin de famille, avait signalé qu’un traitement conservateur continuerait, comme la physiothérapie, la massothérapie, l’acuponcture et la chiropraxie ». Le rapport du médecin de famille daté du 2 juillet 2013 (GD2-167 à 170) indiquait que la demanderesse « continuerait de recevoir un traitement conservateur ». En fonction de ces renseignements, il était raisonnable pour la division générale d’avoir déterminé que d’autres traitements demeuraient possibles pour la demanderesse, et c’est pourquoi je ne suis pas convaincue qu’il s’agisse d’une conclusion de fait erronée. Quoi qu’il en soit, il est difficile de déterminer si les traitements potentiels représentaient des suggestions ou des recommandations. Après tout, il est peu probable qu’un médecin suggère des traitements sans qu’ils offrent une chance d’amélioration ou de soulagement de la symptomatologie, ou si ces traitements risquaient d'entraîner une dégradation de l’état.

[19] La demanderesse fait valoir que la division générale s’est contredite au paragraphe 50 en concluant que la demanderesse ne pouvait être atteinte d’une douleur grave qui la rendait invalide si elle n’avait pas été dirigée vers un spécialiste par rapport à sa fibromyalgie, et si on lui avait dit de poursuivre un traitement conservateur. La demanderesse explique que la fibromyalgie a seulement récemment été reconnue comme un trouble médical, et que les traitements et diagnostics demeuraient à un « stade embryonnaire ». Elle explique aussi, comme elle l’a expliqué à la division générale, que son médecin de famille croit qu’il n’existe pas de spécialistes en fibromyalgie. D’abord, je ne vois aucune contradiction dans la conclusion du membre. Ensuite, je ne crois pas que la fibromyalgie soit un trouble médical relativement nouveau et que les diagnostics demeurent au « stade embryonnaire ». Selon la littérature et la jurisprudence, il est bien établi que la fibromyalgie n’est pas un trouble médical récent et qu’il existe des spécialistes dans le domaine. En effet, le témoignage de la demanderesse semble même appuyer ce fait, étant donné qu’elle s’était renseignée sur la possibilité de consulter un rhumatologue. Essentiellement, la demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur en omettant de tenir compte de la raison pour laquelle elle n’avait pas été dirigée et n’avait pas rencontré de spécialiste comme un rhumatologue, et elle demande qu’on prenne ces facteurs en considération, de même que le fait qu’elle fait toujours l’objet d’un suivi par son propre médecin de famille. Comme j’ai indiqué plus haut, le paragraphe 58(1) de la LMEDS ne prévoit pas de réévaluation.

[20] Aux paragraphes 53 et 57, la demanderesse affirme que la division générale a omis de prendre en considération tous les éléments de preuve qui lui avaient été présentés, incluant la preuve selon laquelle elle serait incapable de fonctionner au quotidien à un niveau propice au travail, et selon laquelle elle ressentirait quotidienne de la douleur. La division générale devait se prononcer sur la capacité de la demanderesse à fonctionner en se fondant sur son évaluation de la preuve. Essentiellement, la demanderesse souhaite que la preuve fasse l’objet d’un réexamen et d’une nouvelle appréciation, ce qui est au-delà du ressort de la division d’appel.

[21] Au paragraphe 55, la division générale a conclu que la demanderesse n’avait pas tenté de trouver d’autres emplois adaptés à ses limitations fonctionnelles et ses troubles médicaux depuis qu’elle avait travaillé chez Claire’s Home Care Services Ltd. La demanderesse soutient qu’il s’agit d’une conclusion de fait erronée, et dit qu’il existe des preuves selon lesquelles elle avait tenté de trouver d’autres emplois que des emplois d’aide-soignante. Elle explique que son emploi chez Claire’s Home Services était stable, mais qu’elle était incapable de satisfaire aux exigences du poste et qu’elle avait été congédiée en raison de ses problèmes de santé. Elle se fonde sur l’avis de congédiement de l’employeur (GD5-6 à 7), qui ne fait en réalité pas référence à des troubles médicaux, mais qui confirme en effet que la demanderesse était constamment absente ou en retard. Cependant, la division générale a indiqué qu’elle cherchait à savoir s’il y avait toute preuve que la demanderesse avait cherché d’autres emplois après avoir perdu son emploi chez Claire’s. À part la référence à son emploi chez Claire’s, la demanderesse ne conteste pas les conclusions tirées par la division générale sur la question précise du manque de recherche d’emplois après mai 2012.

[22] La demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur au paragraphe 56 ainsi qu’en concluant que la preuve médicale ne permettait pas de déterminer qu’elle était incapable de conserver un autre emploi adapté à son état de santé et ses limitations fonctionnelles, et en concluant qu’elle ne satisfaisait pas au test décrit dans Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117. Ces observations doivent encore faire l'objet d'un réexamen, mais ce n’est pas le rôle de la division d’appel d’apprécier de nouveau la preuve ou de soupeser de nouveau les facteurs pris en compte par la division générale lorsqu’elle se prononce sur la question de savoir si l’autorisation d’en appeler devrait être accordée ou refusée.

[23] En tant que dernière remarque, les dossiers médicaux présentés s’arrêtent à décembre 2013, et le rôle de la division générale était limité à procéder à une évaluation fondée sur les éléments de preuve qui lui avaient été présentés. Il aurait pu être utile d’avoir accès à des dossiers médicaux à jour pour la période ultérieure à 2013, étant donné que la période minimale d’admissibilité de la demanderesse se terminait le 31 décembre 2015.

Conclusion

[24] La demande de permission d’en appeler est accordée uniquement par rapport à la question visant à déterminer si la division générale a commis une erreur en omettant d’évaluer le caractère raisonnable du recours limité de la demanderesse aux médicaments. Cette décision accordant la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.