Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est refusée.

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) le 20 juillet 2016. La division générale avait précédemment tenu une audience par téléconférence et conclu que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC), ayant conclu que son invalidité n’était pas « grave » avant la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), le 31 décembre 2008.

[2] Le 19 septembre 2016, la demanderesse a présenté une demande incomplète de permission d'en appeler devant la division d’appel. À la suite d’une demande de renseignements supplémentaires, la demanderesse a complété sa demande le 11 octobre 2016, dans les délais prévus. Afin que la demande soit accueillie, je dois être convaincu que l'appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[3] Selon les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission, et la division d’appel accorde ou refuse cette permission.

[4] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[5] Les seuls moyens d’appel selon le paragraphe 58(1) de la LMEDS sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, des motifs défendables qui pourraient éventuellement donner gain de cause à l’appel doivent être présentés : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. La Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si le défendeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[7] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond. C’est un premier obstacle que la demanderesse doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel elle devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, la demanderesse n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[8] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations et analyse

[9] Dans ses observations du 19 septembre et 11 octobre 2016, la demanderesse a fourni des commentaires détaillés sur la décision rendue par la division générale. Elle a cité plusieurs instances où, selon elle, la division générale a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées. J’ai résumé et abordé ces allégations dans la partie qui suit.

Manque de précision dans le résumé du témoignage de la demanderesse

[10] La demanderesse dit ne jamais avoir reçu de traitement de physiothérapie, contrairement à ce que la division générale suggère au paragraphe 29 de sa décision, et qu’elle n’a jamais rencontré docteur Haapala, son médecin de famille, une fois par semaine comme il est énoncé au paragraphe 30. De plus, il est inexact d’affirmer que la demanderesse « ne comprenait pas complètement la différence entre les régimes provinciaux et la prestation d’invalidité du RPC », comme l’a écrit la division générale au paragraphe 31. La demanderesse a plutôt été mal informée par un représentant du défendeur lorsqu’elle a d’abord présenté sa demande.

[11] L’enregistrement audio de l’audience a révélé que la demanderesse avait affirmé que son médecin de famille et elle s’étaient entendus sur le fait qu’il ne valait pas la peine de partir de Thessalon et de se rendre à Sault Ste. Marie pour recevoir des traitements de physiothérapie, puisque la longue route à parcourir en voiture risquerait d’éliminer tout bienfait engendré par les traitements. Il semblerait que la division générale ait mal compris cette notion et présumé que la demanderesse avait au moins participé à quelques séances de physiothérapie :

[29] Elle a discuté de physiothérapie avec son médecin. Cependant, elle doit se rendre à Sault Ste. Marie pour recevoir ses traitements, qui se trouve à une heure de route en voiture. La demanderesse ressent de la douleur en conduisant pendant une heure, elle se sent ensuite mieux après une séance de physiothérapie d’une demi-heure, mais le voyage de retour d’une heure en voiture élimine tous les bienfaits, et la demanderesse ressent à nouveau de la douleur. Ils ont décidé ensemble que cette méthode n’apporterait pas de bienfaits.

[12] Je reconnais que la division générale a commis une légère erreur dans cette procédure, mais je ne la considère pas comme un geste abusif, arbitraire ou posé sans tenir compte des éléments au dossier. De plus, je ne pense pas que la décision était fondée sur ce malentendu. En fait, la division générale a accordé à la demanderesse un crédit pour un plus grand nombre de traitements que ceux qu’elle a réellement reçus.

[13] Au code temporel 37:20 de l’enregistrement audio, la division générale a demandé à la demanderesse à quelle fréquence elle rencontrait son médecin de famille, le docteur Haapala. Elle a répondu : « Quand j’ai besoin de le faire. » Encore une fois, bien que la décision de la division générale fasse référence à des consultations hebdomadaires, j’estime qu’il ne s’agit pas d’une erreur importante.

[14] Si la demanderesse a été induite en erreur quant à son admissibilité à la prestation d’invalidité du RPC par le personnel de Service Canada comme elle le prétend, il n’en demeure pas moins que l’affirmation de la division générale selon laquelle la demanderesse ne comprenait pas complètement la différence entre les régimes d’invalidité fédéral et provinciaux demeure vraie. De plus, si la demanderesse avait véritablement été mal orientée, elle pourrait exercer un recours en vertu du paragraphe 66(4), qui autorise le défendeur à offrir un recours lorsqu’il est convaincu qu’un prestataire a été mal informé. Cependant, le Tribunal ne peut offrir de recours en vertu de cette disposition si le ministre a choisi de ne pas exercer ce pouvoir discrétionnaire.

[15] Je ne constate pas de cause défendable fondée sur ces motifs.

Traitement de la santé mentale et évolution de l’état

[16] La demanderesse conteste les affirmations du paragraphe 37 de la décision de la division générale selon lesquelles elle n’aurait jamais consulté de spécialiste en santé mentale, et son médecin de famille aurait décrit son état comme « stable et maîtrisé grâce aux médicaments. » La demanderesse soutient que ces deux affirmations sont incorrectes. En effet, docteur Haapala a dit que l’état de la demanderesse n’avait pas changé depuis des années.

[17] Je ne vois aucune chance raisonnable de succès selon ces motifs. D’abord, le paragraphe 37 se veut manifestement un résumé des observations de la demanderesse, et il ne doit pas être interprété comme une conclusion de fait tirée par la division générale. Selon moi, la division générale a fidèlement communiqué la position du défendeur, et je remarque que le docteur Haapala a en effet décrit son état comme « relativement stable » (GD2-50). De plus, rien au dossier ne me permet de croire que la demanderesse a véritablement consulté un spécialiste en santé mentale.

Conclusion d’invalidité par un assureur privé

[18] La demanderesse prétend que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a cité les critères énoncés dans le RPC relatifs à l’invalidité au paragraphe 38 de sa décision, mais a ignoré le fait que la demanderesse avait été déclarée invalide par Great West Life, un assureur privé.

[19] J’estime que ce motif ne confère pas à l’appel une chance raisonnable de succès. Les régimes privés d’assurance invalidité sont régis par un ensemble de critères qui diffèrent considérablement de ceux du RPC, et l’approbation accordée à la demanderesse par Great West Life ne s’appliquait pas à la procédure entreprise par la division générale.

Efforts visant à continuer de travailler

[20] La demanderesse a déclaré que la division générale avait commis une erreur en suggérant qu’elle n’avait pas fait assez d’efforts pour continuer de travailler. En fait, après un congé de maladie en 2006, la demanderesse est retournée travailler parce qu’elle avait besoin d’un revenu, mais elle a ensuite réalisé qu’elle n’était plus en mesure d’accomplir son travail. Elle croit avoir démontré sa volonté à continuer de travailler malgré son invalidité.

[21] Je ne vois toujours aucune chance raisonnable de succès sur ce motif. Au paragraphe 15, la division générale a déclaré ce qui suit concernant le témoignage de la défenderesse par rapport à ce sujet :

La demanderesse a expliqué qu’elle souffrait de maux de dos depuis environ 2003. Elle prenait le médicament ibuprofène pour maîtriser la douleur, mais en octobre 2006, son sommeil s’est interrompu et elle a décidé d’arrêter de travailler. Elle a reçu des prestations de maladie de l’assurance-emploi jusqu’à leur épuisement. À ce moment, puisqu’il n’y avait pas de travaux légers à attribuer à une chef d’équipe dans une usine de contreplaqué, elle a décidé de ne pas retourner travailler.

[22] Après avoir écouté l’enregistrement audio de l’audience, j’estime que rien ne contredit ce témoignage. Je remarque aussi que, dans son questionnaire du RPC (GD2-64), la demanderesse a écrit : « En 2006, lorsque j’ai quitté mon travail, j’étais stressée et ressentais de la douleur. J’ai demandé des prestations d’assurance-emploi, et je ne suis jamais retournée travailler. »

[23] La division générale a correctement cité la jurisprudence pertinente relative à l’atténuation au paragraphe 41, et a affirmé ce qui suit au paragraphe 43 :

Depuis qu’elle a décidé d’arrêter de travailler, l’appelante n’a pas cherché d’autre type de travail, et elle a affirmé ne pas savoir quel type de travail elle pourrait accomplir en raison de ses limitations physiques qui nuisent à sa capacité à marcher, à s’asseoir, à se plier, à tendre les bras et à transporter des charges, et en raison de sa fatigue et de ses troubles de concentration et de mémorisation qui sont tous liés à la douleur qu’elle ressent.

[24]  Selon moi, la division générale avait raison de conclure que la demanderesse, malgré les observations qu’elle a présentées à la division d’appel, n’avait pas fait d’efforts importants pour continuer de travailler. Même si la division générale avait conclu que la demanderesse était retournée travailler à l’usine de contreplaqué après avoir reçu des prestations d’assurance-emploi, la preuve aurait quand même démontré qu’elle n’avait pas tenté de trouver un autre travail mieux adapté à son état.

Durée des fonctions à l’usine

[25] Au paragraphe 42, la division générale a écrit que la demanderesse « avait travaillé dans une usine pendant la majorité de sa vie active. » La demanderesse ne sait pas d’où a été tirée cette affirmation, puisqu’elle n’a commencé à travailler dans le secteur de la menuiserie préfabriquée qu’en 2002 ou 2003.

[26] Je ne constate pas de cause défendable fondée sur ce moyen d’appel. Après avoir examiné les données probantes, je reconnais que la division générale a commis une erreur de fait « sans avoir tenu compte des preuves présentées », puisqu’il semblerait que la demanderesse ait travaillé dans une usine de contreplaqué seulement pendant deux ans et demi de sa vie active qui, bien que sporadique, aurait commencé à la fin des années 1970. Cependant, conformément à l’alinéa 58(1)c), une erreur de fait ne représente un moyen d’appel que si la division générale a fondé sa décision sur cette erreur. Selon moi, il ne s’agit pas d’une erreur importante. Rien ne porte à croire que la décision de la division générale a été influencée de manière significative par cette méprise de fait relativement mineure.

Disponibilité pour travailler

[27] La demanderesse conteste l’affirmation de la division générale présentée au paragraphe 43 de sa décision, selon laquelle la disponibilité pour travailler n’est pas pertinente à la détermination de l’invalidité.

[28] Je ne constate pas de cause défendable fondée sur ce motif, bien que je comprenne la confusion de la défenderesse. Il semble que la division générale ait cité Canada c. RiceNote de bas de page 3 en soutien à l’assertion selon laquelle les facteurs socio-économiques comme la situation du marché du travail sont sans pertinence dans le processus visant à déterminer si un individu est invalide, et selon laquelle l’importance est accordée à la situation personnelle du demandeur, et non à la disponibilité d’emplois réels. Cette assertion est valide en droit, mais puisque je ne suis pas convaincu que la demanderesse a invoqué l’indisponibilité d’emplois convenables au cours de la procédure, je ne vois pas comment cette assertion était pertinente à l’analyse de la division générale. Cela dit, dans l’ensemble, je ne crois pas que cette notion ait beaucoup influencé la décision.

Conclusion de caractère grave rétrospectif

[29] Au paragraphe 44, la division générale a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, la demanderesse était invalide à la date de l’audience. Pourtant, la division générale a aussi conclu que la demanderesse n’était probablement pas invalide le 31 décembre 2008. La demanderesse prétend qu’en tirant cette conclusion, la division générale a ignoré le document fourni par son médecin selon lequel son invalidité était demeurée la « même depuis des années ». Il était donc raisonnable de supposer qu’elle était incapable de travailler à partir de 2006.

[30] L’audience de la demanderesse s’est déroulée plus de sept ans après la fin de sa PMA; une période qui aurait laissé amplement de temps à son état pour se détériorer. Il était raisonnable pour la division générale d’affirmer que le fait que la demanderesse est invalide à l’heure actuelle ne signifie pas nécessairement qu’elle l’était également dans le passé. Cependant, il est illogique de suggérer, comme le fait la demanderesse, que les propos vagues d’un médecin concernant la durée du trouble médical de sa patiente rendent nécessaire une conclusion de caractère « grave » rétrospectif à la période de la PMA.

[31] Je ne constate aucune erreur commise par la division générale et aucun motif qui pourrait conférer à l’appel une chance raisonnable de succès.

Caractère grave et prolongé

[32] Dans ses observations du 11 octobre 2016, la demanderesse a ajouté qu’elle croyait être devenue invalide avant la fin de sa PMA. Elle croit que sa demande de prestations n’aurait pas dû être influencée par le temps qui s’est écoulé avant qu’elle ne reçoive un diagnostic. Elle souffre de douleur chronique depuis des années, et son état ne s’améliorera pas.

[33] La demanderesse a aussi présenté ces documents :

  • Une déclaration d’un médecin traitant préparée par le docteur Eric Haapala, omnipraticien, le 30 juillet 2008 conformément à une demande d’assurance invalidité auprès d’un assureur privé;
  • Un rapport d’imagerie diagnostique sur la colonne lombaire, les coudes et les mains daté du 13 mars 2009;
  • Une note clinique du docteur Haapala datée du 15 juillet 2008.

[34] La demanderesse suggère que la division générale a rejeté son appel malgré une preuve médicale selon laquelle son trouble médical était « grave et prolongé » conformément aux critères de la pension d'invalidité du RPC.

[35] Cependant, à l’exception de cette allégation générale, la demanderesse n’a pas précisé comment, en rendant sa décision, la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle, a erré en droit ou a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée. Mon examen de la décision démontre que la division générale a analysé en détail les troubles médicaux de la demanderesse, principalement l’arthrose et la douleur chronique, et la façon dont ils influençaient sa capacité à régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice. La division générale a ainsi tenu compte de l’instruction et des antécédents en matière d’emploi de la demanderesse avant de conclure qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir l’existence d’une invalidité en date de l'audience. La décision de la division générale se terminait par une analyse qui donne à penser qu’elle a évalué les éléments de preuve comme il se doit et qu’elle avait un motif défendable pour appuyer sa conclusion. Je ne trouve rien qui montre que la division générale aurait ignoré l’un ou l’autre des éléments de preuve dont elle disposait ou qu’elle n’en aurait pas adéquatement tenu compte.

[36] En ce qui a trait aux documents médicaux présentés en soutien à cette demande de permission d’en appeler, je remarque qu’un de ces documents (le rapport d’imagerie diagnostique) avait déjà été fourni à la division générale, et que les deux autres avaient été créés récemment. Malheureusement, la division d’appel n’a pas le mandat, étant donné les contraintes établies au paragraphe 58(1) de la LMEDS, de réévaluer le bien-fondé d’une demande de prestations d’invalidité, et elle n’accepte normalement pas de nouvelles preuves. Une fois qu’une audience a pris fin, très peu de raisons justifieraient de soulever d’autres points ou des points nouveaux. Un demandeur pourrait envisager de présenter à la division générale une demande d’annulation ou de modification de sa décision. Cependant, il faudrait que ce demandeur se conforme aux exigences de l’article 66 de la LMEDS et des articles 45 et 46 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale. Non seulement le demandeur doit-il respecter des échéances et des exigences strictes pour obtenir gain de cause dans le cadre d’une demande d’annulation ou de modification, il doit aussi démontrer que chacun des faits nouveaux est essentiel et qu’il n’aurait pu être connu au moment de l’audience malgré l’exercice d’une diligence raisonnable.

[37] Je ne conçois aucune cause défendable selon les motifs soulevés par la demanderesse.

Conclusion

[38] La demanderesse n’a pas soulevé de moyen d’appel qui, conformément au paragraphe 58(1), conférerait à l'appel une chance raisonnable de succès. La permission d’en appeler est donc refusée.

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