Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] En l’espèce, il est question de savoir si le demandeur a présenté à temps sa demande de permission d’en appeler d’une décision du tribunal de révision du Régime de pensions du Canada et, si ce n’est pas le cas, de savoir si la division d’appel a l’autorité ou la compétence pour proroger le délai de présentation de cette demande. Le tribunal de révision a rendu sa décision en septembre 2010. Le demandeur a présenté sa demande de permission d’en appeler en mars 2016, même si son ancien représentant avait voulu interjeter appel devant Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR) en juillet 2013.

Questions en litige

[2] Les deux questions principales sur lesquelles je dois statuer sont les suivantes :

  1. Le demandeur a-t-il présenté une demande de permission d’en appeler dans les délais fixés par la loi applicable?
  2. Si ce n’est pas le cas, la division d’appel a-t-elle l’autorité ou le pouvoir discrétionnaire nécessaire pour proroger le délai de présentation de la demande?

Contexte factuel

[3] Le 23 septembre 2010, un tribunal de révision du Régime de pensions du Canada a statué que le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pension du Canada, après avoir conclu qu’il n’était pas atteint d’une invalidité « grave ». Il a rejeté l’appel formé par le demandeur. Le demandeur a fait savoir qu’il avait reçu la décision du Tribunal de révision le 23 septembre 2010.

[4] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’interjeter appel de la décision du tribunal de révision. Il prétend n’avoir présenté aucune demande de permission d’en appeler auprès de la Cour d’appel des pensions (CAP) dans les 90 jours après réception de la décision du tribunal de révision, parce qu’il avait compris qu’il avait également l’option de présenter une autre demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada.

[5] Par l’entremise de son premier avocat, le demandeur aurait prétendument fait appel de la décision du tribunal de révision le 8 juillet 2013, en déposant un appel auprès du BCTR. Normalement, cet appel aurait dû être déposé à la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal), puisque le tribunal de révision du Régime de pensions du Canada n’avait pas compétence pour entendre des appels formés contre ses propres décisions. Le demandeur n’a reçu aucune confirmation du BCTR (ni du Tribunal, en fait) pour lui faire savoir que son appel avait été reçu. Le premier avocat du demandeur aurait envoyé au BCTR une autre lettre, datée du 9 octobre 2013, dans l’intention d’obtenir une réponse à sa lettre du 8 juillet 2013.

[6] Le 27 janvier 2014, le Tribunal a reçu une lettre du premier avocat du demandeur, qui cherchait à connaître le statut de l’appel du demandeur et à savoir si une décision avait été rendue concernant son appel. Jusqu’à ce moment-là, le demandeur et son avocat n’avaient encore jamais communiqué avec le Tribunal. En fait, le Tribunal ne possédait même pas alors de copies de la demande de permission d’en appeler ou des lettres du 8 juillet 2013 ou du 9 octobre 2013. Le Tribunal a fourni à l’avocat du demandeur une copie d’un dossier qu’il avait compris être en lien avec le demandeur.

[7] En mars 2015, le Tribunal a reçu une lettre du second avocat du demandeur, expliquant que l’information qui avait été transmise au premier avocat du demandeur, en réponse à sa lettre du 27 janvier 2014, n’avait en fait aucun lien avec le demandeur. Le second avocat du demandeur a également demandé au Tribunal de lui fournir les bons renseignements. Le Tribunal a obtenu l’information du demandeur depuis l’archivage de fichiers d’une tierce partie, dont il a fourni une copie au second avocat du demandeur, le 19 août 2015.

[8] Le 10 juin 2015, le Tribunal a reçu une lettre datée du 9 février 2015 de la part du premier avocat du demandeur. La lettre était adressée au BCTR, et c’est au BCTR qu’elle avait été envoyée. Le premier avocat du demandeur a fait savoir qu’il ne représentait plus le demandeur.

[9] Le 14 septembre 2015, le second avocat du demandeur a écrit au Tribunal. Son examen de la lettre du 8 juillet 2013 le portait à croire que le demandeur avait [traduction] « voulu obtenir la permission d’en appeler au tribunal de révision, concernant sa décision de 2010 de lui refuser l’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC [Régime de pensions du Canada] » (AD1-23). Le second avocat du demandeur a voulu obtenir une réponse en ce qui concerne cette demande. Le 14 octobre 2015 puis le 24 novembre 2015, le second avocat du demandeur a de nouveau effectué des suivis auprès du Tribunal pour obtenir une réponse à sa demande. En date du 14 janvier 2016, le second avocat du demandeur avait pris sa retraite, et le troisième avocat (du même cabinet) a envoyé une demande de suivi pour avoir une réponse.

[10] Le 21 janvier 2016, le troisième avocat du demandeur s’est adressé par écrit au Tribunal dans les termes suivants (AD1-16) :

[traduction]

Nous reconnaissons que le premier avocat [du demandeur] pourrait avoir envoyé par erreur la demande de permission d’en appeler à la mauvaise agence, au moment de la transition. Malheureusement, l’ancien avocat [du demandeur] n’avait pas été mis au courant de cette erreur. C’est là une bévue du système – encore une fois, au moment de la transition.

Malheureusement, c’est [le demandeur] qui se trouve sans réparation en raison d’une erreur qui n’est pas la sienne. Vu les circonstances, je vous prie d’envisager, au nom de la compassion, d’accorder exceptionnellement une dérogation [au demandeur] pour que son appel soit instruit en dépit du temps qui s’est écoulé.

[11] Le 22 janvier 2016, le Tribunal a répondu en confirmant qu’il avait obtenu le dossier du demandeur de la part d’Emploi et Développement social Canada (le ministère responsable d’entreposer les dossiers d’appel réglés par le BCTR). Avant de pouvoir faire quoi que ce soit, le Tribunal a également demandé au demandeur de préciser sa position et d’expliquer ce qu’il cherchait à obtenir.

[12] Le 4 février 2016, le troisième avocat du demandeur a répondu que le demandeur demandait la permission d’en appeler à la division d’appel de la décision rendue le 23 septembre 2010 par le tribunal de révision du Régime de pensions du Canada. Il a écrit que le demandeur avait [traduction] « toujours » eu l’intention de faire appel et qu’il semblait que l’inattention de son premier avocat [traduction] « ait empêché ce souhait de se concrétiser ». Il espérait que [traduction] « la permission d’en appeler lui [serait] accordée même s’il s’était écoulé beaucoup de temps, comme ce retard n’était aucunement imputable [au demandeur]. »

[13] Le 9 février 2016, le Tribunal a répondu en expliquant qu’il ouvrirait un dossier d’appel à la division d’appel.

[14] Le 18 mars 2016, le quatrième avocat du demandeur (du même cabinet d’avocats que les second et troisième avocats du demandeur) a présenté une demande de permission d’en appeler officielle au nom du demandeur. Le demandeur veut obtenir la permission d’en appeler au motif que le tribunal de révision aurait commis plusieurs erreurs.

[15] Le 25 avril 2016, le Tribunal a écrit au demandeur pour lui demander le fondement juridique ou l’autorisation légale qui permettrait à la division d’appel de proroger le délai de présentation d’une demande de permission d’en appeler. Le Tribunal avait fondé sa demande sur les paragraphes 57(1) et (2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), de même que sur le fait que le paragraphe 83(1) du Régime de pensions du Canada, qui permettait au président ou au vice-président de la CAP de proroger le délai pour interjeter appel d’une décision du tribunal de révision, avait depuis été abrogé.

[16] Le quatrième avocat du demandeur a répondu le 6 mai 2016 (AD1B). Il a soutenu que, compte tenu des [traduction] « oublis fâcheux » et répétés du premier avocat du demandeur et du BCTR, la division d’appel devrait exercer son pouvoir discrétionnaire et accueillir la demande de permission d’en appeler.

Analyse

1re question : La demande a-t-elle été présentée dans les délais?

[17] Même si, conformément à l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur le MEDS, la demande doit être « présentée à la division d’appel […] dans les [90] jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision », le paragraphe 57(2) de la Loi sur le MEDS permet à la division d’appel de proroger le délai pour présenter la demande de permission d’en appeler. Cela dit, ce délai peut être prorogé d’au plus un an.

[18] Le demandeur ne nie pas que la demande de permission d’en appeler a été présentée plus d’un an après que la décision du tribunal de révision lui ait été communiquée. En l’espèce, la demande a été présentée à la division d’appel plus de cinq ans après que le demandeur ait eu reçu communication de la décision du tribunal de révision.

[19] Si la demande de permission d’en appeler avait été présentée à la CAP avant le 1er avril 2013, le demandeur aurait peut-être pu se fonder sur le paragraphe 83(1) du Régime de pensions du Canada, et sur son libellé tout juste avant le 1er avril 2013, puisque cette disposition permettait au président ou au vice-président de la CAP de proroger le délai dont une partie disposait pour présenter une demande de permission d’en appeler. Le paragraphe 83(1) ne prévoyait aucune limite au-delà de laquelle le président ou le vice-président de la CAP ne pouvaient plus proroger le délai fixé, contrairement au paragraphe 57(2) de la Loi sur le MEDS, qui précise que le délai peut être prorogé d’au plus un an. Dans ce cas-ci, le demandeur ne peut pas se prévaloir du paragraphe 83(1) du Régime de pensions du Canada et du libellé de celui-ci tout juste avant le 1er avril 2013, comme cette disposition a été abrogée depuis. Pour cette même raison, ce paragraphe ne confère aucun pouvoir discrétionnaire à la division d’appel. De toute manière, même si ce paragraphe n’avait pas été abrogé, ce n’est qu’au président et au vice-président qu’il conférait un pouvoir discrétionnaire, et non pas aux membres de la division d’appel.

[20] De plus, les dispositions du Régime de pensions du Canada et de la Loi sur la sécurité de la vieillesse qui ont été abrogées par la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable (LECPD) demeuraient applicables dans le cas d’appels dont la CAP et les tribunaux de révision demeuraient saisis, en application de l’article 262 de la LECPD. En conséquence de cette disposition législative précise, les dispositions du Régime de pensions du Canada et de la Loi sur la sécurité de la vieillesse qui ont été abrogées par la LECPD ne sont plus applicables dans les autres cas.

[21] Si j’avais constaté que la prorogation maximale d’un an fixée par le paragraphe 57(2) était entrée en vigueur le 1er avril 2013, j’aurais pu être prête à accepter que le demandeur avait présenté sa demande de permission d’en appeler dans les délais, le 8 juillet 2013, n’eût été le fait que la Loi sur le MEDS et le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement sur le Tribunal) exigent que les demandes soient présentées à la division d’appel. Conformément au paragraphe 57(1) de la Loi sur le MEDS, une demande de permission d’en appeler doit être présentée à la division d’appel selon les modalités prévues, et les articles 5 et 39 du Règlement sur le Tribunal prévoient que tout document dont le dépôt est exigé soit déposé auprès du Tribunal à l’adresse, au numéro de télécopieur ou à l’adresse électronique fournis par le Tribunal sur son site Web. Je vois mal comment je pourrais faire fi des exigences légales prévues aux articles 5 et 39 du Règlement du le Tribunal, même si je voulais le faire, compte tenu des circonstances de l’espèce.

2e question : Une prorogation du délai est-elle disponible?

[22] Le demandeur soutient que, comme son premier avocat a envoyé à tort sa demande de permission d’en appeler au BCTR, de même que les requêtes subséquentes, il devrait pouvoir se fonder sur la discrétion que confère à la CAP le paragraphe 83(1) du Régime de pensions du Canada et son libellé tout juste avant le 1er avril 2013, pour que le délai de présentation soit prorogé (AD1B). Le demandeur soutient que le paragraphe 83(1) du Régime de pensions du Canada a effet et qu’il prime sur l’alinéa 57(1)b) et sur le paragraphe 57(2) de la Loi sur le MEDS, étant donné qu’il a reçu communication de la décision du tribunal de révision en septembre 2010, avant que la Loi sur le MEDS entre en vigueur. Pour les raisons que j’ai mentionnées précédemment, ce paragraphe ne confère pas à la division d’appel un pouvoir discrétionnaire pour proroger le délai de présentation.

[23] Sous le régime de la Loi sur le MEDS, le pouvoir discrétionnaire a des limites quand il est question de proroger le délai de présentation. Dans Fazal c. Canada (Procureur général), 2016 CF 487, la Cour fédérale a statué que la Loi sur le MEDS ne permet pas l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire dans le cas d’une demande de permission d’en appeler déposée plus d’un an après la date où l’appelant a reçu communication de la décision.

[24] Dans Patterson c. Canada (Procureur général), 2016 CF 1179, la Cour fédérale a convenu que le demande tardive de monsieur Patterson avait été causée par son manque de compréhension des règles de procédure de la Cour, son faible niveau d’instruction et son incapacité financière à engager un avocat. La Cour a cependant noté que ces facteurs ne représentaient pas une justification acceptable pour son retard, et que les règles doivent s’appliquer de la même manière à tous les plaideurs, peu importe leur situation personnelle.

[25] Bien que le demandeur ne soit pas responsable des [traduction] « oublis fâcheux » mettant en cause son premier avocat, le fait qu’il se soit fié à son avocat ne constitue pas un motif me permettant de le soustraire aux exigences de la Loi sur le MEDS. Même si le demandeur a reçu la décision du tribunal de révision avant l’entrée en vigueur de la nouvelle législation régissant les appels formés en vertu du Régime de pensions du Canada, le paragraphe 83(1) du Régime de pensions du Canada ne me confère malheureusement aucun pouvoir ou pouvoir discrétionnaire, conformément à son libellé tout juste avant le 1er avril 2013, et je ne dispose d’aucun pouvoir discrétionnaire qui me permettrait de déroger aux exigences prévues à la Loi sur le MEDS. Le demandeur n’a pas de recours auprès du Tribunal.

[26] Il n’est pas nécessaire que je cherche à déterminer si l’appel pourrait avoir une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[27] La demande de prorogation de délai pour présenter une demande de permission d’en appeler est rejetée.

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