Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

L’appel est accueilli.

Introduction

[1] Il s’agit de l’appel de la décision de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) rendue le 22 juin 2016 et dans laquelle il est conclu que l’appelante n’était pas admissible à des prestations d’invalidité au titre Régime de pensions du Canada étant donné qu’il a été conclu qu’elle ne souffrait pas d’une invalidité « grave » pendant sa période minimale d’admissibilité (PMA), qui a pris fin le 30 septembre 2013, soit la date précédant le mois où elle a été autorisée à toucher une pension de retraite du RPC.

[2] La permission d’en appeler a été accordée le 9 février 2017 au motif que la division générale pourrait avoir commis une erreur en rendant sa décision.

Aperçu

[3] L’appelante avait 60 ans lorsqu’elle a présenté sa demande de prestations d’invalidité du RPC le 25 septembre 2013. Dans sa demande, elle a déclaré avoir fréquenté l’école jusqu’en dixième année et avoir été employée pendant plus de 27 ans comme commis d’épicerie, emploi ayant pris fin en avril 2011 lorsqu’elle s’est blessée au dos à la suite d’une chute accidentelle en glissant.

[4] L’intimé a refusé la demande initiale et la demande de révision au motif que l’appelante ne souffrait pas d’une invalidité grave et prolongée à la date de fin de sa PMA. Le 8 janvier 2015, l’appelante a interjeté appel de ces refus devant la division générale.

[5] À l’audience devant la division générale le 4 mai 2016, l’appelante a déclaré avoir été formée à titre d’infirmière auxiliaire autorisée et avoir exercé ces fonctions dans un hôpital de Brantford, en Ontario, pendant cinq ans. Elle a ensuite travaillé dans une épicerie et dans un club de golf comme cuisinière et barmaid. Son époux et elle ont ensuite exploité une charcuterie avant d’acheter un dépanneur en 1990. Elle a déclaré ne pas avoir souffert de problèmes médicaux importants avant mai 2010, lorsqu’elle a perdu pied et qu'elle est tombé sur sa hanche droite. Elle a souffert de graves douleurs après l’accident, mais elle a continué à travailler pendant un nombre d’heures modifié et réduit. Elle ne pouvait pas soulever, tirer ou pousser des articles et elle ne pouvait pas demeurer en position debout pendant de longues périodes. En avril 2011, elle ne pouvait plus tolérer la douleur et elle a cessé de travailler. Elle avait suivi des traitements donnés par un physiothérapeute, ostéopathe et praticien de médecine holistique, ce qui a entraîné un soulagement limité. Elle a été informée que la chirurgie n’était pas une option envisageable.

[6] Dans sa décision du 31 mars 2016, la division générale a rejeté l’appel de l’appelante en concluant que, selon la prépondérance des probabilités, elle était capable de détenir un emploi véritablement rémunérateur à la date de fin de la PMA. La division générale a conclu que les gains touchés par l’appelante après la PMA ne se rapportaient pas à un emploi, mais à une simple division des profits liés à la copropriété du dépanneur. Néanmoins, elle a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve médicale objective pour démontrer une invalidité grave en date du 30 septembre 2013 et elle a reproché l’appelante de ne pas avoir cherché un autre emploi convenable à ses limitations étant donné ses études et sa maîtrise de l’anglais.

[7] Le 26 août 2016, le représentant de l’appelante a présenté une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel du Tribunal dans laquelle il prétend que des erreurs de droit ont été commises par la division générale. Dans une décision datée du 9 février 2017, j’ai convenu qu’il existait une cause défendable selon laquelle la division générale, à l’audience, a induit le représentant de l’appelante en erreur en lui disant qu’il s’était acquitté du fardeau de prouver que son client souffrait d’une invalidité grave et prolongée à la date de fin de la PMA.

[8] Le 3 mars 2017, l’intimé a présenté une lettre dans laquelle il consentait à ce que l’affaire soit renvoyée à la division générale aux fins de réexamen par un membre différent.

[9] J’ai maintenant décidé qu’une audience de vive voix n’était pas nécessaire et que l’appel pouvait être instruit sur le fondement du dossier documentaire pour les raisons suivantes :

  1. l’intimé a accepté qu’une nouvelle audience relative à la demande de pension d’invalidité de l’appelante soit instruite sur le fond;
  2. le dossier est complet et ne nécessite aucune clarification;
  3. ce mode d’audience respecte les exigences du Règlement du Tribunal de la sécurité sociale à savoir qu’il doit procéder de façon la plus informelle et expéditive que le permettent les circonstances, l’équité et la justice naturelle.

Droit applicable

[10] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[11] Selon le paragraphe 59(1), la division d’appel peut rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen conformément aux directives qu’elle juge indiquées, ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division d’appel.

[12] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne reçoit pas une pension de retraite du RPC;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la PMA.

[13] Le calcul de la PMA est important, car une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au moment où sa PMA a pris fin ou avant cette date.

[14] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[15] La division générale a-t-elle omis d’observer un principe de justice naturelle en induisant l’appelante et son représentant en erreur à l’audience?

Observations

[16] Dans la demande de permission d’en appeler, le représentant de l’appelante a prétendu que le membre de la division générale présidant l’audience a omis d’observer un principe de justice naturelle lorsqu’il a déclaré à l’audience que l’appelante avait satisfait aux critères relatifs à la gravité et au caractère prolongé et que, par conséquent, il n’était pas nécessaire d’entendre les observations sur la question de l’invalidité. Le membre a ensuite rendu une décision écrite dans laquelle l’appelante se voit refuser les prestations d’invalidité au motif qu’elle n’avait pas satisfait aux critères relatifs à la gravité et au caractère prolongé, ce qui est diamétralement opposé à sa déclaration à l’audience.

[17] Le représentant a précisément prétendu que, à 48:00 dans l’enregistrement audio de l’audience et après le témoignage du témoin, on peut entendre le membre de la division générale demander des observations écrites sur la question de savoir si les revenus touchés après la PMA de l’appelante étaient des revenus d’emploi qui pourraient la déclarer inadmissible aux prestations d’invalidité du RPC. Le membre a ajouté ce qui suit :

[traduction]

Je crois que je vais être direct avec vous, Monsieur [...] je crois qu’elle a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle souffrait d’une invalidité grave et prolongée en septembre 2013 ou avant ce moment.

[18] Le représentant de l’appelante a également prétendu que le membre de la division générale a également répété, à 57:00, qu’il cherchait à obtenir des observations écrites sur les revenus d’emploi de l’appelante et qu’il a confirmé qu’il ne voulait plus entendre parler de la question de la gravité et du caractère prolongé. Après l’arrêt du dispositif d’enregistrement, le membre aurait informé le représentant qu’il avait décidé de chercher à obtenir d’autres observations écrites seulement s’il ne pouvait pas obtenir les renseignements qu’il cherchait par d’autres moyens. Le lendemain, un membre du personnel du Tribunal a informé le représentant qu’aucune autre observation ne serait nécessaire.

[19] Le représentant de l’appelante a soutenu que le membre de la division générale lui a laissé croire que la question de l’invalidité de sa cliente avant le 30 septembre 2013 était réglée. Il a déclaré s’être fié à la certitude du membre pour rendre ses conclusions finales. Lorsque le membre a ensuite changé d’avis et fondé sa décision sur une conclusion selon laquelle l’invalidité de l’appelante n’était pas considérée comme étant « grave et prolongée », l’appelante s’est effectivement vue refuser toute possibilité de présenter sa cause.

[20] Dans sa lettre du 3 mars 2017, l’intimé a maintenu que l’appelante n’était pas invalide, mais il a convenu que le membre de la division générale avait dit à l’appelante pendant l’audience que son invalidité était grave et prolongée et qu’il n’était pas nécessaire d’entendre des observations supplémentaires à cet égard. L’intimé a convenu que ces déclarations ont servi à empêcher l’appelante de présenter sa cause relativement à la question de savoir si elle souffrait d’une invalidité grave et prolongée. Si la division générale avait par la suite rendu une décision conforme à ses déclarations à l’audience, rien de tout cela n’aurait été préoccupant. Cependant, il a été finalement conclu dans la décision que les troubles de l’appelante n’étaient pas, selon la prépondérance des probabilités, graves et prolongés après privé l’appelante de la possibilité de présenter des observations supplémentaires sur ce point précis.

[21] L’intimé a recommandé que la division d’appel renvoie l’affaire à la division générale afin de tenir une nouvelle audience, conformément au paragraphe 59(1) de la LMEDS, afin d’offrir à l’appelante une occasion équitable de présenter sa cause.

Analyse

[22] Les moyens d’appel invoqués par l’appel sont fondés en grande partie sur les déclarations faites pendant l’audience de vive voix. J’ai examiné l’enregistrement audio, et il confirme essentiellement le déroulement de l’instance fourni par le représentant de l’appelante.

[23] Dans sa décision, la division générale a consacré la majorité de son analyse à la question de savoir si l’appelante souffrait d’une invalidité grave et prolongée selon la définition prévue à l’alinéa 42(2)a) du RPC. Il est évident que la division générale considérait toujours la question ouverte, contrairement à l’affirmation du membre à l’audience, et que sa conclusion selon laquelle l’appelante ne correspondait pas à la définition prévue par la loi semble incompatible avec ce qu’il a dit au représentant.

[24] Par conséquent, je suis convaincu que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle en garantissant au représentant de l’appelante à l’audience qu’il s’était acquitté du fardeau de prouver que sa cliente souffrait d’une invalidité grave et prolongée à la date de fin de la PMA. En agissant ainsi, juste avant que le représentant présente ses conclusions finales, la division générale l’a induit en erreur relative aux questions qui devaient encore être prouvées. Il est concevable (et même probable) que le représentant se soit fondé sur la certitude de la division générale et qu’il ait présenté ses observations finales en mettant moins l’accent sur la question de la gravité. Si oui, l’appelante a été privée de son droit de présenter son cas de la meilleure façon possible.

[25] Cette lacune en matière d’équité procédurale a été aggravée par le fait que la division générale n’a pas tenu sa promesse d’offrir au représentant l’occasion de présenter des observations écrites après l’audience relativement à la question du revenu d’emploi de l’appelante après la PMA. Le membre aurait réglé toute question en suspens qu’il avait à ce sujet par lui-même, mais la décision de renoncer à d’autres observations écrites pourrait encore une fois avoir privé le représentant de l’appelante de la possibilité de présenter un argument complet au nom de sa cliente.

Conclusion

[26] Pour les motifs exposés précédemment, l’appel est accueilli.

[27] L’article 59 de la LMEDS énonce la réparation que la division d’appel peut accorder pour un appel. Pour prévenir toute crainte de partialité, il convient en l’espèce de renvoyer l’affaire à la division générale pour qu’une nouvelle audience soit tenue devant un membre différent de la division générale. Je demande également au Tribunal de retirer la décision de la division générale datée du 22 juin 2016 du dossier.

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