Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La prorogation du délai et la permission d’en appeler sont refusées.

Introduction

[1] Dans une décision qu’elle a rendue le 27 mai 2016, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a déterminé qu’une pension du Régime de pensions du Canada (RPC) n’était pas payable à la demanderesse, puisque celle-ci n’était pas atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA) se terminant le 31 décembre 1997.

[2] Le 23 juin 2016, la demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler incomplète devant la division d’appel du Tribunal. À la suite de plusieurs demandes de renseignements supplémentaires, la demanderesse a complété sa demande de permission d’en appeler le 20 octobre 2016, soit après le délai prescrit à l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et le Développement social (LMEDS).

Question en litige

[3] Il me faut déterminer s’il y a lieu d’accorder une prorogation de délai pour la présentation de la demande de permission d’en appeler.

Droit applicable

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

[4] Aux termes de l’alinéa 57(1)b) de la LMEDS, une demande de permission d’en appeler doit être présentée à la division d’appel dans les 90 jours suivant la date à laquelle un demandeur reçoit communication de la décision. Au titre du paragraphe 57(2), la division d’appel peut proroger d’au plus un an le délai pour présenter la demande de permission d’en appeler.

[5] La division d’appel doit examiner et soupeser les critères énoncés dans la jurisprudence. Dans l’affaire GattellaroNote de bas de page 1, la Cour fédérale a établi les critères suivants :

  1. a) le demandeur doit faire preuve d’une intention constante de poursuivre l’appel;
  2. b) le retard a été raisonnablement expliqué;
  3. c) la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie;
  4. d) la cause est défendable.

[6] Le poids à accorder à chacun des critères énumérés dans l’affaire Gattellaro peut varier et, dans certains cas, différents critères peuvent s’avérer pertinents. La considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice — Canada c. LarkmanNote de bas de page 2.

[7] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la LMEDS, il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission, et c’est la division d’appel qui accorde ou refuse cette permission. Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[8] Aux termes du paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] Une demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audition au fond de l’affaire. C’est un premier obstacle que la demanderesse doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel elle devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, un demandeur n’a pas à prouver ses arguments.

[10] La Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si une partie a une cause défendable en droit revient à se demander si elle a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Canada c. HogervorstNote de bas de page 3 et Fancy c. CanadaNote de bas de page 4.

Régime de pensions du Canada

[11] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les conditions d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne reçoit pas une pension de retraite du RPC;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la PMA.

[12] Le calcul de la PMA est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date ou avant la date marquant la fin de sa PMA.

[13] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Observations de la demanderesse

[14] Dans sa demande de permission d’en appeler présentée le 23 juin 2016, la demanderesse a mentionné qu’elle avait des besoins financiers et qu’elle ne pouvait pas travailler, car elle s’était blessée à la tête et à la jambe. Dans une lettre datée du 28 juin 2016, le Tribunal a avisé la demanderesse que sa demande était incomplète et qu’elle ne contenait pas suffisamment de moyens d’appel. Il a rappelé à la demanderesse les moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS et lui a demandé de fournir des motifs détaillés expliquant pourquoi elle croyait que ses moyens allégués confèreraient à l’appel une chance raisonnable de succès. Le personnel du Tribunal a fourni des détails à ce sujet lors d’une conversation téléphonique le 7 juillet 2016 qui a eu lieu avec le fils de la demanderesse, lequel est également le représentant autorisé. Le 12 juillet 2016, la demanderesse a répondu à l’aide d’une courte note manuscrite dans laquelle elle a écrit qu’elle s’était cassé le dos et qu’elle avait besoin de l’aide de membres de la famille pour effectuer ses tâches personnelles et domestiques.

[15] Le Tribunal a présenté quatre autres demandes écrites au moyen de lettres datées du 21 juillet 2016, du 8 août 2016, du 22 août 2016 et du 15 septembre 2016 dans lesquelles il demandait à la demanderesse de fournir des motifs qui se rattachent à au moins un des moyens d’appel admissibles énumérés au paragraphe 58(1). Une tendance a commencé à se dessiner selon laquelle chaque lettre suscitait un (parfois deux) appel téléphonique de la part du représentant de la demanderesse, au cours duquel il tentait de comprendre ce qu’on lui demandait, suivi d’une lettre dont le contenu différait peu des lettres précédentes. Les réponses de la demanderesse étaient datées du 26 juillet 2016, du 12 août 2016, du 8 septembre 2016 et du 17 octobre 2016. Dans sa dernière réponse, elle a soutenu que « la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ». La demanderesse a ajouté que la justice naturelle a été identifiée comme l’une des composantes d’une audience équitable, notamment le droit d’être présent lors d’une affaire au moyen d’un forum impartial.

Analyse

[16] J’estime que la demande de permission d’en appeler a été présentée après le délai prescrit de 90 jours. Le dossier révèle que le défendeur a reçu la demande incomplète de permission d’en appeler le 23 juin 2016, mais celle-ci n’a été complétée que le 20 octobre 2016, soit 143 jours après que la décision de la division générale a été mise à la poste, et après l’expiration du délai de 90 jours prévu au paragraphe 57(1) de la LMEDS.

[17] Pour déterminer s’il convenait d’accorder un délai supplémentaire pour interjeter appel, j’ai examiné et soupesé les quatre facteurs énoncés dans l’affaire Gattellaro.

Intention persistante de poursuivre l’appel

[18] Bien que la demanderesse n’ait déposé une demande complète de permission d’en appeler qu’après l’expiration du délai prévu, je suis disposé à conclure qu’elle avait une intention persistante de poursuivre l’appel puisque sa demande incomplète initiale a été présentée bien avant l’expiration du délai prévu pour le dépôt de la demande et qu’elle a fait suite à sa demande par la suite.

Explication raisonnable du retard

[19] La demanderesse n’a fourni aucune explication pour son retard à compléter son appel, bien que je doive noter que dans les nombreuses lettres rédigées à son intention, le personnel du Tribunal ne lui a jamais demandé explicitement de fournir un motif. Cependant, il est évident à la lecture du dossier que le retard est survenu en raison des tentatives répétées du Tribunal d’obtenir ce qu’il estimait être des motifs suffisamment détaillés pour demander la permission d’en appeler. Par conséquent, je suis prêt à donner à la demanderesse le bénéfice du doute sur cette question.

Préjudice à l’autre partie

[20] Il est peu probable que la prorogation du délai pour interjeter appel cause préjudice aux intérêts du défendeur étant donné la période de temps relativement courte qui s’est écoulée depuis l’expiration du délai prévu par la loi. Je ne crois pas que la capacité du défendeur à se défendre, vu ses ressources, serait indûment amoindrie si la prorogation du délai était accordée.

Cause défendable

[21] La demanderesse laisse entendre que la division générale a rejeté son appel en dépit d’une preuve médicale démontrant que son état était « grave et prolongé » selon les critères relatifs à l’invalidité au sens du RPC. Mis à part cette allégation générale, la demanderesse n’a pas précisé la façon dont la division générale aurait manqué à un principe de justice naturelle, commis une erreur de droit ou tiré une conclusion de fait erronée en rendant sa décision.

[22] Essentiellement, les observations de la demanderesse consistaient, en fait, en une simple reformulation de sa demande d’invalidité sur laquelle la division générale s’était déjà prononcée. Malheureusement, la division d’appel n’est pas habilitée à examiner de nouveau des demandes d’invalidité sur le fond. Bien que les demandeurs ne sont pas tenus de prouver les moyens d’appel qu’ils invoquent à l’étape de la demande de permission d’en appeler, ils doivent néanmoins décrire, à l’appui de leurs observations, certains fondements rationnels qui cadrent avec les moyens d’appel énumérés au paragraphe 58(1) de la LMEDS. Il ne suffit pas à un demandeur de simplement déclarer qu’il est n’est pas d’accord avec la décision de la division générale, pas plus qu’il ne lui suffit d’exprimer sa conviction persistante que ses problèmes de santé le rendent invalide au sens du RPC.

[23] Après avoir été sollicitée grandement, la demanderesse a fourni un argument relatif à la justice naturelle, suggérant, en des termes très généraux, que la division générale lui a refusé le droit d’être entendue et qu’elle a fait l’objet d’impartialité. Cependant, en l’absence de précisions démontrant, précisément, comment la division générale a mené une instance de manière inéquitable, j’estime que ces motifs ne confèrent pas à l’appel une cause défendable.

[24] D’après mon examen de la décision et de la preuve sous-jacente, j’estime que la division générale a analysé les problèmes de santé de la demanderesse, notamment ses maux de tête et sa douleur chronique au dos, et la façon dont elles affectaient sa capacité à régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice. La division générale a ainsi tenu compte de l’éducation et des antécédents professionnels de la demanderesse avant de conclure qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir l’existence d’une invalidité au cours de sa PMA, laquelle a pris fin il y a près de 20 ans. La décision de la division générale se terminait par une analyse qui donne à penser qu’elle a évalué les éléments de preuve comme il se doit et qu’elle avait un motif défendable pour appuyer sa conclusion. Je ne trouve rien qui démontre que la division générale aurait ignoré l’un ou l’autre des éléments de preuve dont elle disposait ou qu’elle n’en aurait pas adéquatement tenu compte.

[25] La demanderesse ne m’a pas convaincu que son appel a une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[26] Après avoir soupesé les facteurs susmentionnés, j’ai déterminé que la présente affaire n’est pas un cas où il convient d’accorder une prorogation du délai de 90 jours pour faire appel. J’ai estimé que la demanderesse avait une intention persistante de poursuivre son appel et j’ai jugé qu’elle avait une explication raisonnable justifiant le délai pour présenter sa demande de permission d’en appeler. J’ai également considéré qu’il était peu probable qu’une prorogation du délai cause préjudice aux intérêts du défendeur. Cependant, j’ai estimé que l’appel n’avait pas de chance raisonnable de succès, et c’est ce dernier facteur qui a été déterminant; j’estime qu’il ne sert à rien d’accueillir cette demande afin de présenter un appel complet puisque celui-ci est voué à l’échec.

[27] D’après les facteurs énoncés dans l’affaire Gattellaro et dans l’intérêt de la justice, je refuse d’accorder une prorogation du délai pour interjeter appel aux termes du paragraphe 57(2) de la LMEDS.

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